Informations générales
Événement : 90e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 500 - Éducation
Description :À l’échelle locale comme internationale, plusieurs encadrements législatifs protègent le droit à l’égalité et interdisent les discriminations raciales dans les institutions éducatives (Dhume, 2021). Malgré ces balises, les expériences des personnes de groupes racisés étudiant (élèves) (Collins, 2022), travaillant (personnel scolaire) (Adam, 2021; Larochelle-Audet, 2019) ou gravitant autour des écoles (familles, communautés) (Zayani, 2021) attestent l’actualité du racisme en milieu scolaire. Considérant que ce concept continue d’être souvent tenu pour illégitime dans les sciences sociales et humaines de tradition francophone (Garneau et Giraudo-Baujeu, 2018), ce colloque invite les chercheuses et chercheurs à présenter des résultats de leurs travaux permettant de documenter les configurations actuelles du racisme ainsi que les réactions et réponses des personnes y étant confrontées au quotidien. La mise en commun d’observations empiriques de niveaux d’analyse intermédiaires, croisant « macro/structure » et « micro/agentivité », contribue à saisir les formes toujours renouvelées de la domination qui empêchent des groupes de personnes de participer à la définition des institutions au sein desquelles elles posent leurs actions (Hamrouni, 2012). Elle permet également d’appréhender la pluralité et la complexité des matrices de résistance que les personnes confrontées aux structures de domination y opposent (Collins, 2016). Pour sortir d’une épistémologie de l’ignorance, aveugle aux rapports sociaux et de domination (Strega et Brown, 2015), les chercheuses et chercheurs seront invités à rendre explicite la perspective à partir de laquelle le savoir présenté a été produit (Benhadjoudja, 2015). Cette reconnaissance est essentielle à la construction d’un savoir collectif pouvant contribuer à davantage de justice raciale dans les institutions éducatives (Collins, 2009).
Date :Format : Sur place et en ligne
Responsables :- Julie Larochelle-Audet (UdeM - Université de Montréal)
- Marie-Odile Magnan (UdeM - Université de Montréal)
- Roberta De Oliveira Soares (UdeM - Université de Montréal)
Programme
Ouverture du colloque
Expériences du racisme au quotidien dans les institutions éducatives
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Communication orale
Microagressions raciales et linguistiques vécues par des étudiantes et étudiants internationaux chinois dans les universités avant et pendant la COVID-19 au QuébecYifan Liu (University of Toronto)
Cette étude qualitative documente les expériences vécues à l’université dans des universités francophones à Montréal par des étudiantes et étudiants internationaux chinois. Les entretiens semi-dirigés en profondeur ont été conduits avec 14 participantes et participants internationaux chinois suivant des programmes dans des universités francophones à Montréal. Les résultats révèlent que ces étudiantes et étudiants doivent non seulement vivre du racisme exacerbé par la pandémie dans l’espace urbain et, plus spécifiquement, dans les universités, mais aussi faire face à une frontière vis-à-vis du groupe majoritaire québécois francophone; une frontière s’articulant autour d’une « face externe » construite à partir de marqueurs linguistiques et raciaux (Guillaumin, 2016; Juteau, 2015). L’analyse des données met également en exergue une tendance, pour ces étudiantes et étudiants, à minimiser leurs expériences de racisme ordinaire et de microagressions (Potvin, 2017). Nous concluons en indiquant que le personnel et les étudiantes et étudiants francophones québécois, du groupe racialement majoritaire (c.-à-d. Blanc), dans les universités demandent à être davantage conscientisés et formés à l’existence du racisme ordinaire et des microagressions.
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Communication orale
Racisme ordinaire dans les institutions scolaires publiques laïques au Québec : les expériences des mères d’origine maghrébine avec la communauté éducative de leurs enfantsHana Zayani (UdeM - Université de Montréal)
Certains chercheurs soulignent que les expériences du racisme vécu en milieu scolaire affectent les rapports que les parents immigrants entretiennent avec les enseignant-e-s et les enseignants ainsi qu’avec les directions d’école (Guennouni Hassani, 2018). Cela met en exergue la question de leur intégration sociale et de la collaboration-école-familles pour soutenir la scolarisation de leurs enfants. Notre étude a analysé les expériences et les relations quotidiennes des mères d'origine maghrébine en milieu scolaire (Zayani, 2021). Elle se base sur le concept du racisme ordinaire (Garneau, 2017) qui se manifeste lors de leurs interactions avec les membres de la communauté éducative de leurs enfants dans un contexte scolaire marqué par l'application de la loi 21 au Québec. Nous inscrivant dans une posture épistémologique interprétative, nous avons mené des entrevues semi-dirigées auprès de dix mères originaires du Maghreb qui ont des enfants fréquentant des écoles primaires et secondaires publiques de Montréal. L’analyse des résultats a notamment révélé que les mères immigrantes d'origine maghrébine se sentent confrontées au racisme ordinaire. Ceci pourrait être associé aux notions d'islamophobie ou d'arabophobie exprimées sous diverses formes par les membres d'autres communautés, notamment les Québécois du groupe majoritaire. L'adoption de la loi 21, selon ces mères, aurait contribué à exacerber leur sentiment de vivre du racisme ordinaire.
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Communication orale
Du climat interculturel au racisme au quotidien: de la participation de la recherche à la (non) reconnaissance du racisme à l’écoleCorina Borri-Anadon (Université du Québec à Trois-Rivières), Xavier St-Pierre (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)
Cette communication propose une analyse secondaire (Heaton, 2004) des résultats d’une recherche primaire sur le climat interculturel (Archambault, et al., 2019) réalisée dans huit écoles secondaires et ayant adopté un devis mixte afin d’évaluer le climat interculturel de ces établissements à partir d’observations et d’entretiens auprès du personnel et des élèves ainsi que d’un questionnaire quantitatif auprès des élèves. Face aux enjeux de catégorisation des élèves et de reconnaissance du racisme émanant de cette recherche, cette communication a recours à la théorie du racisme au quotidien (Essed, 1991) pour analyser l’expérience de l’équité vécue par des élèves et le personnel enseignant. Le croisement des expériences de ces deux groupes permet de dégager des tensions au regard des conditions qui sous-tendent la participation des élèves à la vie scolaire et à la reconnaissance du racisme. Ces tensions éclairent la conception de l’équité entretenue par ces acteurs et actrices et mettent en lumière le racisme au quotidien, dont l’altérisation, la pression à l’assimilation et la banalisation du racisme à l’école. Enfin, les résultats dégagés encouragent à reconnaitre les expériences du racisme des élèves et leur connaissance du phénomène et, ainsi, à continuer de documenter leur vécu à partir de leurs points de vue, tout en questionnant la participation de la recherche elle-même à ces égards.
Configurations actuelles et débats en contexte éducatif
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Communication orale
Discours de la contrainte systémique face à la diversité : analyse critique du discours lors d’un débat médiatisé sur l’inclusion scolaireEmmanuelle Doré (UdeS - Université de Sherbrooke)
Paradoxalement, le discours d’inclusion peut dresser des frontières entre groupes (Wodak, 2008) en s’appuyant sur des « marqueurs de diversité » qui entretiennent l’imaginaire collectif d’un « Nous » (Blanchet, 2021; Ennuyer, 2022; Pelletier, 2020). Au Québec, ce discours politique se développe autour de catégories d’élèves, dont celle des élèves ne maitrisant pas la langue d’enseignement à un niveau jugé suffisant pour intégrer la classe ordinaire (Doré, 2021). Par une analyse critique de ce discours (Wodak, 2008; 2015), nous l’interrogeons pour l’envisager comme un processus d’appropriation sociale matérialisé par des pratiques institutionnelles (Guillaumin, 1992). Cette communication portera sur un débat médiatisé sur l’inclusion survenu en milieu scolaire montréalais en 2016-2017 (Doré, 2021). À partir de l’analyse d’un corpus de textes médiatisés (N = 33) nous interprétons la définition de la diversité et les effets possibles de cette co-construction sur l’inclusion/exclusion en éducation au regard du marqueur de la langue d’enseignement. Nous présenterons des configurations du discours à différents niveaux du contexte (micro, méso et macro) et des stratégies argumentatives justifiant l’inclusion/exclusion. Puis, l’inclusion ayant été véhiculée, selon nos résultats, comme une contrainte systémique (Martuccelli, 2004), des questions seront posées sur l’administration des politiques d’inclusion dans leur contexte organisationnel et social.
Dîner libre
Expériences du personnel scolaire et stratégies de résistance
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Communication orale
Recourir à la hiérarchie ou au droit pour faire reconnaître le tort ? Méfiances et usages du recours institutionnel face au racisme vécu dans le travail scolaireFabrice Dhume (UCLouvain)
L’institution scolaire est traversée et structurée par les rapports sociaux de race, et cela affecte le statut et les conditions de travail des personnels scolaires de toutes catégories. Comment celles et ceux-ci font face à cette réalité ? La positionnalité sociale, au sens intersectionnel, influe sur les répertoires de ressources et d’attitudes mobilisables. Mais les tactiques face au racisme vécu au travail varient aussi selon les spécificités du contexte institutionnel scolaire, et selon le savoir d’usage qu’ont les personnels du fonctionnement de l’ordre institutionnel. Si la plupart des actions visent à un aménagement ou un cantonnement pour réduire la portée de la violence vécue, on observe parfois des recours à la hiérarchie ou à une institution (péri)juridiciaire pour faire reconnaître le tort. Quels sont les conditions et les effets de l’usage du droit ou de l’autorité instituée ? Et qu’est-ce que cela nous apprend du fonctionnement systémique du racisme à l’école ? Cette communication s’appuie sur l’exploitation d’une enquête qualitative menée entre 2019 et 2023 en France auprès d’environ 75 professionnel-le-s scolaires de divers statuts et fonctions. Réalisé depuis ma position de chercheur situé du côté du pôle majoritaire, sur la plupart des axes des rapports sociaux, ce travail constitue une mise à l’épreuve de mes capacités, à la fois d’entendement du point de vue minoritaire, et de restitution-resignification sociologique de la violence raciste de l’école.
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Communication orale
Hiérarchies dans l’organisation du travail enseignant : entre reproduction du racisme et stratégies de résistanceJulie Larochelle-Audet (UdeM - Université de Montréal)
De l’extérieur, les enseignantes et enseignants semblent avoir des conditions de travail similaires et des droits égaux. Une ethnographie institutionnelle (Smith, 2005/2018) menée à partir du point de vue d’enseignantes et enseignants de « groupes racisés » en début de carrière dans le réseau public à Montréal (14) a, au contraire, mis en évidence l’existence de catégories de personnels enseignants différenciés, ainsi que d’affectations en enseignement à la fois précaires et moins valorisées (Larochelle-Audet, 2019). L’analyse du cadre légal régulant l’accès à la profession enseignante et à une permanence d’emploi a permis de documenter l’ancrage institutionnel de l’importante fragmentation et hiérarchisation des statuts d’emploi dans ce secteur. Interprétés à partir de perspectives féministes (Collins, 2016; Guillaumin, 1972/2002 ; Hamrouni, 2012 ; Kergoat, 2005, 2010), les résultats de la recherche montrent comment les configurations hiérarchisées du travail enseignant sont propices à la reproduction du racisme dans cet emploi fortement féminisé. Depuis notre position de chercheuse blanche ayant une visée de justice sociale (Strega et Brown, 2015), nous identifierons à la fois les mécanismes propices au maintien des privilèges blancs dans l’institution éducative (James, 2015) et des stratégies pour y résister. Nous nous interrogerons en particulier sur la responsabilité et le rôle des personnes occupant des positions sociales dominantes à cet égard.