Informations générales
Événement : 90e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Enjeux de la recherche
Description :Le Québec détient une riche histoire de recherche sociale dans le champ de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion, marquée notamment par des projets lancés conjointement par le monde universitaire et le milieu communautaire, voire portés par ce dernier. Ces projets mobilisent souvent des approches participatives au sens où ils impliquent des personnes ayant été ou vivant en situation de pauvreté à plusieurs ou à toutes les étapes de leur déroulement. Une idée forte qui sous-tend ces travaux est que le dialogue entre les savoirs scientifiques sur la pauvreté, ceux issus de l’intervention auprès des personnes en situation de pauvreté et ceux qui le sont de l’expérience de ces personnes elles-mêmes favorise la compréhension, mais aussi l’ajustement des interventions sur les processus vécus. Sur le plan méthodologique, un tel dialogue implique que la parole de l’ensemble des personnes peut s’exprimer avec le moins d’entraves possible et est prise en compte à sa juste valeur.
Les questions suivantes sont au cœur de nos discussions :
- Que signifie « donner une égale valeur aux voix et aux savoirs des différentes personnes qui participent à des projets de recherche »?
- Comment empêcher que des enjeux de pouvoir n’entravent l’atteinte d’un « juste équilibre » entre les différentes voix et les différents savoirs?
- Quels sont les retombées de ces projets et leurs angles morts?
Ce colloque offre ainsi l’occasion de partager des expériences et de faire un bilan de plusieurs projets de recherche universitaires et communautaires, impliquant des personnes en situation de pauvreté, en matière de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale au Québec et ailleurs à l’international.
Date :Format : Sur place et en ligne
Responsables :- Baptiste Godrie (UdeS - Université de Sherbrooke)
- Estelle Carde (UdeM - Université de Montréal)
- Sophie Dupéré (Université Laval)
Programme
Mot de bienvenue, présentation de la thématique
Session de présentations orales du matin
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Communication orale
«L’ouverture d’esprit n’est pas une fracture du crâne» (Moffat) Expression libre, comme expertes du vécu de la pauvreté, de nos expériences en recherche et du trésor caché dedansJohanne Gagnon (Collectif de recherche participative sur la pauvreté en milieu rural), Marise Proulx (UQAR - Université du Québec à Rimouski)
Engagées dans le Avec depuis longtemps, nous constatons que plus il y a d’expertises dans un projet de recherche, plus il est fécond. L’expertise que nous apportons, c’est la richesse de notre pauvreté: nos valeurs, notre temps, notre débrouillardise, nos savoirs de lutte au quotidien. C’est aussi notre expérience du AVEC dans le communautaire.
Notre présence représente un levier. Elle facilite la création de liens de confiance avec d’autres personnes qui vivent des réalités de pauvreté. Nous indiquons des façons pour que les personnes puissent « cadrer » dans les projets et les équipes. Nous facilitons la compréhension collective du sens à donner au AVEC en recherche et comment y arriver.
Voici des clefs pour faire entendre nos voix dans les équipes : être accompagnées ; participer à la création des idées et ne pas être seulement consultées ; créer des espaces où on peut se dire les choses et réfléchir ensemble ; viser le qualitatif afin d’approfondir le côté humain des réalités de pauvreté, avec les humains qui la vivent; porter attention aux préjugés; apprendre à se faire confiance et à s’apprivoiser; reconnaître notre contribution en ayant nos noms sur les écrits.
Les retombées sont importantes : au-delà du développement de projets ancrés dans les réalités du AVEC et de la pauvreté ; nous avons aussi développé du pouvoir sur nos vies. Nous sommes devenues sources d’inspiration pour nos enfants et ceux que l’on côtoie. On s’est retrouvé… en faisant des projets de recherche.
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Communication orale
De la « dépense intérieure dure » au « coefficient du panier » en vingt-cinq ans : quand des personnes en situation de pauvreté font apparaître des quantités invisibles dans le PIBVivian Labrie (Chercheure autonome)
En décembre 2022, Statistique Canada a publié pour la première fois des données évaluant le déficit de couverture des besoins de base au Canada en 2020 selon la mesure du panier de consommation (MPC) qui sert au suivi des situations de pauvreté. Cette publication faisait aussi état du nombre de « paniers » disponibles à chaque ménage selon son seuil MPC, d’un peu plus d’un demi-panier en moyenne pour le dixième le plus pauvre des ménages, à plus de 4,7 paniers pour le dixième le plus riche. Ces quantités, jusque là invisibles dans le calcul des revenus et du produit intérieur brut (PIB), font voir l’importance de prendre en compte l’ensemble de l’échelle des revenus disponibles en direction d’un bien-vivre mieux partagé. Si elles continuent d’être compilées, elles permettront de mieux équiper l’action citoyenne et l’action publique dans cette direction. Il aura fallu vingt-cinq ans pour que la notion de « dépense intérieure dure » (ce qu’on prend dans sa vie et son espérance de vie quand l’argent manque pour le nécessaire), venue d’un groupe de personnes en situation de pauvreté se préparant en 1998 à un dialogue ministériel sur les finances publiques, conduise à la prise en compte de ce déficit vital dans une publication officielle. Par quel parcours conceptuel ? Avec quels relais ? Il sera question de points aveugles de la science, de privilèges épistémiques à la marge des idées reçues, des conditions d’une reconnaissance scientifique, et de la persévérance nécessaire.
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Communication orale
Donner la parole aux personnes en situation de pauvreté : A quelles conditions créer des savoirs qui comptent ?Jacques Moriau (Institut de Sociologie - Université Libre de Bruxelles)
Comment un savoir en vient-il « à compter » (Puig de la Bellacasa et Moriau, 2005) ? Pour qui ? En nécessitant quel travail parallèle sur son contexte de production, de réception et d’usage ?
A partir de plusieurs expériences concrètes de recherche collaborative dans le secteur social/santé (recherche-action participative, carrefour des savoirs, café du monde), nous voulons interroger les conditions pratiques de la production, de la reconnaissance et de l’effectivité de savoirs minorés. La réflexion sur les postures de recherche adéquates à l’atteinte de ces objectifs (Chauvier, 2017) sera au centre de notre contribution.
Nous proposons une réflexion qui porte à la fois sur la façon dont nous, chercheurs, pouvons aider à l’expression des savoirs professionnels et expérientiels, mais aussi sur la façon dont notre intervention peut également contribuer à les minorer, voire à les instrumentaliser, que ce soit, par exemple, par les conditions de leur réception, leur mise en forme, leur articulation avec des savoirs théoriques ou académiques ou leur transformation inadéquate en pratiques de terrain ou en politiques publiques. Nous désirons aussi réfléchir les conditions, égales ou différentes, qui permettent de faire de chaque type de savoir, des savoirs robustes, communs et opposables.
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Communication orale
Croiser les savoirs avec des personnes ayant l’expérience de la pauvreté dans la formation en travail social : l’exemple des co-formations d’ATD Quart MondeBerenger Benteux (UdeS - Université de Sherbrooke), France Fournier (ATD Quart Monde)
Dans la formation des intervenant.es en travail social, comment se faire rencontrer les savoirs théoriques et l’expérience de la pauvreté des personnes qui la vivent, « mettre de la chair autour de l’os, incarner la théorie avec du vrai monde » ? A trois reprises - deux avec des classes d’étudiant.es en travail social de l’UQAR et de l’Université de Sherbrooke et une avec des professeur.es en travail social de l’AQCFRIS -, des membres d’ATD Quart Monde ont croisé leurs savoirs issus de leur expérience de vie avec ceux issus de la recherche et de la pratique professionnelle du travail social.
La démarche méthodologique du croisement des savoirs et des pratiques créée par le mouvement ATD Quart Monde dans les années 2000 et utilisée depuis à de multiples reprises dans le contexte de la formation en intervention sociale en France et en Belgique (Belloli, 2012; Brieuc, 2010; Brun, 2007; de Goer, Ferrand, Hainzelin, 2008; Ferrand, 2003; Osinski, 2021; Roy, 2019) a été adaptée dans le cadre de la formation en travail social au Québec dans trois expérimentations menées entre 2021 et 2022.
Nous présenterons une analyse comparée de ces trois expérimentations pour identifier les conditions qui permettent la mise en œuvre de cette « intervention de résistance épistémique » (Roy, p.144) ainsi que sa contribution à l’émergence d’une écologie des savoirs sur la pauvreté pour améliorer les pratiques d’intervention sociale qui y sont liées.
Dîner
Communications orales session PM
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Communication orale
« Faire parler » la protection de l’enfance : genèse et mise en oeuvre d’une recherche participative en IsèreCamille Duthy (Laboratoire PACTE/Université Grenoble Alpes)
Cette communication s’appuie sur les apports d’une recherche participative démarrée en septembre 2022 ; elle a pour cadre l’hébergement collectif en protection de l’enfance. L’ensemble des choix liés à la recherche est produit par une équipe composée de professionnels travaillant ou ayant travaillé dans ces structures, des jeunes qui y sont placés ou des adultes l’ayant été et une sociologue en charge de la coordination scientifique.
La communication propose de réfléchir aux éléments qui environnent la recherche et rendent possible l’expression de tou.te.s. Il est d’abord question des conditions matérielles : la rémunération des participants (mis à disposition des professionnels sur leurs temps de travail et vacations pour les personnes concernées), les lieux et dates des réunions, l’organisation des temps de travail collectif et des échanges privilégiés avec certains. Elle questionne aussi les conditions partenariales qui lient les institutions à la recherche et aux personnes concernées, dans la mesure où, dans le cadre de notre recherche, ces institutions acceptent de laisser les mains libres à l’équipe de recherche. Enfin, l’ensemble de ces éléments permettent de réfléchir aux conditions scientifiques de déroulement de la recherche et de la manière dont ce cadre structure les relations entre les acteurs (les membre de l’équipe de recherche, les directions de structures, les personnes extérieures), leurs places et participations dans les différents temps de travail. -
Communication orale
En route vers un véritable pouvoir citoyen en recherche : écueils, détours et petits pasPeter Belland (Chaire RISS), Maryline Côté (Chaire RISS), Janie Houle (UQAM - Université du Québec à Montréal), Stéphanie Radziszewski (Université Laval)
Cette présentation a pour but de réfléchir, à partir de l’échelle de participation d’Arnstein (1969), aux véritables niveaux de participation offerts aux personnes en situation de défavorisation socioéconomique dans quatre projets de recherche menés à la Chaire de recherche sur la réduction des inégalités sociales de santé (Chaire RISS). Les projets analysés sont «Flash sur mon quartier!», «Synergie,» «Logement social et ses effets» et «Vers une société plus juste». Notre analyse montre que, malgré une volonté affirmée de mener les projets AVEC les personnes en situation de défavorisation socioéconomique, plusieurs pratiques mises en place ne leur permettent pas d’exercer un véritable pouvoir à toutes les étapes de la production des connaissances. Avec le temps et les rétroactions des participant.e.s, l’approche s’est modifiée pour être davantage inclusive. Elle continue toutefois à rencontrer des écueils qui s’expliquent par des facteurs structurels, sociaux et individuels. Au cours d’un atelier réflexif mené avec les personnes en situation de défavorisation socioéconomique membres du comité de gouvernance de la Chaire RISS, nous avons identifiés des pistes concrètes d’amélioration de nos pratiques d’inclusion qui pourront être mises en place dans les années à venir.
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Communication orale
Que reste-t-il de la voix et des savoirs de jeunes vivant en milieu HLM ?Fabienne Lagueux (UdeS - Université de Sherbrooke)
Une hausse des problématiques psychosociales en milieu HLM (p. ex., violence, délinquance, consommation, etc.) a été observée au Québec au cours des dernières années, entrainant notamment d’importants conflits de voisinage et un taux de décrochage scolaire préoccupant chez les jeunes. Plusieurs projets à visée préventive ont ainsi été développés dans certains milieux HLM par les Offices d’habitation, en collaboration avec des milieux de recherche. Certaines de ces initiatives avaient en commun de s’intéresser à l’expérience des jeunes et de leurs donner activement une voix. En effet, il est bien documenté que de laisser place aux savoirs des jeunes en portant réellement attention à ce qu’ils ont à dire, par le bais d’activités qui suscitent leur participation active, contribuent au développement de leur mieux-être. Des bénéfices sont notés sur les plans de la confiance, de l’estime et de la connaissance de soi, et au regard du sentiment d’efficacité personnelle. Cette présentation visera non seulement à exposer ce qui demeure aujourd’hui de trois projets jeunesse développés en milieux HLM dans les dix dernières années (à Sherbrooke, Longueuil et Montréal), mais surtout de mettre en lumière différents enjeux et défis pouvant être rencontrés dans le cadre de recherches participatives impliquant les jeunes, notamment en contexte de vulnérabilité. Enfin, la question de la ‘pérennité’ de projets menés en étroites collaborations entre le terrain et la recherche sera discutée.