Informations générales
Événement : 90e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 400 - Sciences sociales
Description :Ces dernières années, les études sur les plantes ont été profondément renouvelées. On s’est en effet rendu compte à quel point le végétal est resté largement impensé (Coccia 2016). Bien qu'ils soient omniprésents, les végétaux sont en fait difficiles à appréhender. Leur puissance affective notamment, laquelle agit sur, dans et à travers nous, est largement ignorée. Inspirée par la philosophie, l’anthropologie propose depuis quelques dizaines d’années de nouvelles façons de composer avec le végétal. Le colloque vise à explorer un éventail de thématiques contemporaines situées au nexus humain-plante, avec un intérêt particulier pour les recherches qui dépassent la plante ou l’humain comme entités discrètes pour s’intéresser à ce qui se créée dans la rencontre. Les approches ou méthodes qui prennent corps depuis le végétal, comme apprendre à écouter les plantes, à devenir attentif à leurs vitalités (Chudakova 2017 ; Nathen 2018), étirant nos habiletés perceptives (Gibson 2018), nous incitant à « devenir- senseur » (Myers 2016), voire devenir-plante (Laplante et Brunois-Pasina 2020), sont d’intérêt particulier, sans être exclusives. Il peut s’agir d’écritures vivantes ou performatives, voire aussi appelées poétiques ou phénoménologiques permettant de rester proche des contextes et pratiques ou évitant des formes d’écritures objectivantes, voir celles que Taussig (2018) qualifie d’écritures « agribusiness ». Nous proposons de plonger dans les plis de la vie des végétaux, au sens de Michaux (1990) ou de l’approche rhizomique de Deleuze et Guattari (1980), voire d’explorer la diversité de ce que Hustak et Myers (2012, 2020) appellent des récits involutifs, laissant place aux affects, aux textures, aux sensations, aux arômes, aux vitesses et aux lenteurs végétales.
Plusieurs recherches dans ce domaine en anthropologie se sont portées sur les usages que les humains font des plantes ou ce que les plantes font aux humains, il demeure que les potentiels affectifs imprévisibles et toujours en suspens, sont moins abordés (Laplante et Brunois- Pasina 2020). Il s’agit donc d’explorer de nouvelles méthodologies plus attentives aux sens et aux affects, et de questionner autant la recherche elle-même que la façon dont l’on en rend compte. D’une manière plus pointue, il s’agit de se demander comment ces nouvelles façons d’aborder le végétal et d’en rendre compte ont un potentiel transformateur, contribuant à une recomposition des mondes (Latour 2006). En effet des recherches et des formes d’écriture qui décomposent le monde peuvent participer à la prise en compte du problème de la plantation, mais il faut des formes d’écritures plus dynamiques ou performative afin de favoriser la prolifération de la vie végétale, voir son compostage. Le caractère innovant de la recherche repose donc sur ces prémisses qu’il reste à explorer aussi aux niveaux littéraires, audiovisuel et artistique.
Dates :Format : Sur place et en ligne
Responsables : Partenaires :Programme
Arbres, arts et écritures
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Communication orale
Représenter, présenter, prestance: quelles plantes écrivons-nous ?Florence Brunois - Pasina (Collège de France)
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Communication orale
L’arôme du thé —la précarité et la présence des viesZhen Qin (Université d’Ottawa)
Lorsqu’une feuille est détachée d’un arbre, sa vie commence à s’éteindre biologiquement. Au fur et à mesure du flétrissement, une autre forme de vie émerge, soit l’arôme. Les notes aromatiques qui se développent dans le thé chinois sont constamment variées et révèlent la présence des vies enchevêtrées. La formation de l’arôme du thé est non seulement liée aux gènes innés de la variété de théiers, mais ne peut être séparée du milieu vécu de l’arbre et du processus de traitement des feuilles de thé. Le milieu de stockage des feuilles de thé finies, les multiples microflores rencontrées dans la fabrication et la fermentation, et même la différence entre les personnes, les ustensiles et les méthodes au cours du processus d’infusion, produisent ensemble les différents arômes de différents thés ou d’un même thé. La précarité est une condition de vie, et aussi une méthodologie pour mener la recherche sur et avec le thé. Basé sur le terrain anthropologique en cours au sujet du thé pu’er dans la province du Yunnan au sud-ouest de la Chine, la communication consistera à expliquer comment l’arôme du thé se fait remarquer, et comment il permet d’éveiller les perceptions et les vies composées.
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Communication orale
Artisans chocolatiers et biodiversité : révéler les saveurs cachées des fèvesCatherine Villeneuve (UdeM - Université de Montréal)
Et si la diversité des variétés du cacao était mise de l’avant dans la confection du chocolat, comme l’est celle des cépages dans la confection du vin? C’est le pari que prennent des chocolatiers, à Montréal et partout à travers le monde, en s’inscrivant dans le mouvement de confection du chocolat bean-to-bar, ou de la fève à la tablette. Cette présentation s’intéressera au rapport particulier que ces artisans du cacao développent avec leur matière première et comment ce dernier contribue à la naturalisation du produit hautement manufacturé qu’est le chocolat. Comment les sens peuvent-ils devenir le moteur de la conservation de la biodiversité cacaoyère? Pour éclairer cette question, cette communication consistera en une brève exploration du choix des saveurs du chocolat par les chocolatiers en fonction de leur projet de mise en valeur de la biodiversité cacaoyère. La présentation portera une attention particulière à la façon dont les sens des chocolatiers interviennent dans ce processus, en faisant de véritables artisans du cacao.
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Communication orale
Les relations humains-arbres dans le néo-druidisme : perspective émique et étiqueNicolas Boissière (UQAM - Université du Québec à Montréal), Pascal Eloy (UdeS - Université de Sherbrooke)
Depuis le XVIIIe siècle, d’abord en Europe puis progressivement ailleurs dans le monde, des individus font revire le druidisme, c’est-à-dire la religion préchrétienne des peuples celtes, dans ce qu’il est convenu d’appeler le néo-druidisme. Pour ces pratiquants, il s’agit ainsi de reconstruire et réinventer les croyances, pratiques et connaissances des anciens druides dans l’optique notamment de rétablir des relations avec la « nature » considérées comme plus « authentiques » que celles habituellement vécues dans l’Occident contemporain. À travers une perspective émique et étique, nous proposons dans cette communication de documenter et d’analyser plus particulièrement les relations néo-druidiques entre les humains et les arbres, considérés entre autres comme des êtres dotés d’agentivité. Pour ce faire, nous entrecroiserons nos deux voix afin de mettre en perspective le point de vue du druide cheminant dans cette tradition depuis une dizaine d’années et celui de l’anthropologue ayant conduit pendant cinq ans une enquête au Québec. Cette double perspective sera alors pour nous l’occasion de mettre en œuvre une « co-diffusion » des résultats de recherche, dans le but de faire perdurer après le terrain notre collaboration ethnographique, de même qu’un moyen de rendre plus inclusivement compte de cette relationnalité aux arbres.
Visite de la forêt nourricière et d'une zone végétalisée sur le campus UdeM
Afin de vivre un moment en contact avec le milieu naturel et agricole urbain, nous vous proposons une courte visite des jardins se trouvant sur le campus de de l'Udem. L'attention sera portée sur la gestion différenciée des espaces; l'histoire de regard, perception et définition du beau entourant ce projet et celui de jardinières, leurs polémiques et rétroactions.
dîner
Pratiques, affects et végétaux
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Communication orale
Bugheddu, une cérémonie de cueillete des végétaux dans le Djurdjura.Houria Abdennebi-Oularbi (Tizi ouzou, Algérie.)
L’enquête sur les activités agro-pastorales qui prévalaient au XIXème siècle quand les tribus étaient encore souveraines dans le Djurdjura nous a montré l’importance de la cérémonie de tri des plantes en altitude à yennayer, période de soudure dans l’agriculture vivrière. Nous avons accompagné en ce sens A-H 90ans, une villageoise qui s’apprêtait à pétrir la galette du nouvel an (ahbul n yennayer) . Nous l’avons vue froisser les végétaux, en humer l’odeur et en rejeter certains. Elle triait les végétaux en se situant dans l’environnement comme de cueillir les champignons sous un chêne là où ils sont toujours comestibles. Le savoir des plantes dépendait plus de la connaissance de l’environnement , du temps de cueillette que des propriétés inhérentes aux plantes. Elle affirmait que quand elle suspectait le venin dans une plante elle la présentait au chat. En 1943, une famille qui avait consommé des champignons est décédée. Pourtant les botanistes Letourneux et Corson qui ont sillonné le Djurdjura avant la conquête du massif ne mentionnent pas dans leurs écrits cette activité féminine de tri des plantes de disette et médicinales. À peine font-ils référence aux usages que les autochtones font de certaines plantes. Nous avons là deux approches différentes de la place et du rôle des végétaux. Nous allons voir quelle influence a eu l’administration des forêts sur ce savoir féminin. Quelles différences d’approche des végétaux présentent les botanistes et ces villageoises.
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Communication orale
Lâche pas la patate ! Parcours andin d'un dessillement du regard et de l’écritureIngrid Hall (UdeM - Université de Montréal)
Au pied de sommets de la cordillère des Andes, sous le soleil brûlant du mois de juin, je suis assise auprès de Juan et Ventura. Nous sommes placés autour d’un monticule regroupant les pommes de terre nouvellement récoltées et notre tâche est de trier les petits tubercules qui seront plantés la prochaine campagne. Reconnaître les semences qui donneront une belle récolte est une grande responsabilité pour moi, mais mes interlocuteurs m’incitent à me lancer. En discutant de choses et d’autres, avec l’aide patiente (et rieuse) de mes hôtes, j’apprends en observant, en tâtant, en frottant la terre. Peu à peu, je comprends qu’il est essentiel de déchiffrer les « yeux » des pommes de terre, à savoir lire leur état animique. Cette expérience m’a incitée à reconsidérer ma perspective de chercheuse, à questionner la nature même de ces tubercules que nous manipulions, à m’intéresser à sa socialisation, avec des pairs, des humains et d’autres être encore. Dans cette intervention, je propose de revenir sur ce cheminement, sur l’importance que le concept d’écologie affective (Hutsak et Myers 2020) a pris dans l’analyse, et sur les choix d’écriture qui en ont découlé.
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Communication orale
Renouer. Intercession(s) d’une plante « invasive » dans les relations d’une ville avec ses friches industriellesKarine Vanthuyne (Université d’Ottawa)
La renouée du Japon est généralement considérée comme « une plante invasive ». Elle est classée parmi les 100 espèces les plus préoccupantes par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Elle n’est cependant pas exempte de qualités, alors qu’elle permet entre autres de stabiliser les éléments métalliques dans les sols pollués.
Ma présentation découle d’un projet de recherche-action participative mené depuis le printemps 2021 dans des friches industrielles de St-Etienne, France, où poussent des renouées. À travers trois gestes techniques que mon équipe pluridisciplinaire et moi avons ritualisés et collectivisés avec des habitants du quartier de Crêt de Roc - soient le fanage, le déchiquetage et le compostage de la renouée là où elle pousse (et non là où on l’aurait planté) - nous documentons les capacités de phytoremédiation de la renouée tout en interrogeant les conventions d’usage des sols (contaminés ou non) en milieu urbain. Dans cette communication, j’examinerai plus particulièrement comment les pratiques de soin que nous avons ritualisées et collectivisées autour de la renouée encouragent la (ré)émergence de relations affectives, voire de rapports intimes (Lyons 2018, Tironi 2018), entre citadins et friches industrielles.
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Communication orale
Pour l’amour des plantes : sur l’art de répondre aux caprices végétauxLéanne Baillargeon (UdeM - Université de Montréal)
Lors de mon travail ethnographique auprès de jardiniers.ères québécois.es, je me suis intéressée aux soins qu’ils et elles prodiguent à leurs plantes dans leurs potagers personnels et collectifs. D’une manière intéressante, il est ressorti de mes entrevues que cette relation de soin implique non seulement une réponse aux besoins de base des plantes en tant qu’êtres vivants et végétaux, mais aussi éventuellement une attention (Boke, 2019) aux demandes individuelles de ces plantes et une relation affective d’importance (Archambault, 2016), dans laquelle plantes et humains dialoguent et échangent des affects. En effet, il semble que le jardinier gagne un savoir situé (Haraway, 1988) sur les besoins de ses plantes à travers des expériences spécifiques au jardin dans lesquelles les plantes agissent comme guides (Nathen, 2018). Ainsi, c’est l’acte de s’engager entièrement dans le processus de devenir-avec (becoming-with) (Haraway, 2003) les plantes, de vivre dans leur monde et d’en découvrir les règles qui permet au jardinier d’apprendre comment s’allier avec elles et les écouter pour bien répondre à leurs préférences. L’évolution de la relation humain-plante au fil de cet engagement suggère aussi que chacun des partenaires s’y retrouve affecté et transformé (Haraway, 2003).
Poétiques et approches créatives depuis les plantes
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Communication orale
Pour une compréhension expérientielle du nexusIsabelle Miron (UQAM - Université du Québec à Montréal)
À partir de deux exemples tirés de l'élaboration de mon recueil L'estran (Possibles Éditions/Corne de brume, 2022), ma communication portera sur la contribution de la méditation bouddhiste à instaurer, dans une pratique de création littéraire, une expérience éthique du nexus humainplante.
Si les connaissances sur la relation intrinsèque entre les plantes et l'humain ne suffisent pas à changer la relation aux plantes de ceux et celles ayant intégré l'ontologie naturaliste (Descola, 2005), le recours à une expérience sensible informée de ces connaissances apparait comme voie riche de possibles. En effet, nous ne vivons guère dans la conscience de notre expérience corpo-cognitive intime, qui est la source même de nos relations avec le monde (Varela, Thompson et Rosch, 1993), et qui module, le plus souvent à notre insu, notre capacité d'entrer en relation avec lui et la qualité même de cette relation.
C'est justement cela qu'apporte la pratique de la méditation bouddhiste: une étude empirique, mais systématisée, de notre expérience corpo-cognitive, procurant une compréhension inégalée de notre fonctionnement relationnel constitutif, c'est-à-dire de notre « soi en tant que nexus » (Callicott, 2017). Cette compréhension expérientielle menant à un agrandissement et un assainissement de notre rapport au vivant (Macy in Hunt-Badiner, 1990) peut alimenter et redéfinir profondément la pratique artistique, jusqu'au statut même de l'artiste.
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Communication orale
Les plantes en poésie : plusieurs points de fuite et quelques frictionsOctave Chicoteau (UdeM - Université de Montréal)
Dans le discours poétique traditionnel, certains topoi se sont cristallisés autour de figures botaniques, comme le motif de la femme-fleur ou celui de l’arbre-monde. On retrouve aussi ce processus sur le plan étymologique, par exemple avec le mot « florilège », ou, plus inattendu, le terme « anthologie », formé à partir du grec anthos (fleur) et de legein (cueillir, choisir).
En fait, il existe des liens affectifs structurels entre poèmes et végétaux, mais ces liaisons ont pour la plupart valeur de catachrèse, c’est-à-dire d’anciennes métaphores vives que l’usage a en quelque sorte fossilisées : plus personne ne visualise ainsi d’herbier au moment de consulter un re-cueil comme Les Fleurs du Mal… Par conséquent, les relations humain-plante sont, en poésie, menacées par une forme réductrice d’anthropomorphisme : le symbole, qui crée une friction créative entre deux sèmes, tend à y devenir un stéréotype où la part autre-qu’humaine est toujours résorbée par le prisme anthropocentré.
Cependant, la littérature contemporaine offre un cadre privilégié pour les rhétoriques réflexives et métalinguistiques. De nouvelles écritures florales sont donc inventées : le nœud symbolique s’y reforme ou, au contraire, l’asymétrie demeure mais s’inverse, et c’est le point de vue végétal qui prime alors sur le regard humain. Je propose d’explorer deux ou trois de ces esthétiques, notamment à partir du Wild Iris de Louise Glück et d’À travers un verger de Philippe Jaccottet.
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Communication orale
Mise en œuvre d’une démarche de cocréation artistique avec les arbresChristine Tougas (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Mes recherches concernent la relationnalité avec les arbres. Celle-ci peut d’abord être pensée comme une manifestation de ce que l’on appelle l’écospiritualité (Becci 2022). Mais elle renvoie aussi à des ontologies non naturalistes (Descola 2019) que j’ai pu explorer lors de mes terrains précédents, en examinant les rôles et les responsabilités mutuelles des arbres et des Atikamekw (Tougas 2016) et en étudiant les peintures rituelles de la communauté des Warli en Inde (2013).
Dans le cadre de mes études doctorales, je m’intéresse plus spécifiquement à l’expérimentation de l’essence de l’arbre, d’un point de vue énergétique et sensible (Bouchardon 2011 ; Kooistra 2014 ; Pelt 1996) dans le but de cocréer des productions artistiques. Je m’appuie sur mes précédentes enquêtes ethnographiques, sur mes ressentis et expériences ainsi que sur la littérature scientifique (Wall Kimmerer 2015 ; Morizot 2020 ; Simard 2021). Mes créations artistiques sont imprégnées de ma relationnalité avec l’énergie des arbres et je crée de nouveaux matériaux organiques en fonction des enseignements reçus.
La posture épistémologique de ma démarche artistique et anthropologique s’inspire du concept d’écosophie (Guattari ; 1989) dans l’optique d’une amorce réflexive sur la place de l’humain dans son environnement en lien avec le vivant.
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Communication orale
La prégnance des plantes de la jungle cofán: ivresses, magies et vitalités médicinales qui perdurent dans la narcose anthropo(s)cénique.Daniel Alberto Restrepo Hernández (Université d’Ottawa)
Putumayo : zone de multiples frontières, où les ainé.e.s du peuple cofán coexistent avec le brio inquiétant de la jungle, les armées illégales et le trafic des chaînes primaires de la cocaïne. L’itinéraire (autant ethnographique que phyto-poïétique), proposé dans cette présentation, a donc lieu dans des milieux autochtones en délitement post-amazonien (le recul de la jungle devant l’expansion de la monoculture de coca). Dans cette narcose moderne aux maintes violences, les notions de médicine, drogue et plante cérémonielle doivent être pensées autrement, ainsi que les idées de ce qu’une plante peut être et devenir, dans et avec une écologie en transmutation anthropo(s)cénique et chamanique. Dans ces terroirs mouvementés, les plantes déploient des puissances vitales, enivrantes et magiques, des modes d’existence qui circulent d’un vivant à l’autre de manière ouverte. Ainsi, dans l’entre-deux d’une jungle pleine de vitalités et de dangers en suspension et d’une réalité sociale irritée en suspens (sous contrôle armé), ce sont les taïtas et les abuelas (ainé.e.s guérisseur.e.s) qui infléchissent les puissances des plantes en circulation vers une sorte de pharmacopoïèse, soit dans un devenir médicinal. Une anthropologie au service communautaire à travers de la peinture murale entre dans le mélange animé des forces des plantes narcotiques et médicinales et des formes de violence en jeu, à la croisée des prégnances vitales et meurtrières de ces nouveaux et anciens mondes sauvages.
Sensations et atmosphères
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Communication orale
Art-iculations des méthodes ethnographiques et multiespècesAndrea Petitt (Southasia Institute of Advanced Studies (SIAS))
Dans nos terrains il manque des mots
Parmi les humains, plantes et animaux
C’est nous qui faisons la traduction
Et nous pouvons traduire d’une autre façonLes dessins et les poèmes
Peuvent sembler un peu bohèmes
Mais ils montrent un autre univers
Que n’apparaitra pas dans des phrases ordinairesIl faut noter les données qu’on a perçues
Sinon, plus tard, on va être déçus
Mais comment savoir combien et lesquelles
Parmi toutes les impressions sensorielles?Les méthodes artistiques nous encouragent
D’inclure aussi dans nos ouvrages
Tout qui semble encore flou
Et ça, mes amis, ce n’est pas fouLe flou permet des ouvertures
Les possibilités pour le futur
Des communications non-verbales
Les connaissances hivernalesL’analyse avec des méthodes artistiques
Nous nous éloignons de la statistique
Rester inconfortable entre les lignes
Trouver des significations dans les signesLa dissémination artistique, enfin
Nous permettrons d’aborder les confins
De l’écriture normative de l’académie
Et évoquer les connections d’empathie -
Communication orale
Écriture filmique et plantes : le développement de nouveaux regards (égards) senseurs.Sylvie Lapointe (UdeM - Université de Montréal)
Cette présentation fait état de ma démarche en cours. Elle a été initiée par un questionnement relatif au colonialisme interne (González Casanova, 2006) et métamorphosée en un processus d’écologisation des rapports aux mondes (Coccia, 2020).
Autour et en nous, nous avons dressé des relations dégradées avec les espèces, nous nous sommes déconnectés et positionnés en surplomb; ces effets engendrent des crises notamment celle de l’habitabilité de notre planète (Coccia, 2018) et de la sensibilité face au vivant (Morizot, 2020).
Les plantes, leurs histoires, leur évolution sont demeurés en dehors de notre champ de vision (du monde). La reconfiguration de nos échanges avec elles implique notamment un engagement relationnel sensible, une disposition à une ontologie hybridée qui demande curiosité et capacité de se laisser apprivoiser par la plante (Demeuleneare et al. 2008).
Le cinéma est peut-être un des instrument aux pouvoirs efficaces pour faire-sentir une expérience sensible du monde. Alors s’amorce le désir de transposer ces savoirs-données en de nouveaux égards-senseurs incarnés dans une nouvelle écriture filmique, initiant des mouvements plus sensibles vers l’autre, avec d’autres attentions ajustées.
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Communication orale
Comment peut-on s'intéresser aux transformations écologiques des milieux-myrique aux Îles de la Madeleine à travers des approches anthropologiques?Victor Pelletier (Université d’Ottawa)
Je propose de développer cette question notamment à travers des approches qui portent davantage attention au végétal en ouvrant les potentiels relationnels que l’on relie à l’érosion aux Îles de la Madeleine qui s’avèrent nécessairement anthropologiques, à travers les sensibilités-myrique. Le myrique des îles, une plante peu documentée et pourtant omniprésente aux Îles de la Madeleine, est unique pour ses odeurs et son ancrage dans des sols variés, dont en bordure des caps rocheux en érosion. À partir de modes d’attention reliés non exclusivement au «art of noticing » de Tsing, à la solidarité avec le végétal dans une planthroposcène, ou à l’anthropologie sensorielle , j’offrirai des pistes de réflexion sur des milieux de vie qui s’effritent ou qui se régénèrent, à travers des expérimentations audiovisuelles. Ces dernières explorent les frontières entre méthodologie et résultat de recherche, entre anthropologie et cinéma expérimental, mais aussi entre érosion et accrétion, vitesse et lenteur, distance et proximité à travers des inspirations artistico-théoriques en résonance avec Boudreault-Fournier, Myers ou Bateson.
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Communication orale
L'Osmose avec la Matière : Atmosphères d'Attachement dans la Pratique Contemporaine de l'AlchimieHarry Danon (Université McGill)
À partir de mon terrain ethnographique de Master réalisé auprès de praticiens de l’alchimie en France et en Italie, je souhaite explorer la manière dont des pratiques de transformation de plantes en alchimie cristallisent, au travers d’un savoir-faire technique, un savoir-être s’épanchant au-delà des limites du contact avec les plantes elles-mêmes. À l’appui d’une vignette ethnographique sur la production d’un élixir de mélisse avec Édouard, un praticien vivant à Angoulême, je commencerai par détailler ce que mes informateurs appellent une « osmose avec la matière », autrement dit un état de syntonie affective entre plantes et praticiens. J’expliquerai ensuite que cette « osmose » possède à la fois une valeur technique - c’est un lieu d’échange indexant la réussite ou l’échec des opérations de transformation – et cosmologique – c’est un médium de découverte des processus fondamentaux à une conception alchimique de la vie végétale, animale et minérale. En prenant en compte ces deux aspects, je proposerai pour finir de comprendre l’ « osmose » comme le lieu de production d’atmosphères (Ben 2009; Ben & Ash 2015) affectives. Coextensives à la rencontre humain-plante, ces atmosphères sont diffractées en un savoir dont la dimension non-représentationnelle véhicule une forme particulière d’être-au-monde. Ce dernier point sera illustré par une autre vignette tirée de ma rencontre avec Marc, un ex-praticien vivant en Vendée.
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Communication orale
Quand le minéral évoque le végétal; souffle de rapé épicé, dessin et envoûtements camerounaisDariel Helmesi (Université d'Ottawa), Julie Laplante (Université d’Ottawa)
Remède guérisseur, le rapé est typiquement une poudre de tabac soufflée directement dans le nez pour transformer l’état de veille dans les pratiques chamaniques en Amérique du Sud avec lesquelles nous sommes familières. Nous sommes par ailleurs auprès d’un guérisseur bantou et fondateur de l’Association de recherche en anthropologie des médecines (ARAM) en périphérie de Yaoundé ou en forêt ancestrale camerounaise en Afrique. L’ocre rouge colore le séjour alors que sa poussière saupoudre tout lorsqu’elle retombe, ainsi qu’anime lorsqu’inspiré, intensifiant l’expérience ainsi qu’amenant ailleurs, le minéral attirant notre attention aux airs du végétal. L’air nous tiens en suspension avec les particules, microorganismes, vibrations soniques et autres mélanges, il nous maintient dispersés dans une composition avec d’autres suspensifs et suspendus (Choy et Zee 2015). C’est à partir d’expériences partagées d’une composition aérienne singulière que nous rendons compte d’impressions, textures, teintes et saveurs de souffle de rapé épicé. Dans cette co-écriture, le dessin procure « un espace interstitiel d’activité » (Taussig 2018) permettant d’amener ces consciences imageantes au texte qui habite cet entre-deux en suspens, soit sur le point où se franchissent les seuils faisant passer du virtuel à l’actuel, du sommeil à l’éveil, de la poussière de fer dans l’air à la sensation végétale cosm(olog)ique.
dîner planthropolab
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Communication orale
Compréhension de la vibration soignante des plantesAmos Roger Kañaa (Association pour la Recherche en Anthropologie de Médecine Traditionnelle (ARAM)), Angele Ngo Logsend (ARAM)
La communication entre les végétaux se présente dans la forêt en restituant dans ce labyrinthe du végétal, de l’animal et du minéral, un aspect général des humains et non humains des transmissions énergétiques qui se positionnent et se matérialisent comme des vecteurs de potentiels de vie. Ces derniers s’arrangent et se disposent comme tel, afin d’être écouté en permanence avec les autres êtres vivants. Une communication s’instaure par la pose des repères qui visent l’ensemble de ce qui doit être remis en état, de soigner ou de manger. Il s’agira de discuter comment les pratiques de l’Association de recherche en anthropologie des médecines (ARAM) à Yaoundé au Cameroun, se font à partir de ces potentiels de guérison. Le rétablissement de l’humain malade, entretenu dans l’ensemble de son être par la nature de la plante, désigne les affects pour le patient ; c’est ce qui est plus que fondamental dans la compréhension de la complexité de la puissance affective des plantes. Elles agissent à travers elles-mêmes, en ressortant l’ensemble distinct de leurs devenir dans les êtres malades pour la guérison. Ces affects apportent assez souvent des soins au toucher, par des vibrations soignantes, à travers les contacts qui établissent une masse bénéfique entretenue entre les plantes et les non humains traversée par des ondes et ou vibrations inaudibles, à travers des mixtures végétatives sèches et souvent imbibées, nécessaires au bon fonctionnement de l’ensemble de l’existence.
Écritures végétales et politiques
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Communication orale
Écriture végétale et politiques d’une recette de pâte de pimentsAmélie-Anne Mailhot (UQAM - Université du Québec à Montréal)
L’écriture avec les plantes permet l’ouverture de sites d’investigation sur nos manières d’habiter; sur les paradoxes et les compromis, le caractère palimpseste de nos ancrages. Elle permet de suivre les histoires politiques et leurs manifestations par bouturage, marcottage, semis; il y a une fluidité dans les modes d’existence et d’habitation du végétal, une fluidité dans la transformation qui permet de raccorder, sur un même thème, des événements et des lieux, des récits et des expériences. Une capacité à se transplanter, reprendre ailleurs, se disséminer, une résilience et une fragilité mais surtout un caractère collectif, un besoin de relations végétales, animales, minérales, atmosphériques qui invite à opérer, dans l’écriture, des mises en relation non-linéaires, multiples. La respiration et les alliances créées par cette écriture végétale contribuent à agir à rebours - ou plutôt à travers - des plantations, monocultures et oppressions multiples de l’habiter colonial, pour reprendre l’expression de Malcom Ferdinand. Par l’exploration entrecroisée des situations mises en lumière par la réalisation d’une recette de pâte de piments, et suivant le fil du végétal, la présente communication, procédant par fragments et sur un mode narratif, exposera cette conception de l’écriture du/avec le végétal de manière performative.
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Communication orale
C'est assez avec le THC/CBD: méthodes d'écriture de notes de terrain en respectant les relations humain-cannabisnina Barbosa
De l'été 2021 à l'hiver 2022, j'ai rejoint et suivi la première coupe légale de cannabis canadienne pour ma recherche de terrain de maîtrise. L'approche méthodologique se fait en tant qu'apprentie auprès d'un cultivateur de cannabis expérimenté que j'ai rencontré en ligne et qui a accepté de me guider à travers ma participation à la coupe de cannabis. Je veux ainsi discuter de cette première expérience à faire du terrain à Ottawa-ouest, en Ontario, Canada. L'impossibilité de sentir (ou de pouvoir être affectée par) les arômes d'un bourgeon de cannabis dans un dispensaire a fourni l'impulsion initiale pour cette recherche. C'est ensuite en me laissant prendre (affecter) dans le moment et en apprenant à partir de l'expérience que cela a ouvert une approche pour ma recherche. <<Ëtre prise>> (affectée) pour Favret-Saada, est de connecter directement à l'expérience humaine d'être engagée dans le terrain lorsqu'on y est invité, mais c'est aussi affecter à son tour. Je veux discuter en quoi les approches sensorielles ont guidé ma recherche, ainsi que fait ressortir comment il est possible de se faire prendre par les textures, arômes et goûts d'une plante, mais aussi par une obsession de calcul de pourcentage d'une molécule active extraite de son contexte. Il s'agira de discuter en quoi l'une et l'autre forme d'ensorcellement amènent différentes sortes d'écritures.
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Communication orale
L’actée bleu, la grossesse et l’herboristerie: en cherchant un équilibre entre crise et lenteurEmma Slaney Gose (Université d’Ottawa)
La grossesse présente un moment où les femmes vont souvent utiliser des remèdes à base de plantes lorsque que leur accès aux solutions pharmaceutiques se complique. Or, les plantes médicinales sont fréquemment présentées comme dangereuses, ou souffrent d’une réputation mixte, mélangeante, et nébuleuse face à une lacune de recherche et de motivation financière. Comme nouvelle herboriste, étudiante en anthropologie, et femme actuellement enceinte, je propose une exploration de ce terrain chargé. En particulier, je vise d’integrer dans cette discussion une plante régionale, l’acteé bleu ou Caulophyllum thalictroides. Reconnue comme une espèce sauvage de sous-bois à risque de l’Amérique du Nord, c’est une plante médicinale historiquement consommée par les femmes Indigènes en préparation pour l’accouchement, et aussi utilisée par les herboristes et fabricants de supplément. L’histoire de l’actée bleu demeure riche, divisante, et compliquée. En précisant les risques et bénéfices portés par elle, je soulignerais aussi les approches variées des herboristes envers cette plante. Cela apporte des implications non seulement pour le traitement des femmes enceintes, mais aussi comment naviguer les désastres précipités par le colonialisme de peuplement et la destruction de l’environnement.