Informations générales
Événement : 88e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 300 - Lettres, arts et sciences humaines
Description :La pandémie n’a pas provoqué seulement l’interruption de la vie sociale dans ses manifestations usuelles, ni seulement une concentration familiale, avec la réclusion et le confinement. La pandémie fonctionne comme un « révélateur » de la situation réelle de nos sociétés, du plan politique plus large à celui des convictions privées, comme les croyances religieuses. Les rites sont au cœur de processus à un double titre : en tant que pratiques sociales, les rites ont été interrompus, voire mis en pause; mais en tant que pratiques symboliques, leur fragilité et leur force, leur infirmité et leur utilité ont été mises au clair, notamment sur trois plans : celui de la relation entre le pur et l’impur qui caractérisait les sacrifices; celui du degré de définition et de délimitation des rites en tant que pratiques sociales et symboliques, c’est-à-dire, dans la terminologie de Victor Turner, l’aspect de la « liminalité »; et celui de l’horizon utopique et du sens du temps, comprimé dans une sorte de corrélation avec le confinement spatial. La pandémie a ainsi bouleversé des aspects rituels largement oubliés dans le contexte de la modernité et de la postmodernité. Cette situation oblige, par conséquent, à revenir sur ces dimensions d’un point de vue critique; un point de vue ethnologique, herméneutique (historique, socioreligieux) et symbolique.
Dates :Format : Uniquement en ligne
Responsables :- Ângelo Cardita (Université Laval)
- Pascal Lardellier (Université de Bourgogne)
Programme
Penser la ritualité à l’épreuve de la pandémie
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Communication orale
Rites de Radhasoami dans les temps de COVID-19Diana Dimitrova (UdeM - Université de Montréal)
Cette présentation se concentre sur les rites modifiés dans la tradition hindoue de réforme Radhasoami au Québec dans les temps de COVID-19. J’aborde le sujet d’une perspective historique et ethnographique, en discutant les rites du Radhasoami pendant le satsang (service religieux collectif) et puis en analysant plusieurs aspects importants d’accommodement et de modification de ces rites dans les temps de COVID-19. Quelles sont les implications de la transformation du satsang en un satsang électronique et quelles sont les enjeux de la transmission du service en Zoom? En suivant Victor Turner, l'accent est mis sur les questions concernant la religion, la transformation des rites et la création d’un nouvel espace, cette fois-ci un nouvel espace virtuel, créé en Zoom. Les questions suivantes figurent parmi celles auxquelles cette présentation voudrait apporter une réponse : est-ce que les nouveaux espaces, pratiques et rituels fournissent une « spiritualité-COVID-19 » alternative? Comment cela pourrait-il contribuer à la construction de nouvelles structures et de nouveaux espaces de spiritualité, de pensée, d'être, et de croyance? Est-ce que cette modification rituelle et spirituelle de la communauté Radhasoami mène à l'isolement et à la marginalisation, ou est-ce qu'il contribue à l'intégration dans le nouvel espace virtuel ?
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Communication orale
Corps réels, corps virtuels, corps chamaniques : du virtuel au rituelLaurie Barat (Université Toulouse UT2J)
Il est un dialogue qui se mène sur le terrain de l’innovation et qui depuis quelques années suscite l’intérêt de la recherche en sciences humaines : c’est le dialogue qu’entretiennent le designer et l’anthropologue au sujet de la liminalité, notamment au sujet du corps augmenté. La posture du designer consiste à forger des objets de désir pour les corps, celle de l’anthropologue culturel, à observer la trace laissée par les objets sur les corps dans une culture. Tous deux s’entendent sur le fait que le désir est facteur de conquête et de développement. Depuis l’avènement du fantasme utopique d’un monde hors-sol de possibilités illimitées lié à l’apparition d’internet, se pose la question du corps qui pourra habiter ce nouveau territoire. Le dernier défi en date imposé aux designers par la crise du Covid-19 est celui de réduire l’angoisse liée à l’isolement et à la distance mise entre les corps réels. Dans ces conditions, que peuvent ensemble l’anthropologue et le designer ? Ils peuvent ensemble créer le rituel qui permettra la liminalité, une autre expérience du virtuel. Notre thèse est que le corps chamanique rejoue la notion de la physicalité hors-les-os, s’emparant de la physicalité de l’autre, de l’animal, du végétal, du minéral, du virtuel, libérant l’espace de son propre corps pour d’autres forces, d’autres désirs, d’autres expressions.
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Communication orale
Du rite comme masqueÂngelo Cardita (Université Laval)
La pandémie a ajouté à notre gestualité quotidienne de l’habillement et de l’hygiène celle du masque. Ce geste et cet objet évoquent des situations rituelles encore présentes dans le monde du théâtre et de la mise en scène. Si l’on s’y arrête, on arrive aux racines de nos conceptions anthropologiques et éthiques. Le masque de la tragédie grecque – prosopon – est devenu la persona. Le visage met en scène l’injonction au respect de la dignité humaine dans l’interaction avec un autre, qui nous apparaît sous le masque de son visage. Le christianisme aura joué un rôle décisif dans cette transformation de l’objet rituel externe en marque de l’individualité de la personne. Non seulement le Christ, mais aussi tout être humain est « l’image de Dieu ». La dimension rituelle réapparaît dans le contexte sacramentel avec la doctrine de l’action du ministre in persona Christi. Le masque en tant qu’objet rituel est disparu, remplacé par l’action rituelle du sujet. On y voit le christianisme comme la religion de la fin de la religion, transformant l’extériorité rituelle en intériorité personnelle. Pour cette raison, les actions humaines peuvent être lues dans une perspective rituelle. Le masque dans le contexte de la présente pandémie n’est pas que fonctionnel, mais évocation des racines rituelles de la symbolique fondamentale de l’attention éthique à l’autre.
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Communication orale
La Covid-19 et les pratiques rituelles musulmanes au CamerounHassan Mohamadou (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Au Cameroun, les restrictions à la liberté de rassemblement rendues nécessaires par la Covid-19 ont affecté particulièrement les organisations religieuses, chrétiennes et musulmanes. Les premières mesures gouvernementales ont restructuré radicalement le mode du rituel du religieux/musulman dans l’ensemble du pays. De la distanciation sociale au cours des prières quotidiennes au dé-confinement des lieux de culte en passant par le scellage temporaire des lieux d’expression de la foi, l’interdiction de l’office hebdomadaire de vendredi et des prières nocturnes ainsi que des activités religieuses du mois sacré de ramadan, la Umma camerounaise a le sentiment de perdre ses rites quotidiens les plus importants. Des débats théologiques et jurisprudentiels ont été menés non seulement entre les intellectuels musulmans à travers les média sociaux afin de canaliser la pensée de la Umma, mais également entre les fidèles musulmans et les décideurs politico-religieux. Dès lors, comment la Umma camerounaise s’est-elle modelée avec cette nouvelle configuration de la pratique rituelle pendant cette crise ? Cette communication se propose d’analyser et de comprendre la pratique rituelle musulmane en période de crise dans le contexte camerounais. À travers les catégories et les théories normatives des intellectuels musulmans, nous allons revenir sur le débat jurisprudentiel des pratiques rituelles de l’islam au Cameroun, avant d’analyser ce débat selon le tropisme politique et religieux.
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Communication orale
Les autopsies rituelles bamiléké à l’épreuve de la Covid-19 : analyse anthropologiqueCélestin Wagoum (Université de Yaoundé I)
Dans la culture et l’imaginaire des Bamiléké de l’Ouest-Cameroun, la mort ne met pas un terme à la vie, mais elle la prolonge. Perçue comme rite de passage, la mort est synonyme de translation d’un mode d’existence à un autre. Pour cette raison, les pratiques funéraires qui ont cours dans cette région ont pour but de faciliter l’ancestralisation du défunt. Depuis l’apparition de la pandémie de la Covid-19, les pouvoirs publics ont pris des mesures en vue d’endiguer la contamination des masses, dont notamment la confiscation des morts par la Covid-19 et l’interdiction de la manipulation des cadavres. Ces mesures constituent un obstacle à la pratique des autopsies rituelles chez les Bamiléké. Pour mieux décrypter cette réalité liée aux morts de la Covid-19, la présente réflexion anthropologique s’inscrit dans le champ théorique de l’anthropologie des représentations sociales ou de l’imaginaire. L’essentiel des résultats escomptés s’articule autour de considérations relatives à l’organisation des funérailles par rapport à l’orthodoxie culturelle dans le contexte de la nouvelle idéologie funéraire depuis l’apparition de la Covid-19.
La pandémie à la lumière des Ritual Studies
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Communication orale
Le masque et le verbe : la communication politique numérique d’Emmanuel Macron au risque de la pandémie de la Covid-19Alexandre Eyries (Université de Bourgogne Franche-Comté)
Dans cette intervention on se propose d’analyser la communication poli-tweet du Président de la République Française Emmanuel Macron en pleine crise sanitaire liée à la Covid-19 à l’aune d’une volonté permanente de réassurance adressée à la population française. Ce type de communication se manifeste par l’omniprésent appel à porter en toutes circonstances le masque (chirurgical, en tissu, lavable, etc…) érigé en bouclier permettant de tenir à distance le coronavirus et de le combattre efficacement. Cette injonction à porter le masque pour se protéger de la Covid-19 devient dans la stratégie communicationnelle du Chef de l’État français le levier d’une opération symbolique réussie de « purge des images » (L. Sfez). On se propose ainsi d’analyser dans un premier temps la figure du masque à la fois comme un topos rhétorique et comme un point d’ancrage sémiotique de la communication politique numérique du Président de la République puis, dans un second temps, de la confronter aux pratiques buissonnières et braconnières en matière de port du masque d’Emmanuel Macron lui-même dans l’espace public.
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Communication orale
Le vote au temps du virus : les élections politiques françaises au gré de la tempête épidémiqueIsabelle Mathieu (Université de Bourgogne)
Depuis son apparition, la pandémie n’a cessé de bousculer le rite électoral, imposant son propre rythme au calendrier politique préétabli, dénaturant les campagnes électorales, perturbant les opérations de vote : avec un premier confinement qui est venu s’intercaler entre les deux tours des élections municipales en 2020 ; une menace de reconfinement qui a contraint à reporter de six mois les élections départementales et régionales, lesquelles viennent maintenant se heurter à la campagne qui s’ébauche déjà pour la séquence des « élections-mères » que sont la présidentielle et les législatives, prévues pour le printemps 2022. Cette communication se propose d’analyser comment la pandémie de Covid 19 affecte le vote dans sa dimension rituelle. En tant que rite instituant, au cours duquel le corps social désigne en son sein ses représentants, l’élection politique peut être lue comme un processus liminal qui distingue les gouvernants des gouvernés. Les perturbations temporelles et matérielles que la pandémie provoque dans le déroulement de ce rituel invitent à explorer la dimension communicationnelle du vote. Nous l’observerons à travers l’analyse des élections municipales du printemps 2020.
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Communication orale
Gestes barrière et port du masque à l’école primaire : interférences communicationnelles, altérations des rites et des rituels, atteintes plurielles à la sacralité de l’écoleVirginie Dargère (Université Jean Monnet), Christophe Dargère (Centre Max Weber)
Nous envisageons de traiter les contraintes communicationnelles à l’école, contraintes relatives aux gestes barrières imposés pour éviter la propagation de la Covid-19. Notre thèse et que ces contraintes entravent les rituels à l’école au point d’altérer la dimension « sacrée » de l’institution scolaire. Nous nous appuyons sur nos observations et expériences dans nos pratiques quotidiennes dans le but de valider les hypothèses suivantes : 1) Le port du masque semble toucher à la « sacralité » de l’élève, et de ce fait, à la « sacralité » de l’école : il semble être une atteinte à la dignité, à l’intégrité du sujet-élève qui subit une « profanation » de son identité, une violation du territoire de son « soi ». Ceci aboutit à une mortification identitaire, un « sacrilège » anthropologique. 2) Nous considérons que la socialisation communicationnelle par le visage et la communication quotidienne sont réduites à néant, de ce fait la mission civilisatrice de l’école est remise en question. 3) Les interactions de la vie quotidienne entre tous les acteurs de l’école sont formatées par les gestes barrière, en soit légitimes dans un contexte pandémique, mais ces gestes barrière interfèrent et détournent les fondements de la communication humaine. 4) Le protocole inhérent aux distances physiques modifie les contours du territoire du moi en situation communicationnelle et enraye, là encore, l’apprentissage des fondements de la socialisation communicationnelle.
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Communication orale
La soutenance de thèse, une « denrée symbolique » numérisable ? « Zoom » sur la désincarnation d’un rite académique majeurPascal Lardellier (Université de Bourgogne)
La crise pandémique qui affecte notre époque a des conséquences symboliques très fortes dans maints registres. Ainsi dans la sphère académique, un rite d’une très haute intensité dramaturgique et à haute valeur symbolique, la soutenance de thèse a été de plus en plus contrainte de se dérouler en « semi-présentiel » voire en « distanciel intégral », « par la force des choses », parce que vint un moment où les soutenances devaient avoir lieu, pour ne pas pénaliser les candidat.e.s au grade. La question théorique qui sera traitée durant cette communication sera de savoir ce qu’on gagne, en quelque sorte, et ce qu’on perd, à cette désincarnation de la soutenance, pour cause de la Covid. Quels sont les méta-discours, les stratégies d’apparition à l’écran et d’occupation de l’espace numérique ? Comment une soutenance se préside-t-elle quand le jury est « présent in absentia », par la grâce de la technologie ? Et quels sont « malgré tout » leurs indices et signes de ritualisation ? On proposera une analyse comparative, se fondant sur notre propre expérience que l’on pourrait qualifier d’observation participante. Mais sera aussi prise en compte la répartition des rôles, les effets de mise en scène et de dramaturgie, dans une perspective goffmanienne. Sera aussi fait appel à des verbatim recueillis lors d’entretiens semi-directifs. La mise en perspective se fondera sur une attention scrupuleuse apportée à la littérature académique de référence sur ce domaine.
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Communication orale
Mis en marge, pour deux mois ou pour toujours : extériorisations de différents reclus forcésStéphane Amato (Université De Toulon), Éric Boutin (Université de Toulon)
De très nombreuses personnes ont mal vécu le confinement, assimilé à un moment de « liminalité ». Cela a été renforcé par l’émergence de rites communautaires, comme par exemple faire du bruit aux balcons. Ces manifestations bruyantes constituent un véritable phénomène rituel destiné à maintenir un lien horizontal ainsi que, dans une quête de verticalité, à conjurer les forces du ciel d’éliminer ce virus « diabolique » (« qui divise » ou « qui désunit »). Dans la même période, de nombreuses personnes en situation de handicap ont exprimé l’idée suivante : « Pour nous, le confinement, c’est tout le temps ». Cela contribue à favoriser l’« extériorisation » sur Internet. Nous avons observé des messages postés par des personnes se présentant comme étant en situation de handicap, sur la plateforme de microblogging Twitter, dans la période du premier confinement en France. Ces messages ont tendu à émerger de façon isolée et à ne générer que peu d’interactions. Cependant, il est possible, dans une perspective de ritualité numérique, d’imaginer des usagers en position de « lurking », s’appropriant l’idée et la diffusant reformulée, en son propre nom (ou pseudonyme). C’est cette hypothèse que nous voulons considérer ici en symétrie et formellement dans les mêmes proportions avec le confinement. Nous mettrons ainsi en parallèle ces deux formes d’extériorisation, pour amorcer une analyse concernant ce qui les unit et ce qui les oppose dans leurs dimensions symboliques et rituelles.
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Communication orale
Rites sociaux et formes musicales en quête des « structures profondes » : concerto pour virus solo et orchestre rituelYves Enrègle (Groupe IGS (Institut de Gestion Sociale, Paris))
Cette communication prendra la forme d’une improvisation maîtrisée techniquement et théoriquement. On s’attachera à jeter des passerelles entre le monde de la musique, ses canons et ses différentes formes d’expressions, et la séquence épidémique que nous vivons sur le plan social, plus particulièrement dans son rapport à la sphère rituelle. On prendra en considération les questions du rythme, de la temporalité et de la tonalité de la « structure profonde » des compositions orchestrales musicales et, en regard, des rites comme formes symboliques. Ce sera l’occasion de considérer à travers cette séquence pandémique un tempo social tantôt frénétique, tantôt statique, entre legato et staccato. L’objectif sera de démontrer en quoi la musique et la société agencées par des règles rituelles sous-jacentes marchent de pair et possèdent bien plus de similitudes qu’il n’y paraît. Plus largement, on verra en quoi harmonie et disharmonie (musicale et sociale) se confrontent en période de Covid.