On l’a dite morte (Cooper), on a considéré qu’elle pouvait nous rendre fous ou folles (Laing). Plusieurs ont essayé d’y échapper, de la maudire ou d’en guérir, d’André Gide à Marie-Pier Lafontaine en passant par des auteur·trice·s aussi divers·e·s que Marie Cardinal, Dorothy Allison, Michaël Delisle et Maël Maréchal. Néanmoins, elle demeure un microcosme obligé, le berceau où se tisse l’appartenance à une communauté, où les rapports affectifs et émotionnels produisent des liens intersubjectifs tantôt mortifères, tantôt émancipateurs — d’une libération timide ou fracassante. Mais même si elle est parfois lieu de douleur, elle reste fantasmatiquement lieu de chaleur et de douceur. On peut difficilement s’en tirer tant elle s’impose partout, jusque dans l’entrepreneuriat, qui n’hésite pas à se qualifier de « grande famille » auprès de ses employé·e·s, pendant que les gestionnaires se vantent d’agir en « bons pères de famille ». Ailleurs, dans les communautés queers, on dira que le groupe auquel on appartient est une « famille choisie ». Comment expliquer cette propension à vouloir recréer une structure que l’on a peut-être quittée parce qu’elle ne laissait pas de place pour sa voix ? Quelle est cette foi qui nous fait avoir envie d’embrasser à nouveau cette entité qui abrite pourtant tant de secrets « honteux », de manipulations, et qui impose l’omerta ? Comment, dans les œuvres littéraires contemporaines, dessine-t-on la famille ? Alors qu’elle se présente aujourd’hui sous diverses configurations, en principe plus ouvertes, et qu’elle se dit souvent « choisie », lui arrive-t-il encore de rendre ses membres fous ? La figure du père tyrannique est-elle toujours visible dans la littérature contemporaine ? Quelles figures monstrueuses de mères hantent les récits ? Qu’en est-il des frères et des sœurs : inspirent-iels rivalités ou complicités ? Enfin, quelle(s) politique(s), quelle(s) poétique(s) la famille fait-elle émerger sur la scène contemporaine ?
Du mercredi 15 au jeudi 16 mai 2024