319 - Crises et enjeux contemporains des patrimoines

Le Québec maritime est très affecté par l'érosion côtière et ce phénomène s'accélère en raison des changements climatiques. Les tempêtes causant des dégâts ont été particulièrement fréquentes dans les deux dernières décennies ; le rehaussement du niveau de la mer accroît les risques de submersion ; le couvert de glace qui protège la côte pendant l'hiver se réduit, tandis que les cycles de gel et dégel se font plus nombreux. Quant aux ouvrages de protection tels que les enrochements et les murets, ils ont pour effet d'augmenter l'énergie des vagues et d'accélérer l'érosion de part et d'autre.

Occupé depuis 10 millénaires, le Québec maritime est l'un des berceaux du peuplement du territoire québécois. Il a été l'un des premiers lieux de rencontre entre Premières Nations et Européens, et les occupations successives du littoral ont laissé des traces qui subsistent aujourd'hui dans l'archive archéologique. Une grande partie de ce riche patrimoine est aujourd'hui affecté par l'érosion, mais des fouilles de sauvetage ne sont pas forcément souhaitables si elles fragilisent la côte et accélèrent le travail de sape des vagues.

Cette communication présente un projet pilote qui vise à documenter un site en érosion (DdEa-2, Grand Métis, QC) par un monitoring régulier, mené par des équipes de bénévoles formés et supervisés par des archéologues, mais encadrés par un organisme patrimonial de la communauté. 

Adapter les villes aux changements climatiques, freiner l’étalement urbain pour protéger les terres agricoles et ainsi réduire le mouvement pendulaire des navetteurs, bonifier l’offre du transport collectif pour diminuer l’utilisation de la voiture, accueillir un plus grand nombre d’habitation pour faire face à la crise du logement, autant de gestes qui doivent être posés pour faire face aux grands défis du XXI^e siècle. Tous ces éléments poussent toutefois vers la densification des villes. Se pose une inévitable question : que faire du cadre bâti ancien? Comment concilier la gestion du changement des villes et la conversation du patrimoine urbain? Cette communication propose d’aborder ces questions et d’apporter quelques pistes de réflexion.

Depuis les trente-cinq dernières années, de nombreux tournages de séries et de films de fiction, tant québécois, canadiens qu’américains, ont pris pour cadre les régions du Québec, et y ont érigé leurs décors.  Les municipalités de Charlevoix, Grand-Mère, Rivière-du-Loup ou Rawdon ont toutes tenté de préserver ces décors et d’y attirer des visiteurs. Ces espoirs ont largement été déçus. Dans la plupart des cas, l’engouement lié à ces séries a rapidement fini par s’estomper; et parallèlement l’afflux touristique s’est tari. La préservation de bâtiments de nature éphémère, bien davantage conçus pour l’œil de la caméra qu’à celui du touriste, est apparue fort coûteuse. 

L’histoire et l’archéologie sont aussi œuvres d’imagination, un pari lancé à la capacité du présent de se représenter ce qui est à jamais disparu. Cette communication cherche donc à explorer l’histoire qui peut se faire, malgré les difficultés, entre les faux murs de ces décors éphémères. Elle s’appuie sur le cas du Site de la Nouvelle-France, de Saint-Félix-d’Otis, lieu de quelques tournages marquants qui ont cherché à tirer parti de la beauté naturelle du site (Black Robe, 1991; Shehaweh, 1992; le Canada : une histoire populaire, 2000-2001). C’est là, sur les berges du fjord du Saguenay, qu’a été créé une reproduction du hameau de Québec, évoquant les tout premiers moments de la colonisation française.

Le thème de la crise traverse l’historiographie du théâtre au Québec. Durant les années où se met en place, une institution théâtrale, on comprend que c’est la crise des années trente qui sert de décor à l’établissement des premières troupes professionnelles canadiennes-françaises. L’état de précarité dans lequel se trouvent les organismes à cette époque justifie alors, dans le discours des commentateurs et, plus tard, des historiens, le recours à la notion de crise pour expliquer l’inachèvement d’un projet de fondation qui ne se réalisera que vingt ans plus tard, au lendemain de la Deuxième grande guerre. Le terme revient en force dans les années 2000 où des questions relevant précisément du patrimoine d’une part, l’enjeu des successions (2013) dans les compagnies fondées dans les années 1970 et 1980 et, d’autre part, la « crise pandémique » (2020-21). Dans cette communication, nous examinerons, outre les usages de la notion de crise et la pluralité de ses significations dans le discours des acteurs, le rôle de ces « moments de crise » dans la prise de conscience de l’héritage accumulé depuis plus de quarante ans, mais en même temps les difficultés à penser cet héritage alors que les institutions et les organismes chargés de le mettre en valeur sont eux-mêmes remis en cause.

Les patrimoines culturels déclenchent aujourd’hui de plus en plus d’émotions. Il n’est plus « un simple témoin immobile de l’histoire, mais la source d’événements, de controverses, voire de révoltes » (Waty, 2016, p. 13). Les diverses émotions patrimoniales se rapportent notamment « à l’authenticité, à la présence, à la beauté, à l’ancienneté et à la rareté » (Heinich, 2013, p. 199). Elles se situent également à la base des prises de conscience déclenchées face aux quatre principales crises auxquelles les patrimoines culturels sont confrontés, en ce début de XXI^e siècle : 1) socioéconomiques (inégalités, marchandisation, surtourisme); 2) politiques (violences, conflits armés et guerres); 3) environnementales (changements climatiques et catastrophes naturelles); et 4) sanitaires (épidémies et pandémie mondiale). Ces prises de conscience patrimoniales naissent presque toujours face à la menace de leur perte ou après leur destruction (Morin, 2006, p. 8). La communication présentera des exemples de crises des patrimoines culturels, recensés au Québec et ailleurs, de même que les répercussions sur leur transmission, leur protection et leur sauvegarde. Toutes ces crises appellent à des pistes de réflexion et d’orientation pour l’action, à l’image de celles prônées dans le sillon de l’évolution des sociétés post-industrialisées.  

Le patrimoine est soumis aux crises globales ou locales de divers ordres qui menacent son intégrité et sa transmission. Les crises sont aussi le temps d’une remise en question, de recherche des solutions et d’action. Comment le musée en tant qu’institution de la transmission du patrimoine agit-il à la crise sociale provoquée par la progression des inégalités? Quel est le rôle du musée dans ce contexte? En quoi est-il transformé par la crise à l’occurrence les inégalités sociales et l’exclusion? Après une revue de littérature de la notion de crise, la question de l’agentivité du musée c’est-à-dire sa capacité à agir sera abordée.  Plus spécifiquement, comment les musées au Québec agissent-ils à cette situation? Ces questions seront approchées par la présentation des exemples récents.

Le Village (gay) de Montréal est aujourd’hui en proie à une crise sociale sans précédent, caractérisée notamment par les grands projets immobiliers en cours dans le quartier, la réfection à venir de la rue Sainte-Catherine et les impacts de la pandémie de COVID-19. Dans un tel contexte, la question de la pérennité du Village, et par le fait même, celle de son tissu social et culturel, se pose plus que jamais, ce dont témoignent les nombreuses initiatives de patrimonialisation LGBTQ dans le quartier entreprises depuis une dizaine d’années. Ces initiatives, plutôt que de miser sur la classification ou la protection patrimoniale des lieux, préconisent leur (ré)utilisation et leur (ré)appropriation par les communautés LGBTQ afin d’apporter des réponses concrètes aux enjeux que traverse le Village. Dans cette optique, la communication proposée explorera, d’une part, le rôle des différents acteurs de la patrimonialisation LGBTQ et les manières dont ils se concertent et s’organisent pour mener à bien les initiatives patrimoniales LGBTQ dans le Village, et d’autre part, les formes de médiations et de marquages patrimoniaux qui en découlent. Les résultats sont tirés d’une recherche doctorale pour laquelle ont été menées 21 entrevues semi-dirigées avec différents acteurs de la patrimonialisation LGBTQ (organismes communautaires, élus et militants LGBTQ) ainsi qu’une recherche documentaire et archivistique auprès des Archives gaies du Québec et de la Ville de Montréal.

Les mutations socioculturelles qu’a connues la Tunisie n’ont pas empêché la société civile à mener des actions de communication et de sensibilisation autour de l’importance du patrimoine, porteur de l’identité d’un territoire. Des propositions ont été formulées dans l’intention de mettre en place un développement territorial équitable à travers une bonne gouvernance environnementale des ressources patrimoniales naturelles et culturelles. Chaque région est caractérisée par son patrimoine monumental, signe de son évolution historique, sociale et économique. Les sites archéologiques constituent un héritage culturel partagé qui garantit les identités locales. Malgré sa richesse et son importance sur le plan archéologique, historique et touristique aussi, notre patrimoine est en cours de dégradation surtout dans les régions intérieures qui demeurent insensibles à leurs valeurs historiques, artistiques et culturelles après la révolution en 2011.

La présente recherche propose une réflexion sur la valorisation et la vulgarisation des monuments archéologiques antiques comme étant ''un produit '' délaissé, oublié et marginalisé surtout dans les régions intérieures, bien précisément au gouvernorat de Sidi Bouzid : Henchir El Hnancha. Une pensée sur les manières de réintroduire les composantes de ce site archéologique dans la réalité de la vie quotidienne pour garantir leurs survies. Ils ne sont plus figés, ils deviennent ''utiles'', aperçus et en communication avec tout le monde. 

Le Burkina Faso est le théâtre d’attaques terroristes, depuis 2015. Cette crise sécuritaire est devenue assez alarmante surtout ces cinq (5) dernières années avec d’énormes conséquences néfastes à plusieurs niveaux. L’objectif de cet article est de fournir une compréhension théorique et un examen empirique de l’impact de la crise sécuritaire sur le tourisme, partant sur le patrimoine culturel du Burkina Faso. S’appuyant essentiellement sur des ressources quantitatives et qualitatives (recherches publiées et rapports conformes à la réalité de l’étude, et quelques dépouillements de documents, de rapports officiels, etc.), il montre comment le patrimoine culturel burkinabè est touché de plein fouet par le phénomène du terrorisme qui, par ailleurs, permet de remettre en question les plans d’action ou « les normes établies, tout en appelant à la réflexion et à l’engagement » des Burkinabè.

En 2009, les conclusions du rapport LabMIT (2010) ressortent « l’importance des ancrages d’appartenance de la population au paysage exceptionnel qu’on y retrouve ». Les sites des rapides Deschênes sur la rivière des Outaouais, du Village, de la zone écologique riveraine et ses boisés composent le paysage culturel qui mobilise la communauté dans la volonté à sauvegarder, à mettre en valeur et à préserver les patrimoines du quartier Deschênes (Gatineau). Cette problématique invite à penser autrement les « patrimoines en quête de légitimation » (Barrère et coll., 2017). Par exemple, le « patrimoine de la communauté » (de Varine, 2017 ; Davis, 2017) à travers une « collection écomuséale» traite surtout du patrimoine non protégé sur un territoire donné (de Varine, 2017). La dimension matérielle du paysage comme le territoire (Jalla, 2022) soulève des tensions soulevées dans un contexte de mondialisation et de prise de conscience du réchauffement climatique (Brown, 2024). La reconnaissance communautaire des patrimoines amorce une réflexion sur la valeur patrimoniale du paysage et de son rôle socioculturel.