30 - Santé et sécurité au travail : quels enjeux pour la recherche?

Près de 3 millions de personnes meurent chaque année d’accidents et de maladies liées au travail, dont 80% à la suite de maladies, avec un impact économique estimé à environ 4% du PIB mondial. En réponse, la Conférence internationale du Travail a reconnu en juin 2022 la convention (n° 155) sur la sécurité et la santé des travailleurs et la convention (n° 187) sur le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail comme des conventions fondamentales, en application de sa décision de reconnaître le droit à « un milieu de travail sûr et salubre » comme l’un des principes et droits fondamentaux au travail. Ses 187 États membres doivent dorénavant appliquer les dispositions de ces deux conventions. Cette décision historique demande une réponse politique coordonnée et des moyens de prévention conséquents, incluant des capacités accrues en recherche, éducation, services-conseils, formation, et sensibilisation. Les connaissances générées dans les pays à économie avancée par des investissements à long terme en recherche contribuent aux capacités nationales et mondiales en matière de SST, et sont essentielles pour relever les défis de SST dans une économie globalisée. Les profondes transformations en cours et les décisions que prennent maintenant les acteurs politiques et sociaux à l’échelle mondiale imposent de s’intéresser à l’organisation de la recherche en SST, en examiner les modalités de gouvernance et identifier les perspectives de développement de la prévention.

La santé au travail est un sujet de recherche transdisciplinaire, dont se saisissent de nombreuses chercheuses et de nombreux chercheurs, notamment dans le domaine médical, avec la croyance que les milieux de travail seraient des terrains de recherche sans grande spécificité. Ce faisant, des chercheurs non spécialisés tirent la santé au travail dans la direction d’un rapport individualisé à la santé au travail. Cette vision s’accompagne notamment de représentations faussées sur les notions de libre-arbitre des travailleur.euse.s agissant dans le cadre de relations de travail impliquant une subordination, et d’une approche non-hiérarchisée des mesures de prévention collectives et individuelles. Au cours de cette présentation, nous illustrerons notre propos avec quelques travaux de recherche sous une perspective critique, soutenue par le principe éthique fondamental en santé au travail, d’adapter les postes aux travailleur.euse.s, plutôt que l’inverse. Cette contribution se veut un plaidoyer pour le renforcement de la professionnalisation des praticien.ne.s et chercheur.se.s agissant en santé au travail, renforcement qui bénéficierait des bienfaits d’une approche pluridisciplinaire.

Depuis plus de quarante ans, l’IRSST réalise et finance des recherches en santé et en sécurité du travail. En tant que centre de recherche, l’IRSST a ses propres capacités de recherche, et celles-ci, combinées à son rôle en tant qu’organisme de financement de la recherche font en sorte que l’IRSST joue un rôle important lorsque vient le temps d’établir les questions qui font l’objet de recherche en SST au Québec. Depuis sa création, l’IRSST a résolument pris parti pour la réalisation de recherches appliquées, fondées sur les enjeux et les besoins exprimés par ses partenaires en SST et par les milieux de travail. Par ses laboratoires d’analyse et d’étalonnage, l’IRSST est aussi une organisation qui participe à l’évolution des normes et à la pratique de la SST. Dans un monde du travail en évolution accélérée, comment demeurer pertinent, à l’affut des besoins exprimés par les milieux de travail tout en jouant un rôle actif en matière d’avancement des connaissances? Comment améliorer les collaborations avec les organisations aux missions complémentaires et œuvrant dans des domaines connexes à la SST? Comment concilier les impératifs de protection des travailleurs, de santé publique et de développement durable? La présentation permettra de présenter l’IRSST, ses réalisations de même que ses enjeux et orientations actuelles.

Le télétravail a été largement adopté durant la pandémie de la COVID-19, permettant aux organisations de maintenir la continuité de leur fonctionnement tout en assurant la santé et la sécurité de leurs employés (es). Le télétravail fait référence au travail à distance, souvent à partir de la maison. Ce fonctionnement a continué après la pandémie sous une forme plus hybride, permettant aux employés (es) de travailler environ 2 à 3 jours par semaine à la maison et les autres jours dans leur milieu de travail. Les études sur le télétravail-hybridation du travail ont connu une effervescence depuis la pandémie. Certaines prédisent qu’il perdurera à plus long terme et façonnera le futur des organisations. Le télétravail-hybridation du travail pourrait avoir des effets négatifs sur la santé physique et mentale des employés (es). Ces effets ont été souvent examinés en tenant compte du contexte spécifique de la pandémie. Considérant que le télétravail hybride promet de faire partie du futur des milieux du travail, les organisations gagneraient à en savoir plus sur ses effets négatifs, afin de développer les mesures nécessaires pour les prévenir. La présente étude a pour objectif de présenter les effets du télétravail-hybridation du travail sur la santé et sécurité des employés (es) en milieu de travail, plus particulièrement leur santé physique et mentale, et de présenter des recommandations pour les organisations.

L’objectif de cette communication est d’offrir un portrait dynamique de l’emploi des jeunes au Québec au cours des dernières décennies et d’identifier les nouveaux enjeux pour la SST en lien avec les transformations actuelles du marché du travail. Dans un premier temps, les tendances démographiques, les indicateurs d’insertion professionnelle ainsi que les valeurs au travail des jeunes seront brièvement abordés. Dans un deuxième temps, les caractéristiques du marché du travail, marquées par des postes plus complexes, par l’apprentissage de nouvelles tâches dans des conditions différentes et par le développement technologique seront mises en lien avec la SST.

La proportion de personnes im/migrantes sur le marché du travail a augmenté rapidement au Québec durant les deux dernières décennies. Le profil migratoire a changé également, de même que le monde du travail. Cette transformation du travail apporte dans son sillage de nombreux défis en matière de prévention des lésions professionnelles et de gestion d’incapacité. Par leurs parcours migratoires et d’insertion socioprofessionnelle souvent difficiles, les im/migrants se retrouvent dans des situations de vulnérabilité dans des proportions et à des niveaux d’intensité plus élevés que la population locale née au Canada. Malgré cela, les études sur les travailleurs im/migrants et la SST (incluant la réadaptation et le retour au travail) demeurent peu nombreuses, et les statistiques officielles sur les lésions acceptées et indemnisées, à peu près inexistantes. Quels sont les principaux déterminants de la santé chez ces personnes? Quels sont leurs profils migratoires, occupationnels et lésionnels? Comment offrir une protection et un soutien à ces travailleurs? Répondre à ces questions implique un enchevêtrement de thèmes de recherche interconnectée, et le recours à des modèles théoriques complexes et souvent complémentaires. Néanmoins, tenter d’y répondre constitue un pas en avant vers une compréhension plus fine de la réalité de ces travailleurs et le développement de programmes de recherche ciblés, pouvant servir de repères aux actions en prévention et en réadaptation.

Les efforts déployés afin de réduire l’impact des activités humaines sur l’environnement font maintenant partie intégrante de plusieurs secteurs d’activités. La transition vers une économie plus verte s’inscrit dans une perspective de développement durable et repose essentiellement sur de nouvelles technologies, des procédés modifiés ou innovés, ainsi que de nouveaux matériaux dont l’empreinte environnementale est moins sévère. Ces changements peuvent avoir des conséquences sur la santé et la sécurité des travailleurs. Cette conférence présentera les travaux de l’IRSST sur la notion d’emploi vert, puis brossera un portrait des principaux enjeux relatifs aux expositions chimiques et biologiques qu’on peut y retrouver. Pour terminer, l’industrie du recyclage sera examinée plus en détail et des points de vigilance seront abordés.

Même si le contrôle et la réduction du bruit à la source sont à privilégier au travail pour protéger de l’exposition au bruit dommageable, la protection auditive demeure un moyen largement utilisé dans les milieux de travail. La présentation propose de dresser un portrait des enjeux de recherche sur la protection auditive et de certains travaux réalisés par des chercheurs de l’IRSST et leurs collaborateurs sur le sujet. Des aspects liés au confort des bouchons d’oreille, au bruit impulsionnel, à la perception des signaux d’alarme, à la modélisation numérique, à la prise en compte des pertes auditives et à l’exposition intraauriculaire en lien avec le port de protecteurs seront notamment discutés. Les résultats de certains travaux de recherche portant sur ces aspects seront aussi présentés.

En appartenant à la robotique avancée, la robotique collaborative (cobotique) contribue à l’initiative canadienne des grappes d’innovation mondiales, une initiative permettant au Québec de relever de grands défis de société. La recherche scientifique à l’IRSST pallie l’embûche que représente la gestion des risques en cobotique et favorise ainsi cette initiative. Levier de l’Industrie 4.0, la cobotique modifie le travail des opérateurs, mais aussi celui des intégrateurs. En effet, la cobotique peut réduire la pénibilité de l’opérateur. En revanche, avec le partage d’espace maintenant admis sous certaines conditions, l’humain risque davantage de chocs du robot en production. L’interaction avec le robot et son environnement requiert donc une vigilance accrue de la part du travailleur, source de risques psychosociaux. Quant à l’intégrateur, personne ou équipe mettant en œuvre l’installation cobotique, sa manière de réduire les risques pour l’opérateur a changé. Traditionnellement, l’intégrateur réduisait la plupart des risques en évitant tout contact entre une partie mobile et l’opérateur. Maintenant, si l’interaction physique humain-robot est jugée acceptable, l’intégrateur doit choisir le seuil admissible de force ou de vitesse du robot, pour limiter les dommages physiques liés aux collisions. L’évolution de l’espace de travail, des normes et des technologies en cobotique exige donc une adaptation continue de ces intégrateurs à l’égard de la SST.

Le monde du travail a connu de nombreuses transformations et amorce désormais une transformation numérique. Dans ce contexte, quel que soit le secteur d’activité, l’influence des technologies émergentes est omniprésente : Internet des Objets, intelligence artificielle, robots et cobots, réalité virtuelle et augmentée, métavers, jumeaux numériques, etc.; l’hyperconnectivité et l’automatisation font désormais partie de notre quotidien. Ainsi, les entreprises ne peuvent se permettre d’ignorer ces tendances technologiques qui soulèvent par ailleurs des questions légitimes sur la santé et la sécurité au travail et nécessitent une réflexion sur la redéfinition des pratiques de gestion, voire même des professions. Dans le secteur de la santé, ces technologies sont autant utilisées pour soutenir les activités de logistique hospitalière que pour les activités cliniques. C’est pour explorer ces opportunités au confluent de la gestion des opérations, des technologies et de la santé que le Centre d’Expertise en Simulation en Santé de l’UM et le laboratoire de transfert d’expertise sur l’Internet des Objets (lab. IoT) de l’UQAM se sont rencontrés. Ils partagent avec vous leurs premières réflexions.