19 - La dimension sociale du développement durable au sein du gouvernement fédéral : défis et possibilités

Depuis 2010, le gouvernement du Canada publie chaque trois ans la Stratégie fédérale de développement durable (SFDD), présentant ses engagements en matière de développement durable. Longtemps axée sur la durabilité environnementale, la SFDD 2022 à 2026 est la première à soutenir des engagements relatifs aux trois dimensions du développement durable (économique, sociale et environnementale) et à utiliser comme cadre les 17 Objectifs de développement durable (ODD) du Programme 2030 de l’Organisation des Nations Unies (ONU). Par ailleurs, le paysage du développement durable au sein du gouvernement fédéral a grandement évolué depuis l’élaboration de la première stratégie en 2010, et la SFDD coexiste désormais avec plusieurs autres outils et stratégies qui soutiennent les efforts du Gouvernement du Canada en matière de durabilité. En s’appuyant sur une analyse de la SFDD 2022 à 2026 et en se tournant vers son évolution future, cette présentation s’intéresse aux défis de la transition vers une stratégie à trois dimensions, en se concentrant sur l’intégration de la dimension sociale. Ce faisant, elle aborde les enjeux de coordination des actions gouvernementales, de mesure du progrès et de reddition de comptes, ainsi que l'importance du dialogue social pour saisir les interactions entre les dimensions du développement durable afin de répondre aux questions complexes et présenter des actions pertinentes. 

Selon L’état des forêts au Canada (Ressources naturelles Canada), les deux tiers de la population du pays vivent à proximité ou au sein d’une forêt. Les forêts procurent plusieurs avantages environnementaux et socio-économiques aux collectivités canadiennes. La hausse des perturbations (feux, insectes ravageurs, sécheresse) liée aux changements climatiques met en péril le bien-être des collectivités canadiennes qui entretiennent des liens étroits envers la forêt et met à l’avant-plan des impératifs d’adaptation. L’adaptation constitue d’ailleurs un objectif de la Stratégie fédérale de développement durable qui stipule que le Canada doit « s’adapter aux changements climatiques en renforçant la résilience et en réduisant la vulnérabilité des communautés, des régions, des écosystèmes et des secteurs économiques aux effets de ces changements » (p.151). Dans le cas de l’adaptation des communautés dépendantes de la forêt, les mesures de la Stratégie appuient les ODD 13 (lutte contre les changements climatiques) et 15 (vie terrestre). Les indicateurs sociaux d’aménagement forestier durable développés par le Conseil canadien des ministres des forêts mériteraient toutefois d’être actualisés. Les résultats d’une analyse de la vulnérabilité aux changements climatiques qui mobilise des indicateurs spatiaux, sociaux et biophysiques présente des avenues pertinentes pour la mise à jour des indicateurs sociaux servant à mesurer l’atteinte des objectifs de développement durable du Canada.

« On ne peut pas améliorer ce qu’on ne mesure pas ». Partant de ce principe, cette communication présente une recherche en cours sur l'utilisation d'outils d'intelligence artificielle (IA) pour collecter, classer et analyser des données variées et dispersées, typiques des initiatives de développement durable au sein des municipalités canadiennes. Notre objectif, aligné avec le thème de la conférence, est de montrer dans quelle mesure les enseignements tirés de notre étude sur les contributions et les limites de ces outils peuvent être transposés aux ministères et organismes gouvernementaux fédéraux. Nos constats pourraient servir de base à un projet de recherche potentiel à l'échelle de la fonction publique fédérale. Cela aurait pour avantage de simplifier significativement le processus de reddition de compte pour les entités concernées, y compris le bureau de coordination. Par ailleurs, notre approche offrirait une vision globale des initiatives de développement durable, permettrait de réaliser diverses analyses de contenu, en particulier concernant la dimension sociale, et encouragerait le partage de bonnes pratiques entre les différents ministères.

La coopération et l’inclusion sont des éléments essentiels de la dimension sociale du développement durable. Pourtant, il est difficile d’aborder ces éléments de manière adéquate, lorsqu’on travaille sur des questions complexes telles que le changement climatique. Reconnaissant l’importance de la science et des impacts sociaux du changement climatique, notre série annuelle, 10 Nouvelles perspectives en sciences du climat, est une synthèse experte, présentée dans un format digeste pour les décideurs, journalistes et grand public informé. Cette année, pour la première fois, nous avons présenté cette synthèse en français, en mettant l’accent sur l’importance de ces perspectives dans le contexte canadien et québécois, et avec l’intention de supprimer les cloisonnements scientifiques et linguistiques. Plusieurs de ces perspectives concernent des dimensions sociales critiques, notamment le risque croissant d’immobilité humaine dans les zones exposées au risque climatique; le besoin critique de nouveaux outils pour opérationnaliser la justice qui permettent une adaptation climatique plus efficace ; et le besoin pour la réforme des systèmes alimentaires pour contribuer à une action climatique juste. Notre présentation abordera ces dimensions sociales du changement climatique dans le but de souligner le rôle fondamental de l’expertise canadienne/québécoise dans l’atteinte des objectifs nationaux en matière de changement climatique et ses impacts sociaux sur la scène internationale.

Depuis la mise en place des Objectifs de développement durable (ODD), le Canada travaille à engager la population canadienne à agir afin d’atteindre ces objectifs, mais le progrès est lent. En 2023, des événements sur les ODD dans la région de Niagara ont montré que les gens ne sont souvent pas ou peu au courant des ODD et pensent à l’économie en premier lieu. Plusieurs facteurs comme le manque d’intérêt, le pragmatisme et les comportements mal-adaptatifs de consommation et de style de vie expliquent en partie cela. Les médias sociaux et les publicités tendent à pousser la population vers la consommation intensive et jetable et l’actualité met l’accent sur le sensationnel ou les finances. Très rarement entend-on parler des ODD. Pourquoi? C’est inconfortable, cela demande de changer. La pensée systémique pourrait jouer un rôle important dans le développement de nouvelles façons de présenter les ODD. À travers cette pensée, il s’agit de tisser des liens entre les actions que nous posons et leurs effets sur tous les aspects sociaux, économiques, et environnementaux. Les anecdotes, l’infographie et la narration sont des approches permettant de tisser des liens entre une action et ses effets sociaux, économiques et environnementaux. Ici, à travers des exemples, je discute de l’importance de considérer l’inégalité sociale et économique (p. ex. salaires vs. profits) et la pensée systémique pour atteindre un meilleur tissage des trois silos et des 17 ODD.

Dans le cadre d’un programme financé par un fonds étatique ainsi qu’un fonds européen, cette recherche soulève la problématique suivante: comment les Objectifs de développement durable (ODD) peuvent-ils servir de moteur pour la participation communautaire? Nous explorons le rôle des ODD en tant que catalyseurs de la participation communautaire dans le contexte spécifique du territoire sud-aquitain (France). Partant de là, la réflexion porte sur une compréhension approfondie du potentiel des ODD en tant qu’instrument de mobilisation, en s’appuyant sur des expériences recueillies auprès de différentes communautés. Plusieurs acteurs font ainsi l’objet d’un intérêt particulier: société civile en zone rurale (40), migrants (82), étudiants universitaires (150) et personnes en situation de handicap (870). Nous cherchons à comprendre leurs attentes et défis liés à l’intégration des ODD dans leur champ perceptuel. Une identification est également menée pour approfondir les domaines spécifiques où les ODD peuvent jouer un rôle significatif pour améliorer la qualité de vie et la participation locale. En conclusion, cette réflexion appelle à une intégration plus étroite des ODD dans les initiatives de développement local, en tenant compte des diverses perspectives des communautés. Ce travail se termine par la suggestion de pistes de recherches futures et de mesures concrètes pour traduire les résultats obtenus en actions tangibles pour le développement durable d’un territoire.