Informations générales
Événement : 88e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 400 - Sciences sociales
Description :La problématique du colloque s’insère dans le débat de l’exercice de la fonction professorale, dans le contexte de la montée de la nouvelle gestion publique (NGP) dans les universités.
La NGP est présentée comme la clé de l’amélioration des services publics. Pourtant, les pratiques de gestion qui en découlent soumettent les universités à des logiques de normalisation et de contrôle, basées sur des objectifs de réduction des coûts, d’efficacité (remise en question des modes d’organisation du travail) et d’efficience (par un réexamen des missions et des responsabilités des acteurs parties prenantes). Ainsi, on attend de la recherche universitaire qu’elle produise des retombées économiques et que les programmes d’enseignement s’arriment aux besoins du marché du travail. Dans le secteur universitaire, la quête d’économie, d’efficacité et d’efficience prend une signification et une portée particulièrement emblématiques en raison de ses impacts sur les tâches, les fonctions et les responsabilités des professeur.e.s, surtout lorsque la collégialité attachée organiquement à leur fonction est mise à mal. En d’autres mots, la NGP introduirait dans les universités des pratiques de gestion incompatibles avec sa mission fondamentale et sa gestion collégiale. Si les indicateurs de mesure du rendement et d’évaluation de la performance individuelle et institutionnelle offrent des mesures (nombre et valeur des subventions et des contributions, nombre de diplômés, coût par étudiant, durée du programme), ils ne témoignent pas pour autant de la qualité des programmes d’enseignement et de recherche.
La NGP ferait perdre aux professeur.e.s l’autonomie liée à leur fonction, l’autonomie se définissant par la discrétion et la maîtrise que peut exercer une personne dans l’exercice de son travail. Par ailleurs, les pratiques de la NGP entraîneraient de la détresse psychologique chez les professeur.e.s. Des pressions pour publier, une course aux demandes de subvention, une surcharge de travail, une bureaucratie subie et autres sont autant de facteurs qui menaceraient la santé et la qualité de vie au travail des professeur.e.s.
Le colloque sera divisé en trois séances et une table ronde. Les trois séances s’articuleront autour d’un sous-thème : les manifestations de la NGP dans les universités, l’autonomie dans l’exercice de la fonction professorale et la qualité de vie au travail. La table ronde réunira des panélistes qui discuteront des pistes d’action, tant individuelles que collectives, susceptibles d’être mises en œuvre pour soutenir l’autonomie des professeur.e.s et leur qualité de vie au travail.
Remerciements :Les responsables de ce colloque remercient la Fédération des professionnèles (FP-CSN) ainsi que le service de recherche de la CSN pour le soutien accordé à ce projet (https://fpcsn.qc.ca/2019/02/07/soutenir-la-fonction-professorale-afin-dassurer-la-realisation-de-la-mission-du-reseau/).
Date :Format : Uniquement en ligne
Responsables :- Louise Briand (UQO - Université du Québec en Outaouais)
- Henriette Bilodeau (École des Sciences de la Gestion (ESG) - UQAM)
- Marie-Laure Dioh (UQO - Université du Québec en Outaouais)
- Sid Ahmed Soussi (UQAM - Université du Québec à Montréal)
- Geneviève Hervieux (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Programme
Mot de bienvenue
Manifestations de la nouvelle gestion publique dans les universités
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Communication orale
« One is never doing enough ». Nouvelle gestion publique et détérioration des conditions du travail professoral dans les universités anglaisesLouis Demers (ENAP - École nationale d'administration publique)
Le Royaume-Uni compte parmi les pays qui ont expérimenté le plus tôt certains préceptes de la nouvelle gestion publique (NGP) et qui ont poussé le plus loin leur application. Au cours des 40 dernières années, une série de mesures législatives et institutionnelles ont contribué à transformer les universités anglaises en entreprises privées, mises en concurrence pour attirer les étudiants nationaux et étrangers et assujetties à des normes de rendement contraignantes; leurs dirigeants en patrons d’entreprise fortement rémunérés et recrutés non plus au sein de l’institution mais à l’extérieur; leurs étudiants en clients endettés à la suite de la diminution draconienne du financement public des universités et du rehaussement consécutif des droits de scolarité; et leurs professeurs réguliers en une minorité à la liberté universitaire menacée, au sein d’un personnel enseignant et de recherche précarisé par le recours au zero-hour contract.
Plusieurs études et sondages menés dans les universités anglaises ont fait état d’une dégradation générale des conditions de travail, d’une culture de travail toxique et de l’accroissement consécutif de problèmes de santé mentale. Cette présentation vise à nourrir la réflexion des participants du colloque sur les effets que pourraient avoir un recours accru à des mesures inspirées de la NGP sur les conditions de travail et la liberté universitaire dans les universités québécoises.
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Communication orale
Définition, origine et mise en œuvre de la nouvelle gestion publique au Québec.François Bolduc (Université Laval)
Depuis le début des années 2000, l’administration publique québécoise a connu des changements s’appuyant sur des fondements idéologiques et politiques communs. Au-delà des particularités sectorielles, ces changements prennent racines dans un même courant, la nouvelle gestion publique, et partagent une même représentation du rôle des secteurs public et parapublic, de leur gestion et de leur rapport aux citoyens. L’objectif de cette communication est de tracer un portrait général de ce courant. Pour ce faire, nous débuterons par définir la nouvelle gestion publique pour ensuite porter une attention particulière à sa mise en œuvre au Québec.
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Communication orale
Les déclinaisons de La Nouvelle gestion publique (NGP) dans les universités québécoisesJean Bernatchez (UQAR - Université du Québec à Rimouski)
La Nouvelle gestion publique (NGP) remplace graduellement le mode bureaucratique. Hood (1991) repère alors dans les pratiques les traits de ce nouveau mode de gestion. Parmi les principes qui caractérisent la NGP figure l’attention portée aux processus avec l’adoption de méthodes inspirées du secteur privé. Cependant, plusieurs chercheurs observent les dérives de ce mode de gestion (Mongkol, 2011). Aussi, de manière paradoxale, l’institutionnalisation de la NGP se déploie au même rythme que son dépassement (Charbonneau, 2012). Au Québec, la Loi sur l’administration publique de 2000 consacre l’institutionnalisation de la NGP. De manière spécifique à l’éducation, des modifications successives à la Loi sur l’Instruction publique rendent opératoire la gestion axée sur les résultats. Une panoplie d’instruments est créée pour donner suite à cette volonté dans le réseau scolaire. La NGP n’est pas une pratique prescrite dans les universités, mais son influence y est manifeste. La compétence, une des notions témoins de notre époque (Ropé et Tanguy, 1994), en est le vecteur : c’est un savoir-agir qui permet de mobiliser des ressources en situation réelle. Dans notre communication, après une mise en contexte, nous présenterons des exemples de déclinaisons de la NGP dans les universités québécoises. Nous développerons ensuite l’idée que les professeurs devraient défendre le modèle d’une université de service public libre et autonome (Demers, Bernatchez et Umbriaco, 2019).
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Communication orale
Déqualification du travail professionnel : les effets de la NGP sur l’autonomie professionnelleStéphanie Demers (UQO - Université du Québec en Outaouais)
Les professionnels sont des travailleurs disposant d’un ensemble de savoirs spécialisés dont ils contrôlent collectivement, culturellement, l’évolution et sans lesquels les institutions – universités, cégeps, écoles - ne sauraient remplir leur mission. Des forces endogènes et exogènes façonnent leur travail. Elles incluent des dimensions singulières, tels les buts, les répertoires de représentations et d’outils constitués par expérience, ainsi que des dimensions partagées et normatives qui composent une culture professionnelle (Zapata, 2009). Celle-ci dessine et dépend des paramètres de l’autonomie professionnelle, cette capabilité à définir les fins de son travail, identifier les moyens pour les atteindre et en évaluer les effets. Les pressions externes seraient incarnées dans les injonctions sociopolitiques et institutionnelles (Maguire, 2010), qui prennent une place accrue sous la Nouvelle gestion publique (NGP). Prônant l’ouverture du secteur public aux approches managériales de l’entreprise privée, la NGP transforme le citoyen en client-consommateur de services et biens publics, dans un marché orienté par la concurrence, la rationalisation des ressources, l’efficacité et la performativité comme gages de retour sur l’investissement. Cette communication abordera les mécanismes par lesquels la NGP assure conséquemment la surveillance et le contrôle du travail et alimente la déqualification, la réduction de l’autonomie et l’aliénation professionnelle.
Autonomie dans l’exercice de la fonction professorale
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Communication orale
L’autonomie : entre liberté et indépendance. Regards croisés de Thucydide à Isaiah BerlinSerigne Touba Mbacké Gueye (UQAT - Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue)
Polysémique et controversé, le concept d’autonomie, au travers des siècles a fait l’objet de plusieurs examens tantôt discursifs tantôt subversifs. Pourtant, aussi difficile à comprendre soit-elle, l’autonomie suscite désir, passion et souci dans toutes les sphères de la vie. Elle est souvent convoquée comme clause indiscutable dans les rapports de forces politico-sociaux, parfois considérée comme droit inaliénable dans les luttes socio-économiques et toujours soulevée comme arme contre l’autorité destructrice de liberté et d’épanouissement. Pourtant, l’autonomie n’a jamais fait l’objet d’un consensus sémantique. C’est certainement ce qui fait sa force et son charme, lesquels lui valent des usages multidimensionnels et pluridisciplinaires en tout point riches de sens et de discernements. En effet, notre communication s’inscrit dans une logique de démantèlement sémantique consistant à traiter du concept d’autonomie de Thucydide dans la Guerre de Péloponnèse à Isaiah Berlin dans les Deux concepts de liberté texte de sa leçon inaugurale à l’Université d’Oxford en 1958. Qu’est-ce que l’autonomie ? Quelle valeur substantielle détient-elle au point d’être toujours voulue et souhaitable ? Peut-il y avoir autonomie là où sévissent des relations hiérarchiques ou de pouvoirs asymétriques ? ? Autant de questions auxquelles nous tâcherons de répondre dans notre communication en nous appuyant sur des penseurs de l’autonomie abstraction faite de tout penchant idéologico-politique.
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Communication orale
L’autonomie des professeures, professeurs à l’épreuve de la nouvelle gestion publiqueLouise Briand (UQO - Université du Québec en Outaouais), Marie-Laure Dioh (Université du Québec en Outaouais), Sid Ahmed Soussi (Université du Québec à Montréal)Présentation Slideshare
Cette recherche s’inscrit dans le contexte du recours aux mécanismes de gestion inspirés de la nouvelle gestion publique et de leur mise en œuvre dans les établissements du réseau de l’Université du Québec (UQ). Son objectif est de comprendre en quoi ces nouvelles pratiques de gestion contribuent à resserrer le contrôle exercé sur la fonction professorale, voire à réduire l’autonomie des professeur-es dans la réalisation des composantes de leur tâche (enseignement, recherche, services à la collectivité et administration pédagogique). Elle vise aussi à expliciter l’influence de ces nouveaux outils de gestion (plans, redditions de compte, imputabilité, etc.) et de leur logique globale sur la collégialité et la cogestion, caractéristiques propres aux universités du réseau. La collecte de données réalisée auprès des professeur-es œuvrant dans les dix établissements du réseau, s’est faite par le biais d’un questionnaire en ligne et d’une vingtaine d’entrevues semi-dirigées destinées à approfondir les données obtenues par questionnaires. Les résultats obtenus permettront de dresser un portrait actualisé et révélateur des mécanismes de gestion ayant eu pour conséquences, notamment, de réduire significativement l’autonomie des professeur-es dans la réalisation des volets de leur fonction. Nos conclusions permettront également de souligner les principaux enjeux auxquels ils sont confrontés et d’identifier des pistes d’action pour eux-mêmes et pour les syndicats qui les représentent.
Dîner libre
Qualité de vie au travail
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Communication orale
Risques psychosociaux du travail, responsabilités familiales élevées et détresse psychologique des femmes : une étude prospective de 5 ansChantal Brisson (Université Laval), Mahée Gilbert-Ouimet (UQAR - Université du Québec à Rimouski), Michel Vézina (Université Laval)
Les problèmes de santé mentale constituent la troisième cause de morbidité dans le monde. Au Canada, les coûts directs annuels de ces problèmes de santé sont majeurs (51 milliards de dollars). La détresse psychologique est un facteur de risque reconnu de la dépression majeure. Assumer de multiples rôles, comme ceux de mère et de travailleuse, dans des conditions stressantes peut occasionner une détresse psychologique. La présente étude a évalué, pour la première fois, l’effet d’une exposition simultanée à des risques psychosociaux du travail et à des responsabilités familiales élevées sur la détresse psychologique auprès de 1062 femmes québécoises occupant un emploi de col blanc.
Dans cette étude prospective de cinq ans, les résultats démontrent qu’une exposition aux risques psychosociaux du travail augmentait la prévalence de la détresse psychologique chez les femmes de l’étude. Contrairement à ce qui était attendu, les responsabilités familiales n’accentuaient pas l’effet néfaste de ces risques psychosociaux. Ces résultats renforcent l’importance de cibler les risques psychosociaux du travail pour améliorer la prévention primaire des problèmes de santé mentale des femmes.
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Communication orale
La nouvelle gestion publique (NGP) et l’érosion de l’âme des professeures et professeurs d’universitéHenriette Bilodeau (Université du Québec à Montréal), Pascale Denis (Université du Québec à Montréal), Geneviève Hervieux (Université du Québec à Montréal), Angelo Soares (UQAM - Université du Québec à Montréal)
La Nouvelle Gestion Publique (NGP) vise la performance, l’excellence, l’amélioration continue en cherchant l’élimination des toutes formes de gaspillages. Elle prône la concurrence interne et externe favorisant l’exclusion des éléments les plus faibles du groupe. Le mot d’ordre est « faire plus, mieux et plus vite avec moins » et les normes de productivité sont axées sur des critères quantitatifs. Dans nos universités, l'excès d'accroissement des performances mène à une érosion de l’âme des professeur.e.s. Notre objectif sera d'identifier et analyser les conséquences de cette NGP à partir des résultats d’une recherche sur la qualité de vie au travail d’un groupe de professeur.e.s universitaires au Québec.
Notre étude quantitative a permis d’identifier que les problèmes sont associés à la surcharge de travail (78 % des répondant.e.s estiment avoir une surcharge de travail) et au manque de reconnaissance (35,7% des répondant.e.s soulignent une faible reconnaissance pour le travail accompli). Un aspect important, les événements stressants dans la vie privée n’influencent que d’une manière très marginale les problèmes de santé mentale des professeur.e.s.
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Communication orale
La qualité de vie au travail des professeures et professeurs universitaires : Une réalité ou un objectif ?Henriette Bilodeau (Université du Québec à Montréal), Pascale Denis (Université du Québec à Montréal), Geneviève Hervieux (UQAM - Université du Québec à Montréal), Angelo Soares (Université du Québec à Montréal)
En 2008, la Fédération québécoise des professeur.es d’université soulignait l’évolution de l’institution universitaire et les profondes réflexions que suscitait alors le retrait progressif de l’État québécois du financement de l’enseignement supérieur. Leclerc, Bourassa et Macé (2017) confirmaient les signes de détresse psychologique liés à la culture universitaire et aux conditions d’exercice du travail professoral. Notre objectif était de vérifier empiriquement les liens potentiels entre la santé mentale associées à la qualité de vie au travail (QVT) et des facteurs organisationnels chez des professeur.es d’une université québécoise.
Parmi les résultats obtenus, nous avons observé une proportion significative de répondants ayant des niveaux élevés de détresse psychologique (47,7%) et d’épuisement émotionnel (40%). Quant au risque d’idéation suicidaire, 25% des répondants présente un niveau de désespoir moyen à sévère. Ces résultats suggèrent une QVT fragilisée pour une proportion importante des répondants. Quant aux variables organisationnelles, la surcharge de travail prédit significativement le niveau de détresse, d’épuisement, de dépression et de désespoir des professeur.es répondants. D’autres variables organisationnelles (cohérence des valeurs, communication, reconnaissance) seraient associées à la présence de problématiques de santé mentales diverses.
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Communication orale
Comment se portent les professeures et professeurs de l’Université Laval : portrait de la situationClaire Bilodeau (Université Laval), Marc Desgagné (Université Laval), Eric Frenette (Université Laval), Ghislain Leveillé (Université Laval), Benoit Raymond (Université Laval)
L’état de santé de professeures et professeurs de l’Université Laval sera analysé sous trois angles différents : Nous ferons d'abord état des résultats préliminaires d’une étude sur leur bien-être au travail. Nous vous montrerons ensuite des données de leur régime d’assurances collectives qui donnent une idée de leur santé psychologique : utilisation de services de psychologues, consommation d’antidépresseurs et d’anxiolytiques. Nous regarderons ensemble les statistiques d’invalidité des huit dernières années. Cette présentation fournira un portrait de la situation actuelle et de son évolution récente.
Pistes d’action individuelles et collectives
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Communication orale
Passion, compétition, aliénation : La liberté de l'angoisseMichel Lacroix (UQAM - Université du Québec à Montréal)
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Communication orale
La mobilisation des universitaires en France contre la loi LPR, porteuse de la Nouvelle gestion publique (NGP) : quels enjeux pour le syndicalisme universitaire ?Donna Kesselman (Université Paris-Est Créteil)
La communication reviendra sur le mouvement engagé dans les universités en France contre la loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur (dite « LPR » qui a finalement été promulguée le 24 décembre 2021. L'autonomie-privatisation des universités françaises introduite par la Loi LRU (Loi relative aux libertés et responsabilités des universités) de 2007, et qui a mis en place des budgets propres aux établissements, se voit aggravée par la loi LPR, qui mine le statut national des enseignants-chercheurs. Ces deux lois font progresser la Nouvelle gestion publique dans les universités, remettent directement en cause l'autonomie de l'enseignement et de la recherche, dont les professeurs ont pu bénéficier grâce aux statuts nationaux publics. Une discussion sera engagée sur la signification de la loi ainsi que sur l'efficacité de la grève et des autres actions de contestation à l'université, de surcroit à distance depuis la pandémie. Quels sont les enjeux pour le syndicalisme à l'université ?