Le débat sur le discours haineux a vu apparaître ces dernières années une nouvelle catégorie d’arguments inspirés des neurosciences. Selon la psychologue Lisa Feldman Barrett (2017), prendre au sérieux les connaissances actuelles sur le cerveau implique de remettre en question la distinction traditionnelle entre la propagande haineuse et la violence physique. En créant un environnement hostile pour certains individus, le discours haineux produit des effets physiologiques à l’échelle cérébrale qui peuvent s’avérer physiquement dommageables. Il a été démontré par exemple qu’un environnement stressant pouvait rendre malade (Miller & Chen 2010), altérer certains circuits cérébraux (Teicher & al.) et même détruire des neurones (Thomas & al. 2007), autant de phénomènes qui peuvent affaiblir le système immunitaire et, à long terme, réduire l’espérance de vie. Le but de la présente conférence est d’examiner la validité des arguments qui s'appuient sur de telles données empiriques pour justifier une limitation accrue de la liberté d’expression. En me penchant sur la célèbre loi de Hume (1739, 1759), qui affirme l’impossibilité logique de déduire des prescriptions morales à partir de jugements de nature factuelle, je chercherai à identifier les conditions à partir desquelles les neurosciences peuvent jouer un rôle dans le débat contemporain sur le discours haineux tout en évaluant leur potentielle force persuasive du point de vue des opposants à un plus grand contrôle de ce discours.
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