Informations générales
Événement : 90e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 600 - Colloques multisectoriels
Description :Le problème de l’origine de la vie est l’une des thématiques scientifiques contemporaines ayant fait couler le plus d’encre dans les dernières décennies. De nombreuses hypothèses ont été avancées au fil du temps pour rendre compte de cette transition du non-vivant au vivant, reflétant un intérêt qui transcende les disciplines. Or malgré la quantité de travaux publiés sur le sujet, aucun cadre explicatif n’a encore réussi à cerner de manière exhaustive les mécanismes par lesquels le passage du non-vivant au vivant a pu s’effectuer — tant de manière historique sur Terre, que de manière générale et hypothétique sur d’autres mondes.
Bon nombre de questions restent pour le moment sans réponse, notamment celles d’une définition en bonne et due forme du vivant, des conditions requises ou favorisant son émergence, du processus par lequel le vivant émerge du non-vivant, et des caractéristiques du vivant détectables à l’aide des instruments développés en astrophysique. Apporter des éléments de réponse à ces questionnements nécessite assurément un effort multidisciplinaire, où les contributions des diverses branches de la physique, de la chimie, de la biologie et de la philosophie sont essentielles.
Fondamentalement interdisciplinaires, les investigations portant sur les conditions et mécanismes ayant mené au vivant sur Terre sont ainsi également liées à la recherche d’autres formes de vie ailleurs dans l’Univers. En ce sens, les tentatives d’explication de passage du non-vivant au vivant, tout comme les efforts déployés quant à la détection de biosignatures sur des exoplanètes recoupent de multiples disciplines scientifiques. Le problème de l’origine du vivant constitue en ce sens l’occasion idéale de faire intervenir un dialogue entre les approches plus observationnelles — notamment en astrophysique et en biologie théorique, telles que celles en biologie synthétique, en microbiologie ou en biochimie.
Les avancées scientifiques dans le domaine d’instruments de détection astrophysiques tels que le télescope spatial James Webb, dont l’un des objectifs scientifiques principaux est la caractérisation d’atmosphères exoplanétaires, nous rapprochent inexorablement de l’éventualité d’une première détection de vie à l’extérieur de notre système solaire, ce qui est par ailleurs l’un des objectifs scientifiques principaux de cette mission d’observation. Or ces efforts de détection ne peuvent être découplés des théories du vivant et de son émergence sur Terre : autrement dit, la détection de forme de vie passe nécessairement par la formulation d’une théorie en bonne et due forme du vivant et de son émergence. Proposer un dialogue, dans le cadre du congrès de l’Acfas, entre les multiples angles d’attaque à cette question nous semble être l’une des manières d’en arriver à trouver des points de rapprochement entre les multiples hypothèses énoncées quant à l’origine de la vie.
Date :Format : Sur place et en ligne
Responsables :- Paul Charbonneau (UdeM - Université de Montréal)
- Alexandre Champagne-Ruel (UdeM - Université de Montréal)
- Christophe Malaterre (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Programme
De l’astrophysique à la biophysique
-
Communication orale
L’exploration de mondes potentiellement habités avec le télescope spatial James WebbRené Doyon
Après plus de deux décennies de développement, le télescope spatial James Webb fut finalement lancé le jour de Noël 2021. Webb promet de révolutionner notre compréhension de l’Univers dans tous les domaines de l’astrophysique notamment pour l’étude des exoplanètes et plus particulièrement celles qui orbitent leur étoile dans une zone tempérée où l’on peut espérer trouver des conditions favorables au développement d’activité biologique. Webb a en effet la capacité de détecter l’atmosphère de telles planètes tempérées et d’en déterminer la composition chimique, notamment l’eau, le gaz carbonique et le méthane. Je ferai un bref survol des programmes scientifiques visant à caractériser l’atmosphère de petites planètes tempérées, notamment le fameux système Trappist-1, une petite étoile naine rouge autour de laquelle orbitent 7 planètes de taille et de masse similaire à la Terre, dont trois dans la zone habitable. Je présenterai les premiers résultats de reconnaissance atmosphérique de certaines planètes du système Trappist-1 et des défis associés avec ces observations délicates.
-
Communication orale
La recherche des planètes terrestres du voisinage immédiat du SoleilEtienne Artigau (UdeM - Université de Montréal)
La recherche de la Vie ailleurs dans l’Univers dépend de façon critique de la découverte d’exoplanètes qui pourraient supporter une telle vie. Bien que l’on connaisse aujourd’hui plus de 5000 planètes, seulement quelques dizaines d’entre elles ont des caractéristiques (rayon, masse, température) comparables à celles de la Terre. Cette rareté apparente est principalement un biais de sélection, ces planètes sont excessivement difficiles à découvrir avec les méthodes d’observations actuelles. L’équipe de l’Institut Trottier de Recherche des Exoplanètes a été centrale dans la construction du spectrographe NIRPS, maintenant en opération au Chili. L’équipe de NIRPS s’est vu attribuer 720 nuits d’observation pour l’étude des exoplanètes, dont une bonne partie sera dédiée à la recherche d’exoplanètes dans la zone habitable des étoiles du voisinage immédiat du Soleil. NIRPS permettra de mieux comprendre les populations d’exoplanète ayant une température permettant la présence d’eau liquide autour des naines rouges, le type d’étoile le plus abondant de l’Univers. Au-delà des aspects statistiques liés aux découvertes de NIRPS, la recherche d’exoplanète autour des étoiles de notre voisinage permet de trouver des cibles qui pourront être vues directement à l’aide des télescopes géants qui sont en cours d’élaboration ou de construction.
-
Communication orale
Peut-on prédire la vie?Paul Francois (UdeM - Université de Montréal)
La théorie centrale de la biologie, l’évolution, est une théorie retrospective : elle permet de donner des explications a posteriori sur les structures vivantes. Mais de nombreuses théories en sciences naturelles sont au contraire prédictives : par exemple en physique il est naturel de calculer des quantités, guidant de nouvelles expériences jusqu’à des nouvelles applications. Un argument présenté par des biologistes comme Gould soutient qu’il y a trop de contingence en biologie pour prédire des phénomènes tels que l’évolution. Dans cette communication, j’expliquerai au contraire pourquoi, comment et à quel niveau il est possible de faire des prédictions quantitatives en biologie évolutive. En utilisant des cadres formels bien définis (modèles géométriques à basse dimension) et des principes très généraux (spécialisation de structures, reconnaissance spécifique), je montrerai qu’il est tout à fait possible de prédire certains aspects a priori surprenants et contingents de l’évolution. J’illustrerai ce principe sur deux exemples très différents : d’abord dans le domaine du développement embryonnaire, ensuite pour la reconnaissance cellulaire menant à des applications concrètes en immunothérapie anti-cancer.
Philosophie, modélisation et principes universels du vivant
-
Communication orale
La théorie de l’évolution a-t-elle besoin de conceptualiser l’origine de la vie?Frédéric Bouchard (UdeM - Université de Montréal)
La théorie de l’évolution est un des cadres théoriques fondamentaux des sciences biologiques contemporaines. Dans la mesure où elle explique d’abord et vous tout une grande part du changement dans le vivant, elle est souvent comprise, à tort ou à raison, comme ne s’appliquant qu’au vivant et donc indirectement comme étant un apanage sinon exclusif du vivant au moins un aspect fondamental le distinguant. Nous discuterons quelques-unes des raisons pour lesquelles il est utile de mettre entre parenthèses la question de l’origine de la vie si nous souhaitons développer des explications évolutionnaires plus riches.
-
Communication orale
L’origine de la vie : mais quelle est donc cette question?Cyrille Jeancolas (Durham University), Christophe Malaterre (UQAM - Université du Québec à Montréal), Philippe Nghe (ESPCI Paris Sciences Lettres)
Si la question de l’origine de la vie est une question tenace qui défie la science aujourd’hui encore, c’est aussi une question qui se prête à être traitée sous de multiples perspectives. Alors que la chimie prébiotique et la paléobiologie l’envisagent sous un angle historique, celui d’expliquer l’apparition de la vie sur Terre dans un passé très lointain, la chimie des systèmes et la biologie de synthèse la considèrent plutôt comme l’occasion de démontrer la faisabilité de synthétiser une vie artificielle, en laboratoire, indépendamment de toute contrainte historique. Dans cette communication, nous proposons de démêler les différents angles sous lesquels la question de l’origine de la vie est traitée en science. Nous identifions trois grandes dimensions susceptibles de contraindre la question différemment selon le contexte de recherche : adéquation historique, spontanéité naturelle et similitude avec la vie telle que nous la connaissons. Incidemment, ces trois dimensions permettent de caractériser le statut épistémique de ce qui doit être expliqué (l’explanandum), oscillant de « approximativement vrai » dans le cas où la question de l’origine de la vie est la plus contrainte à « entièrement spéculatif » dans le cas contraire. Nous explorons aussi comment des réponses à certaines facettes de la question de l’origine de la vie sont susceptibles de fournir des éléments de réponse pour d’autres.
-
Communication orale
Théorie de l’information et origine de la vieAlexandre Champagne-Ruel (UdeM - Université de Montréal)
Bien que des avancées importantes aient caractérisé les travaux sur l’origine de la vie dans les dernières décennies, plusieurs chercheurs en ont récemment appelé à une reconceptualisation des recherches. L’impossibilité de répondre séparément aux questions de l’origine, de la définition et de la recherche du vivant, tout comme les dimensions multiples de la question même de l’origine de la vie, ne sont que quelques une des difficultés auxquelles fait face la communauté scientifique travaillant sur ces questions.
À ce sujet, les méthodes inspirées de la théorie de l’information ont récemment attiré une attention significative. Dans la mesure où le problème de base de l’origine de la vie en revient à expliquer l’émergence d’un réplicateur primitif étant également porteur d’information, la théorie de l’information semble toute désignée pour pouvoir contribuer aux efforts de recherche. Nous passerons ainsi en revue la recherche sur l’origine de la vie inspirée de ces concepts. Tout d’abord, nous nous attarderons aux notions de "complexité naturelle" et de "systèmes complexes". Nous examinerons ensuite de quelle manière ces concepts peuvent être appliqués de la physique à la biologie ainsi qu’aux transitions évolutives majeures, puis à la vie artificielle et synthétique. Finalement, nous examinerons comment la théorie de l’information peut contribuer aux sciences planétaires et à la détection de biosignatures ailleurs dans l’Univers.
Séance par affiches
-
Communication par affiche
Les représentations de l’origine de la vie dans les journaux télévisées français depuis 1950Jean-Stéphane Carnel (Université Grenoble-Alpes)
Cette communication se situe dans le champ des Sciences de l’Information et de la Communication et présente une partie des résultats des études au sein du projet Origin of Life et du projet Cybele.
Nous présenterons les formes discursives et visuelles récurrentes utilisées par les journaux télévisés (JT) lors du traitement des questions des « origines de la vie » et de la « vie ailleurs ». Nous faisons l’hypothèse que les JT sont représentatifs de la conception qu’une société se fait d’une problématique et de nos imaginaires sur ces questions.
Cette étude est menée sur un corpus issu de l’ensemble des éditions des JT de TF1, France 2 et France 3, de 1950 à 2020.
Les résultats montrent que :- la thématique émerge dès 1960 et connait un accroissement significatif à partir de 1995 (premières exoplanètes, début des missions martiennes) ;
- certaines annonces des agences spatiales (découvertes de traces d’eau, « nouvelles terres »…) déclenchent l’intérêt journalistique ;
- le discours majoritaire est optimiste : des traces de vie seront trouvées ailleurs ;
- trois thématiques sont récurrentes : l’eau - la zone d’habitabilité - les distances colossales ;
- la mise en image de ces concepts est délicate (utilisation d’images de paysages tropicaux) ;
- les questions autour de la vie intelligente et de sa représentation évoluent sensiblement dans le temps.
Nous terminerons en analysant comment les JT présentent les recherches scientifiques menées sur ces objets.
-
Communication par affiche
Formation de motifs dans un modèle numérique 2D de théorie du jeu avec diffusion spatiale : un pont vers les réactions chimiques non-linéaires chez les molécules prébiotiquesAlexandre Champagne-Ruel (Université de Montréal), Paul Charbonneau (Université de Montréal), Sascha Zakaib-Bernier (UdeM - Université de Montréal)
Le dilemme du prisonnier est un modèle de la théorie des jeux, une branche des mathématiques appliquées, qui représente les relations de coopération entre les joueurs. Ces derniers peuvent adopter différentes stratégies afin de maximiser leur pointage au jeu. Lorsqu'il est implémenté sur un réseau 2D et que les parties sont itérées, l'évolution temporelle des stratégies créée des motifs spatiaux évoquant différents systèmes biologiques. En variant le taux d'erreur des joueurs, soit la probabilité qu'ils suivent leur stratégie le long d'une partie, une diversité des motifs survient.
Un autre paramètre qui génère des motifs dans le modèle est le taux de diffusion. En effet, chaque joueur a une probabilité d'échanger de place avec un voisin sur le réseau. Cette forme de diffusion fait apparaître des motifs de spirales en équilibre dynamique apparentés à ceux de la réaction chimique Belousov-Zhabotinsky. Ce type de réaction fait partie de la chimie oscillatoire autocatalytique et est donc un candidat pour la recherche de la genèse des molécules prébiotiques.
Dans le contexte d'origine de la vie, l'utilisation de ce modèle numérique a l'avantage de représenter des réactions oscillatoires, sans spécifier les réactifs et les produits qui sont des inconnus du problème. Ainsi, il peut être possible d'en déduire des principes universels qui régissent la coopération entre les molécules prébiotiques plutôt que des exemples spécifiques.
-
Communication par affiche
Les mutations favorisent la coopération en contexte évolutifAlexandre Champagne-Ruel (UdeM - Université de Montréal), Paul Charbonneau (Université de Montréal)
L’une des hypothèses quant à l’origine de la vie décrit son émergence en tant que réseaux coopératifs de molécules. Expliquer la coopération—et, en particulier, son émergence dans le contexte de l’évolution de molécules prébiotiques—est ainsi l’un des éléments clés d’une description exhaustive de la transition du non vivant au vivant. En modélisant une population d’agents s’affrontant au dilemme du prisonnier itéré, nous avons investigué l’émergence de comportements coopératifs dans un environnement stochastique (i.e., comportant un "bruit") et spatialement étendu et avons caractérisé les effets de l’héritabilité et de la variabilité sur la dynamique du système.
Nous avons démontré qu’il y a un seuil en terme de mutations au-delà duquel la coopération est—contre-intuitivement—sélectionnée, ce qui entraîne une prise de contrôle totale et soudaine du système par les agents coopérateurs, évènement partageant certaines caractéristiques des phénomènes de transition de phase typiquement observés en physique. Ce nouvel état où la coopération domine est ensuite soutenu jusqu’à une "catastrophe de l’erreur" où le taux de mutation empêche désormais la transmission de l’information, menant à un effondrement des comportements coopératifs. Nos résultats suggèrent en outre que l’une des stratégies coopératives réactives les plus simples, dite "oeil-pour-oeil" ("Tit-for-Tat"), joue un rôle prépondérant dans l’émergence des comportements coopératifs nécessaires à l’émergence du vivant.
-
Communication par affiche
Une activité catalytique adventice favorise l'émergence d’un repliement protéique SH3 en tant que mécanisme de résistance antibiotiqueClaudèle Lemay-St-Denis (UdeM - Université de Montréal)
Le repliement SH3 est un domaine protéique très répandu. Diverses protéines se servent de ce petit domaine promiscuitaire pour se lier aux protéines, à l'ARN, à l'ADN ou aux métaux. Ici, nous étudions l'évolution du seul repliement SH3 suffisant pour catalyser une réaction chimique : le domaine DfrB. L'enzyme DfrB a été identifiée dans les années 1970 pour sa capacité à procurer de la résistance à l'antibiotique triméthoprime. Étonnement, son origine évolutive est inconnue. Pour combler les lacunes dans le chemin que l'enzyme DfrB aurait pris pour émerger dans le résistome, nous avons exploré diverses bases de données de protéines non caractérisées. L'exploration de l'espace de séquence de la DfrB suggère qu’elle est originaire des Alphaproteobacteria. Grâce à de la caractérisation enzymatique et biophysique, nous avons démontré que des protéines putatives ayant des contextes structuraux divers et partageant une homologie de séquence avec la DfrB peuvent recréer l'environnement du site actif de la DfrB. Nos résultats indiquent que la pression sélective due à des décennies d'utilisation généralisée du triméthoprime a favorisé l'intégration du domaine DfrB dans le résistome. Ce travail apporte les premiers indices sur le chemin évolutif qu’aurais pris le domaine DfrB vers le résistome moderne. Cette recherche approfondit notre connaissance de l'évolution des mécanismes de résistance aux antimicrobiens.
-
Communication par affiche
L’émergence de la coopération via l’évolution de réseaux informationnelsAlexandre Champagne-Ruel (Université de Montréal), Paul Charbonneau (Université de Montréal), Antoine Demers-Bergeron
Selon l’une des hypothèses prévalantes, l’émergence de la vie aurait été rendue possible grâce à la coopération de réseaux primitifs de molécules. Un des modèles permettant d’analyser les comportements coopératifs est le dilemme du prisonnier itéré. Nous avons donc implémenté ce modèle dans le cadre d’une simulation sur réseau, permettant ainsi d’analyser du point de vue de la physique statistique l’émergence de phénomènes à grande échelle à partir de l’encodage de règles d’interaction à des échelles microscopiques. Le comportement des joueurs dans notre modèle est dicté par des réseaux de Hopfield simples qui évoluent dans le temps; ceux-ci s’affrontent tour-à-tour et les réseaux ayant le moins de succès au dilemme du prisonnier itéré sont remplacés par ceux ayant le plus de succès. Ce processus itératif engendre ainsi un environnement évolutif darwinien, où le système sélectionne les stratégies les plus performantes. Laissant évoluer diverses simulations pour des temps significatifs, nous analysons ensuite le comportement des réseaux résultats d’un point de vue comportemental ainsi que la dynamique des populations au cours de la simulation. Nous observons que plusieurs stratégies coopératives émergent spontanément dans le cadre de ces simulations, ce qui nous renseigne sur la manière dont la coopération a pu évoluer dans un contexte prébiotique, par exemple via l’interaction de réseaux autocatalytiques de molécules.
Pause dîner
Biologie sur Terre et ailleurs
-
Communication orale
Reproduction non enzymatique du métabolisme primitif pour comprendre les origines de la vieJoseph Moran (Institut de Science et d’Ingénierie Supramoléculaires - Université de Strasbourg & CNRS), Emilie Werner (Institut de Science et d'Ingénierie Supramoléculaires, Université de Strasbourg)
Le métabolisme de tout être vivant est un réseau de réactions chimiques autoorganisé produisant les molécules essentielles à la vie appelées métabolites. Les enzymes catalysent ces réactions, or, la présence de telles structures complexes aux origines de la vie est peu probable. On peut alors se demander quelles conditions ont été propices à l’émergence d’un métabolisme primitif.
Les réactions que nous étudions dans ce contexte sont centrales au métabolisme des organismes les plus anciens et sont universellement conservées dans la biodiversité actuelle. Ce métabolisme fondamental peut être subdivisé en plusieurs sous-parties interconnectées. On retrouve au point de départ la voie de l’acétyl-CoA où le dioxyde de carbone est réduit en acétate et pyruvate. Le pyruvate est ensuite le point d’entrée de deux voies : la gluconéogenèse à l’origine des sucres et le cycle de Krebs inverse produisant les autres cétoacides, eux-mêmes précurseurs des acides aminés. Les acides aminés, composants des bases azotées, s’assemblent ensuite et forment avec le ribose les ribonucléosides. Enfin, ces derniers sont phosphorylés et polymérisent pour donner l’ARN.
Dans cette présentation, nous verrons dans un premier temps la reproduction nonenzymatique de voies métaboliques. Nous aborderons ensuite la capacité de certains intermédiaires à rétroagir sur ces voies métaboliques, renforçant ainsi le réseau. Enfin, nous discuterons des conditions physico-chimiques utilisées et de leur plausibilité.
-
Communication orale
Hybrides de levure: un outil innovant pour explorer la vie hors de notre planèteCarla Bautista (Université Laval), Anna Fijarczyk (Institut de Biologie Intégrative et des Systèmes (IBIS) Université Laval Québec QC Canada.), Isabelle Gagnon-Arsenault (Institut de Biologie Intégrative et des Systèmes (IBIS) Université Laval Québec QC Canada.), Devin P. Bendixsen (Population Genetics Division, Department of Zoology, Stockholm University, Stockholm, Sweden), Christian R. Landry (Institut de Biologie Intégrative et des Systèmes (IBIS) Université Laval Québec QC Canada.), Rike Stelkens (Population Genetics Division, Department of Zoology, Stockholm University, Stockholm, Sweden)
Les hybrides interspécifiques peuvent afficher une architecture génomique plastique résultant de l'interaction de deux contextes génétiques indépendants qui pourrait à terme faciliter l'adaptation. Cependant, il existe des limites au potentiel adaptatif des hybrides en raison de leur instabilité génomique accrue. Par conséquent, on a mis les hybrides au défi d'évoluer dans une condition censée augmenter l'instabilité génomique par exposition à une molécule mimétique des UV. On a exposé des hybrides entre deux espèces (Saccharomyces cerevisiae et S. paradoxus) et leurs souches parentales à ces conditions pendant 100 générations. Bien qu'on ait constaté que l'adaptation se produit à la fois chez les hybrides et les parents, les hybrides ont atteint un taux d'adaptation inférieur. On suggère que ce potentiel adaptatif mineur des hybrides peut résulter de l'interaction entre le dommage à l'ADN et leur instabilité génétique inhérente. Donc, on émet l'hypothèse qu'une telle réponse adaptative plus lente est causée par l'accumulation d'un plus grand nombre de changements dans les génomes hybrides. Par conséquent, on a séquencé 300 génomes d'espèces parentales et hybrides et comparé le nombre de changements génomiques en analysant leur état ancestral et après 100 générations d'évolution. Globalement, ces résultats indiqueront dans quelle mesure l'instabilité génétique inhérente des hybrides joue un rôle important dans leur degré d'adaptation plus lent aux conditions mimétiques UV.
-
Communication orale
La formation d’ARN prépolymères en présence de différentes surfaces minérales pré-biotique étudié par simulation dynamiques moléculairesAlix Dujardin (McMaster University), Sebastian Himbert (McMaster University), Ralph Pudritz (McMaster University), Maikel Rheinstadter (McMaster University)
Nous avons utilisé des simulations informatiques de dynamique moléculaire pour étudier la formation de prépolymères entre les nucléotides de l'ARN en présence de neuf substrats potentiellement présents sur la Terre primitive. Les prépolymères sont des nucléotides C3'C5' liés par liaison hydrogène supposés être les précurseurs de l'ARN. Nous avons simulé des cycles humide-sec en retirant des molécules d'eau des simulations. Les substrats utilisés incluent trois argiles, un mica, un minéral phosphaté, une silice et deux oxydes métalliques. Ils diffèrent par leur charge de surface et leur capacité à former des liaisons hydrogène. Nous avons quantifié les interactions entre les nucléotides, et entre nucléotides-substrats. Le graphite a été inclus comme substrat inerte, ainsi qu’un système composé uniquement de nucléotides. Le nombre de liaisons hydrogène entre les nucléotides et nucléotides-substrats augmentait considérablement quand l’eau étaient retirées des systèmes. Le nombre le plus élevé de liaisons hydrogène C3'C5' entre nucléotides a été observé dans les systèmes graphitique et en absence de substrat. La surface des substrats a conduit à une organisation des nucléotides, mais aucun d’eux ne s'est avéré être un catalyseur pour la formation de prépolymères. Nos résultats suggèrent que des gouttelettes d'eau sursaturées, pouvant être produites par des geysers ou des sources sur la Terre primitive, pourraient jouer un rôle important dans la polymérisation de l'ARN.
Origine de la vie, discours et représentation
-
Communication orale
Abiogenèse : une vue d’artisteJulie Tremble (Artiste indépendante)
Abiogenèse : une vue d’artiste examine la représentation de l’origine de la vie d’un point de vue artistique. La communication portera principalement sur les installations : Abiogenèse : des étoiles aux fossiles (2022) et Les Planètes spectrales (2023) qui abordent respectivement l’abiogenèse et les exoplanètes. Réalisées en animation 3D et présentées dans le cadre d’expositions en art contemporain, celles-ci traduisent des recherches astronomiques et esthétiques en science-fiction contemplatives.
En examinant le processus de réalisation des installations, nous nous pencherons sur : la manière dont la recherche théorique peut-être abordée en art contemporain; la transposition des données scientifiques en images en mouvement; les procédés cinématographiques via lesquels il est possible de mettre en scène des phénomènes qui échappent à notre appréhension corporelle ou temporelle; ainsi que les figures de styles et stratégies utilisées pour qu’un public non initié aux sciences astronomiques puissent apprécier et comprendre les oeuvres.
Certaines stratégies techniques et formelles rejoignent celles employées dans les vues d’artistes que les scientifiques et agences spatiales commandent à des illustrateurs 3D pour communiquer leur recherche au grand public. Néanmoins, nous verrons que dans un contexte de diffusion artistique, une certaine marge par rapport aux données sources s’avère utile et peut-être même nécessaire.
-
Communication orale
Les origines de la vie par les créateurs de contenus sur YouTube : analyse du traitement médiatique d’une question scientifique non résolueRobin Gaillard (Université Grenoble Alpes), Guylaine Guéraud-Pinet (Université Grenoble Alpes)
Cette communication inscrite en sciences de l’information et de la communication montre comment les origines de la vie sont traitées au sein des productions vidéo des créateurs de contenus étiquetés « vulgarisateur scientifique ». À partir de l’analyse d’un corpus de 20 vidéos diffusées sur les chaînes YouTube de ces vidéastes et des descriptions associées, nous cherchons à répondre à deux objectifs majeurs. Le premier est d’identifier le traitement médiatique réalisé par ce type d’acteur face à ce lieu de « non-savoirs » (Jurdant, 1973) que représente la question des origines de la vie, question qui reste en suspens. Une analyse sémiodiscursive est mise en œuvre pour déceler les discours récurrents (cadrage disciplinaire, mobilisation et représentation de sources scientifiques, etc.), ainsi que les formes et symboles utilisés (agencement audio-scripto-visuel, recours à des référents quotidiens). Le second est centré sur les différentes postures adoptées par ces acteurs de la vulgarisation. Ainsi convientil de se demander si les créateurs de contenus se présentent comme les « traducteurs » (Jacobi, Schiele, 1988) des grandes problématiques scientifiques affiliées à la question des origines de la vie, ou bien s’ils s’emparent davantage des interrogations philosophiques associées pour imprégner leurs productions d’un avis plus proche de leurs croyances et de celles de leur public.
-
Communication orale
Quand les documentaires racontent les origines de la vie : les standards d'une médiatisation internationalisée (TV, YouTube)Benoit Lafon (Université Grenoble Alpes)
Cette communication traite des enjeux des récits médiatisés sur les origines. Quelles en sont les formes dominantes et évolutions au plan international ?
La présentation se fonde sur les documentaires TV les plus consultés (via YouTube) dans trois zones : anglophone, hispanophone et francophone. 15 documentaires sont analysés, révélant une forte internationalisation du récit des origines, cadré par les médias dominants (ie National Geographic). Ce cadrage étant débattu avec en parallèle, la définition d’autres origines (Malaterre, 2010 : 33), une stratégie internationalisée de contre-récits se développant autour du « dessein intelligent » (ie Illustra Media).
La 2e partie montre les procédés de discours mis en œuvre par ces documentaires (Veron, Moirand, 1997 ; Jacobi, 1999 ; Lits, 2008 ; Bourgatte & Jacobi, 2019). Une standardisation des récits se dégage : variations sur le même thème (extraits vidéo des origines de la Terre), avec un focus sur les séries documentaires des années 2010, qui associent la question des origines à des thématiques toujours plus variées (météorites, exoplanètes, trous noirs…) et la place de l’Homme, au cœur des conclusions.
En ouverture, nous questionnons ces récits et leurs résonances sociales (Messeri, 2021) en les reliant à la logique de proximisation recherchée avec le public (Cap, 2013 ; Seguin, 2015) et aux injonctions faites aux scientifiques de communiquer toujours davantage (Rouquette, 2011 ; Boukacem-Zeghmouri et Rodríguez Bravo, 2019).