Informations générales
Événement : 91e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 300 - Lettres, arts et sciences humaines
Description :Ce colloque prend comme perspective les géographies queers dont l’un des objectifs est de souligner certaines des expériences des communautés queers au sein de ces espaces. En effet, selon E. Cram (2019) les géographies queers soulignent à la fois comment « les subjectivités queers ne sont pas extérieures, mais au contraire placées dans des environnements particuliers, des migrations transfrontalières et des flux diasporiques ».
Déstabilisant la dichotomie ville pro-queer vs. campagne anti-queer, les géographies queers peuvent en effet inclure des espaces « [urbains] et [suburbains], des espaces commémoratifs, ainsi que des géographies rurales… elles doivent [aussi] également inclure les lieux intermédiaires, ou les espaces transitoires sur la route » (E. Cram, 2019). Ainsi, il est possible de penser les espaces en-dehors de l’opposition réductrice entre métronormativité et ruralité anti-queer : J. Halberstam (2020), par exemple, tisse des liens entre la nature en tant qu’espace imprévisible et la queerness tandis que l’anti-urbanisme queer de S. Herring (2010) critique vivement le mythe de la métronormativité comme seul mode de vie.
Partant de l’année de sortie de Brokeback Mountain (Ang Lee, 2005), jalon incontournable mais ambivalent de la représentation de personnages queer dans un contexte rural et réfractaire à toute différence sexuelle (Bastanmehr, 2015), l’objectif de ce colloque est d’explorer un corpus grandissant de films non-métronormativitifs et mettant à mal l’idée d’une ruralité anti-queer et de milieux urbains pro-queer. Ce colloque sera l’occasion de mettre en dialogue différentes approches théoriques (queer, postcoloniale, par exemple) et la géographie queer, et d’ainsi favoriser des lectures intersectionnelles originales d’œuvres cinématographiques peu discutées jusqu’à présent.
Remerciements :Nous aimerions remercier l'université Queen's (Kingston, Ontario) pour leur soutien.
Date :Format : Sur place et en ligne
Responsables :Programme
Amérique du Nord et espaces queer
Cette session traite de la géographie queer nord-américaine (films américains et québécois).
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Communication orale
L'audibilité queer, les jeunes Québécois et le mimétisme musical.Claire Gray (University of Edinburgh)
Comme le note Johnathan Sterne, bien souvent les études audiovisuelles se concentrent sur les représentations visuelles et physiques de la marginalité, mais pas assez sur les voix réelles qui se cachent derrière ces images (2012, p. 12). Si l'étude de la représentation visuelle de la communauté 2SLGBTQ+ au cinéma est importante, je propose de l'étendre au domaine de l'audibilité queer. Cette présentation étudiera ainsi comment les films québécois contemporains sur le passage à l'âge adulte représentent la façon dont l'identité queer est découverte à travers le mimétisme musical. Plus précisément, il s'agira d'observer comment les jeunes personnages chantent au son de la musique et, en copiant les paroles des icônes queer, créent un espace dans lequel leur marginalisation se dissipe temporairement et où ils peuvent exprimer vocalement leur sexualité, même s'ils ne peuvent pas la montrer visuellement. Parmi les exemples de films à l'étude, citons l'utilisation de David Bowie dans C.R.A.Z.Y. (Vallée, 2005) de la musique de Céline Dion dans Mommy (Dolan, 2014) et des pistes électroniques de François Guy et de l'auteur-compositeur-interprète Graciellita dans Sarah préfère la course (Robichaud, 2013). Afin d'explorer ce thème du mimétisme et de la découverte queer, cette présentation utilisera la théorie de J. Halberstam sur la sous-culture musicale queer (1993; 2003), ainsi que la théorie de Doris Leibetseder (2016) sur le mimétisme queer subversif dans l'écoute de la musique.
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Communication orale
Le road movie queer contemporain et la subversion de la route au féminin; l’exemple de Cloudburst (Fitzgerald, 2013).Karine Bertrand (Queen's University)
Selon E. Cram (2019), l'étude des géographies queer peut inclure, au-delà des espaces urbains, suburbains et ruraux, des mobilités intermédiaires, dont chacune d'entre elles « éclaire la manière dont l'espace et le temps queer émergent et s'unissent par le biais de tactiques, d'énergies et d'activités créatives » (p.100). De même, Deleuze et Guattari, dans leur ouvrage Capitalisme et schizophrénie Tome 2, Mille Plateaux (1980) définissent le concept d’espace lisse - en opposition à l’espace strié normatif - comme étant non polarisé et ouvert, permettant ainsi « la genèse de multiples mobilités » (Regnaud, 2012, p.201). Dans cette veine, évoquant les idées de rébellion, de marginalité et de nomadisme chers aux espaces lisses – ainsi qu’aux espaces queers - le road movie se présente comme un genre cinématographique au cœur duquel la mobilité est bien souvent un acte de transgression et d’émancipation, la route demeurant cet espace propre au bouleversement des récits normatifs. Suivant cette ligne de pensée, nous souhaitons explorer le road movie Cloudburst (Fitzgerald, 2013), qui présente deux personnages triplement marginalisées; par leur âge, leur sexualité, et par leur genre. À travers le récit de leur périple du Nord-Est des États-Unis jusqu’au Canada, nous verrons comment ce film reconfigurent les éléments du road movie classique, laissant apparaître de nouvelles géographies - physiques et émotionnelles - peuplées « de forces et de flux » propres aux espaces lisses.
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Communication orale
Les espaces transnationaux queer chez Xavier Dolan dans Tom à la ferme (2013), Juste la fin du monde (2016) et The Death and Life of John F. Donovan (2018)Mercédès Baillargeon
Cette présentation s'attache à explorer les thèmes des espaces queer et de l'identité dans trois films de Xavier Dolan, à travers différents contextes culturels et nationaux. Le travail de Dolan est reconnu pour sa capacité à repousser les limites et à remettre en question les normes sociétales, en particulier en ce qui concerne la sexualité et la dynamique familiale. En analysant Tom à la ferme (2013), Juste la fin du monde (2016) et The Death and Life of John F. Donovan (2018), l'objectif est de dévoiler les complexités de l’existence queer et le rôle du cinéma dans la transcendance des frontières de la nation, du genre et de l’identité.
Au-delà de la dichotomie ville-campagne qui a traditionnellement caractérisé la métronormativité pro-queer, les espaces queer sont également définis par l'opposition entre les espaces publics et privés (M. Warner et L. Berlant, 1998), un aspect exploré de manière significative dans ces trois films de Dolan. Cette présentation propose ainsi une analyse des espaces dans ces films, où l'action se déplace des non-lieux périurbains à des villes telles que Londres, Prague et New York, tout en explorant la dichotomie public/privé.
Plus spécifiquement, cette étude se concentrera sur les silences induits par cette dichotomie, afin de mieux comprendre les espaces de visibilité et d'invisibilité présents dans le cinéma de Dolan, ainsi que les possibilités d'affirmation queer qui émergent de ses œuvres.
Dîner libre
Europe et espaces queer
Cette session traitera de la géographie queer et transnationale dans le cinéma européen.
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Communication orale
Une chronotopie queer et contradictoire : Pompiers, performance et espace dans Titane.Florian Grandena (Université d’Ottawa)
Titane (Julia Ducournau, 2021) suit le périple d’Alexia, jeune meurtrière travaillant comme strip-teaseuse. Alors que la police la poursuit pour ses crimes, Alexia usurpe l’identité d’Adrien, adolescent disparu, en gommant toute trace de sa féminité. Elle trouve refuge dans la caserne de pompier que dirige Vincent, le père d’Adrien : là, le corps de la protagoniste devient celui d’une personne mutante, incorporant les deux genres.
Chronotopie traversée par des dynamiques contradictoires, la caserne est la scène des performances de genre des divers personnages. Alors que les pompiers monopolisent spatialement la caserne, le corps métamorphique d’Alexia déstabilise leur performance de la normalité et de la masculinité hégémonique. En cela, la scène de célébration du 14 juillet représente l’acmé de la queerisation de la caserne : Alexia, habillée en homme, reprend, juchée sur le toit d’un camion de pompiers, la chorégraphie d’un de ses numéros de strip-teaseuse tandis que les jeunes pompiers la regardent mi-fascinés, mi-rebutés. La performance érotique « inqualifiable » d’Alexia dans l’espace désormais utopique de la caserne est un outil de résistance face à une normativité ne sachant que faire d’une personne au genre subversif.
Cette présentation s’appuiera entre autres sur les travaux théoriques de Sarah Ahmed (2020) et de Thrift et Dewsbury (2000).
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Communication orale
« L’universalisme hétérotopique comme stratégie de production et de distribution dans Call Me By Your Name »Noémie Sorel (UdeM - Université de Montréal)
Le film Call Me by Your Name (Guadagnino 2017) fut lors de sa sortie, encensé par sa représentation « universelle » d’une romance entre deux jeunes hommes, Elio et Oliver. Celle-ci est permise dans un espace hétérotopique (Foucault 1967).
Dans la lignée directe de Brokeback Mountain (Lee 2005), CMBYN centre son intrigue au sein d’une ruralité fantasmée. La romance a lieu « Quelque part dans le nord de l’Italie », dans une campagne idyllique, habitée d’une nature sensuelle et propice à l’éclosion des premiers émois amoureux, déconnectée de l’homophobie de l’époque (Kazi, 2022). L’hétérotopie présente aussi une dimension temporelle ; le film se déroule dans une temporalité suspendue — les vacances d’été de l’année 1983, loin de l’épidémie de VIH/SIDA qui touche particulièrement la population homosexuelle masculine et urbaine.L’hypothèse soulevée dans cette communication est que CMBYN développe une « double identité » culturelle, favorisant une lecture universaliste de la romance. Par une étude critique de la production et de la distribution du film, soutenue d’une analyse
textuelle, nous démontrerons que la représentation d’un espace hétérotopique spatio-temporel participe au développement d’une forme d’« hybridité culturelle et industrielle » (Fadda, Garofalo 2018) centrale dans l’identité du film, à la jonction entre « italianité » et universalisme, cinéma d’auteur européen et cinéma indépendant états-unien. -
Communication orale
Eaux queers dans Les Cinq DiablesPierre-Luc Landry (University of Victoria)
Les Cinq Diables (L. Mysius, 2022) présente des personnages menant une vie d’apparence banale dans une bourgade alpine : Joanne, professeure d’aquagym mariée à Jimmy, mènent une vie paisible avec leur fille de 10 ans, Vicky. Le film révèle les improbables secrets des protagonistes : immergée dans la « vie sensible » car dotée d’un odorat hypertrophié, Vicky reproduit des odeurs, dont celle de sa tante Julia récemment libérée de prison. Ce parfum permet à la fillette de voyager dans le temps et d’assister à la relation amoureuse qui liait Joanne et Julia une décennie auparavant.
Dans cette fiction, les espaces campagnards parviennent à acquérir ou à révéler leur potentialité queer par, entre autres, la performance de soi de la protagoniste – dont le corps lui-même peut être considéré comme un micro-lieu répondant aux mêmes injonctions de pouvoir que celles définissant la normativité de l’espace. Aussi, nous nous attarderons par deux lieux de la micro-géographie queer du film – celui au sein de l’hétérotopie familiale représentée par l’espace clos de la piscine municipale, et celui dans l’espace libre et ouvert du lac alpin où Joanne nage jusqu’à épuisement. Ainsi, en rapport étroit avec la piscine et le lac accueillant la performance genrée de la protagoniste, l’eau devient le symbole dans Les cinq diables de la fluidité de la queerité.