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Informations générales

Événement : 84e Congrès de l'Acfas

Type : Colloque

Section : Enjeux de la recherche

Description :

Dans la lignée des travaux de l’anthropologue Jean-Loup Amselle, on peut définir le métissage comme un processus continuel d’interactions entre plusieurs cultures qui transforme ces dernières d’une manière ou d’une autre. Autrement dit, le métissage désigne un processus par lequel toutes les cultures qui se rencontrent en sortent modifiées, ayant absorbé au moins quelques traits des autres. Le métissage se distingue alors du rapport de forces qui conduit une des cultures à imposer aux autres ses savoirs, ses représentations du monde, ses normes et ses pratiques sans se transformer elle-même, phénomène bien connu des études du colonialisme et de la mondialisation.

La science contemporaine est, dans une perspective constructiviste, une production culturelle étroitement liée à la modernité européenne et, depuis le 20e siècle, anglo-saxonne, ce qui se traduit par des normes, des pratiques et un régime de vérité bien particuliers, dominé par le postpositivisme. Ce régime de vérité exclut du champ scientifique de nombreuses pratiques de connaissance qui proviennent notamment des cultures non anglo-saxonnes, des pays du Sud ou des milieux non scientifiques. Ces pratiques sont-elles condamnées à exister en parallèle ou aux marges du champ scientifique, plus ou moins invisibles, ou peut-on imaginer des sciences métissées, qui acceptent de se laisser modifier par la rencontre avec d’autres savoirs, d’autres normes, d’autres pratiques de connaissance?

Ce colloque propose d’explorer, dans la foulée de travaux d’épistémologie sociale et politique, des cas concrets de métissage réussi ou impossible. Différents axes sont proposés : la rencontre de savoirs de différentes disciplines, de savoirs inspirés par des postures épistémologiques variées, de savoirs universitaires du Nord et du Sud, de savoirs scientifiques et artistiques, de savoirs scientifiques et non scientifiques, par exemple dans le cas des sciences participatives et citoyennes.

Dates :
Responsables :

Programme

Communications orales

Recherche collaborative ou partenariale, savoirs locaux et territoires : exemples du Québec, de France et du Cameroun

  • Mot de bienvenue
    Mélissa LIEUTENANT-GOSSELIN (Université Laval), Florence Piron (Université Laval), Émilie Tremblay (UQAM - Université du Québec à Montréal)
  • Chercheur(e)s et savoirs locaux : vers quel type de boutique de sciences au Cameroun?
    Thomas Hervé Mboa Nkoudou (Université Laval)

    L'un des fondements de la justice cognitive pose que toutes les formes de savoirs sont valides et doivent coexister de façon dialogique (Shiv Visvanathan). Dans cette logique il n'y a pas de savoirs dominants, ni de savoirs savants/non savants ou encore moins des scientifiques/non scientifiques; cette fausse dichotomie laisse place au dialogue des savoirs en provenance de divers horizons avec pour finalité de combler les besoins sociaux. Loin d'être une utopie et sans vouloir imposer ce principe comme la norme universelle, il est cependant nécessaire de relever que certains pays ont réussi le pari de mettre sur pied des structures dont le rôle est de faciliter ce dialogue. Il s'agit notamment des boutiques de sciences qui permettent de faire la jonction entre les universitaires (détentrice des savoirs scientifiques) et la société (détentrice des savoirs locaux). Toutefois, si ces structures fonctionnent bien ailleurs, serait-ce le cas si on les reproduisait au Cameroun? En m'appuyant sur des exemples concrets de boutiques de sciences en France, au Canada et en Afrique du Sud, je discuterai de ce qui est faisable ou pas dans notre contexte, afin de proposer un modèle de boutique de sciences adapté et au service du développement local durable.

  • Croisement des savoirs et transdisciplinarité : que nous enseigne la pratique?
    Jean-Marc Fontan (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    La complexité des situations d'intervention représente un défi important pour les professionnels de l'intervention et pour les chercheurs universitaires. Les pratiques de recherche action ou de recherche avec, menées en collaboration ou en partenariat, représentent une voie d'action intéressante et non suffisante. Au-delà des projets de maillage et de réseautage construits de façon isolée et faiblement concertée, il importe de pouvoir travailler de façon intégrée, tant pour l'action se réalisant sur le terrain que pour l'accompagnement issu des contributions universitaires. À partir de l'expérience de croisement des savoirs en contexte transdisciplinaire menée au sein de l'Incubateur Parole d'excluEs, en lien avec le Service aux collectivités de l'UQAM et l'OLTIS TIESS, nous poserons un regard analytique et critique sur la capacité des universités d'un côté et de la science de l'autre de fournir les cadrages institutionnels adéquats pour que le pragmatisme de l'enquête puisse contribuer efficacement au développement du commun.

  • Sciences territoriales en construction multidisplinaire : quelques enseignements tirés de l'expérience du Collège international des sciences du territoire (CIST)
    Romain Lajarge (Université Grenoble Alpes - ENSAG)

    Si les principales découvertes scientifiques se sont situées entre d'anciennes certitudes disciplinaires, parfois grâce à de l'interdisciplinarité véritable (rare), souvent par des emprunts (plus ou moins contrôlés) aux concepts, théories ou méthodologies de disciplines "voisines", alors l'invitation à métisser les sciences est à prendre au sérieux en sciences humaines et sociales (SHS). Parce que les SHS souffrent d'un manque de reconnaissance de leurs acquis en matière de métissage scientifique fertile, leurs initiatives se doivent d'être décrites et mises en débat. Ce colloque pourrait être l'occasion d'un travail réflexif sur une de ces expériences de métissage, sur ses réussites et ses difficultés, sur la nature du partage de savoirs qui s'y opère, sur le conflit des normes et sur les horizons qui s'y dessinent. La communication se propose de partir du cas du CIST, Collège International des Sciences du Territoire, créé en France en 2010 à l'initiative de géographes mais regroupant en 2016, une trentaine de laboratoires ou groupes de recherche et environ 600 chercheurs en aménagement, urbanisme, architecture, économie, gestion, sociologie, démographie, histoire, sciences politiques, de la communication et autres SHS mais aussi quelques chercheurs en sciences de la santé, de l'environnement, biologie, informatique, ... et questionnant les relations avec l'ensemble des producteurs de savoirs sur les territoires se trouvant aussi partout en dehors de l'université !

  • Pause

Communications orales

Influences de la société civile sur la recherche scientifique

Présidence : Thomas Hervé Mboa Nkoudou (Université Laval)
  • Métisser action militante et recherche universitaire?
    Stéphane Couture (York University)

    À l'aune de ma propre expérience, j'aimerais proposer une réflexion sur les possibilités et limites de métisser l'action militante et la recherche universitaire. Mon parcours universitaire est fondamentalement ancré dans un engagement militant. Initialement formé en informatique, c'est dans l'implication au sein des médias alternatifs et organisations de la société civile que j'en suis venu à m'intéresser aux sciences sociales. Durant mes études supérieures, j'ai toutefois poursuivi des démarches de recherche plus « scientifiques » marquées en partie par les idéaux de neutralité et d'objectivité. En effet, bien que les sujets de mes recherches étaient orientés vers mes intérêts politiques (sur les logiciels libres et les médias alternatifs), j'ai toujours tenu à maintenir une légitimité scientifique en m'attachant à la rigueur méthodologique, à la pertinence scientifique ou en maintenant une distinction assez nette entre l'action militante et la recherche. Depuis quelques mois cependant, j'ai investi plus fortement les processus plus militants des forums sociaux mondiaux, et ce, avec un certain appui universitaire. Bien que cela soit pour moi une source importante de réflexion intellectuelle, j'éprouve cependant une certaine ambivalence à décrire ma démarche comme « scientifique ». Jusqu'à quel point peut-on métisser action militante et recherche universitaire? Tel sera la question adressée par cette présentation.

  • Résidence artistique et savoirs scientifiques
    Carole Ecoffet (CNRS - Centre national de la recherche scientifique), Marie-Luce NADAL (ENSADLab, Paris)

    Bien que les résidences d'artistes en laboratoire soient de plus en plus appréciés par les organismes de recherche, peu d'études des enjeux des échanges entre artistes et scientifiques ont été jusqu'ici proposées. Pourtant de nombreuses questions se posent. Quel est le statut de l'artiste en laboratoire ? Comment le projet artistique interagit-il avec les projets scientifiques ? La présence d'un artiste modifie-t-elle la construction du programme de recherche ? Quelle est l'attitude de l'artiste vis-à-vis des savoirs en construction ? Ces questions restent souvent en suspens au départ de l'artiste. Nous partirons d'une étude de cas .Par son travail l'artiste, Marie Luce Nadal cherche à se saisir de l'essence des formes labiles des nuages. Elle a pu travailler au sein du laboratoire de Physique et Mécanique des Milieux Hétérogènes. Elle y a découvert les principes de la convection, ainsi que des instruments de mesure et des méthodes de simulation. Nouveaux codes, nouveaux modes d'échange. Tout en restant proche de ses préoccupations premières autour de la perception des mouvements cachés de l'atmosphère, elle a créé de nouveaux dispositifs de visualisation des flux, entre démarche expérimentale et œuvre artistique? Dans cette présentation, nous analyserons les enjeux de cette résidence artistique en termes de construction de savoirs.

  • La communication publique des sciences : un exercice de métissage?
    Mélissa Lieutenant-Gosselin (Université Laval)

    Traditionnellement, la communication publique des sciences a été pensée comme un exercice de diffusion des savoirs scientifiques auprès du « grand public ». Cette vision est contestée et plusieurs proposent de la changer pour un modèle interactionniste ou une posture « science et société ». Ces deux conceptions en appellent à un changement des pratiques : la mise en place d'espaces dialogiques permettant les échanges entre la communauté scientifique et le reste de la société. Deux formes de communication publique des sciences en viennent donc à coexister : une communication verticale suivant le modèle du déficit; et une communication horizontale favorisant le partage des savoirs. Je propose ici de synthétiser trois propositions qui, à mon avis, constituent un changement conceptuel plus important et permettent d'intégrer ces deux formes de communication dans un même cadre d'analyse en attribuant un rôle fonctionnel à la communication publique des sciences non seulement pour la société, mais pour la production des savoirs scientifiques : le modèle en continuum de Cloître et Shinn (1985, 1986; Bucchi, 2004), la conceptualisation de Peters (2012), et les cercles éso- et exotérique de Fleck (1935, traduit en anglais en 1979). J'explorerai dans quelle mesure ces propositions peuvent recadrer de la communication publique des sciences comme un exercice de métissage des savoirs.

  • Vers un serment professionnel pour les scientifiques
    Samir HACHANI (Université d'Alger II), Mélissa Lieutenant-Gosselin (Université Laval)

    À la suggestion du professeur Jean-Marc Fontan (UQÀM), l'Association science et bien commun a lancé un exercice d'écriture collaborative d'un serment professionnel pour les scientifiques. S'appuyant sur les principes de limitation des méfaits et d'intégrité, mais aussi d'humilité, d'ouverture, de réflexivité et d'engagement citoyen, cet exercice rejoint certains des enjeux soulevés dans ce congrès. Nous vous présenterons l'état du serment à cette date et vous inviterons à participer à son amélioration en direct et en ligne.


Assemblée générale

Dîner


Communications orales

Inclusion ou exclusion des savoirs des Suds dans la science

  • La science est-elle foncièrement occidentalo-centriste? Quelques réflexions sur l'inclusion du savoir des Suds dans le corpus de la science
    Samir Hachani (Université Alger 2)

    Si l'histoire de la science est un amalgame d'influence diverses, à partir du 18e siècle l'Europe et plus tard le monde anglo-Saxon ont dominé l'histoire de la créativité et de l'innovation scientifiques. Cette innovation se matérialise dans un extrant qui est la publication scientifique. Publication également dominée par le monde occidental et plus particulièrement anglo-saxon où les 55 premiers journaux classés dans le classement du SCImago Journal & Country Rank sont soit nord-américains soit britanniques. Le Global Ranking of the Publishing Industry 2015 souligne la prepondérance des grands conglomérats anglo-saxons avec Pearson (GB), ThomsonReuters (US) et RELX Group (GB, US et Hollande). Cette concentration de l'information n'aurait-elle pas des conséquences sur la manière dont le savoir est disséminé, construit et accepté? L'origine des publications est-elle traitée objectivement? Les comités éditoriaux et les experts jugeant, filtrant et améliorant les soumissions sont-ils équilibrés quant à la présence des minorités, des Suds, des femmes? Un déséquilibre ne nuit-il pas non seulement à la bonne marche de la science mais aussi à sa diversité? N'accentue-t-il pas une ostracisation déjà existante de par les conditions socio-économico-politiques et exclut-elle une partie des chercheurs du monde de la recherche?

  • Quelles approches et stratégies pour internationaliser-mondialiser les programmes d'études en sociologie?
    Émilie Tremblay (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Certains auteurs ont montré qu'au XIXe siècle et dans les premières décennies du XXe siècle l'apport d'Ibn Khaldûn était davantage reconnu en sociologie alors qu'aujourd'hui il est rarement présenté dans les manuels de théorie et d'histoire de la sociologie ainsi que dans les cours de sociologie (Alatas, 2006 ; Lewis & Alshtawi, 1992). Des auteurs en faveur de l'indigénisation, de la décolonisation, de la nationalisation ou de l'autonomisation de la sociologie ont justement proposé d'introduire des auteurs des Suds, mais aussi de développer des théories et des méthodologies (Connell, 2008 ; Alatas et Sinha, 2001; Akiwowo, 1988). D'autres auteurs ont plutôt suggéré des stratégies et des approches pour internationaliser/globaliser les programmes d'études (Sohoni et Petrovic, 2010 ; Martin & Beittel, 1998 ; Tiryakian, 1986). Dans cette communication, nous examinerons ces différentes stratégies et approches. Qu'est-ce qui est proposé pour internationaliser les programmes de sociologie ? Quelle importance est accordée à l'intégration d'une pluralité de savoirs savants, notamment ceux produits par des auteurs des Suds ? Est-ce qu'une certaine uniformisation internationale autour d'un ensemble de concepts, d'approches et de théories est préconisée ? Quelles conceptions de l'internationalisation et de la globalisation ces approches et stratégies véhiculent-elles et quelles sont les implications pour l'enseignement de la discipline ?

  • De la circulation à l'exclusion du savoir local : quelques échos du Rwanda
    Ernestine Narame (UNIL - Université de Lausanne)

    La culture rwandaise est liée à celle des populations de l'Afrique des grands lacs. Les moyens mnémotechniques ou une série d'éléments auxiliaires assez variée (récits oraux, la langue ‘le Kinyarwanda' et les proverbes, les chants, les tambours et la danse, témoignage, moyens matériels) jouent le rôle d'aide-mémoire par le traditionniste et participent à la fixation des savoirs.

    Les compétences et savoirs traditionnels (dans le domaine de l'agriculture, la médecine, l'art et la poésie,) étaient (et le restent sur beaucoup d'aspects) transmis oralement. Ils se rapportent au passé, se distinguent des rumeurs et sont considérés comme le fond fructueux permettant d'inventer de nouveaux procédés respectueux tant de l'environnement que des pratiques locales.

    Le travail scientifique en sciences sociales peut constituer un pont de dialogue et d'intégration des compétences et savoirs traditionnels paysans. Dans cette communication, nous examinons les substrats et formes de circulation des vérités locales (qui ne sont pas que des déclinaisons d'une vérité globale) et nous dégageons ainsi les différents niveaux d'exclusion des savoirs paysans rwandais.

  • Pause

Communications orales

Enjeux épistémologiques et politiques du métissage des sciences

Présidence : Samir Hachani (Université Alger 2)
  • Penser la désobéissance épistémologique
    Christian Alain Djoko Kamgain (Université Laval)

    L'épistémè constitue le nœud gordien de la matrice coloniale du pouvoir. Il y a une « complicité entre les formations disciplinaires et la matrice coloniale de pouvoir, en particulier dans le domaine du contrôle de la connaissance et la subjectivité ». De fait, c'est à ce niveau qu'il faut mener la bataille contre les structures de domination de la pensée occidentale. Ce qui sera défendu, c'est l'idée d'un changement radical de perspective. Et ce changement doit se faire sous fond de désobéissance épistémologique. Mais que veut dire désobéir épistémologiquement ? La grammaire de la désobéissance est simple : « il faut apprendre à désapprendre, pour pouvoir apprendre à nouveau ». Très concrètement, il s'agira de déconstruire les fondations idéologiques des disciplines qui ont été occultées depuis la Modernité par la rhétorique de l'objectivité, de la science et de la neutralité. La désobéissance épistémologique crée une distorsion dans la géographie de la Raison universalisante et impériale de l'Occident. La production des connaissances se fait toujours à partir ou à l'intérieur des mémoires et des subjectivités nécessairement temporalisées et spatialisées. Par conséquent, toute pensée qui revendique la fonction méta et prétend par la même occasion énoncer l'Universel, ne doit pas oublier que l'universel est un concept de l'énoncé, mais l'énoncé n'est pas nécessairement universel.

  • La science ouverte peut-elle réduire l'aliénation épistémique?
    Florence Piron (Université Laval)

    Si l'éthique est un art d'interprétation de la réalité qui permet d'apprécier les valeurs qui sous-tendent les choix et décisions qui la construisent et l'orientent, alors le regard éthique peut transformer ce qui semble naturel ou évident en un problème ou même en une injustice. C'est le cas de certaines pratiques scientifiques, pourtant légitimées par le cadre normatif dominant de la science actuelle, notamment les pratiques de publication conventionnelles (dans des revues à comité d'évaluation par les pairs et à facteur d'impact). Cette conférence vise à montrer que ces pratiques, qui sont de plus en plus assujetties aux valeurs du capitalisme cognitif (ex: la propriété intellectuelle) et de moins en moins conformes à l'éthos mertonien du “communisme” scientifique, engendrent une véritable injustice cognitive pour les pays des Suds et même ce qu'on pourrait appeler une aliénation épistémique. La science ouverte, qui mise au contraire sur le partage des savoirs et la science comme bien commun, à l'image de la philosophie africaine Ubuntu, propose de transformer le cadre normatif de la recherche scientifique afin d'établir la justice cognitive comme son idéal.

  • Sciences métissées, un enjeu à forte puissance heuristique et éthique. Plaidoyer pour la « justice cognitive »

    Le concept de « sciences métissées » ouvre la perspective d'une innovation scientifique et conceptuelle pour une réorientation globale de la pensée, à une époque où ne cesse de s'amplifier, dans l'univers des sciences, le débat sur les savoirs dits locaux, indigènes, autochtones, subalternes ou hétérodoxes. Pendant longtemps, il était admis que la modernité impliquait la destruction de ces savoirs et que le progrès dépendait des transferts scientifiques et techniques. Les échecs de l'aide au développement ont remis en cause ces idées reçues. Entre la crainte d'une disparition et la possibilité d'une dynamique endogène de ces savoirs, leur rencontre avec la modernité peut susciter un changement de paradigme : pour ne pas diluer et marginaliser les inventions du particulier, le métissage heuristique gagne à en tirer parti, pour espérer être le "pensum" de la transversalité et de la compétitivité. Compte tenu des inégalités en matière de connaissance, ces enjeux obligent à poser les questions nouvelles sur la manière de faire la science autrement, en créant des liens novateurs, participatifs, collaboratifs et alternatifs susceptibles d'induire des changements dans la pensée. Les sciences métissées, plus qu'un enjeu épistémologique, sont un principe éthique, invitant à respecter la dignité ontologique de chaque culture, à adopter une attitude de tolérance à l'égard des cultures différentes. C'est le plus grand enjeu de l'heure qui est avant tout, un défi à la pensée.

Communications orales

Le métissage des sciences dans l'éducation : enjeux et pratiques

  • Un peu de sérieux! L'humour en classe peut-il faire l'objet de recherche en sciences de l'éducation?
    Hubert Ouellet (Université Laval)

    Comment est employé l'humour dans les pratiques enseignantes? Traditionnellement et de manière générale, la salle de classe n'est pas conçue comme un endroit où l'on donne place à l'humour. En effet, le « contrat didactique » implicite en classe oriente la relation entre « maîtres » et « apprenants » comme une relation exempte d'humour et où le sérieux est de mise (Bryant, Comisky & Zilman, 1979). Interroger les usages de l'humour en classe en recherche rencontre aussi des résistances, car l'objet lui-même n'est pas toujours considéré un champ d'étude à part entière et sa pertinence est parfois remise en doute (Berk, 2006; Hogue, 2014) Cependant, depuis les années 80 dans le monde anglo-saxon, l'« humor studies » perce le champ de la recherche en étudiant, entre autres, les « effets de l'humour sur l'apprenant » (Berk, 2010; Stambor, 2006). Comment a été étudié l'humour en classe ? Sous quelles perspectives épistémologiques et méthodologiques ? Après un bref retour historique répondant à ces questions, je présente dans cette communication une analyse exploratoire de récits d'expérience de futurs enseignants et enseignantes au collégial, alors apprenants, dans lesquels apparaissent l'emploi de l'humour en classe. L'analyse permet de dresser des formes d'humour employées et leurs impacts sur les apprenants et sera l'occasion de réfléchir sur le potentiel de la recherche qualitative pour étudier ce domaine encore peu exploré en éducation.

  • Pluralité ou homogénéité épistémologique entourant l'enseignement des sciences biologiques? Vers la construction de quels types de rapports au vivant?
    Manon Albert (Université Laval)

    En tant qu'acteurs importants de cohésion sociale, les institutions scolaires ont comme objectif, entres autres, de préparer les jeunes générations à l'exercice de la citoyenneté. Dans cette perspective, l'enseignement des sciences dites de la nature vise à développer une « alphabétisation scientifique » que d'autres nomment culture scientifique (Albe, 2011; Holbrook & Rannikmae, 2009). Cette alphabétisation scientifique n'est pas un concept univoque; elle peut viser autant les compétences pratiques que la formation de valeurs liées à l'exercice d'une citoyenneté responsable. De plus, l'enseignement des sciences ne peut faire abstraction des enjeux épistémologiques qui lui donnent forme (Fourez, 2002). Qu'en est-il des épistémologies sous-jacentes aux sciences biologiques? Partagent-elles une épistémologie commune ou, au contraire, se distinguent-elles d'une discipline à l'autre? Par exemple, l'écologie et la biologie moléculaire partagent-elles ou non leur ancrage épistémologique? Favorisent-elles la construction des mêmes rapports au vivant? À partir de trois ouvrages de biologie générale utilisés en enseignement collégial, cette communication présente l'analyse des concepts de « vivant », d'« espèce » et de « gène » et leurs épistémologies sous-jacentes. Cette analyse cherche à apporter des pistes de réflexion à l'étude des types de rapports au vivant que ces épistémologies favorisent (dell'Angelo-Sauvage, 2015).

  • Encourager l'interdisciplinarité en classe par l'entremise d'approches pédagogiques novatrices
    Marilyne BOISVERT (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières), Marie-Michèle Bergeron (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières), Charles C.simoneau (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières), Jolyane Damphousse (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières), Katryne Ouellet (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières), Mathieu R. Séguin (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)

    Face à la complexité croissante du monde contemporain, et notamment en ce qui concerne les enjeux relatifs aux sciences et aux technologies dont l'appropriation requiert la mobilisation de savoirs scientifiques, mais ne peut se limiter à ces savoirs, les enseignants de tous les niveaux scolaires et de toutes les disciplines se voient dans l'obligation de repenser leurs pratiques (Maingain et Dufour, 2002). Plus particulièrement, la segmentation des disciplines scolaires fait obstacle à l'étude d'objets complexes dans leur globalité (Darbellay, 2011). Ce faisant, accorder une plus grande place à l'interdisciplinarité dans l'enseignement constitue une avenue prometteuse afin de former des citoyens capables de tirer profit et d'intégrer des compétences et des connaissances issues de diverses disciplines. Ces réflexions ont nourri une démarche nous conduisant à expérimenter diverses approches novatrices favorisant l'interdisciplinarité en classe. Ces approches s'appuient à la fois sur des recherches scientifiques et sur des pratiques réflexives menées en contexte éducatif. Cette communication fait état de notre processus de réflexion ainsi que du fruit de cette démarche, soit un recueil de textes présentant les approches que nous avons expérimentées. Plus encore, elle poursuit l'objectif de sensibiliser tout acteur du milieu scolaire au décloisonnement des disciplines et aux approches pédagogiques le permettant.

  • Pause

Communications orales

Les sciences citoyennes font-elles une science plus inclusive?

  • La production de communs de la connaissance : tensions autour du travail bénévole dans une institution publique
    Lorna Heaton (UdeM - Université de Montréal)

    Les projets de science participative vont-ils plus loin que l'exploitation de la force de travail bénévole des non scientifiques? Cette présentation explore des tensions autour de la production dans un projet organisé par l'Herbier Marie-Victorin à Montréal. Le projet est réalisé presque exclusivement par une équipe de bénévoles qui travaille à photographier des milliers de spécimens de l'herbier, à compléter une entrée de base de données pour chacun d'entre eux, et à associer l'image et la base de données. Le tout se réalise dans le contexte d'une infrastructure numérique, Canadensys, dont le but est de donner accès libre à des informations contenues dans des collections biologiques. D'un côté, le projet qui serait impossible à réaliser sans les bénévoles est organisé et dirigé par le personnel de l'Herbier et les bénévoles n'ont pas de pouvoir décisionnel. Il y a donc captation de la force de travail. De l'autre, alors que les bénévoles eux-mêmes reconnaissant ce qu'ils font comme du « travail », ils rejettent toute idée d'exploitation, signalant les autres bénéfices qu'ils retirent individuellement et collectivement de la participation dans ce projet. Notre cas illustre comment la force de travail donnée librement dans le service d'un projet institutionnel produit un Communs de la connaissance qui peut être difficilement appropriable par les forces capitalistes. SVP notez qu'il y a une co-auteure de la proposition - Patricia Dias da Silva

  • La citizen science envisagée comme un modèle de relations entre les citoyens, les citoyennes et les scientifiques
    Audrey Groleau (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières), Chantal POULIOT (Université Laval)

    Depuis environ dix ans, de nombreux projets que l'on pourrait qualifier de citizen science sont en émergence. Il s'agit de recherches scientifiques auxquelles les citoyens et les citoyennes sont invités à participer, par exemple au moment de la collecte de données. À la fin des années 1990, Michel Callon (1998, 1999) a construit trois modèles de relations entre les citoyens, les citoyennes et les scientifiques : le Modèle de l'instruction publique, le Modèle du débat public et le Modèle de la coproduction des savoirs. En un mot, ces modèles se distinguent par la participation, ou non, des citoyens et des citoyennes dans les débats et dans la production de savoirs scientifiques. Ils ont depuis été largement réinvestis, autant en éducation aux sciences qu'en Science studies. Or, aucun de ces modèles ne représente les relations qui ont cours entre les citoyens, les citoyennes et les scientifiques dans le contexte d'initiatives de citizen science. Il faut dire que de telles initiatives étaient rares au moment de la publication des articles de Callon et que cet auteur s'intéresse principalement aux relations entre citoyens et scientifiques dans les controverses sociotechniques (alors que les thèmes exploités dans les initiatives de citizen science sont habituellement peu épineux). Dans cette communication, nous montrons en quoi l'ajout d'un Modèle de citizen science enrichirait la typologie des relations entre citoyens, citoyennes et scientifiques élaborée par Callon.

  • Quelle citoyenneté pour les sciences citoyennes?
    Florence Piron (Université Laval)

    Une revue des différentes formes de sciences participatives ou citoyennes montre clairement une tension entre différentes conceptions de la citoyenneté. Par exemple, entre la contribution bénévole de citoyens et citoyennes à une collecte de données pour aider une équipe de recherche et la participation de sujets de recherche à la conception d'une recherche-action, la conception de la citoyenneté oscille entre la réduction à un bénévolat passif ou une difficile responsabilité partagée dans le processus décisionnel de la recherche. Est-ce qu'un type de science citoyenne contribue mieux qu'un autre à l'idéal de la science métissée, inclusive, auquel j'aspire comme chercheuse et citoyenne?


Assemblée générale

Dîner


Communications orales

Pertinence des savoirs locaux, expérientiels, populaires

Présidence : Samir Hachani (Université Alger 2)
  • Les maîtres de l'espace urbain! Les savoirs populaires dans la dynamique de production de la sécurité urbaine
    Pierre Boris N'nde Takukam (Université Laval)

    La sécurité urbaine, plus précisément dans les villes du Sud, représente un réel défi de sorte qu'elle intègre systématiquement la dynamique urbaine. Pourtant, son étude reste non seulement la chasse gardée de certaines disciplines, mais plus encore, sa production ou sa mise en œuvre émane de fins stratégies « savamment » élaborées dans des « laboratoires de spécialistes » loin des supposés bénéficiaires. Alors qu'une part importante de cette production et même des savoirs stratégiques nécessaires à la sécurisation est produite par les populations, les habitants, bref ceux vers qui s'orientent toutes les politiques, les actions et les campagnes de lutte contre l'insécurité. Cette communication se prononce en faveur d'une possible harmonisation des connaissances populaires et des spécialistes (gouvernementales, consultants, coopérants, etc.) en vue d'une production adéquate et idéale de la sécurité : telle qu'elle rencontre les attentes des communautés et contribue à leur bien-être. Il est davantage question pour nous de discuter autour de la monopolisation et de l'hégémonie des savoirs de sécurisation autour d'une élite, ensuite de développer une argumentation sur les stratégies populaires de sécurisation et enfin de montrer quelles peuvent être les lieux et les espaces de rencontre.

  • Pratique scientifique des récits de vie : formes de savoir dans des espaces scolaires d'Afrique francophone
    Marie-Claude Bernard (Université Laval), Jean-Jacques DEMBA (École normale supérieure, Libreville, Gabon)

    L'emploi des récits de vie en éducation dans le monde francophone viendrait de la sociologie et, plus particulièrement, des travaux pionniers de l' « École de Chicago » ; leur essor tiendrait à l'intérêt porté par les sociologues à l'histoire orale (Peneff, 1994). Mais le recueil de récits oraux a été aussi adopté largement par des anthropologues culturels (ethnologues) dans l'objectif notamment de comprendre d'autres cultures et d'en préserver des savoirs parmi celles qui ne comptaient pas encore de langage écrit, ou dans lesquelles la richesse des traditions orales ne se retrouvait pas dans la documentation écrite (par exemple, l'Afrique précoloniale) (Thompson, 1981). Leur utilisation comme approche théorique au croisement de l'interactionnisme symbolique dans la recherche ethnographique en éducation (Bernard, 2014) dans des espaces scolaires d'Afrique francophone est plus récente (Demba, 2012). Ils permettent notamment d'aborder l'analyse d'éléments qui participent à la construction de la « réussite » ou de l'« échec scolaire » (Perrenoud, 1995). Cet exposé présentera des éléments de compréhension de la « face cachée » de l'échec scolaire obtenus via des récits de vie d'élèves du secondaire au Gabon et au Cameroun (Demba, 2012 ; Gbetnkom, 2015 ; Lopsiwa, 2015). Le renouvellement de pratiques scolaires proposé en conclusion cherche à intégrer pratiques et théories selon une démarche collaborative au carrefour de la recherche, la formation et l'intervention (Pineau, 2006).

  • Croisement des savoirs et transformation territoriale : la mobilisation du savoir des jeunes
    Isabel HECK (Parole d'excluEs, Chercheure en milieu communautaire), Jean-François René (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Notre communication porte sur la place de savoirs citoyens dans la mobilisation territoriale de l'organisme montréalais Parole d'ExcluEs à Montréal-Nord, qui met en œuvre une approche innovante de mobilisation savoirs expérientiels. Dans ce cadre, nous nous intéresserons aux difficultés entourant l'émergence et la prise en compte des savoirs d'un groupe particulier: les jeunes qui se retrouvent en situation d'exclusion. Deux moments serviront à alimenter notre présentation: 1. L'Étude des besoins et aspirations des citoyens du Nord-Est, réalisée en 2014 via une approche à la fois ethnographique et participative, où environ un quart des participants furent des jeunes. L'un des quatre grands défis identifiés est la situation des jeunes dans le quartier. Nous examinerons la contribution des jeunes à l'identification de ce défi. 2. Le Laboratoire de croisement des savoirs, composé de chercheurs, intervenants et citoyens, a été mis en place suite à l'étude, au printemps 2015. Il vise à approfondir nos façons de constituer et croiser les savoirs, en vue de les co-construire ensemble. Priorisant la situation des jeunes, il cherche à donner une plus grande place à leur savoir afin qu'il soit pris en compte dans les actions de transformation territoriale. Nous décrirons à la fois les barrières rencontrées, ainsi que les avenues prises par le laboratoire afin d'ouvrir des espaces de dialogue, de croisement et de mobilisation avec différents jeunes du territoire.

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Panel / Atelier

Buen vivir, Swaraj, Ubuntou, Kubaho et Se mèt tèt ki veye tèt : quelques épistémologies des Suds

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