À l’ère du spatial turn, où sont convoquées les notions d’espace, de lieu et de territoire, on peut s’étonner que la représentation des lieux mythiques ne fasse pas l’objet de recherches soutenues. On sait déjà, à la lumière des travaux de Roland Barthes, qu’on peut lier le mythe à toute parole, car, pour lui, il s’agit d’un « système de communication » (1982). À titre de récits destinés à définir des pratiques d’inclusion au sein d’une communauté donnée, les mythes contribueraient à son organisation. De fait, « [l]e mythe se caractérise par sa forme […], par son fondement […], par son rôle (expliquer le monde) » (Carlier & Griton-Rotterdam, 1994). Selon Mircea Eliade, le mythe devient ainsi exemplaire : il sert à la fois de modèle et de justification à tous les actes humains (1957). Quant à Julia Kristeva, elle précise qu’un mythe se découvre à travers un réseau de relations intertextuelles : « Le texte littéraire s’insère dans l’ensemble des textes : il est une écriture-réplique (fonction ou négation) d’un autre (des autres) texte(s) » (1978). On connaît également les avancées de la géocritique, soit l’étude de la représentation d’un lieu dans une perspective plurifocale (Westphal, 2007) et de la géosymbolique, c'est-à-dire l’étude de l’investissement symbolique dont font l’objet certains lieux référentiels (Bédard, 2002), révélant les liens synecdochiques unissant le lieu à l’humain qui l’habite ou le traverse. Or qu’en est-il des lieux inventés, mythiques ou utopiques dans nos sociétés postmodernes? Leurs représentations remplissent-elles toujours un rôle structurant et fédérateur? Existe-t-il quelque chose comme une utopie propre au Québec, territoire jadis conquis et en voie de réappropriation symbolique par une plus grande ouverture sur le monde? C’est ce que le colloque « Territoires imaginaires » propose d’explorer par l’étude d’œuvres littéraires québécoises réifiant ou déconstruisant des lieux mythiques, ou inventant de nouveaux lieux, de nouvelles utopies.
Du mardi 26 au mercredi 27 mai 2015