Informations générales
Événement : 91e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 400 - Sciences sociales
Description :Ce colloque souhaite orchestrer une réflexion interdisciplinaire sur les injustices épistémiques—réflexion que l’on souhaite aborder sous divers angles (théorique, méthodologique, pratique, empirique). Champ de recherche fort dynamique, cette littérature s’intéresse aux diverses inégalités et injustices liées à l’acquisition, au partage et à la reconnaissance de certains savoirs, et aux liens étroits entre ces inégalités et les rapports de pouvoir. Ces recherchent tentent en outre de saisir comment les préjugés négatifs ambiants (e.g. sexistes, âgistes, capacitistes, sanistes, racistes, classistes) affectent la crédibilité accordée aux savoirs de certains groupes, mais aussi à réfléchir aux moyens de pallier à ces déficits de crédibilité et à la marginalisation. Bien que de nombreux écrits féministes et décoloniaux aient précédemment exploré certaines facettes des phénomènes en question, l’ouvrage phare de Miranda Fricker, Epistemic Injustice (2007), a donné un cadre analytique bien défini au sujet – un cadre repris, critiqué et amendé par plusieurs chercheurs et chercheuses dans la dernière décennie. L’importance et la pertinence de ce corpus est considérable pour les sciences sociales, car il soulève des enjeux complexes sur nos façons de produire et de partager des connaissances. Comment produire celles-ci avec les personnes et les communautés étudiées? Comment bien reconnaître les différentes formes de savoirs? Et comment réfléchir sur les inégalités produites par les nouvelles connaissances ou par certaines méthodologies de recherche?
Remerciements :Nous remercions le CIRCEM pour son généreux appui financier.
Dates :Format : Sur place et en ligne
Responsables :- Sophie Bourgault (Université d’Ottawa)
- Stéphanie Gaudet (Université d’Ottawa)
- Alexis H. Truong (Université d’Ottawa)
- Luisa Veronis (Université d’Ottawa)
- Bianca Reitano (Université d’Ottawa)
Programme
Mot de bienvenue et conférence plénière I
Amandine Catala - Une théorie pluraliste de l’agentivité et de l’injustice épistémiques
La littérature sur l'injustice épistémique présente actuellement un biais logocentrique ou propositionnel. Ce biais découle d'une conception implicitement logocentrique de l'agentivité épistémique, fondée à son tour sur une conception de la connaissance comme propositionnelle. Dans cette présentation, je développe une conception plus large, pluraliste, de l'agentivité et de l’injustice épistémiques. Cette conception pluraliste s'appuie sur une conception pluraliste de la connaissance, qui prend en considération non seulement la connaissance propositionnelle, mais également d'autres types de connaissances, non-propositionnelles, telles que les connaissances pratique, tacite, incarnée et affective. Si celles-ci ont été largement négligées dans les discussions sur l'injustice et l'agentivité épistémiques, ces connaissances non-propositionnelles ont pourtant des implications significatives pour notre compréhension de l'agentivité et de l’injustice épistémiques. Cette présentation montrera ainsi qu’une conception pluraliste de la connaissance nous pousse à revoir la conception actuelle de l'agentivité et de l'injustice épistémiques pour faire place à leurs dimensions non-propositionnelles, et ainsi mieux saisir et identifier les enjeux d’injustice épistémique.
Panel 1 : La santé des femmes
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Communication orale
Lorsqu'elles s'expriment, on les traite de « malades ». Portrait du sexisme et du sanisme vécus par les femmes dans le réseau public et développement d’outils pour y répondre.Katharine Larose-Hébert (TÉLUQ - Université du Québec), Geneviève Nault (Université Laval), Alexis Hieu Truong (Université d'Ottawa)
Comment combattre les injustices épistémiques vécues par les femmes psychiatrisées qui cherchent des services au sein du réseau public en lien avec la violence sexiste qu’elles vivent ou ont vécue? Nous présenterons les résultats d'une recherche-action participative féministe et les outils développés pour répondre aux enjeux identifiés, en collaboration avec nos partenaires communautaires et des expertes de vécu.
Au Québec, le milieu de l’intervention féministe dénonce depuis plusieurs années une surutilisation du diagnostic psychiatrique pour interpréter les comportements et affects des femmes fréquentant leurs services. Les traitements pharmacologiques sont souvent privilégiés, mais correspondent mal aux besoins énoncés par nos participantes lors des entretiens semi-dirigés (20), dont l'écoute, la reconnaissance et un accompagnement adapté suite à la violence vécue. Leur parole et leurs savoirs sont souvent passés sous silence ou ignorés, confrontés à des interactions avec les professionnels parfois caractérisées par des préjugés ou une méconnaissance des réalités qu’elles vivent. Il s’agit d’inégalités et d’injustices issues de formes de sexisme et de sanisme institutionnels qui, à notre sens, structurent et servent à pathologiser leurs expériences.
Nous présenterons la production de vignettes d’information, de formations et d’autres outils développés avec nos partenaires communautaires pour adresser ces enjeux, ainsi que les défis méthodologiques et éthiques rencontrés.
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Communication orale
Santé reproductive en Haïti Convergence d’impérialisme culturel, injustice épistémique et médicalisationTania Pierre Charles (UQAM - Université du Québec à Montréal)
En Haïti, moins de 40 % des naissances ont lieu dans un établissement de santé (Institut Haïtien de l’Enfance (IHE) & ICF, 2018). Cela traduit l’existence de deux systèmes parallèles s’appuyant respectivement sur les médecines occidentale et créole. La médecine occidentale est légitimée par la scientificité des connaissances, se caractérise par être ahistorique, individualiste et d’orientation curative (Menéndez, 2020). Elle se présente comme l’unique approche valide du processus santé-maladie-soins, au sein duquel elle situe l’accouchement. La médecine créole provient principalement de l’héritage africain. Elle est le produit de la mobilisation de savoirs et d’expériences des personnes historiquement opprimées, exclues, déshumanisées et marginalisées.
L’objectif de la proposition de cette communication est d’aborder l’injustice épistémique dans le domaine de la santé reproductive en Haïti et montrer le lien étroit avec l’impérialisme culturelle et la médicalisation qui par leurs logiques renforcent cette injustice.
À partir de deux exemples issus de documents officiels relatifs à la santé reproductive, je mets en exergue les concepts d’injustice épistémique dans ses formes : testimoniale et herméneutique (Fricker, 2007) ainsi que celui de domination épistémique (Catala, 2015).
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Communication orale
Le partenariat avec les patient·e·s en douleur chronique pour favoriser la justice épistémique en santé : de la recherche à la provision de soinsCatherine Côté (UdeM - Université de Montréal)
Plus d’une personne sur 5 au Canada vit avec de la douleur chronique. Les patient·e·s rapportent fréquemment être invalidé·e·s par les professionnel·le·s de la santé dans le témoignage de leur douleur. Bien que la littérature ait généré des réflexions théoriques quant aux injustices épistémiques en santé, ces savoirs sont peu articulés dans l’expérience vécue. La voix des personnes concernées est ainsi peu entendue, suggérant que la production des connaissances elle-même reproduit certaines injustices épistémiques.
Ancrée dans une approche située et en partenariat, cette étude vise à mieux comprendre comment les personnes vivant avec de la douleur chronique appréhendent ces injustices épistémiques, en plus d’identifier des avenues potentielles pour favoriser la justice épistémique en santé. Une méthodologie de recherche qualitative privilégiant des entretiens narratifs avec des patient·e·s vivant de la douleur chronique a été déployée. Une revue critique de la littérature, mise en relation avec les témoignages recueillis, a permis d’identifier des stratégies favorisant la justice épistémique. Ces stratégies peuvent inclure des approches vertueuses, structurelles, narratives, cognitives, partenariales, ainsi que des stratégies de lutte et de résistance. Le partenariat à tous les niveaux du système de santé, soit la gouvernance, l’éducation des soignant·e·s, la recherche et la provision de soins, peut constituer une approche intégrative pour la justice épistémique en santé.
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Communication orale
Genre, maternités et parentalités en contexte de douleur chronique, injustices épistémiques et temporalités handicapéesMarieke Hassell-Crépeau (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Mobilisant à la fois les études féministes du handicap et les crip studies, cette étude met en lumière les vécus temporels des parents douloureux chroniques en mobilisant, entre autres, le concept de temporalités handicapées (crip time). Ce concept permet de démontrer comment les injustices épistémiques ont un impact sur les temporalités des parents douloureux chroniques.
Six mères et un parent trans non binaire qui ont des douleurs chroniques ont été interviewé.e.s dans le cadre d’entretiens semi-dirigés. Les entretiens ont ensuite fait l’objet d’une analyse thématique sur le logiciel NVivo.
Des injustices épistémiques sont présentes dans les parcours de vie de toustes les participant.e.s à la recherche. Plusieurs mentionnent d’ailleurs que ces injustices ont eu un impact sur leurs temporalités. Ces injustices épistémiques occasionnent des temporalités qui se retrouvent à l’intersection du sexisme et du capacitisme. Plusieurs participant.e.s rencontré.e.s ont d’ailleurs développé des stratégies pour se faire croire plus facilement par leurs proches et les professionnel.le.s de la santé.
En effet, plusieurs concepts développés dans les études crip et féministes du handicap (crip time as disbelief, injonction à la guérison, misfit, etc.) seront présentés, dans un but de démontrer leur pertinence pour étudier les injustices épistémiques vécues par les personnes handicapées et malades.
Panel 2 : Droit et justice pénale
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Communication orale
Des épistémologies de l’ignorance et du droit – tensions entre solidarité sociale et reproduction de la violence du droit dans la recherche juridiqueDelphine Gauthier-Boiteau (Université d’Ottawa)
Prenant appui sur les épistémologies de l’ignorance et la notion d’injustice épistémique, cette communication rend compte de réflexions en amont d’un projet doctoral portant sur le pouvoir judiciaire et les expériences de mères qui se sont trouvées ou qui se trouvent à l’intersection de prises en charge par le droit criminel, psychiatrique et de protection de la jeunesse. Bien que les principes, procédures et finalités de ces domaines juridiques soient multiples, une problématisation transversale est pertinente pour en montrer les logiques communes et rendre visible la surreprésentation de groupes précis qui les traversent. Alors que le droit est ici compris comme champ normatif formel produisant des injustices épistémiques, la proposition aura pour objet les questions préalables aux diverses possibilités de recherche empirique. L’une, dont l’objet et la méthode viseraient l’amplification de savoirs déconsidérées en et par droit et l’autre, relevant d’une étude critique des pratiques judiciaires et des conditions de reproduction des violences du droit. Cela évoque la réflexivité et l’aspiration à se constituer comme virtous hearer, tout en étant confrontée à une atmosphère sociale (et juridique) autre (Fricker). Les questions suivantes guideront la présentation : Quelle avenue est plus susceptible d’amenuiser les injustices épistémiques pôles (amplification/ignorance)? De quelles façons peut-on concevoir le rôle de la chercheure en droit dans ce contexte épistémologique?
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Communication orale
[In]justice épistémique : la justice thérapeutique et la place accordée à la parole des personnes psychiatrisées au sein des tribunaux de santé mentaleGeneviève Nault (Université Laval)
Les personnes psychiatrisées sont confrontées à un système de discrimination profondément ancré qui contribue à leur disqualification et qui sert souvent à justifier leur prise en charge, notamment par le système pénal. En réponse à leur surreprésentation en milieu carcéral, on assiste, depuis la fin du XXe siècle, à la création de tribunaux de santé mentale. S’appuyant sur le concept de justice thérapeutique qui stipule que le droit peut avoir des effets thérapeutiques et devrait donc chercher à contribuer au bien-être des personnes accusées, ces tribunaux offrent la possibilité d’une peine allégée, voire d’un retrait des accusations, aux personnes psychiatrisées qui s’engagent dans un plan d’action pour pallier les problématiques considérées sous-jacentes à leurs comportements criminalisés. Reconnaissant les injustices épistémiques auxquelles sont confrontées les personnes psychiatrisées, ma recherche doctorale adopte une approche s’inspirant de l’ethnographie institutionnelle pour étudier ces tribunaux à partir de la perspective des personnes qui y sont soumises. Elle cherche à comprendre comment les interactions et rapports de pouvoir façonnent leur expérience au sein de ces tribunaux et comment elles conçoivent et vivent cette expérience. La communication proposée présentera les résultats de ma recherche doctorale en misant sur la place accordée à l’expérience, la parole, des personnes premières concernées dans un processus judiciaire qui dit contribuer à leur bien-être
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Communication orale
Les savoirs et le droit : conflit et (in)justice épistémiques au prétoireAlex Alexis (UdeM - Université de Montréal)
Cet article porte sur le traitement judiciaire des conflits ontologiques et épistémiques, soit ce que fait le juge face à des revendications fondées sur des mondes et des savoirs différents. Pour ce faire, je procéderai par étude de cas comparée de deux affaires qui défient l’ontologie et l’épistémologie (de la science) moderne au fondement du droit en Occident. Dans le premier cas, Ktunaxa Nation c. Colombie‑Britannique (2017), la Cour suprême du Canada est confrontée au problème de l’existence d’entités surnaturelles, en l’occurrence « l’Esprit de l’ours Grizzly ». Dans le second cas, le Tribunal de Waitangi en Nouvelle-Zélande est confronté à des entités à consistance ontologique douteuse, en l’occurrence « les données ». La Cour suprême traite avec le plus grand scepticisme les allégations autochtones sur l’esprit de l’ours Grizzly, là où le Tribunal de Waitangi affirme que les données des maoris sont des taonga (trésors). Les juges canadiens semblent savoir ce qui (n’)existe (pas), là où les juges néo-zélandais se sont montrés plus ouverts à la multiplicité des mondes. Ces deux cas seront analysés à la lumière de la notion d’injustice épistémique de Fricker, ainsi que la thèse centrale des STS selon laquelle la réalité ne relève pas du « déjà là » mais est enactée dans la pratique, d’où plusieurs réalités résultant de pratiques distinctes. On s’interrogera sur les limites et l’intérêt potentiels de ces « théories de la connaissance » pour la pratique judiciaire.
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Communication orale
Quand avoir une voix ne suffit pas : handicap cognitif et justice pénaleMichèle Diotte (Université d’Ottawa)
Dans le cadre des procès pour agression sexuelle, les personnes victimes-plaignantes constituent souvent le témoin principal. Depuis quelques décennies déjà, leur voix est construite comme une dimension juridique incontournable. Or, qu’en est-il de cette voix lorsqu’elle émane de personnes victimes-plaignantes en situation de handicap cognitif? Comment est reçu par la justice pénale ce « savoir » qui s’entrelace avec l’idée d’(in)capacité? En prenant appui sur sa recherche doctorale, la présentatrice nous propose d’explorer le concept d’injustice épistémique à travers des jugements de la Cour et des entretiens de recherche menés auprès de procureures de la Couronne. Elle mettra en lumière certains dispositifs capacitistes actuellement présents au sein du système de justice pénale et proposera des pistes pour favoriser une meilleure justice épistémique sur le plan juridique.
Dîner
Panel 3 : Les savoirs des institutions et des allié·e·s
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Communication orale
Pour qui le travail social au Québec? Regard sur le générique et le spécifique dans les écrits entourant la pratiqueMélanie Ederer (INRS - Institut national de la recherche scientifique)
Le travail social est une profession développée à travers l’histoire du Québec qui agit auprès des individus et des groupes considérés tantôt comme « déviants », vulnérables ou marginalisés. Des recherches se sont intéressées à comment le travail social nomme et construit les personnes auprès desquelles il intervient. Pourtant, peu d’écrits se sont concentrés sur les rapports de pouvoir au Québec qui traversent la profession depuis sa création. Cette communication propose d’examiner comment le travail social contribue à construire des groupes comme « majoritaires » et « minoritaires » au Québec à travers ses représentations et ses pratiques. La recherche s’appuie sur un corpus de données comprenant à la fois des écrits scientifiques, la documentation de l’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec et les programmes de formation menant à l’ordre professionnel. Ce corpus sera analysé sous l’angle de la justice épistémique pour faire ressortir par et pour qui le travail social (générique) est pensé et qui sont les groupes qui revendiquent ou qui sont perçus comme requérant des pratiques « spécifiques », « adaptées » ou « décentrées ». La contribution participe à historiciser le travail social et vise à réfléchir aux rapports de pouvoir véhiculés par les savoirs en travail social.
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Communication orale
L’(in)visibilité des savoirs infirmiers : une analyse fondée sur la sociologie de l’ignorance et la sociologie des absencesCaroline Dufour (Université du Québec en Outaouais), Evy Nazon (UQO - Université du Québec en Outaouais), Amélire Perron (Université d'Ottawa), Annie Rioux-Dubois (Université du Québec en Outaouais)
Problématique: La discipline infirmière est composée d’une majorité de femmes qui travaillent à produire des savoirs. La mobilisation de ces savoirs sont utiles afin d’assurer la mise à jour des connaissances et leur permettre de répondre aux situations de soins complexes. L’inégalité épistémique qui prend forme dans l’accès, la reconnaissance et la production des savoirs et des différentes formes d’ignorance (Godrie et dos Santos, 2017) est une réalité en sciences infirmières. Objectif. Examiner comment les savoirs infirmiers en viennent à devenir (in)visibles sur les unités de soins. Cadre théorique: Cette recherche utilise la sociologie de l’ignorance (McGoey, 2019) et la sociologie des absences (de Sousa Santos, 2011). L’épistémologie de l’ignorance et des absences rejoignent les réflexions sur les inégalités épistémiques et de l’invisibilité des savoirs infirmiers. Méthodologie. La présente communication s’appuie sur une étude qualitative exploratoire menée auprès de différents professionnels de la santé (n=33). La collecte des données inclut des entrevues individuelles et l’observation non-participative dans différents milieux de soins. Contribution. Nous voulons alimenter la discussion sur l’ignorance et l’absence de certains savoirs infirmiers et rendre visible leur complexité.
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Communication orale
Cultiver l’humilité épistémique en soins de santé par l ’inclusion d’expertises diversifiées de personnes proches aidantes issues de groupes ethnoculturels minoritairesLaura Ginoux (UdeM - Université de Montréal), Line Grenier (Université de Montréal), Kirstie McAllum (Université de Montréal)
Étant donné le vieillissement accru de la population et la pénurie de main-d’œuvre dans le domaine de la santé et des services sociaux au Québec, les personnes proches aidantes (PPA) jouent un rôle essentiel dans la prestation de soins envers les personnes âgées (PA).
Les PPA issues de groupes ethnoculturels minoritaires (GEM) rencontrent des problématiques particulières liées au racisme, à la discrimination et à un manque d’humilité culturelle et épistémique de la part des personnes intervenantes en soins de santé et services sociaux (PI).
Nous constatons une injustice épistémique envers les PPA issues de GEM car elles ne sont pas souvent incluses dans les prises de décisions, bien qu’elles détiennent des savoirs pratiques issus du soin informel reçu et donné, de leurs expériences de vie et de leurs cultures.
Cette communication traitera de la problématisation d’un projet de recherche en cours qui étudie la négociation des expertises diversifiées au sein de triades PPA-PA-PI afin de développer des pratiques de soins collaboratives culturellement appropriées qui intègrent les
PPA comme partenaires épistémiques dans le soin. Nous présenterons notre proposition afin de cultiver l’humilité épistémique au sein de la triade PPA-PA-PI. Par cette communication, nous aurons l’opportunité de partager les premières données issues de témoignages d’interactions et d’entrevues individuelles auprès de triades en soutien à domicile (SAD) dans la grande région métropolitaine de Montréal.
Panel 4 : Quelles résistances possibles ?
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Communication orale
Injustices épistémiques et résistance : une lecture de « La tradition cachée » d’Hannah ArendtSophie Cloutier (USP - Université Saint-Paul)
La pensée de Hannah Arendt est peu commentée dans la littérature sur les injustices épistémiques, pourtant elle pourrait s’avérer fructueuse. En ce sens, nous mobiliserons les recherches de José Medina (2013) sur l’épistémologie de la résistance afin d’interpréter « La tradition cachée » d’Arendt comme une tentative de résistance épistémique. Dans cet essai, Arendt invoque quatre figures juives parias afin de témoigner de leur résistance face à la condition de parvenu. À une époque où les Juifs commencent à s’assimiler à la société allemande, Arendt dévoile la tradition des personnes qui refusent de se camoufler dans la société et de masquer leur judéité et qui se mettent en marge. Nous nous concentrerons sur la figure de Bernard Lazare, le « paria conscient », le rebelle qui se fait le défenseur d’un peuple opprimé, luttant pour conquérir sa liberté. La critique que fait Lazare des parvenus et de la ‘double servitude’ caractéristique de l’assimilation juive sera interprétée en termes d’injustices herméneutiques et de méconnaissance de sa positionnalité. Lazare exhortait les parvenus à renoncer aux privilèges de leur statut social et économique pour se faire les défenseurs des opprimés, mais son appel ne semble pas avoir été entendu, une certaine tradition juive est demeurée cachée. En reprenant la figure du paria conscient, Arendt dévoile la clairvoyance politique qui peut émerger du combat pour la justice lorsque l’on comprend le système d’oppression.
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Communication orale
Femmes, féminismes et Islam: résistances épistémiques en contexte polémiqueSaaz Taher (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)
Les chercheures musulmanes produisant des recherches sur l’agentivité des femmes musulmanes et les féminismes musulmans se retrouvent confrontées à différents défis, dans des contextes politiques et scientifiques où est cultivée l’idée d’un Islam antiféministe et où est niée l’existence même des féminismes musulmans (Ahmed, 1992 ; Abu-Lughod, 2002 ; Lazreg, 2010). Si différents travaux ont préalablement traité des injustices et des violences épistémiques produites à l’égard des femmes musulmanes au Québec sur les plans politique et universitaire, leurs contributions au débat public féministe et démocratique comme forme de résistance épistémique ont rarement été au cœur des analyses scientifiques francophones. Dans cette perspective, cette communication propose d’examiner comment les chercheures féministes musulmanes critiques proposent des avenues pour déconstruire les rapports complexes entre race et épistémologie et pour repenser l’agentivité des femmes musulmanes au-delà des perspectives féministes libérales dominantes (Benhadjoudja, 2015 ; Zine, 2004; Mahmood, 2005).
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Communication orale
Étude de l’oppression épistémique au sein des théories féministes occidentalesAlexia Leclerc (Université McGill)
Plusieurs femmes et féministes autochtones critiquent la manière dont leurs voix et leurs contributions sont systématiquement exclues ou dévaluées dans le milieu académique et au sein des théories féministes occidentales (Green 2017; Arvin, Tuck, and Morrill 2013). Je démontre que certaines orientations au sein des théories féministes occidentales produisent de l’oppression épistémique (Dotson 2014) à l’égard des contributions des femmes et féministes autochtones. L’oppression épistémique se comprend comme l’atteinte persistante à la capacité d’une communauté à contribuer à la production de connaissances. Mobilisant des engagements normatifs en théorie politique comparative (Tully 2020), j’examine des manifestations concrètes d’oppression épistémique à partir de critiques spécifiques de femmes autochtones. Je montre en quoi certains concepts mobilisés au sein des théories féministes ne permettent pas de rendre compte des réalités des femmes autochtones. J’explique que cela serait causé par une insuffisance dans les ressources épistémiques en décortiquant le cas du concept de souveraineté (Barker 2017; Ladner 2009). Je m’attarde à la critique selon laquelle les visions des femmes autochtones seraient incommensurables à celle des féministes occidentales (Moreton-Robinson 2000). Je décortique la manière dont cette incommensurabilité cause de l’oppression épistémique à l’égard des femmes et féministes autochtones pour ultimement rendre les relations dialogiques moins oppressives
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Communication orale
Expressions politiques en ligne des jeunes : de potentielles formes de résistance épistémique ?Caroline Chambon (Université Jean Monnet)
La jeunesse serait un groupe subalterne qu’il faudrait accompagner vers une citoyenneté responsable (Caron, 2018), en d’autres termes, vers la pratique du vote comme s’il s’agissait d’une finalité ultime. Victimes d’injustices épistémiques (Fricker, 2007) en raison de leur statut social, des jeunes s’emparent de formes de résistance politiquement nécessaires aux sociétés démocratiques pluralistes et conflictuelles (Frega, 2013). En conséquence, aspirer à une citoyenneté démocratique (Gaudet, 2018) soucieuse de justice sociale (Fraser, 2004) suppose de légitimer les productions de connaissance de jeunes pluriels qui rendent possible leur émancipation au travers de conflits productifs.
L’avènement du web social a entraîné des mutations dans les modalités de participation politique des jeunes. Or, au sein de l’espace numérique, les points de vue se croisent plus qu’ils ne se rencontrent, participant au développement d’une citoyenneté individuelle plus qu’à celui d’une citoyenneté collective démocratique. Cependant, avoir le souci de justice et d’équité présume de pouvoir construire son individualité pour s’ouvrir à l’imprévu consenti des diversités. Afin de participer à la reconnaissance de la parole des jeunes, la communication analysera des expressions numériques relevant de l’infra-politique dans leurs potentialités de représenter des formes de résistance épistémique bénéfiques au développement d’une citoyenneté démocratique individuelle et collective juvénile.
Réseautage
Panel 5 : Des connaissances et des savoirs oubliés... ignorés... occultés ?
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Communication orale
Comment analyser les injustices épistémiques liées à l’âge?Pamela Alvarez-Lizotte (Université Laval), Caroline Caron (Université du Québec en Outaouais)
Cette communication s’intéresse à l’intérêt qu’offre le concept d’injustice épistémique (Fricker, 2007) comme perspective analytique dans les études critiques sur la jeunesse. Ouvrant la voie au rôle des rapports sociaux dans la production des connaissances, cette perspective peut être saisie comme ressource épistémologique critique et mener à de nouvelles avenues d’analyses porteuses de transformations sociales. Cette communication porte sur le concept d’« adultisme », un outil d’analyse critique qui met en lumière le rôle des rapports sociaux d’âge dans la perpétuation d’injustices épistémiques touchant les jeunes comme catégorie sociale subordonnée aux adultes. Dans un premier temps, nous présentons le contexte théorique et interdisciplinaire ayant mené à la formation et à l’usage du concept dans les études critiques interdisciplinaires sur la jeunesse. Ensuite, nous présentons notre conceptualisation originale de l’adultisme, qui s’inspire de la littérature existante et des travaux de Patricial Hill Collins (2000). La conceptualisation de l’adultisme que nous présentons met en lumière les mécanismes et les processus sociaux en oeuvre dans la formation, le développement et la perpétuation des injustices épistémiques liées à l’âge. Les quatre dimensions analytiques proposées (domaines de pouvoir hégémonique, structurel, disciplinaire et interpersonnel) sont illustrées de manière à exposer le potentiel de cet outil d’analyse critique en intervention et en recherche.
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Communication orale
Initiatives Équité – Diversité - Inclusion et Neurodiversity Lite: Expériences vécues de chercheur·es AutistesAmandine Catala (Université du Québec à Montréal), Marjorie Désormeaux-Moreau (UdeS - Université de Sherbrooke)
Problématique. En 2012, Milton1 soulignait que malgré une attention accrue portée à l’autisme, les personnes autistes demeuraient réduites au silence, sauf pour une participation symbolique. Une décennie plus tard, le silence, le tokenisme et l’exclusion des personnes autistes (et autres personnes neurominorisés) perpétuent les injustices épistémiques et les oppressions. Objectifs. Explorer les conséquences de l’instrumentalisation et de la co-optation de la neurodiversité (c.-à-d. la diversité neurocognitive2) dans les initiatives et les projets en matière d’équité, de diversité et d’inclusion (EDI). Approche. Prenant appui sur nos propres expériences en tant que chercheur·es et militant·es Autistes, nous présenterons deux récits par lesquels nous illustrerons les injustices épistémiques qu’entraînent de telles pratiques. Nous analyserons ensuite comment ces récits révèlent le phénomène de Neurodiversity Lite3, contributif à l’exclusion et à la marginalisation des expériences et des perspectives autistes. Contribution. Nous avançons que pour rompre avec le Neurodiversity Lite, il importe de reconnaître que toute position sociale s’accompagne de limitations épistémiques et qu’il est donc essentiel de cultiver une posture d’humilité épistémique. Nous proposerons des pistes de réflexions et d’actions – des pistes de résistance épistémique4, pour non seulement examiner, mais fondamentalement transformer la neuronormativité5, et ce, pour tendre vers une véritable neuroinclusion.
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Communication orale
Sociologie de l’ignorance : le cas de la famille haïtienneStéphanie Gaudet (Université d'Ottawa), Jean Nephetaly Michel (Université d’Ottawa)
Les recherches en sociologie ou en épistémologie de l’ignorance s’intéressent aux conditions sociales de la production d’absence de savoirs sur certains sujets. La production de l’ignorance est l’une des formes d’injustices épistémiques que l’on peut observer comme le résultat de pratiques sociales influencées par les inégalités sociales (Rajeev Bhargava, 2013, Godrie, 2017). Cette absence se traduit par une « colonialité du pouvoir » (Quijano, 2000, 2007) qui implique une injustice épistémique. Le choix des objets de recherche, leur traitement et la production de connaissances scientifiques sont situés (Harraway, 1988) tout comme les savoirs absents. Dans cette communication, nous discuterons de l’absence de savoirs savants sur la famille haïtienne. Comment la situation haïtienne influence-t-elle cette absence ? Nous porterons également notre analyse sur la production scientifique de la diaspora haïtienne nombreuse aux États-Unis et au Canada. Comment la famille haïtienne immigrée en Amérique du Nord est-elle étudiée ? Pourquoi est-elle absente de la sociologie de la famille canadienne et québécoise alors qu’elle représente un groupe populationnel francophone important ?
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Communication orale
Ce que mourir veut dire: figures du deuil et de morts « indignes » au prisme des injustices épistémiquesMisanka Stephanie Mupesse (Université d’Ottawa), Dahlia Namian (Université d'Ottawa), Isabelle Perreault (Université d’Ottawa)
Les rites associés au décès et les facteurs liés à l’identité du décédé jouent un rôle central dans la production de figures du deuil et de la mort considérées dignes ou légitimes en reconnaissant et en renforçant la valeur des liens entre le défunt et la société. Toutefois, il existe certaines morts qui ne sont pas socialement ou culturellement reconnues ou soutenues (Doka, 2008) : ce sont des morts qui ne « comptent pas » et qui sont « indignes d’être pleurés », selon Judith Butler (2005). On peut alors parler d’une forme d’injustice épistémique qui témoigne de la difficulté de produire des discours et des pratiques de deuil, notamment pour les « vies infâmes », selon l’expression de Foucault (1977).
Cette communication réfléchira à cette figure spécifique de l’injustice épistémique à partir d’une recherche menée sur le phénomène des corps non réclamés au Québec au cours des deux dernières décennies. Notre proposition fait l’hypothèse que ces morts et ces deuils « indignes » révèlent des formes de violence et de vulnérabilité structurelles (Quesada et al, 2011), liées à l'ordre social hiérarchique et aux relations de pouvoir, qui imposent, tout en les invisibilisant, des charges disproportionnées de souffrances et de décès à certaines vies plutôt qu’à d’autres. Nous nous servirons d’exemples tirés de nos données pour mettre au jour les discours et les pratiques entourant ces morts « qui ne comptent pas » afin de mettre en relief les injustices épistémiques qui y sont liées.
Panel 6 : Interroger le rapport à soi et aux autres dans la production de savoirs
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Communication orale
(Re)penser les injustices épistémiques dans les études en gestion : une auto-ethnographie de la positionnalité d'une chercheuse blanche sur un terrain contestéJulie Gauneau (HEC Montréal)
Ce papier s’appuie sur une auto-ethnographie (Dubé, 2016; Ellis et al., 2011; Chang, 2008) menée dans le cadre d’une recherche-action que j’ai réalisée dans une micro-entreprise canadienne, dont l’objectif était de développer des indicateurs d’impact social visant à mesurer les changements apportés par un plan d’action en équité, diversité et inclusion déployé dans un service de police. L’objectif du papier est d’explorer les enjeux d’injustice et de privilège épistémique (Fricker, 1999 et 2007, Dorlin, 2021) sur le terrain, à travers les affects associés à la « gestion » de ma positionnalité (Hauge, 2020) de chercheuse blanche sur un terrain contesté (Hauge, 2020). Pour le moment, mes résultats mettent en lumière et interrogent d’une part le sentiment d’illégitimité épistémique qui m’a habité sur le terrain du fait de mon statut de personne blanche travaillant sur des enjeux de racisme, auprès d’une entreprise dirigée par deux femmes issues de communautés marginalisées. D’autre part, mon journal de terrain montre l’existence d’une forme de piège épistémique dans lequel je me suis retrouvée prise du fait de mon statut de chercheuse, embauchée pour développer des outils « scientifiques », et questionne les enjeux de pouvoir dans la production de connaissances.
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Communication orale
La juste distance dans l'accompagnement des personnes. Analyse des mécanismes d'abus sexuels favorisés par une emprise intellectuelle et spirituelleGaelle Fiasse (Université McGill)
Plusieurs rapports ont mis en évidence une systématicité d'abus sexuels de femmes majeures dans le cadre de l'accompagnement spirituel dans l'église catholique. Or il s'est avéré que ces abus étaient presque toujours précédés d'une emprise intellectuelle ou spirituelle et favorisés par des mécanismes structurels et systémiques. Je voudrais dès lors réfléchir à leurs causes et analyser ce qui peut être faussé dans une relation d'aide qui implique une proximité. J'utiliserai entre autres le concept de juste distance de Paul Ricœur. Malgré le contexte particulier des abus, parfois qualifiés de spirituels, cette analyse vise à dégager des traits communs à d'autres formes d'accompagnement, universitaires (supervision d'étudiant), thérapeutiques, sportifs, car elle s'adresse aux relations qui impliquent une proximité, une asymétrie et un cadre institutionnel.
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Communication orale
Injustices épistémiques et pouvoir identitaire : identités vécues vs identités perçuesMarie-Andrée Mbengue-Reiver (ENAP - École nationale d'administration publique)
Fricker (2007) désigne le pouvoir identitaire comme un type de pouvoir social. Ce pouvoir identitaire requiert, selon elle, une coordination sociale imaginative ce qui a pour effet d’influencer la capacité ou la légitimité épistémique des personnes. Cependant Fricker manque de discuter de l’ontologie de l’identité. Considérant d’autres courants théoriques, comme l’intersectionnalité, qui présentent clairement l’identité comme étant de nature construite, dynamique, multiple, et située (Rebughini, 2021) nous abordons les injustices épistémiques - aussi bien testimoniales qu’herméneutiques - comme nécessitant de mieux comprendre comment ce pouvoir identitaire opère. Cette réflexion est une invitation à penser les injustices épistémiques sur la base des identités vécues et perçues (Bacevic, 2023). En d’autres mots, que le déficit de crédibilité ou la capacité à faire sens de sa propre expérience sont nuancés ou renforcés par les identités vécues, par soi-même (Watson, 2002) et les identités perçues par son environnement social (Garneau, 2017 ; McCluney, 2021). Nous discuterons de cet enjeu théorique en s’appuyant sur des données d’enquête liées à l’autoidentification de personnes interrogées sur leurs expériences vécues au Canada.
Dîner
Panel 6 : Le collimateur de la production de connaissances scientifiques
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Communication orale
Méthodes visuelles participatives avec des enfants malvoyants : enjeux épistémiques et savoirs situésAmélie Pierre (Université de Namur)
Les recherches menées avec des groupes minorisés incluant des enfants, posent des questions épistémologiques et épistémiques très riches, notamment en termes de reconnaissance des points de vue et de positionnements des chercheur-e-s.
Cette proposition prend pour point de départ, une recherche visuelle participative menée avec une classe de cinq élèves âgés de 7 à 12 ans, vivant minorisation et vulnérabilité marquée (origine étrangère, handicaps moteurs associés, troubles du langage, problèmes de santé lourds, contexte familial complexe, précarité économique et sociale).
Inscrite dans une recherche ethnographique plus vaste, la parole des enfants entre en dialogue avec celle des autres acteurs impliqués (enseignant-e-s, logopède, parents, jeunes et adultes malvoyant-e-s, travailleur-se-s social). Le dialogue porte sur l’inclusion des malvoyants dans le visible et suscite vives réactions et positions antagonistes. Les acteurs minorisés sont quant à eux unanimes et soulignent l’importance de cette inclusion. Les enfants s’impliquent intensément dans le dispositif visuel participatif, s’en saisissent comme d’un lieu qui leur est propre, permettant de riches modalités d’accès à leur regard. A partir des savoirs situés, il s’agira de réfléchir les enjeux épistémiques testimoniaux et herméneutiques de cette méthode visuelle participative menée avec des enfants minorisés. Quelle reconnaissance, quelle intelligibilité et quel savoir, cette méthode rend possible ?
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Communication orale
Les injustices épistémiques participatives en sciences et le problème de la confusion de rôleAnne-Marie Gagné-Julien (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Heidi Grasswick a défendu l’idée que les sciences étaient susceptibles de commettre des injustices épistémiques participatives (IEP), référant par-là aux "obstacles injustes aux capacités d'une personne à contribuer directement ou indirectement aux pratiques scientifiques" (2017). Les sciences commettraient ce genre d’injustice quand elles ne prennent pas en compte des types de savoir non-expert (ex. : celui des patient-es, des communautés autochtones). La recherche participative, parce qu’inclusive de ce type de savoir, pourrait venir lutter contre les IEP. Bien que l’argument de Grasswick soit convaincant, je veux défendre qu’un problème souvent rapporté dans la littérature sur la recherche participative, soit la « confusion de rôle », peut inhiber son potentiel à lutter contre les IEP.
La confusion de rôle survient lorsque la contribution attendue des communautés non-experte n’est pas clairement identifiée. Je vais insister sur l’aspect épistémique de la confusion de rôle en mettant en dialogue la philosophie féministe du standpoint, l’empirisme féministe et la connaissance expérientielle. Ces trois cadres expliquent l’émergence de la confusion étant donné qu’ils défendent trois thèses différentes sur l’apport épistémique des non-expert-es. Je vais ensuite proposer qu’une clarification préalable du type de bénéfice épistémique attendu peut participer à atténuer la confusion de rôle, et ainsi participer à une meilleure justice épistémique en recherche.
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Communication orale
Des défis posés aux étudiant.e.s pour s'engager avec les injustices épistémiques : le curriculum caché d'un cours de méthodes de rechercheChristine Gibb (Université d’Ottawa)
Cette conférence examine comment les étudiant.e.s de premier cycle font face aux injustices épistémiques tout en s'engageant dans des projets de recherche qualitative. S'appuyant sur l'ouvrage phare de Miranda Fricker sur l'injustice épistémique, la conférencee présente une étude de cas dans laquelle des groupes d'étudiants ont été chargés de concevoir, de mener et de rédiger des projets de recherche qualitative afin d'explorer le contenu potentiel et les stratégies de mise en œuvre d'un plan d'action autochtonisation départemental. Tout au long de ce travail qui s'étend sur un semestre, les étudiant.e.s ont affronté des défis liés aux inégalités et aux injustices concernant l'acquisition, le partage et la reconnaissance des connaissances. En s'engageant de manière critique avec les méthodologies de recherche qualitative et en réfléchissant sur leurs propres positions et biais, les étudiant.e.s prennent conscience des dynamiques de pouvoir à l'œuvre dans les processus de production des connaissances, y compris leur propre rôle dans la promotion de la justice sociale.
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Communication orale
Une scientificité « féministe » pour lutter contre les injustices épistémiques ?Audrey Bujold (UQO - Université du Québec en Outaouais), Christine Gervais (Université du Québec en Outaouais), Pierre Pariseau-Legault (Université du Québec en Outaouais)
Dans le cadre mes études doctorales, j’étudierai le point de vue situé des femmes qui choisissent des grossesses et des accouchements non assistés en intégrant mon propre positionnement de femme concernée par cette réalité. En termes d’injustices épistémiques, mon projet vise ainsi à donner la parole à des femmes silencées par les discours scientifiques traditionnels et à développer des ressources herméneutiques autour d’expériences périnatales généralement invisibilisées au sein l’appareil médico-étatique québécois. Pour attester de la rigueur scientifique de mon projet, j’utiliserai des critères de scientificité renouvelés et cohérents avec mon cadre épistémologique féministe. Conséquemment, cette communication vise à présenter les six critères de scientificité avancés par Hesse-Biber et Piatelli en 2012, et les deux principaux outils méthodologiques (journal réflexif et récit autoethnographique) que je mobiliserai pour les atteindre dans ma thèse. Ces critères féministes ne sont pas destinés à créer une science distincte, mais plutôt à contribuer aux changements au sein de la science existante, notamment en luttant contre les injustices épistémiques. Pourtant, je vous le demande, ces critères sont-ils « suffisants » pour produire une recherche qualitative scientifiquement rigoureuse ?
Plénière II et mot de clôture
Marie Garrau - L’alliance, un remède aux injustices épistémiques ?
Dans cette communication, je me demanderai dans quelle mesure les pratiques d’alliance entre les membres de groupes sociaux inégalement positionnés dans l’espace social peuvent ou non constituer des remèdes aux injustices épistémiques, sous les différentes formes qu’elles peuvent revêtir, qu’il s’agisse des injustices testimoniales, herméneutiques ou contributives. Pour ce faire, je reviendrai sur les objections qui ont pu être adressées à une telle hypothèse, telles qu’elles ont été formulées par un certain nombre de militant·es et des théoricien·nes antiracistes et féministes, et sur les raisons pour lesquelles les pratiques d’alliance peuvent produire des effets contraires aux intentions louables le plus souvent affichées explicitement par les allié·es. Puis, en prenant appui sur la manière dont les pratiques d’alliance ont été pensées et mises en œuvre par le mouvement de lutte contre la grande pauvreté ATD Quart Monde depuis sa création en 1957, j’essaierai de dégager certaines des conditions et des formes que pourraient prendre des pratiques d’alliance effectivement émancipatrices, c’est-à-dire justes d’un point de vue épistémique.