42 - L’avenir du doctorat, l'importance des trajectoires

Depuis plus d'une décennie, le nombre croissant de titulaires de doctorat a exacerbé la concurrence pour les postes universitaires, et ce, dans plusieurs pays. Dans la foulée, les contrats postdoctoraux se sont précarisés et ne représentent plus une simple étape vers le professorat. Ainsi, par choix ou par obligation, une majorité de titulaires de doctorat quitteront le monde universitaire. Cette communication abordera les enjeux de leur préparation à des carrières au-delà de la sphère universitaire. S'appuyant sur les résultats de deux études réalisées auprès de titulaires de doctorat travaillant hors des universités au Royaume-Uni et en Suisse ainsi qu’auprès d'employeurs qui les embauchent, nous aborderons la problématique sous quatre angles: 1/ les raisons qui mènent les titulaires de doctorat à s’engager dans une carrière non universitaire, 2/ le soutien institutionnel reçu (ou pas) pour se préparer à de telles carrières, 3/ les défis rencontrés lors de l’entrée dans des secteurs d'emploi non universitaires et 4/ la perception qu'ont les employeurs, dans ces secteurs, des forces et faiblesses des titulaires de doctorat.

Nous espérons ainsi susciter un débat d'idées sur la manière dont nous, directeur^.trices de thèse, mentor^.es, conseiller^.ères en développement de carrière ou administrations universitaires, pouvons aider les doctorant^.es et les chercheur^.es postdoctoraux à se préparer à l'expérience, souvent déstabilisante, de quitter le monde universitaire.

Cette présentation permettra pour la première fois de suivre la carrière de docteurs en France entre 2012 et 2022. Nous présenterons les résultats issus d'un suivi de cohorte sur 10 ans, portant sur près de 1000 docteurs ayant soutenu en 2012.

L'attractivité des programmes d’enseignement supérieur est souvent présentée comme un levier pour développer le potentiel de recherche et d'innovation dans les pays développés. En France, deux politiques d’excellence ont été développées dans le cadre du programme des investissements d’avenir (PIA) : les IdEx (initiatives d'excellence) et les Labex (laboratoires d'excellence). Ces programmes visaient notamment à créer des universités françaises comparables aux meilleures universités des autres pays, en favorisant la construction d'une politique intégrée de recherche, de formation et de valorisation. Ils pouvaient par exemple permettre d’attirer des étudiants de haut niveau et des chercheurs plus réputés ou créer des effets de levier pour le financement de thèse. Huit projets IdEx, correspondant à des regroupements d'universités, et une centaine de projets LabEx ont été sélectionnés. Les premières évaluations de ces programmes en France comme à l’étranger ont conduit à questionner leur valeur ajoutée au niveau de la recherche (Carayol et Mauban, 2021, Lovakov et al, 2021), mais elles n’ont pas directement concerné la production doctorale. Ce projet de communication, reposant sur le suivi annuel de l’ensemble des écoles doctorales françaises sur 10 ans à partir de l’enquête Ecole Doctorale du MESRI, cherchera ainsi à déterminer si les écoles doctorales participant à ces programmes, ont pu attirer de nouveaux doctorants, notamment étrangers ou de nouveaux financements.

Nous présenterons une analyse des résultats de la plus grande enquête jamais menée sur les compétences et parcours professionnels des titulaires de doctorat au Canada, en partenariat avec Finance Montréal, Mitacs, et l'Association canadienne des stagiaires postdoctoraux. 

Malgré les idées reçues selon lesquelles les titulaires de doctorat seraient exclusivement destiné.e.s à des carrières de recherche, 38 % des titulaires de doctorat interrogés occupaient des fonctions hors recherche. Cela démontre plus que jamais l'importance de discuter de la place des titulaires de doctorat dans notre économie du savoir en plein changement. 

Publier en anglais, faire un post-doc à l’étranger, participer à des réseaux internationaux, constituent quelques-unes des prescriptions auxquelles les jeunes docteur·e·s sont de plus en plus souvent invité·e·s à se conformer au cours de leur trajectoire académique. L’internationalisation des carrières de recherche constitue un phénomène croissant, valorisé et soutenu par un ensemble de politiques publiques (Geuna 2015; European Commission 2018). Elle recouvre pourtant des pratiques d’une grande diversité et l’ampleur de ce phénomène est largement à nuancer selon les contextes nationaux et disciplinaires (Herschberg et al., 2018; Hamann & Zimmer 2017; Musselin 2004). Cette communication prend appui sur une recherche en cours, réalisée en Suisse, dans un système académique caractérisé par des taux de mobilité géographique entrante et sortante des chercheur.e.s parmi les plus hauts au monde (Franzoni et al., 2012) : à partir d’une enquête rassemblant des observations ethnographiques réalisées dans 50 commissions de recrutement professoral, quarante entretiens de jeunes docteur.e.s mobiles réalisés dans le cadre du projet Européen GARCIA, ainsi qu’une soixantaine d’entretiens avec des acteurs et actrices du recrutement universitaire, nous explorons des ressorts de l’internationalisation à l’échelle méso et micro, et les mettons en perspective avec les transformations contemporaines (Le Feuvre et al., 2020; Sautier 2021; Schaer 2022) des carrières de recherche.

Les recherches actuelles indiquent que les doctorantes et les doctorants ont des difficultés à évaluer leurs compétences, en particulier celles qui sont transférables et qui ne sont pas directement liées à leur recherche (Bonnard & Giret, 2016 ; Calmand & Recotillet, 2013). Ces difficultés peuvent avoir des conséquences négatives, telles que la réduction de leurs aspirations professionnelles et une augmentation des réactions négatives (e.g., stress) face aux demandes professionnelles (Curtin et al., 2016 ; Searle & Tuckey, 2017). Il est donc important de comprendre les raisons de cette faible perception de compétences et de trouver des moyens pour la réduire ou en modérer les impacts.

Dans ce contexte, cette communication présentera tout d'abord un état de l'art de ces problématiques. Ensuite, elle présentera un projet de recherche récemment initié qui vise à 1) étudier longitudinalement le développement des compétences pendant le doctorat, 2) mesurer les liens entre la perception des compétences, les projets professionnels et les réactions face aux demandes professionnelles, et 3) mesurer l'impact d'outils et d'interventions susceptibles d'améliorer la perception des compétences chez les doctorantes, doctorants, et titulaires du doctorat.

Avec l’augmentation constante du nombre de titulaires de doctorat et la faible proportion de postes scientifiques permanents disponibles dans les universités, la transition des titulaires de doctorat vers le marché du travail non académique est plus que jamais d’actualité. Afin de mieux comprendre la manière dont se déroule cette transition, l’Observatoire de la Recherche et des Carrières Scientifiques a mené l’étude « Recruter des Talents », centrée sur la plus-value du doctorat du point de vue des employeurs en Belgique francophone. La présente communication est basée sur le volet qualitatif de cette étude, pour lequel des entretiens semi-directifs ont été menés auprès de 24 employeurs non académiques de différents profils. Ces employeurs ont souligné de nombreux atouts dont disposent les titulaires de doctorat : expertise, travail en autonomie, esprit critique et analytique, capacité à résoudre des problèmes complexes, etc. Cependant, d’autres éléments ont également été relevés par les employeurs interrogés comme autant de freins au recrutement et à une intégration efficace et durable dans leur organisation. D’une part, certaines compétences spécifiques (managériales, relationnelles…) ont été citées comme étant manquantes ou insuffisantes. D’autre part, les réserves des employeurs à l’égard des titulaires de doctorat concernent plus généralement le constat ou la crainte d’un manque d’expérience en dehors du milieu académique, d’une méconnaissance du fonctionnement des autres secteurs professionnels et dès lors de difficultés d’adaptation à un environnement de travail (trop) différent. Face à ces obstacles, des pistes de solutions émergent, relatives à la préparation à la suite de la carrière pendant le processus doctoral et aux différents liens entretenus par le milieu académique et les autres secteurs.