Informations générales
Événement : 91e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 300 - Lettres, arts et sciences humaines
Description :Ce colloque aborde les enjeux sociaux liés aux pratiques langagières dans les formats médiatiques oraux associés au divertissement et les relations complexes entre ces derniers et les publics auxquels ils s’adressent. Si la langue de l’information est relativement bien étudiée sous l’angle d’une norme endogène dans des régions de la francophonie telles que le Québec, on ne peut pas en dire autant des formats médiatiques oraux associés au divertissement, qui se caractérisent par une plus grande diversité de pratiques langagières.
D’un côté, on y observe des productions où le poids de la norme prescriptive, souvent associée au français des Parisiens cultivés, continue à se faire sentir. C’est notamment le cas des films doublés où des productions dans un français « normatif » (terme employé par le milieu) sont encore la règle, et ceci dans plusieurs régions de la francophonie, tout en faisant réagir certaines personnes qui souhaitent reconnaître leur propre culture dans ces produits. De l’autre côté, certaines productions semblent laisser libre cours aux pratiques non standardisées, par exemple les émissions de téléréalité, provoquant également des réactions négatives. Ainsi, les pratiques langagières des candidat·e·s de la téléréalité québécoise Occupation double qui s’écartent de la norme prescriptive sont l’objet de vifs discours épilinguistiques dans la sphère médiatique et entraînent chez ces personnes un sentiment de honte, voire d’insécurité linguistique. Quels que soient les choix langagiers des équipes de production, ceux-ci ne sont pas sans conséquences sociales : le choix du français « normatif » suggère que les autres variétés de français n’ont pas leur place dans la sphère médiatique; le recours à un français socialement ou géographiquement plus marqué attire la critique de certains auditoires.
Remerciements :Chaire pour le développement de la recherche sur la culture d'expression française en Amérique du Nord (CEFAN)
Centre de recherche interuniversitaire sur le français en usage au Québec (CRIFUQ)
Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH)
Faculté des lettres et des sciences humaines, Université Laval
Laboratoire de recherche sur les communautés de pratiques langagières (COPRAL)
Format : Sur place et en ligne
Responsables :- Kristin Reinke (Université Laval)
- Luc Ostiguy (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)
- Wim Remysen (UdeS - Université de Sherbrooke)
- Guylaine Martel (Université Laval)
- Ann-Frédérick Blais (Université Laval)
- Gynette Tremblay (Université Laval)
Programme
Accueil et mot de bienvenue
Conférence plénière
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Communication orale
La place des variétés de français dans les films doublés au Québec, selon les attitudes du publicAnn-Frédérick Blais (Université Laval), Luc Ostiguy (Université du Québec à Trois-Rivières), Kristin Reinke (Université Laval)
Au Québec, les films étrangers sont doublés en « français international » (FI), variété neutre dépourvue de traits québécois. L’industrie du doublage justifie cette pratique en faisant valoir qu’elle répond aux attentes du public. Or, on ne dispose pas de données objectives sur le sujet, qui plus est, de données qui tiennent compte du genre de film (suspense ou comédie) et des caractéristiques du public (âge, sexe, fréquence d’écoute de films doublés, etc.). L’objectif de l’étude est de mettre au jour les attitudes des Québécois lorsqu’ils sont confrontés à des extraits de films doublés non seulement en FI, mais aussi en français québécois standard (FQS) et familier (FQF). Nous avons adopté une approche qui combine trois méthodes : test du locuteur masqué (LM), test de préférences (PR); questionnaire ouvert. En général, les résultats des tests LM et PR vont dans un même sens : attitudes plus positives à l’égard du FI dans les suspenses et des attitudes comparables à l’endroit du FI et du FQS dans les comédies; attitudes toujours moins positives à l’égard du FQF. Les justifications exprimées appuient les résultats. Par ailleurs, les analyses inférentielles montrent que les caractéristiques des répondants ne sont pas en relation avec les attitudes, sauf la fréquence d’écoute de films. Enfin, le test du LM se révèle plus informatif, car il montre que les attitudes diffèrent selon qu’elles font appel au statut de la variété ou à sa valeur de solidarité.
Session 1 : Téléréalité
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Communication orale
Bonne chance, et ne merdez pas! La yassification du français à la téléAudrey Canalès (UdeS - Université de Sherbrooke)
Depuis quelques années, les codes linguistiques queer se répandent dans le grand public. À l’origine de ces apports, des émissions comme RuPaul’s Drag Race (2009 —), qui dispose depuis 2022 d’une adaptation française et d’une adaptation belge. Les participant. e.s y bousculent les frontières du genre, dans son expression performative et linguistique. Leur influence rencontre encore pourtant peu d’écho dans la recherche francophone (Greco 2014).
Dans cette présentation, les versions françaises (sous-titrage et adaptation) des parlers queer employés dans un corpus tiré d’une sélection d’épisodes de RuPaul’s Drag Race (RuPaul 2009 —). Je commence par remonter aux sources des expressions linguistiques du drag, puis je ferai une analyse comparative des versions françaises du langage soigneusement crypté du corpus. J’examinerai le rôle des traductions françaises : rendre visibles des parlers historiquement cachés (Leap 2018) et les traduire consiste en un double acte de « magie sociale » qui fait surgir des strates d’« impensé » (Bourdieu 1982) culturels. Je m’appuierai sur la pensée complexe pour montrer comment ces réalités linguistiques, loin d’être uniformes, sont chargées d’idéologies et comment leur traduction change au fil de dialogues intranquilles avec le public, à la croisée d’une nécessaire reconnaissance dont le revers est l’importation de termes qui effacent des parlers existants.
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Communication orale
Pratiques langagières non-standardisées, discours épilinguistiques et téléréalité : regard sur les attitudes linguistiques par le prisme de l’émission Occupation DoubleAnn-Frédérick Blais (Université Laval), Kristin Reinke (Université Laval)
Les études portant sur les usages linguistiques dans le paysage audiovisuel québécois (entre autres Reinke 2005; Villeneuve 2017; Chalier 2019), ainsi que sur les attitudes qui leur sont associées (notamment Bouchard et Maurais 2001; Chalier 2018) se sont principalement concentrées sur des situations de communication formelles ou semi-formelles, ce qui limite notre compréhension des pratiques langagières spontanées et plus proches de la réalité quotidienne en situation informelle.
Notre recherche s'est tournée vers la populaire émission de téléréalité québécoise Occupation Double. Bien que ce format soit une mise en scène de la réalité (Dupont 2007), le huis-clos dans lequel les candidat·es interagissent pendant une période relativement longue (Mehl 2002) favorise la spontanéité dans leurs prises de parole.
Notre étude vise plus spécifiquement à examiner les attitudes du public et de l’équipe de production à l'égard de ces pratiques langagières spontanées, en analysant 905 éléments de discours épilinguistiques émis dans et autour de l'émission (épisodes, articles journalistiques et réseaux sociaux). Notre analyse est axée sur l'identification des traits linguistiques et sociaux qui suscitent le plus de réactions.
L’analyse révèle que de vives critiques sont portées à l’endroit des pratiques langagières non-standardisées, en particulier lorsqu’elles sont mobilisées par des personnes issues de la diversité ethnique et/ou de communautés non-francophones.
Dîner
Session 2 : Réseaux sociaux et nouveaux médias
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Communication orale
Recueillir le français parlé en conversation privée sur les messageries numériques : enjeux éthiques et méthodologiquesAnne-Sophie Bally (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières), Isabelle Lévesque (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières), Nelson Vallerand (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)
Messagerie instantanée, courriels, réseaux sociaux, à l’écrit, à l’oral ou en vidéo, la communication au moyen d’un téléphone intelligent est pluriforme. Le message vocal (MV), solution alternative au SMS, est apparu autour de 2016. Une collecte de MV a déjà eu lieu en France, en 2022, une autre est en cours en Suisse. Au Québec, la constitution d’un corpus de MV a lieu en 2024, dans le cadre d’un projet de recherche subventionné qui a pour objectif de réunir des données du français oral spontané en usage au Québec dans les interactions. Il est prévu de décrire la morphosyntaxe de l’oral spontané et de la comparer à la morphosyntaxe de l’écrit spontané, tout comme de documenter cette pratique encore émergente et d’en dégager les codes.
Cette contribution vise à présenter les enjeux éthiques et méthodologiques associés à la constitution d’un corpus de MV. S’entremêlent, sur le plan éthique, des considérations liées aux plateformes de messagerie numérique et à leurs conditions d’utilisation. La voix, donnée biométrique, doit être abordée comme une donnée sensible. Les MV sont surtout en vogue chez les moins de 30 ans, ce qui amène le recrutement de personnes mineures. Sur le plan méthodologique, la publicité du projet constitue une difficulté. Des enjeux techniques pour l’acquisition des MV sont aussi anticipés. Le traitement de chaque MV, du fichier son à sa transcription avec pseudonymisation, doit aussi être prévu, notamment pour assurer la pérennité des données.
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Communication orale
La conception orale dans les modules des ESLO : du discours médiatique à la conversationBadreddine Hamma (Université d'Orléans)
Notre but est de traiter de la conception orale (Gadet 1996) dans les ESLO (enquêtes sociolinguistiques d’Orléans)[1]. Les modules de ces corpus s’inscrivent en fait dans un continuum, dont les deux extrémités sont supposées s’opposer. Une première classification représentée par des radars graphiques a déjà été faite par Baude 2016. Elle repose sur le degré de planification, d’interactivité, de distance sociale, de convergence des avis et de formalité du cadre. Il en ressort que les médias oraux sont placés en bas de cette échelle de conception orale, par opposition aux conversations qui sont placées en tête. Ce constat ne repose pas, en réalité, sur une analyse des contenus des ESLO, comme le reconnaît Baude lui-même (2016 op. cit.), mais sur une certaine estimation logique et sur le bon sens. L’examen des données a, en revanche, permis de se rendre compte que certains modules rangés par l’auteur comme des genres formels ont étonnement témoigné d’usages que l’on identifierait volontiers comme relevant d’une conception informelle et très orale. C’est le cas des modules Médias ou aussi Conférences.
[1] http://eslo.huma-num.fr/
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Communication orale
Les pratiques langagières dans les nouveaux formats médiatiques : enjeux sociaux et rhétorique des émotionsAhlam Bernaoui (Université Polytechnique Hauts-de-France), Hassan Habibi (Université Hassan II de Casablanca), Arnaud Huftier (Université Polytechnique Hauts-de-France), Mouhcine Saidi Amraoui (Université Hassan II de Casablanca)
L'ère numérique a bouleversé le paysage médiatique traditionnel, donnant naissance à de nouveaux formats médiatique qui ont redéfini la manière dont nous consommons l'information et nous nous divertissons. Parmi ces nouveaux formats, les podcasts, les émissions de radio et les talk-shows se sont distingués, non seulement en tant que sources d'information et de divertissement, mais aussi en tant que plateformes influentes pour la représentation et la négociation des enjeux sociaux et culturels.
Ces formats médiatiques, grâce à leur accessibilité et à leur nature souvent non filtrée, ont permis l'émergence de pratiques langagières diversifiées, généralement non standardisées. Contrairement aux médias traditionnels, où le langage est souvent normalisé pour répondre à des normes spécifiques. Ces nouveaux formats offrent une liberté d'expression sans précédent. Mais comment ces pratiques langagières non conventionnelles sont-elles perçues par les auditeurs ? Et quelles sont les implications de l'utilisation de langages ou de pratiques qui s'écartent de la norme standard ?
Cette communication présentera quelques résultats préliminaires de mes recherches doctorales qui portent sur l’analyse des émotions ressenti par le récepteur du discours médiatique. Ainsi, la réception des pratiques langagières non standardisées varie considérablement en fonction du public cible. L’accent sera mis sur la rhétorique des émotions qui joue un rôle crucial dans cette analyse.
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Communication orale
Variation linguistique : cas des termes d’adresse du français camerounais des séries télévisées et des web sériesAlfred Dui (Université de Ngaoundéré/Faculté des arts, lettres et sciences humaines)
Le présent exposé porte sur le système d’adresse du français camerounais parlé dans quelques séries télévisées, diffusées sur YouTube. La variété du français camerounais parlé dans les médias oraux associés au divertissement, du point de vue des appellatifs, constitue une piste qui reste à explorer. Ce travail a donc pour but de décrire la dynamique et la créativité des termes d’adresse qui caractérisent la société camerounaise actuelle. L’approche variationniste adoptée ici permet de comprendre comment le choix des appellatifs dans les productions langagières en interaction renseigne sur l’organisation socioculturelle et la diversité linguistique.
Le corpus est constitué de productions intitulées Les aventures de Fingon Tralala, Les aventures de Monica et quelques épisodes d’Edoudoua Non Glacé. Il s’agit d’une trentaine d’épisodes qui ont été transcrits. Ces productions se réalisent dans les villes de Douala et de Yaoundé qui sont des cadres de brassage linguistique et socioculturel important au Cameroun.
Ainsi, il apparaît que ce parler camerounais des séries télévisées manifeste une adresse nominale qui se caractérise par des accents locaux, des emprunts aux langues locales et aux langues étrangères. On observe aussi l’usage des termes hypocoristiques, de parenté, d’amitié et d’alliance. Le système de tutoiement/vouvoiement varie en fonction de l’âge des interlocuteurs, de leurs fonctions sociales et de la situation de communication.
5 à 7
Conférence plénière
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Communication orale
Devant les caméras de Radio-Canada : L'entrevue télévisée comme reflet de normes linguistiques en mouvanceAnne-José Villeneuve (University of Alberta)
L’idéologie du ‘standard’, fantasme omniprésent dans l’imaginaire francophone, perpétue les stéréotypes sur des variétés parlées de part et d’autre de l’Atlantique. En effet, certains usages solidement ancrés en Amérique du Nord demeurent stigmatisés dans les discours publics, car on les associe à des vernaculaires jugés trop éloignés d’un ‘standard’ qu’on imagine d’usage courant en Europe.
Dans cette conférence, je présente des résultats issus du projet Démythifier le français québécois, qui décrit de façon nuancée le français québécois soutenu (FQS) et en modélise la variation sociostylistique. S’appuyant sur un corpus d’entrevues télévisées (2003-2013) avec 32 personnalités publiques en situation de parole spontanée, nos analyses mettent en lumière des régularités qui tiennent compte non seulement de facteurs sociaux (âge, pronom d’adresse), mais aussi de la variation intrinsèque à la langue. Notre corpus montre aussi la variation stylistique pour huit personnes ayant été interviewées dans le cadre de deux émissions, l’une axée sur la vie professionnelle et filmée dans les studios de Radio-Canada (Bigot 2021), l’autre axée sur la vie privée et filmée en contexte convivial (Villeneuve 2017a, 2017b ; Villeneuve, Bigot et Beaulieu 2019).
À la lumière de ces analyses, je soutiens que l’entrevue télévisée offre un accès privilégié à certaines subtilités des normes (socio)linguistiques en mouvance que permettent plus difficilement les corpus sociolinguistiques traditionnels.
Session 3 : Télévision et publicité
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Communication orale
Répertoire langagier créole dans une émission de divertissement à la télévision réunionnaise : brouiller les codes pour éviter les normesFabrice Georger (Laboratoire LCF, université de La Réunion)
A La Réunion, l’opinion publique témoigne, dans les situations formelles, d’une loyauté hégémonique envers le français dit académique, le créole étant en général réservé à la sphère privée. Au quotidien, le locuteur revendique une liberté langagière à travers l’usage de toute l’étendue que lui offre son répertoire bilingue. A la télévision, là où le français s’imposait, les premières tentatives d’informations en créole reproduisaient la même logique que celle du français, à savoir l’usage d’une langue normée éloignée des pratiques interlectales quotidiennes (Prudent 1981, 1993). Suite aux nombreuses critiques, le format a évolué vers une émission qui se situe maintenant entre information et divertissement.
Nous analyserons le discours d’une présentatrice et d’un témoin de l’émission Kosalafé qui se joue des contraintes normatives, et devient, tout en restant créole, un espace d’observation d’un diasystème conforme aux Unités Multiplexes Sociolinguistiques décrites par Blanchet (2007) et contextualisées par nous-même (Georger, 2014). En général, un noyau syntaxique autours du système verbal joue le rôle de marqueur de créolité, alors que les éléments du lexique et de la phonologie naviguent dans l’ensemble du répertoire à disposition des locuteurs. Ce mode de discours témoigne d’un positionnement glottopolitique qu’il s’agira d’expliciter.
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Communication orale
Notre registre quand on enregistre : La diphtongaison en français québécois téléviséJeffrey Lamontagne (Université d'Indiana), Kaitlyn Owens (Université d'Indiana), Dav Rosychuk (Université de l'Alberta), Anne-José Villeneuve (University of Alberta)
La diphtongaison est une propriété stigmatisée du français québécois (p. ex. Côté 2012) plutôt rare en contexte soutenu (cf. Bigot 2021). La présente étude puise 80 714 voyelles en syllabe finale de deux émissions télévisées en français québécois (Villeneuve 2017) pour en cerner le conditionnement au sein du registre formel. L’étude s’intéresse surtout aux effets sociolinguistiques, proposant que la diphtongaison reflète plutôt plusieurs processus à valeurs sociolinguistiques différentes.
L’intervieweur des deux émissions produit moins de diphtongaison sur l’émission plus formelle (tel que prévu pour une variable stigmatisée), mais les invité·e·s font surtout l’inverse (là où significatif), en plus de plus diphtonguer devant /v z ʒ ʁ/ que devant tout autre coda. Seules les voyelles nasales moyennes peuvent être diphtonguées en finale absolue, sans différence entre émissions. Cependant, ces voyelles sont plus diphtonguées en syllabe fermée sur l’émission formelle, une tendance inversée pour /ɑ̃/ et /ɑ/ devant /ʁ/.
Bref, face au contraste entre intervieweur et invité·e·s, nous postulons que la diphtongaison soit modulée non seulement à la baisse en langue soutenue par rapport à la langue courante, mais également à la hausse pour contrer la distanciation sociolinguistique et pour favoriser s’identifier au locuteur ou à la locutrice. Enfin, l’effet de l’émission varie de façon importante en fonction du phonème, suggérant que la saillance varie selon le phonème.
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Communication orale
Les interrogatives dans l’oralité fictionnelle médiathiqueClaus Dieter Pusch (Albert-Ludwigs-Universität)
Notre communication s’inscrit dans un courant de recherche assez prolifique ces dernières années qui étudie les phénomènes de variation langagière dans l’oralité fictionnelle (ou oralité ‘mise en scène’) contemporaine, notamment dans des produits médiathiques audiovisuels, et s’intéresse aux phrases interrogatives du français, qui montrent une gamme variée de formats constructionnels. La base empirique de l’étude est la première saison de la série policière télévisée québécoise « Mensonges » diffusée en 2014. Cette série est particulièrement propice pour notre sujet car une grande partie de l’action se déroule dans la pièce d’interrogatoire où une équipe policière interroge des témoins et des suspects. Un total de 949 phrases interrogatives a été relevé et codé en fonction de paramètres structuraux et situationnels. On présentera d’abord les résultats quantitatifs en les comparant aux résultats issus d’autres études. Les résultats de l’analyse qualitative, quant à eux, indiquent que les créateur.e.s de la série n’exploitent que peu le potentiel sociolinguistique des différents formats interrogatifs, lesquels varient plutôt en fonction de paramètres pragmatiques comme le cadre situationnel et le statut informationnel des renseignements visés par l’acte de langage interrogatif, obéissant ainsi davantage aux nécessités du scénario.
Dîner
Session 4 : Radio et médiums musicaux
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Communication orale
Portrait actuel de la qualité de la langue orale dans les radios francophones du QuébecMarie-Josée Olsen (Cégep de Jonquière)
Le public entretient une réelle préoccupation envers la qualité de la langue orale dans les médias. Qu’en est-il vraiment du standard que nous y entendons? Les radios, média d’accompagnement quotidien par excellence, diffusent-elles toujours un standard professionnel que les médias ont la responsabilité de maintenir (Préfontaine et coll., 1998; Ostiguy et Tousignant, 1993) par leur rôle de modèle et de référent social (Reinke, 2005)? C’est précisément cette question de recherche qui est au coeur de ce projet. Pour documenter les comportements linguistiques diffusés à la radio, nous avons entrepris un vaste exercice d’écoute. En parallèle, nous avons tenté de mesurer le niveau de préoccupation des acteurs du milieu radiophonique par rapport à la qualité de la langue diffusée à la radio, en leur faisant parvenir un questionnaire. L’analyse des grilles d’écoute nous a permis de constater que le standard courant, principalement dans son lexique, partage les ondes avec les standards familier, populaire et même vulgaire, alors que les données issues du questionnaire (n=65) laissent entrevoir une satisfaction de la part des sondés par rapport à la qualité qu’ils entendent sur les ondes, tout en soulignant une préoccupation réelle pour cet enjeu.
Bref, la communication brossera le portrait des comportements linguistiques qu’entend le public quotidiennement à la radio, portrait qui sera intéressant de comparer à la perception des artisans qui la créent et la font vivre chaque jour.
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Communication orale
Alternance codique, argumentation et divertissement à la radio publique du Niger : le cas de l’émission interactive Opinions pluriellesIdé Hamani (Université de Franche-Comté)
Au Niger, la radio publique la Voix du Sahel est la seule station qui diffuse des programmes dans toutes les langues du pays. La grille de programmation est en effet conçue pour créer une complémentarité entre les langues nationales et la langue officielle (le français). Cette dernière joue un rôle d’intermédiaire et de facteur d’unité nationale et occupe une place importante dans l’espace médiatique et radiophonique (Onguéné Essono, 2017 : 78-79).
Au regard du contexte sociolinguistique et discursif au Niger, nous nous demandons quels sont les facteurs qui expliquent le phénomène d’alternance codique dans les émissions interactives qui associent argumentation, information et divertissement et comment elles ménagent un espace d’expression à la population.
Notre communication se fonde sur une émission de ce type, Opinions plurielles, diffusée par la Voix du Sahel du lundi au vendredi de 7h15 à 7h55 en français et dans les langues nationales. Sa vocation principale est la sensibilisation et la prévention des citoyens en ménageant une large place au divertissement. La participation des auditeurs engendre souvent une alternance codique. C’est cette pratique dans les conversations radiophoniques (Léon, 1999) et ses fonctions que nous voulons explorer.
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Communication orale
Les trajectoires géographiques et la prosodie comme contraintes sur le paysage multilingue du rap montréalaisEmily Leavitt (UdeS - Université de Sherbrooke)
L’étude sociolinguistique du rap est une veine de recherche en plein essor intéressée aux vernaculaires contemporains urbains et aux forces de mondialisation, d'urbanisation et de modernisation.
L’objectif de la présente étude est d'examiner le paysage linguistique de l'espace rap montréalais en matière de choix de langue (français, anglais, arabe, espagnol, italien, créole haïtien) lorsque les artistes font référence à cet espace abstrait dans leurs paroles et comment le choix variable s’avère conditionné sur le plan sociolinguistique.
Nous examinons un sous-ensemble du méga corpus (1,45 million de mots) « RapKeb21 » (Leavitt 2022) des œuvres de 40 artistes nés à Montréal. Afin d’évaluer l’effet des facteurs sociaux, linguistiques et prosodiques, nous effectuons une modélisation du choix de langue des références par régression linéaire multiple et par partitionnement récursif non paramétrique basé sur l’apprentissage machine (arbre d'inférence conditionnelle et forêt aléatoire). Nous la réalisons en langage de programmation R (R 2022) à partir des trousses lme4 (Bates et al. 2015), partykit (Hothorn et Zeileis 2015) et randomForest (Liaw et Wiener 2002).
Nos analyses révèlent l’effet significatif des facteurs langue de l’énoncé, nombre de syllabes, voyelle finale, rime et origines géographiques. Nous discuterons de ces effets et ce qu’ils révèlent par rapport à l’agentivité de l’artiste et de l’indexicalité du choix de langue au sein du vernaculaire contemporain montréalais.