La pandémie de COVID-19 a exercé des effets dévastateurs sur les artistes et sur l’écosystème culturel. Les fermetures successives de salles de spectacle de 2020 à 2022 se sont traduites chez les artistes en dépression, détresse psychologique, pensées suicidaires et abandons de carrière (FNCC, 2021). Le milieu s’est vidé de nombreux artistes travailleurs autonomes et plusieurs emplois ont été coupés. La pandémie a exacerbé la précarité déjà grande des artistes (Menger, 2009). Elle a aussi révélé de quelle façon notre système de soutien et de financement à la culture se fonde sur la capacité des artistes à être des « vecteurs de rentabilité directs ou indirects » (Deneault, 2022), que ce soit par les revenus générés par leurs biens et services culturels ou par les retombées de ceux-ci sur l’industrie touristique, l’hôtellerie, la restauration, etc. Sans possibilité de générer ces revenus et retombées, les artistes ont été laissés à eux-mêmes. On les a incités à assimiler l’esprit d’entreprise et à « se réinventer ».
Si la question de la professionnalisation des artistes se révèle centrale dans ce secteur depuis plusieurs années, elle est devenue urgente pendant la pandémie de COVID-19. Or, la pratique des arts exige des niveaux d’expertise technique, de développement et de maîtrise d’un langage, d’une esthétique et d’un style qui reposent sur des années de formation. Ces injonctions à « se réinventer » ont ainsi mis en évidence un paradoxe inhérent au besoin de professionnalisation, entre le travail de recherche en création et la logique économique productiviste à laquelle on assimile l’art. Dès lors, on peut se demander de quelle professionnalisation pour les artistes parle-t-on. Entre la légitimité d’une pratique artistique hautement spécialisée et la reconnaissance mesurée par des critères financiers, la professionnalisation des artistes est-elle sous le joug de la performance économique ?