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Informations générales

Événement : 90e Congrès de l'Acfas

Type : Colloque

Section : Section 600 - Colloques multisectoriels

Description :

Inondations, vagues de chaleur, feux dévastateurs, ouragans plus fréquents et plus puissants, fontes des glaciers – les dérèglements climatiques et leurs conséquences dramatiques prennent de plus en plus de place dans l’actualité tandis que l’érosion de la biodiversité et la déstabilisation des cycles de l’azote ou du phosphore se poursuivent à bas bruit. Chaque fois, les activités humaines se révèlent être l’un des principaux moteurs de ces bouleversements sans précédent. Or, depuis plusieurs années maintenant, la notion d’Anthropocène s’est imposée, dans les médias comme dans le champ scientifique, pour rendre compte de cette époque nouvelle qui est la nôtre et qui se caractérise par l’impact de plus en plus visible des activités humaines sur la surface planétaire. Ce concept, popularisé au tournant du siècle par le chimiste Paul Crutzen et le biologiste Eugene Stoermer, suscite pourtant de nombreux débats, que ce soit quant à sa définition exacte, son point de départ, ses enjeux sociaux et politiques, ou son utilisation à l’extérieur des cercles universitaires. S’il n’est pas encore validé par les géologues en charge de qualifier les unités chronostratigraphiques pouvant être identifiées dans les couches sédimentaires, il est déjà fortement remis en question, en particulier du côté des sciences humaines et sociales, du fait de sa nature trop imprécise et de sa visée trop apolitique. Des voix s’élèvent ainsi déjà pour annoncer l’obsolescence programmée de ce concept. C’est dans ce contexte que nous nous proposons de réunir des chercheur·e·s francophones de différents champs disciplinaires (géographie, anthropologie, biologie, philosophie, histoire), tant celles et ceux qui portent un regard critique sur le concept d’Anthropocène que celles et ceux qui en étudient les diverses manifestations, afin de réfléchir, collectivement, à la pertinence, aux limites, aux enjeux, voire même au possible dépassement du concept, essentiellement interdisciplinaire, d’Anthropocène.

Date :

Format : Sur place et en ligne

Responsables :

Programme

Communications orales

Aux origines de l’Anthropocène

Salle : Z-315 — Bâtiment : Université de Montréal - Claire McNicoll
  • Communication orale
    Sur l’origine du mot anthropocène
    Dominique Raynaud (Université Grenoble Alpes)

    Crutzen et Stoermer (2000) ont popularisé le concept d’anthropocène: nouvelle ère dans laquelle l’homme serait devenu l’acteur principal des changements géologiques. Le mot anthropocène n’est pas un néologisme: il a été régulièrement utilisé par les géologues soviétiques à partir de Pavlov (1921) comme équivalent de ce que les Occidentaux nomment l’ère quaternaire. Le mot a été ensuite traduit du russe « антропоген » vers l’anglais «Anthropocene» (Vorontsov 1960), en conservant le même sens d’ère quaternaire jusqu’en 2000. J’avance que la confusion qui entoure le mot anthropocène provient, au moins en partie, de la révision sémantique, de l’ère quaternaire vers l’ère géologique définie par les actions humaines.

  • Communication orale
    En attendant l’Anthropocène : retours et perspectives sur une proposition controversée
    Fabien Colombo (Université Bordeaux Montaigne)

    Qu’est-ce qui pose tant de problèmes dans la reconnaissance de l’Anthropocène, alors que les données sur l’aggravation de la crise écologique ne cessent de s’accumuler ?

    L’hypothèse principale défendue ici est la suivante : les diverses controverses qui entourent la reconnaissance de l’Anthropocène semblent principalement liées à des problèmes de « traduction », au sens notamment de Michel Serres et de Bruno Latour, à savoir de la transformation d’un énoncé d’une discipline à une autre (Serres et Latour 1992). Dit autrement, cela serait le caractère proprement transdisciplinaire de l’Anthropocène qui poserait tant de difficultés dans sa réception par les institutions actuelles de savoir. Il inviterait à une redistribution du grand partage entre les sciences naturelles et sociales, mais aussi entre science et politique, qui resterait encore très difficile à négocier (Latour 2015).

    Pour illustrer le propos : (1) nous reviendrons sur le passage du concept d’Anthropocène de l’IGBP à l’AWG, passage d’une définition systémique à un définition disciplinaire ; (2) ensuite, sur les controverses autour du changement de point de départ de l’Anthropocène en 2016, marquant des débats de plus en plus sous tension ; (3) et, enfin, nous proposerons d’esquisser des perspectives transdisciplinaires, en termes de redistribution des ontologies et des savoirs, en attendant l’éventuelle reconnaissance de l’Anthropocène pour 2024.

  • Communication orale
    Les récits de l’Anthropocène et la périodisation en didactique de l’histoire
    Stephane Castonguay (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières), Pascal Di Francesco (Université de Montréal)

    À la jonction de l’histoire de l’environnement et de la didactique de l’histoire, cette communication aborde les controverses entourant la datation des débuts de l’Anthropocène pour repenser la périodisation classique de l’enseignement de l’histoire et sa quadripartition traditionnelle – Antiquité, Moyen-Âge, Temps modernes, époque contemporaine. Une étude des propositions de datation des débuts de l’Anthropocène nous permet de repenser les cadres temporels en didactique de l’histoire pour stimuler une réflexion citoyenne critique sur les enjeux relatifs à la crise écologique et participer à la diffusion d’une littératie environnementale.

  • Communication orale
    L’Anthropocène : une perspective paléoécologique
    Matthew Peros (Bishop’s University)

    Les paléocologistes, c’est-à-dire les chercheurs qui étudient les environnements et écosystèmes passés à travers différents proxys comme le pollen, le charbon et les graines, ont mené la charge pour aider à définir, dater et catégoriser l’Anthropocène . Malgré ces efforts, des désaccords persistent dans le monde paléocologique et paléoenvironnemental quant à l’Anthropocène, particulièrement en ce qui concerne son point de départ, quels sites le document au mieux et même si l’on devrait mobiliser du capital de recherche pour explorer ces questions. Cette présentation a donc pour but de fournir une synthèse des outils et perspectives paléoécologiques pertinents pour ces questions ouvertes. En particulier, je souligne les tensions inhérentes aux débats opposant les modèles d’un Anthropocène ‘récent’ ou ‘ancien, comment les paléoécologistes ont contribué à ceux-ci et ce qu’une perspective fondée sur le long terme y apporte. De plus, j’explore le concept de la « nature comme agent » (Smith 2023) développé dans des recherches sur les désastres naturels menées conjointement avec mes étudiants et mes collaborateurs, afin d’explorer l’idée que même quand l’activité humaine a des impacts profonds et croissants sur l’environnement, de nombreux phénomènes naturels (p. ex., tsunamis, incendies, tempêtes) peuvent tout de même surpasser la capacité d’adaptation de l’humanité; l’exemple récent du séisme en Turquie et en Syrie en février 2023 en est un exemple probant.


Communications orales

Les déplacements de l’Anthropocène

Salle : Z-315 — Bâtiment : Université de Montréal - Claire McNicoll
  • Communication orale
    La sociogéomorphologie pour un renouvellement du concept d’Anthropocène : l’exemple de la trajectoire des cours d’eau
    Étienne Gariépy-Girouard (UQAR - Université du Québec à Rimouski)

    Le concept d’Anthropocène est couramment mobilisé afin de caractériser l’époque durant laquelle les activités humaines deviennent le principal moteur de l’évolution du système Terre. L‘approche de la sociogéomorphologie invite toutefois à dépasser cette définition en ajoutant qu’il implique une gamme d'interactions complexes entre des processus biophysiques et sociaux. Elle reconnait notamment leur coproduction des paysages terrestres, qui est cristallisée dans une trajectoire ni réellement naturelle, ni totalement anthropique.

    Cette communication montrera comment la sociogéomorphologie permet d’approfondir et de documenter ces interactions dans le contexte de la construction et de l’évolution des cours d’eau.

  • Communication orale
    Renouer les liens avec le vivant : repenser la place de l’humain dans l’anthropocène
    Ingrid Hall (UdeM - Université de Montréal)

    En ethnologie, la question de l’anthropocène est souvent abordée en mettant en avant la dimension ontologique du phénomène. En effet, l’exploitation abusive des ressources naturelles apparaît comme la résultante d’une rupture ontologique entre l’humain et la nature, laquelle serait un produit historique culturellement situé (Descola 2005). L’humain, se croyant supérieur, a ainsi considéré que les ressources naturelles étaient autant de ressources inertes à sa disposition (Bonneuil 2019). Réformer cette conception, adopter une conception moins anthropocentrée de la nature, apparaît dons ce contexte comme une prémisse à invalider. Pour cela, Kohn (2015) propose de faire de l’anthropologie « au-delà de l’humain » tandis qu’Haraway (2015) nous exhorte à renouer des liens avec les non-humains ou autres qu’humains (Make kins). Nous proposons ici de réfléchir à ce qu’apportent ces travaux, et notamment à ce qu’une telle proposition implique pour refonder l’écologie politique, comme nous y invitent Stengers (2005) et Latour (1991, 2007).

  • Communication orale
    Processus féraux et frictions au cœur des infrastructures du capital : pour une approche anthropologique de l’Anthropocène
    Nicolas Petel-Rochette (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    En tant que schéma de réflexivité, la notion d’Anthropocène n’est pas si nouvelle qu’on pourrait le penser. La singularité du débat qu’elle a suscité relève plutôt des enjeux de justice sociale qui accompagnent la description de l’espèce humaine en tant qu’agent géohistorique (Chakrabarty, 2009). Cette communication se propose de prendre ces questionnements pour point de départ afin de problématiser la question éthique et politique qui traverse les approches analytiques de l’Anthropocène. Comment ancrer empiriquement une analyse située de l’Anthropocène ? Comment éviter que nos analyses tendent à faire du regard sur notre époque un « panoptique climatique » (Devictor, 2018)? Comment, en d’autres mots, abandonner la globalité comme lieu d’ancrage des réflexions entourant l’Anthropocène (Latour, 2015)? Pour étayer ces questionnements, la communication partira de considérations sur un objet précis : ce qu’Anna Tsing et quelques collègues (Tsing et al., 2021) ont appelé récemment « l’atlas féral ». Elle visera ainsi à proposer un mode situé d’approche méthodologique et épistémologique de l’Anthropocène dont les conditions préobjectivantes soient pensées comme convoyant nécessairement une charge éthique.


Communications orales

Grande conférence

Salle : Z-315 — Bâtiment : Université de Montréal - Claire McNicoll
  • Communication orale
    Pour la suite du monde : la terre gâchée et le renouvellement des relations
    Yann Allard-Tremblay (Université McGill)

    Dans le cadre de cette présentation, nous considérons l’Anthropocène d’un point de vue qui se fonde sur les pensées autochtones, plus précisément celles des Premières Nations au Canada et aux États-Unis. Nous explorons la connexion étroite entre la souveraineté revendiquée par l’ordre politique des colons, la maitrise et la possession de la nature, et la Modernité/Colonialité. Cette connexion permet de mieux diagnostiquer l’Anthropocène et donc d’envisager des manières d’agir autrement qui ont le potentiel de remédier la dévastation écologique qui y est associée. Plus spécifiquement, nous explorons le rapport entre Hôtes et Invités discutés par plusieurs auteurs autochtones afin d’envisager des manières d’entrer en relations, l’un avec l’autre, avec les autres-qu’humains et avec le territoire, qui ne reposent pas sur un rapport souverain de maîtrise et de possession. Notamment, nous présentons le mouvement ‘Land Back’ comme une manière pratique et concrète de contrecarrer la souveraineté coloniale qui, par le fait même, permet de revitaliser et de renouveler un rapport de responsabilité et de réciprocité avec le reste de la Création.


Dîner

Dîner

Salle : Z-315 — Bâtiment : Université de Montréal - Claire McNicoll

Communications orales

Les acteurs de l’Anthropocène

Salle : Z-315 — Bâtiment : Université de Montréal - Claire McNicoll
  • Communication orale
    L’ingénierie serait-elle au service des cornucopiens ou des collapsologues?
    Philippe Terrier (ÉTS - École de technologie supérieure)

    Les cornucopiens présentent une foi sans faille en la technologie salvatrice de l’humanité, alors que pour les collapsologues, notre civilisation, aussi technologique soit-elle, fonce toujours plus vite vers son effondrement. Sommes-nous inévitablement pris entre ces deux postures? Homo Sapiens dispose de la capacité technologique de modifier profondément son environnement, et d’éventuellement devenir l’artisan de sa disparition. Les ingénieurs fournissent très souvent les moyens et les connaissances à la ‘’machine’’ qui pourrait nous conduire vers l’apocalypse. Si le développement technologique a permis de contribuer au progrès, nous sommes maintenant entrés dans une ère du doute au sujet d’un avenir meilleur, et cela amène de nouveaux questionnements. L’ingénieur devrait-il développer toutes les solutions technologiques qu’il est capable d’imaginer, ou devrait-il s’autolimiter pour assurer un développement qui puisse fonctionner dans les limites de la planète? Faut-il remettre en question le culte du hight tech pour se recentrer sur les low tech répondant aux besoins fondamentaux des humains? L’ingénierie accélère telle notre cheminement vers l’anthropocène? De nouvelles approches d’ingénierie durable comme la conception biomimétique change le regard de l’ingénieur sur l’environnement et la biodiversité. L’environnement n’est plus vu seulement comme un fournisseur de ressources, mais comme une source d’inspiration, pour que l’avenir puisse simplement être possible.

  • Communication orale
    La cartographie et l’Anthropocène : les cartes comme artéfacts d’une nouvelle ère géologique
    Alejandra Uribe-Albornoz (UdeM - Université de Montréal)

    Les cartes sont des témoins visuels de la distribution spatiale changeante des écosystèmes. Au fur et à mesure que de nouvelles technologies sont développées et que de nouvelles données sont mobilisées, la communauté scientifique et les décideurs (re)cartographient différents écosystèmes afin de stimuler les meilleures pratiques de gestion et de permettre de mieux identifier et cibler les régions à prioriser pour leur conservation et leur exploitation. Au fil de ces révisions surviennent dans certains cas des décalages apparents entre les anciennes et les nouvelles limites d’écosystèmes donnés. Cette présentation emploie l’étude de cas des páramos de Colombie, qui ont été cartographiés à trois reprises entre 2007 et 2016, pour faire saillir ces ‘espaces aux interstices’ qui ont été inclus ou exclus dans la cartographie et ensuite exploités en conséquence. Dans ce contexte, les cartes sont des objets qui condensent l’ensemble de la culture matérielle employée pour les produire (p. ex. les images satellites, les études scientifiques, les lieux d’entreposage des données). D’un autre côté, malgré une apparente neutralité, je souligne que les cartes (re)produisent les impacts humains sur l’environnement car elles incarnent les concepts scientifiques, économiques et politiques qui justifient leur production. Cette condition double est ce qui fait des cartes des artéfacts de l’Anthropocène qui aident au final à concrétiser cette nouvelle ère géologique tracé par tracé.

  • Communication orale
    Enseigner l’Anthropocène sous une perspective informée par le long terme
    Geneviève Pothier Bouchard (Université Laval), Julien Riel-Salvatore (Université de Montréal)

    Doit-on enseigner l’Anthropocène et si oui, comment? Ces deux questions forment le cœur de cette présentation qui synthétise sept ans d’observations pédagogiques et de considérations conceptuelles sur la manière dont ce défi peut être relevé dans un cursus d’archéologie. Face à la crise écologique actuelle, l’enseignement d’un cours d’archéologie portant sur les interactions humain-environnement nous fournit une fenêtre unique pour aborder la notion d’Anthropocène sous une perspective interdisciplinaire informée par la longue durée.

    Cette présentation est l’occasion de discuter des bienfaits et des défis d’enseigner l’Anthropocène dans le cadre d’un cours d’archéologie. La controverse entourant cette notion est ici vue comme une porte d’entrée afin de pousser les étudiants à développer un sens critique face aux enjeux climatiques actuels. Par des lectures, travaux et discussions critiques en classe, les étudiants développent une perspective synthétique et informée par le long terme, par les données archéologiques et par des concepts d’écologie humaine et d’anthropologie, sur les problèmes écologiques d’aujourd’hui et des prochaines décennies. Elle souligne également la nécessité de développer un vocabulaire et des cadres analytiques transdisciplinaires afin d’affronter au mieux les défis actuels. En retour, la participation des étudiants engagés et intéressés et la diversité de leurs programmes d’étude contribuent à la richesse des réflexions et à l’évolution du cours.

  • Communication orale
    Le géographe de terrain dans l’anthropocène
    Julie Talbot (UdeM - Université de Montréal)

    Les géographes, particulièrement des disciplines traditionnellement associées à la géographie physique, se spécialisent souvent sur l'étude des impacts des activités humaines sur l’environnement physique planétaire. Or, l’impact des activités de recherche sur l’environnement est abordé plus ouvertement depuis les dernières années, particulièrement au sein des milieux académiques. Les émissions de gaz à effet de serre (GES) dues à la mobilité académique ont ainsi fait l’objet de quelques travaux de recherche récents, et le constat est sans équivoque : le chercheur moyen émet beaucoup plus de GES que la moyenne per capita de son pays. En réponse à ce manque de sobriété énergétique, des institutions incitent leurs membres à voyager moins, à l’aide d’une panoplie de politiques plus ou moins contraignantes. Les travaux de terrain contribuent généralement une proportion moindre des émissions de GES dues à la recherche que les conférences. Cependant, l’établissement de règles contraignantes strictes sur la mobilité inquiète certains géographes dont la recherche dépend de migrations aéroportées vers des sites d’étude situés loin de leur institution d’attache. Cette contribution ne vise pas à discuter du concept d’anthropocène, mais à questionner le rôle du chercheur comme moteur de l’anthropocène, en dressant un portrait des activités de terrain et de leurs impacts environnementaux chez les géographes canadiens et en abordant les dilemmes éthiques liés à la mobilité académique.


Communications orales

Vivre en Anthropocène

Salle : Z-315 — Bâtiment : Université de Montréal - Claire McNicoll
  • Communication orale
    Solidarité toxique : Vivre avec la pollution permanente après Fukushima
    Maxime Polleri (Université Laval)

    Basée sur un terrain ethnographique conduit au Japon, cette présentation suit le cas d’agriculteurs qui ont décidé de rester à Fukushima, et ce malgré une contamination non négligeable. Ces derniers ont adopté de nouvelles pratiques pour vivre en sols contaminés, grâce à des projets expérimentaux de mesure de radioactivité ou de décontamination des rizières. Je soutiens que ces fermiers ont développé une forme de « solidarité toxique », embrassant une vie avec la contamination, plutôt que d’opter pour une relocation ou une évacuation permanente hors de Fukushima.

    Le concept de « solidarité toxique » décrit comment les fermiers ont appris à nouer de nouvelles relations avec leur environnement irradié, tout en forgeant de nouvelles communautés et en remodelant leurs identités et valeurs communes. Bien que la contamination ait divisé les agriculteurs, elle réunit également ces derniers de manière étrange et inattendue.

    Dans un contexte marqué par le concept d’anthropocène, l’histoire des fermiers de Fukushima démontre comment de nouvelles communautés peuvent exprimer leur libre arbitre et leur créativité, même dans des conditions toxiques permanente. Elle montre également comment cette créativité peut être cooptée et exploitée par des acteurs douteux.

  • Communication orale
    Le monde en lambeaux : l’archéologie sur une planète dénaturée
    Julien Riel-Salvatore (UdeM - Université de Montréal)

    Alors que beaucoup d’archéologues s’emploient à contribuer à la définition et à la chronologie de l’Anthropocène, relativement peu de recherche a été engagée sur ce qu’implique la pratique de l’archéologie au sein de cette ère géologique définie par l’action humaine. Partant de réflexions récentes sur l’archéologie comme symptôme du ‘capitalisme du désastre’ (Hutchings et La Salle 2015), nous détaillons comment l’archéologie est incorporée à un projet néolibéral fondé sur un extractivisme implicite qui se manifeste tant dans les domaines tant de la prévention que de la recherche académique, modulé sur fond d’appel à en faire toujours plus dans un contexte toujours plus appauvri de ressources. En ce sens, certaines des principales tendances en archéologie contemporaine – ‘revisiter’ des sites, reprendre les collections orphelines, atteler la recherche à des enjeux d’actualité, présenter le registre comme une ressource finie – imposent de prendre le recul nécessaire pour réévaluer pourquoi et pour qui l’archéologie a lieu d’être. Ceci permet de reconstituer à partir des lambeaux archéologiques, industriels, académiques et territoriaux qui sont la base de l’archéologie contemporaine un sens renouvelé de ce qu’elle pourrait être, soit un prisme pour mieux saisir l’interface humain-environnement et la pluralité des passés (et futurs) humains envisageables dans les écosystèmes dénaturés pourtant empreints de possibilité.

  • Communication orale
    Vivre en Anthropocène : les apports de la philosophie
    Alexandre Klein (Université d’Ottawa)

    La philosophie est d’abord, il ne faut pas l'oublier, une pratique d’existence, une manière de vivre, un mode de subjectivation à part entière. Or, l’Anthropocène s’est imposé, au-delà des débats proprement sémantiques comme géologiques qui font toujours rage, comme une description biosociopolitique de notre contemporanéité. De ce point de vue, elle entend aussi, et peut-être avant tout, décrire nos conditions singulières et actuelles d’existence, plus que de rendre compte d’une réalité chronostratigraphique clairement établie ou à venir. Si c’est le cas, la philosophie a, en accord avec sa tradition phénoménologique, pour mission de donner sens à cette expérience qu’est la vie en Anthropocène, voire peut-être, en accord avec sa tradition thérapeutique, plus ancienne encore, de nous permettre de soigner nos existences anthropocénisées et avec elles, si possible, les ravages faits au vivant qui qualifient cette ère nouvelle.

    C’est cette voie que je me propose d’explorer au cours de cette communication qui visera à interroger l’Anthropocène comme trame de fond de nos existences contemporaines à l’aune de la notion de trouble, telle que mise en scène par Donna Haraway, et de la notion d’errance, telle que peut nous inviter à la penser Georges Canguilhem. Bref, il s’agira de voir en quoi la philosophie peut nous aider à semer le trouble dans nos existences anthropocénisées, de manière à assumer l’errance que nous impose cette nouvelle ère écologique.