C'est après avoir lu sur l'accès aux études supérieures pour les étudiants de première génération aux États-Unis que la chercheure et professeure Carole Vezeau s'est demandée si le problème se posait aussi Québec.
[Colloque 533 - Influence persistante de l'origine sociale sur l'accès et la persévérance aux études supérieures : partage des connaissances sur les étudiants issus des groupes sous-représentés]
PrologueJe suis ce qu'on appelle une étudiante de première génération. Ni mon père, ni ma mère, n’a atteint un niveau de scolarité supérieur au secondaire. Je suis la première de ma famille à réaliser des études supérieures. J’ai donc, vous le devinez, été particulièrement attentive aux propos de la chercheure.
963 étudiants sous analyseC'est après avoir lu sur l'accès aux études supérieures pour les étudiants de première génération (EPG) aux États-Unis que la chercheure et professeure Carole Vezeau s'est demandée si le problème se posait aussi Québec. Elle a alors sondé 963 étudiants au collégial répartis dans les Cégeps Gérald Godin, Sorel-Tracy, l'Assomption et Joliette. À l'analyse, la chercheure a été surprise de constater des écarts marqués, à ce niveau de scolarisation, entre les EPG et ceux dont les parents ont atteint un niveau de scolarité supérieur au secondaire.
Étant moins bien soutenue par leurs parents, la première génération a plus de difficulté à s'adapter au milieu et se perçoit comme étant moins compétente que les autres. Les aspirations scolaires des EPG sont donc plus limitées. Selon les données recueillies par Mme Vezeau, un étudiant sur trois aurait songé à abandonner deux mois après le début de ses études collégiales comparativement à un sur cinq pour les autres. « De façon générale, les différences se vivent à l'arrivée au collège. À la première session, on voit un rendement plus faible chez les EPG, mais pour ceux qui se rendent à la quatrième session, le problème n'est plus là. Ils réussissent tout aussi bien que les autres », constate la chercheure.
Selon elle, c'est donc dès l'entrée qu'il faut agir en leur donnant des outils et les aidant, s'ils ont des problèmes, à trouver des ressources. « Il n’est peut-être pas nécessaire d’instaurer un accompagnement formel qui viendrait de l'administration ou des directions de services, mais tout simplement un accompagnement, par exemple par d'autres étudiants qui ont vécu la même situation et qui ont persévéré. Les échanges et les communications pour obtenir des conseils et du soutien pourraient même se faire par l'entremise des réseaux sociaux », suggère-t-elle.
Engagement scolaire et perception du milieuCarole Vezeau souligne que les étudiants de première génération sont tout aussi motivés et intéressés par leurs travaux et ne s'absentent pas plus que les autres. « Au niveau du fonctionnement, il n'y a pas beaucoup de différences. Le décalage est plus dans le sentiment de bien être de l'étudiant et le fait de se sentir à sa place ». Les effets se font notamment sentir quand ils sont confrontés à un choix ou lorsqu'ils font face à un échec ou à une difficulté. « Ils ne savent pas quoi faire, et ils ne peuvent en parler à leurs parents qui ne connaissent pas les ressources d'aide, tels les aides pédagogiques individuelles (API) ou les centres d'aide.» observe-t-elle.
Mme Vezeau a aussi mesuré le choc culturel vécu par les EPG qui entrent à l’université. Sur 1946 étudiants de l'Université du Québec à Montréal (UQAM), en 1ère année d’étude, elle a relevé que la majorité des EPG ont une plus grande crainte de l'endettement et doute plus du rapport «coût - bénéfices» d'entamer des études universitaires.
La chercheure et professeure souhaiterait éventuellement étendre l'échantillonnage de son étude à d'autres universités où les EPG sont encore plus minoritaires qu'à l'UQAM. De fait, à l'Université McGill et l'Université de Montréal, ils représentent à peine 20% des étudiants.
ÉpilogueJe suivrai avec intérêt la suite de ces travaux qui, je vous l’avoue, ont eu beaucoup de résonnance avec ma propre expérience. L’entrée fut difficile pour moi aussi, il est vrai, mais d’un cours à l’autre, on gagne en confiance, en expérience, en autonomie. On apprécie aussi l’opportunité d’accéder à l’éducation supérieure, et bien sûr, on est très sensible aux questions d’accessibilité...
- Geneviève Quevillon
JournalistePrésentation de l’auteureGenevieve Quevillon est étudiante en dernière année de baccalauréat de journalisme à l’Université du Québec à Montréal. Impliquée dans plusieurs médias étudiants et communautaires, son approche est collaborative et ses savoirs multidisciplinaires. Autonome et créative, Genevieve aime trouver des angles originaux qui font comprendre le plus aisément possible l’essentiel d’une information à ses publics.
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