La chose numérique invite d’ores et déjà à questionner la forme scolaire (Alvarez & Payn, 2021), ne serait-ce qu’en pensant à ses propriétés socio-techniques (Bondolfi, 2016). À cela s’ajoutent les développements rapides de l’intelligence artificielle (IA) pour l’éducation, par l’entremise notamment des EdTech, prometteuses de solutions techniques. Si des projets de R&D existent dans les milieux académiques pour, par exemple, offrir des ressources d’apprentissage s’adaptant aux besoins des élèves (Karoui et al., 2022), il n’en reste pas moins que l’articulation entre la sagesse professionnelle des enseignant·e·s – définie comme le respect de la personne, émergeant de la formation, de l’expérience, des connaissances, des données et de la pensée critique (Schalock & Luckasson, 2014) – et les apports de l’IA comme soutien (ou délégation) à la prise de décisions pédagogiques, n’est encore que trop peu pensée, explorée, documentée et analysée.
L’IA invite aux analytiques de l’apprentissage, c'est-à-dire la mesure, de la collecte, et de l’analyse de données à propos des apprenant·e·s et de leur contexte, à des fins de compréhension et d’optimisation des apprentissages et de l’environnement dans lequel ils ont lieu (Siemens & Long, 2011, traduction libre) ; ce qui promet par exemple la prédiction des échecs, la personnalisation des parcours d’apprentissage ou encore le benchmarking (Khalil et al., 2015). On le voit rapidement, le travail pédagogique intégrant l’IA laisse envisager soit (a) une relégation de l’enseignant·e, par les défenseur·se·s du big data, à un travail de collection de données pour nourrir les IA (Williamson, 2017), soit (b) une redéfinition du profil de compétences des enseignant·e·s pour que l’exploitation construite et critique de l’IA leur soit rendue possible. Il s’agit alors de débattre des recherches à mener pour saisir les chantiers didactiques et informatiques à entreprendre pour penser l’enseignement dans des environnements intégrant l’IA.