Informations générales
Événement : 91e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 400 - Sciences sociales
Description :Le dernier rapport du GIEC réaffirme le consensus scientifique sur l’évolution du climat : réchauffement planétaire, transformation de la biodiversité, émergence plus fréquente des zoonoses, déforestation, épuisement des ressources naturelles et des chaînes alimentaires, démultiplication des catastrophes et de leur intensité, exodes climatiques et bien d’autres phénomènes qui caractérisent les changements climatiques et leurs conséquences.
Ici, nous partons de l’hypothèse que la Terre est littéralement terraformée par deux processus de mondialisation qui sont désormais interdépendants et indissociables : l’urbanisation planétaire (englobement 1, pensé par l’anthropologie de la mondialisation, les études urbaines, la sociologie, etc.) et le changement global (englobement 2, pensé par la science du système-Terre). L’urbanisation planétaire vectorise les changements climatiques, qui vectorisent désormais l’urbanisation planétaire, qui vectorise l’habitabilité (pensée par l’écologie, les études de l’environnement, les sciences sociales, l’architecture, etc.). L’urbain anthropocène est donc la période géo-sociale-historique qui correspond à une montée de la menace sur l’habitabilité et qui nous oblige à développer des cadres conceptuels et des démarches épistémologiques qui nous permettent d’appréhender ces transformations.
L’objectif de ce colloque est de saisir les processus urbains dans une perspective interdisciplinaire et, ainsi, développer une posture épistémologique grâce aux contributions de plusieurs chercheur·e·s. Cela se fera en étudiant les flux, les patchs et les configurations permettant d’appréhender le rôle de l’urbanisation dans les changements climatiques et de comprendre comment les liens entre les villes et la crise climatique reconfigurent l’ordre social, économique, juridique et politique contemporain.
Dates :Format : Sur place et en ligne
Responsables :- Vincent Mirza (Université d’Ottawa)
- Nakeyah Giroux-Works (Université d’Ottawa)
- Michel Lussault (Université de Lyon)
Programme
Introduction au colloque
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Communication orale
Penser l'urbanisation planétaire, le changement global et l'habitabilitéVincent Mirza (Université d’Ottawa)
Le dernier rapport du GIEC réaffirme le consensus scientifique sur l’évolution du climat : réchauffement planétaire, transformation de la biodiversité, émergence plus fréquente des zoonoses, déforestation, épuisement des ressources naturelles et des chaînes alimentaires, démultiplication des catastrophes et de leur intensité, exodes climatiques et bien d’autres phénomènes qui caractérisent le changement global et ses conséquences. L’urbain anthropocène désigne cette période géo-sociale-historique, marquée par une menace croissante sur l’habitabilité. En tant que chercheur·es, cela nous impose de développer de nouveaux cadres conceptuels et démarches épistémologiques pour mieux comprendre le rôle de l’urbanisation dans le changement global et les liens entre les villes et la crise climatique. Cette présentation vise à introduire les objectifs et la portée du colloque dans la compréhension des transformations majeures de la planète.
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Communication orale
L’Anthropocène comme UrbanocèneMichel Lussault (Université de Lyon)
L’objectif de cette présentation sera de montrer que l’on peut considérer que la « grande accélération » des forçages anthropiques post 1950 est très largement liée aux modalités de la "révolution urbaine" qui s’enclenche à la même période. Il est donc possible de faire l’hypothèse que l’Anthropocène, en tout cas dans sa modalité la plus contemporaine, serait un « Urbanocène ». On peut ainsi mieux mettre en perspective le lien qui s’établit entre deux « systèmes de globalisation » : l’urbanisation planétaire et le changement global, qui débouche sur une menace inédite sur l’habitabilité humaine de la Terre, à toutes les échelles synchroniquement.
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Communication orale
Dans les ruines et ses réhabilitations environnementalesNakeyah Giroux-Works (Université d’Ottawa)
Les espaces environnementaux dégradés se multiplient sur la planète. Ils prennent différentes formes, allant de la friche agricole à la plantation en monoculture, en passant par le site industriel contaminé et le parc urbain dépourvu de biodiversité. Leur existence s’inscrit dans les contextes de l’Anthropocène, résultant de processus continus de domestication, de configuration et d’artificialisation de la nature. Certains auteurs se sont intéressés au devenir de ces espaces – qu’ils appréhendent comme des ruines du capitalisme ou des patchs anthropocéniques (Tsing 2019; Wadbled 2020) – en documentant les simplifications écologiques, les infrastructures humaines et les proliférations férales (ex. : espèces invasives) qui les caractérisent. D’un nouvel élan, cette communication se penchera sur les modalités d’avenir des ruines environnementales qui sont « réhabilitées » à partir de dynamiques de diversification écologique et de collaborations multi-espèces. M’appuyant sur ma recherche doctorale, je présente ici les fondements d’un cadre d’analyse permettant de réfléchir aux relations humano-végétales à la base de stratégies citoyennes visant à rendre les ruines plus habitables.
Natures locales et processus globaux
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Communication orale
Performativité des infrastructures de régulation des inondations. Le cas de New-York City après la tempête SandyBrieg-Yann Capitaine (Université d’Ottawa)
Cette communication souhaite explorer, à travers la description de l’exposition Rising Currents au MoMA de New-York City et du concours d’architecture Rebuild By Design mis en place après la tempête Sandy, la manière dont la ville et en particulier ses infrastructures de régulation des inondations sont façonnées et symbolisées. Lorsque l’océan, objet iconique, déborde de son lit et se répand dans les rues, les infrastructures, leurs formes, leur design deviennent l’objet de controverses. Les architectes, les ingénieurs, les sciences sociales et un ensemble d’acteurs s’afffairent après la catastrophe à faire des infrastructures les totems symboliques d’une nouvelle conception de la ville plus ouverte (Sennett, 2018). Mais ces acteurs parviennent-ils à faire de ces objets des icones et à susciter une nouvelle conscience de la ville, de sa production et du rôle des hommes dans les changements climatiques?
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Communication orale
Un grain dans l'engrenage ? L’extraction du sable et le développement sur la côte sénégalaiseJean-François Rousseau (Université d’Ottawa)
L’extraction du sable et son transport vers les chantiers de construction, où les grains sont liés au sein d’infrastructures « permanentes », conditionnent l’avènement du développement et de l’urbanisation dans les pays du Sud global. La proximité entre les sites d’extraction et de consommation de ce ‘minerai de développement’ peut pallier certaines conséquences sociales et environnementales induites par l’exploitation du sable en engendrant de la croissance économique in situ. Or, des données recueillies sur la côte sénégalaise dans le cadre d’entretiens qualitatifs remettent cette logique en cause. D’une part, l’interdiction des activités d’extraction à petite échelle, la privatisation des carrières publiques et le recours à des technologies extractives de plus en plus avancées constituent autant de circonstances qui privent les populations locales des retombées économiques potentielles de l’extraction du sable. D’autre part, la surexploitation de la ressource catalyse l’érosion côtière et menace les modes de vie locaux en plus de mener à l’étalement des chaînes des valeurs dans l’espace. La viabilité d’un modèle de développement urbain tributaire d’un apport en sable constant et à faible coût est ainsi remise en question. Il en va de même des conceptualisations entourant cette ressource, longtemps considérée triviale et inépuisable.
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Communication orale
L'iridescence dans l'après-vie de l'industrie de cuivre: Suivre des traces de karami dans les paysages de ruines de Naoshima, de Inujima et de TeshimaJosée Vaillancourt (Université d’Ottawa)
Au Japon, les îles de Naoshima, Inujima et Teshima vivent dans l'après-vie d'un passé industriel. Les paysages qui les composent, marqués par ce passé, sont aujourd’hui, à l’heure d’une crise démographique nationale, confronté au dépeuplement. En réponse à ce dernier, les habitants de ces îles vivent depuis une vingtaine d'années une réappropriation artistique de leurs paysages de ruines. Dans ce processus, le karami (scorie), un sous-produit du raffinage du cuivre qui eut lieu sur Naoshima et Inujima, a joué un rôle important dans la (re)fabrication des paysages locaux. Autrefois utilisé comme matériau de construction pour les infrastructures locales et vendu pour la récolte du sel, il a plus récemment été incorporé dans de nouvelles installations artistiques sur le site et est mis en valeur localement en tant qu'artefact culturel. Basée sur un mois et demi de travail ethnographique sur ces trois îles dans le cadre d'un projet de recherche en cours, cette présentation explorera des dynamiques de vie et de paysage qui émergent des relations locales avec le karami sous ses différentes formes (briques, tuiles, granules, etc.). En accordant une attention particulière à ces relations, je proposerai que nous puissions mieux comprendre comment l’habitabilité peut être explorée et renégociée dans, et avec, des paysages anthropogéniques de l'Anthropocène.
Dîner
(Im)mobilité et urbanités plurielles
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Communication orale
« Faire territoire » avec la ville : un acte politique et féminin des femmes xinguanas dans la ville de Canarana (MT, Brésil)Sarah Bourdages Duclot (Université Laval)
Dans un contexte d’urbanisation grandissante des communautés autochtones à travers le monde, cette communication présente l’approche des femmes autochtones Xinguanas qui investissent la ville de Canarana (Mato Grosso, Brésil). Cette migration est généralement synonyme d’une instabilité (sociale, culturelle, politique, économique) dû notamment à l’hypermobilité qu’elle représente. Cette communication s’articule plutôt autour de l’acte positif des femmes xinguanas de « faire » territoire avec la ville par le biais de pratiques culturelles, d’une implication politique qui emprunte simultanément les codes territoriaux et ceux du monde urbain occidentalisé, ainsi que de leur rôle féminin. Cette action se traduit par ce que je nomme l’« englobement territorial » de Canarana, à travers l’action des femmes xinguanas qui œuvrent dans la politique locale et régionale. À partir des récits de vie de fondatrices d’association locales et féminines, de coordonnatrices au sein d’organismes autochtones, de facilitatrices et participantes aux projets politiques locaux, je tisserai un portrait sensible de cet acte politique et féminin qu’est celui de « faire » territoire avec la ville
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Communication orale
Les flux genrés et racialisés de l'habitéMyriam Bahaffou (Université d’Ottawa)
En m'appuyant sur le concept de l'habiter colonial (Ferdinand, 2019), de racisme environnemental (Keucheyan, 2014), et de la relation entre génération-production (Hache, 2024), je montre que le racisme et le sexisme se matérialisent par une ségrégation constante et un déplacement/confinement des corps racialisés et sexisés. La notion d'habiter devient ainsi une lutte constante pour la reconnaissance de subjectivités dé-territorialisées par l'urbanisation. Dans cette communication, je souhaite mettre en tension l'hypermobilité et le confinement, deux mouvements qui impliquent des flux genrés et racialisés qui modèlent le type de ville que l'on connaît, et qui sont devenus réellement apparents lors du confinement général lié à la Covid-19. L'objectif est de faire un pont entre des sciences dites "exactes" qui tiennent depuis longtemps un discours sur l'habitabilité, mais manquent d'une perspective critique de la domination sociale, et des sciences sociales (notamment décoloniales) qui pensent les conditions d'un territoire habitable, mais sont encore peu audibles.
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Communication orale
À la frontière du rêve américain : les territoires urbains de l'attenteLucas Aguenier (Université Laval)
Depuis le début des années 2000, les politiques de renforcement des frontières et de contention des migrations ont régulièrement rendu la traversée de l’Amérique centrale et du Mexique chaque fois plus complexe et dangereuse pour des milliers de migrants en situation irrégulière. Visant à les expulser ou les empêcher de rejoindre les États-Unis, ces politiques migratoires ont pris de nombreux visages se déclinant parfois par la mise à mort des corps migrants, parfois par la modération de leurs espoirs au travers de logiques plus « humaines », souvent par l’articulation de l’une et l’autre de ces méthodes. Davantage encore depuis la pandémie de Covid-19, les mesures sanitaires mises en place pour réduire la propagation du virus ont permis l’expulsion systématique des migrants vers les villes frontalières du nord du Mexique. Ces derniers se sont alors retrouvés coincés à la frontière avec les États-Unis, attendant une issue à leur voyage.
Dans cette présentation, je reviendrai sur les « politiques de l’attente » marquant le quotidien de millier de migrants en situation irrégulière au Mexique. En complétant les données de ma recherche ethnographique menée à Ciudad Juárez avec celles portant sur d’autres centres urbains du Mexique (comme Tapachula, Mexico ou encore Tijuana), je discuterai des conséquences de cette transformation de certaines grandes villes mexicaines en territoire de l’attente pour ces migrants.
Haïti et ses changements globaux
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Communication orale
Adaptation et gouvernance à Port-au-Prince, Haïti : Défis d'habitabilité face aux crises multiples et au changement globalLefranc Joseph (Faculté des Sciences Humaines, Université d'État d'Haïti)
Port-au-Prince est confrontée à des crises multidimensionnelles urbaines, socio-économiques, environnementales, et autres, qui compromettent gravement l'habitabilité et le droit à la ville de ses habitants. Cette étude analyse ces crises interconnectées à Port-au-Prince et leur impact sur la capacité d'adaptation de la ville et de ses communautés aux défis climatiques mondiaux. Adoptant une approche transdisciplinaire, nous examinons comment ces crises interagissent pour affecter l'habitabilité urbaine et évaluons les réponses locales au changement global. Notre analyse s'appuie sur des données recueillies à travers des entretiens semi-structurés avec divers acteurs locaux, incluant décideurs, citoyens et experts, ainsi que sur l'examen des politiques urbaines, des plans d'adaptation climatique et des stratégies nationales de gestion des risques. L'étude met en lumière la complexité des interactions entre urbanisation, habitabilité, changements climatiques et dynamiques sociales dans un contexte de gouvernance fragile. Nous discutons des approches d'adaptation mises en œuvre, identifions les lacunes dans les stratégies actuelles et suggérons des recommandations pour renforcer la résilience urbaine et améliorer les conditions de vie malgré les multiples crises. Nos conclusions soulignent l'importance cruciale de la gouvernance urbaine pour naviguer efficacement à travers l'instabilité politique et aborder de manière holistique les défis du changement global.
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Communication orale
L'urbanisation en Haïti : entre norme et réalitéAndré Yves Pierre (Universite d'Etat d'Haiti (UEH)), Efternan Kernensie Sterling (Université Fédérale de Mato Grosso)
Au début du XXe siècle, avec l'occupation américaine, Haïti a commencé à se doter de lois sur la ville. Cette première législation urbaine a été influencée par la croissance des villes, notamment de la capitale. De plus, la centralisation du pays autour de Port-au-Prince a généré un certain nombre de problèmes urbains. C'est ainsi que la volonté de modernisation a conduit les autorités à mettre en place des lois d'urbanisme. En effet, les efforts des années 1920 et 1930 ont permis à Dumarsais Estimé de s'engager dans un processus de modernisation du pays et il a profité de la célébration du 200e anniversaire de Port-au-Prince en 1949 pour lancer la publication des lois d'urbanisme. Ses successeurs l'ont également suivi, même sous des régimes dictatoriaux. Aujourd'hui, au début du 21ème siècle, Haïti est confrontée à une inflation de lois urbaines et de projets urbains qui ne sont ni appliqués ni mis en œuvre dans la réalité.
Pour réaliser ce travail, nous allons utiliser la méthode historique pour comprendre l'évolution de la législation urbaine en Haïti. De plus nous allons aussi utiliser la méthode d'observation directe pour pouvoir décrire les problèmes et les réalités que font face l'urbanisation en Haïti.
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Communication orale
Droit à la santé en Haïti dans un contexte post-séisme et post-choleraJean Clarck Marc Charles (Université d’Ottawa)
Cette communication vise à montrer comment et pourquoi les défaillances structurelles contribuent à la faible mise en œuvre du droit à la santé en Haïti dans un contexte post-séisme et post-cholera. Aucun programme n’a été attribué au droit à la santé dans la stratégie nationale d’aide sociale en 2012. Celle-ci demeure en déconnexion avec le plan stratégique du développement d’Haïti par rapport au volet social (PSDH 2010-2030).
Cette communication vise également à montrer pourquoi et comment le sous-financement du programme d’aide sociale aux personnes handicapées dans la stratégie nationale influe négativement et contraint à l’égale accessibilité à ce droit catégoriel. Souffrant d’un déficit d’innovation, la stratégie s’inscrirait dans des programmes à très court terme, rendant la situation sociale plus décevante où l’assistanat devient monnaie courante.
En se penchant sur des pratiques pertinentes, il s’agira de mesurer la complexité réelle des discours sur le droit à la santé et le développement en Haïti, d’étudier leurs répercussions sur la société haïtienne et de proposer des pistes d’amélioration en la matière. Cette communication s’inscrit dans le cadre de ma recherche doctorale.
Face à la destruction, l’habitabilité
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Communication orale
Penser l’habitabilité à travers les relations multiples à l’eau à Fukushima : le cas de la ville de MinamisômaMichael Chateauneuf (International Research Institute of Disaster Science, Tohoku University)
À la suite de la triple catastrophe de mars 2011, la population de la ville de Minamisôma, située de 10 à 40 km au nord de la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi, a pu rapidement revenir s’installer chez elle, mais dans un milieu transformé. Les catastrophes (tremblement de terre, tsunami, catastrophe nucléaire) ne sont pas les seules à avoir changé l’environnement, mais aussi à cause de toute la réorganisation humaine qui s’en est suivi afin de pouvoir réhabiter le territoire.
Cette communication se penchera plus spécifiquement sur les rapports à l’eau qu’on retrouve dans la ville de Minamisoma : premièrement, à travers les relations locales dans les croyances shinto et l’organisation des rizières toujours en reconstruction; deuxièmement, dans les prises de décisions gouvernementales et de grandes entreprises entourant les questions de l’énergie et de décontamination.
Le déversement des eaux irradiées dans l’océan par la Tokyo Electric Power Company (TEPCO) commencé en 2023, approuvé par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), se situe dans un rapport de continuité de l’eau en tant que ressource décontaminant. Localement, l’eau est utilisée pour des raisons multiples, et démontre un rapport plus complexe que la vision capitaliste de l’entreprise d’énergie. L’organisation des rizières et les rites shinto projettent un monde connecté au milieu et à son histoire, où l’eau joue un rôle majeur pour les vies multiples existantes sur ce territoire.
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Communication orale
Penser les marges alimentaires globales : paysages bricolés en périphérie de TokyoCharlotte Gagnon-Lewis (Université d’Ottawa)
Les paysages alimentaires contemporains sont constamment mis sous tensions par l’avancée du processus urbain et par les pressions de nouvelles réalités climatiques. Les bouleversements continuels correspondants soulignent certains enjeux méthodologiques inhérents aux études sur l’alimentation. En outre, elles reflètent une difficulté à conjuguer analytiquement les multiples réalités matérielles de territoires situés et les contraintes du système alimentaire global organisant l’existence d’un nombre substantiel de communautés. Dans cette présentation, j’aborderai ces enjeux dans le contexte de recherches en cours portant sur l’expérience quotidienne de communautés agricoles en périphérie de Tokyo. Ce faisant, je suggérerai que l’anthropologie offre des outils conceptuels à travers lesquels étudier les intersections entre les systèmes globaux et les logiques hétérogènes associées à des territoires distincts. Notamment, je proposerai que porter une attention particulière aux assemblages bricolés à travers les trajectoires contemporaines et, particulièrement, aux négociations des collectivités qui les conditionnent ouvre des possibilités pour une prise en compte multiple des logiques globales et territoriales animant nos modes alimentaires actuels.
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Communication orale
Une exploration d’un monde ignoré : la biodiversité des espaces verts résidentiels collectifEloise Bellet (Université Claude Bernard Lyon 1), Marc Bourgeois (Université Claude Bernard Lyon 1), Thomas Boutreux (Université Claude Bernard Lyon 1), Caroline Brefort (Université Claude Bernard Lyon 1), Marylise Cottet (Université Claude Bernard Lyon 1), Bernard Kaufmann, Caroline Sabah (Université Claude Bernard Lyon 1)
Les habitats résidentiels collectifs, en un autre mot, les immeubles, abritent la majorité des habitants des métropoles françaises (ex: 80% des ménages à Lyon). Les espaces verts qui leur sont associés représentent 5-10% de la surface totale d’espaces verts (forêts et agriculture exclus), bien davantage dans la zone urbaine dense où ils dépassent les parcs publics. Leur biodiversité n’a fait jusqu’à présent l’objet d’aucun travail scientifique, alors qu’ils pourraient représenter une ressource cruciale et s’intégrer aux trames vertes urbaines. Nos travaux pluridisciplinaires dans le cadre du projet COLLECTIFS - LabEx: Intelligences des Mondes Urbains, nous ont conduit à étudier la biodiversité présente dans les parcelles (avec des parcs urbains comme contrôles positifs), dont les bactéries, les champignons, la micro et mésofaune du sol, les invertébrés de surface, les pollinisateurs, la flore, les oiseaux et les chauve-souris. En parallèle, nous avons modélisé le rôle ces espaces verts dans la connectivité fonctionnelle de plusieurs espèces. Nous avons aussi enquêté auprès des habitants pour mieux connaître leur regard sur la biodiversité. Nos résultats révèlent une forte variabilité de la biodiversité, un potentiel pour les trames dépendant fortement de la localisation géographique et des habitants prêts à améliorer la situation, avec des appréhensions. Il n’est pour nous plus possible d’ignorer ces espaces riches et divers, au cœur du fonctionnement des écosystèmes urbains.
La production des lieux communs
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Communication orale
Fabrication numérique et ville productive à Barcelone: la convergence des utopies technologiques et urbainesSandrine Lambert (Université Laval)
À Barcelone, les anciens sites industriels font l’objet de désirs et récits autour de la régénération urbaine. Ces vestiges de l’âge d’or de l’industrie textile catalane génèrent un engouement prospectif pour faire émerger de nouveaux projets. Ils deviennent les lieux d’affrontement de visions sur l’avenir de la ville. La justification de ces projets se fait en convoquant l’imaginaire de la révolution industrielle qui portait en elle des promesses de réformes socio-politiques. Sur ce plan, la fabrication numérique s’inscrit dans la continuité de la fabrication industrielle. La fabrication numérique permet de produire des objets à partir de machines comme l’imprimante 3D ou la découpeuse laser par exemple. Elle se pratique entre réseaux de pairs et dans des makerspaces. Elle permet la production localisée de petites unités à la demande mais demeure avant tout une pratique de loisirs et d’éducation à la technologie. Néanmoins, depuis l’organisation des makers pour la production de visières de protection pendant la pandémie de Covid-19, la fabrication numérique a gagné en popularité et véhicule l’espoir de matérialiser la relocalisation de la production, d’opérationnaliser la création de manufactures de proximité et de réhabiliter l’imaginaire de l’atelier comme creuset de changements sociaux et démocratiques. Dans la réalité qu’en est-il? Et quels sont les effets de ce romantisme post-industriel sur le développement urbain et sur les citoyens qui occupent l’espace public?
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Communication orale
Communs urbains : et si les commoners provenaient de la périphérie ? Un regard anthropologiqueCristian Cabrera Van Cauwlaert (Université d’Ottawa)
Les « communs urbains » sont des espaces autogérés par leurs occupants selon la logique de la valeur d'usage, c'est-à-dire de manière non lucrative et pro-sociale (Dellenbaugh, et al., 2020). La plupart des auteurs s'accordent à les considérer comme une alternative possible à la vague de privatisation des espaces urbains, encouragée par les politiques néolibérales (Harvey, 2012 ; Dellenbaugh, 2015 ; Borch et al., 2015). Tout en reconnaissant leur potentiel, le but de cette communication est d’explorer leurs limites en mettant en lumière les points de vue des acteurs qui y occupent une place marginale. Dans cette perspective, les normes et valeurs autour de la gestion des « communs urbains » peuvent se manifester comme une forme de violence et d’exclusion envers certains groupes sociaux. Après avoir examiné le débat autour de la notion de « commun », une réflexion est proposée sur la manière dont la recherche anthropologique pourrait contribuer à faire de ces acteurs des interlocuteurs légitimes dans la création de « commun » pour ainsi retrouver le « droit à la ville » (Lefebvre, 1968), qui leur est refusé par les institutions en place. Quel rôle devrait jouer le chercheur sur le terrain dans la poursuite de cet objectif ?
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Communication orale
« Qu’est-ce qu’on crée de mieux ? » : Les initiatives québécoises d’agriculture de proximité écologique diversifiée, et la mise en acte d’alternativesÉléonore Mercier-Decorte (UdeM - Université de Montréal)
Au Québec comme ailleurs, le secteur agricole s’est grandement transformé au cours du XXe siècle. Dans les champs, les projets de modernisation, d’industrialisation, et de libéralisation économique se sont traduits, entre autres, par la mécanisation, la spécialisation de la production, ainsi que le recours aux engrais chimiques et aux pesticides. Actuellement, plusieurs agriculteurs-rices mettent sur pied des projets agricoles à contre-courant du modèle dominant.
Dans le cadre de mon projet de recherche à la maîtrise en anthropologie, je m’intéresse aux régimes de valeurs qui guident les pratiques des maraîchers-ères prenant part à des initiatives québécoises d’agriculture de proximité écologique et diversifiée. Cette communication se base sur les données issues de cette recherche en cours, et présente une réflexion sur le sens et la valeur du travail. En effet, pour ces maraîchers-ères s’opposant vivement au modèle économique dominant, le sens et la valeur du travail s’enracinent dans la finalité utile – voire nécessaire – des activités, ainsi que dans leur ancrage dans le contexte local spécifique. À travers leurs pratiques et engagements quotidiens, les maraîchers-ères rencontré.e.s proposent et performent (enact) une manière d’habiter, et de rendre habitable les milieux de vie.
Dîner
Réorganisation des flux et des infrastructures
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Communication orale
Vers une harmonisation des projets de planification urbaine à l’échelle globale ?Adrien Savolle (Université Laval)
Les projets de planification urbaine ont été analysés en sciences sociales comme des projets politiques et des projets d’ingénieries sociales s’appuyant sur un discours scientifique et des concepts valises comme « services publics », « économie du savoir », « modernité ». Les projets de planifications urbaines incorporent donc des idéologies et résultent de la projection des experts et des décideurs politiques d’une vision idéale de la ville. Mais cette vision résulte aussi de la circulation mondiale des « bons » modèles organisationnels à mettre en œuvre comme les propositions d’eco cities ; smart cities, healthy cities, safe cities ou encore floating cities, qui inscrivent tout projet de planification urbaine dans un flux global d’idée et de pratique
Si les projets de planification urbaine sont donc simultanément des techniques de pouvoir et des « artéfacts idéologiques » issu du global et influençant la représentation symbolique de la ville (représentation patrimoniale, mémorielle,…) comme les pratiques et modes de vie des habitants de ces zones, la mise en œuvre des projets de planification urbaine se soldent le plus souvent par des résultats inattendus découlant de facteurs locaux, et d’une adaptation continue des porteurs de projets à ces « revanche de contextes ». La présentation se basera sur des données de terrain pour analyser la nature des frictions (dynamiques globales / dynamiques locales) se produisant lors des mises en œuvre des planifications urbaine.
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Communication orale
Économie politique des données et Anthropocène: flux énergétiques et informationnels dans les villes contemporainesGustavo Denani (Université d’Ottawa)
Les villes sont un medium (Kittler 1996) soutenu par une diversité d'infrastructures (Mattern 2015). En tant que médium, elles véhiculent des signes qui codent des flux de nature diverse, tels que les personnes, les marchandises et l'argent. La dimension sémiotique est indissociable de l'infrastructural, qui fournit les conditions matérielles et techniques pour les flux susmentionnés, ainsi que d'autres qui ne sont pas toujours apparents, tels que les déchets et l'énergie. On peut dire que différents régimes de signes (Deleuze et Guattari 1980), chacun avec son support matériel, impliquent différents agencements spatio-temporels d'une ville. La modalité contemporaine de ce régime peut être décrite par la séparation entre l'énergie et l'information (Simondon, 2013), de telle sorte qu'il y a une interdépendance entre l'information numérique (les données) et l'énergie électrique.
Dans le contexte du changement climatique, cette interdépendance devient un risque, non seulement en raison du potentiel destructeur des événements extrêmes, mais surtout en ce qui concerne le coût d'exploitation de ces flux, en particulier dans les pays qui dépendent des centrales hydroélectriques, comme c'est le cas du Brésil. Ainsi, en présentant un historique récent de la production et de la consommation d'énergie et d'information dans le pays, une proposition de cadre théorique sera faite pour articuler l'économie politique des données et l'anthropocène dans le contexte urbain.
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Communication orale
La gouvernance des écocides : nouvelle problématique de gouvernement pour un État en criseSébastien Girard Lindsay (Université d’Ottawa)
Le concept d’écocide forgé au tournant des années 1970 vise à décrire le phénomène de la destruction généralisée des écosystèmes. Les écrits dominants l’envisagent comme une norme criminelle devant être juridiquement contraignante ou comme un comportement criminogène perpétré par l’État (Berat, 1993; Crook & Short, 2014; Gray, 1995; Higgins, 2015; Kramer, 2013; Mwanza, 2018). Notre recherche vise plutôt à comprendre la manière dont l’activité gouvernementale réinvente son action et demeure légitime face aux conséquences socio-environnementales de plus en plus importantes découlant de l’extraction des ressources naturelles. Ainsi, nous envisageons l’écocide comme une problématique de gouvernement, un nouveau champ d’action gouvernemental supporté par un régime de connaissances légitimes. Cette communication souhaite présenter les résultats d’une thèse doctorale en administration publique réalisée en 2024 et conduite en Eeyou Istchee Baie-James. En étudiant la mise en œuvre du projet de restauration du site minier le plus contaminé au Québec, la mine Principale à Chibougamau, cette recherche décrit la structuration d’un nouveau régime d’exploitation des ressources naturelles appelée La gouvernance des écocides, qui s’articule autour de la gestion des risques découlant de l’extraction des ressources naturelles.