466 - Populismes et nationalismes au Québec et au Canada : distinctions analytiques, études empiriques et analyses comparées

Dans cette communication, nous proposons une réflexion sur le phénomène populiste au Canada, non pas seulement à partir des débats théoriques sur la nature du populisme mais à partir d’une arène d’expression où on retrouve du populisme. Plus particulièrement, nous examinerons des manifestations de populisme qui sont survenues, depuis 2017, au sein des courses à la direction des partis politiques conservateurs afin d’examiner comment la question du populisme s’est posée. Pourquoi quelques prétendants à la direction ont-ils utilisé le populisme au moment de certaines courses alors que d’autres candidats ne l’ont pas utilisé? Peut-on identifier des facteurs expliquant ce recours? Enfin, à quelles conditions le populisme est-il fructueux pour se hisser à la tête d’un parti? Cet examen permettra de développer l’idée qu’il faut également voir le populisme comme une ressource politique qui, dans un contexte donné, fait partie de l’arsenal politique d’acteurs politiques désireux de se présenter comme les vrais défenseurs du peuple.

De prime abord l’alliance entre la culture du bien-être (Wellness Culture) et les idéologies de droite ne semble pas évidente. Les images qui nous viennent en tête lorsque l’on pense au bien-être sont plutôt de de paix, de méditation, de produits naturels, de yoga et d’huiles essentielles. Cependant, à la base de ces deux façons de concevoir le monde, il y a plusieurs points communs. Au cours de ces deux dernières années pandémiques, nous avons pu voir une montée des théories conspirationnistes et des mouvements anti-science au sein de la droite politique. Ce phénomène que l’on a pu observer dans plusieurs pays industrialisés a atteint un point culminant pendant des convois de la liberté qui ont occupé Ottawa pendant plusieurs semaines au début de 2021. Mis à part le discours anti-mesures sanitaires qui était véhiculé dans ces rassemblements, un courant parallèle, principalement mené par des femmes appelait à la paix et à des séances de méditation pour appuyer le combat. L’apparition d’un discours qui mélange « self-care », spiritualité et Nouvel Âge n’est pas anodine dans ce mouvement.

Au cours de cette présentation j'offrirai des pistes de réponses aux questions suivantes : Qu’est-ce qui pousse les influenceurs de la culture du bien-être à adhérer à des idées de droite ? Qu’est-ce que les femmes qui participent à cette culture et qui véhiculent des théories de conspiration en retirent ?

La pandémie de Covid-19 a déstabilisé la démocratie canadienne et la confiance envers les institutions politiques, médiatiques et scientifiques. Le mécontentement et la méfiance d’une partie de la population a culminé lors du Convoi des camionneurs, en janvier et février 2022. Le rapport de la commission Rouleau, publié en février dernier, fait état de la montée du populisme canadien parmi les causes à l’origine de ce convoi. La marginalisation économique, notamment les enjeux du secteur pétrolier dans l’Ouest canadien, la redéfinition des clôtures sociales entre le « eux » et le « nous », et la crise de confiance envers les institutions sont des facteurs qui ont pu être observés pendant les mobilisations.

Dans cette communication j’amorcerai une réflexion sur la façon dont se présentaient ces éléments lors du Convoi des camionneurs. J’aborderai également la proximité avec les discours conspirationnistes dans la désignation des « élites ». Enfin, je mettrai l’emphase sur les dérives extrémistes et insurectionnistes du Convoi.

Cette communication présente une lecture de la culture populiste au Nouveau-Brunswick, de 1991 à aujourd’hui. Deux expressions politiques du populisme seront étudiées. D’une part, le Parti Confederation of Regions (CoR) qui provoque une surprise de taille aux élections provinciales de 1991 en devenant le chef de l’opposition officielle jusqu’en 1995 avec 8 sièges et 21% du vote populaire. Par ses positions contre le bilinguisme officiel et le pouvoir francophone à Fredericton, ce parti marque l’histoire politique de la province. En 1995, la formation politique décline rapidement mais certaines de ses idées vont influencer le Parti conservateur de retour a pouvoir. D’autre part, l’Alliance des gens du Nouveau-Brunswick, parti fondé en 2020 qui reprendra le discours d’opposition du CoR au bilinguisme officiel. Au-delà de la question linguistique, ces partis présentent des éléments d’une culture populiste qui véhicule des influences externes (populisme démocratique de l’Ouest canadien) et internes (culture anglophone locale, religion).

Alors que les études portant sur le populisme de droite abondent, le cas du Québec demeure sous-étudié. Pourtant, des événements récents, tels que les mouvements en opposition à l’accueil des réfugiés syriens, la popularité d’Éric Duhaime, ainsi que le mouvement des camionneurs, nous démontrent que la province n’est pas à l’abri de cette mouvance politique. Comment le populisme se manifeste-t-il au Québec? À l’aide de données d’un sondage mené auprès de 5633 Québécois, nous analysons le profil des populistes de droite sous deux angles : 1) leurs attitudes politiques; et 2) leurs habitudes de consommation médiatique. Les résultats montrent que, comme dans de nombreuses autres démocraties libérales, les populistes de droite affichent des attitudes nativistes, anti-immigration et anti-musulmanes, ainsi qu’une faible confiance envers les médias traditionnels. De plus, le soutien aux idées populistes de droite est associé à une tendance à s’informer davantage auprès des médias sociaux comme Facebook et YouTube, et ce, au détriment des médias traditionnels comme la télévision et les journaux.

Dans « Canadian Multiculturalism and the Absence of the Far Right », Mudde et Ambrose affirment que le Canada est immunisé contre le populisme grâce au multiculturalisme. Cependant, une analyse des politiques provinciales, et l'émergence de partis politiques populistes tels que le mouvement des Truckers, la victoire à la chefferie de Poilievre et le parti populaire du Canada, vont à l'encontre de cette thèse. Cette communication soutient que les facteurs typiquement associés à la restriction du populisme au Canada ne restreignent que le populisme nativiste.

En s'appuyant sur une conceptualisation différenciée du populisme et du nativisme, nous montrerons que les travaux qui tentent d'expliquer les difficultés du populisme à percer n'expliquent que les difficultés du nativisme à percer. Nous mettrons en évidence que les populismes canadiens, tels que ceux de Legault, Ford et Poilievre, contournent les facteurs qui limitent l'essor du nativisme, tels que la force des différences identitaires entre provinces, l'importance du multiculturalisme au fédéral et l'importance du vote racisé dans les circonscriptions clés.

Nous examinerons comment le Canada peut servir de cas pour analyser l'association entre le populisme et le nativisme dans l'interaction entre l'offre et la demande politique. Nous étudierons la corrélation entre le populisme et le nativisme dans la population canadienne en présence ou non de partis politiques populistes nativistes.
 

Depuis le convoi de la liberté et l'élection de Pierre Poilievre à la tête du Parti conservateur du Canada, le populisme est devenu un sujet clé dans la politique canadienne. Cet article analyse quantitativement l'activité Twitter de Poilievre en 2022 afin de clarifier dans quelle mesure son discours s'aligne sur les dimensions idéationnelles et stylistiques des populismes de droite identifiées dans la littérature. En nous appuyant sur la distinction de Rogers Brubaker entre les articulations populistes du « peuple » en tant que plèbe, démos et ethnos, nous examinons d'abord comment le ciblage des « élites » par Poilievre est lié à sa définition des problèmes comme économiques, politiques et/ou culturels. Nous constatons que, bien qu'il adhère à une rhétorique anti-élitiste de droite, qui blâme principalement les « élites » politiques pour les injustices contre le « peuple », Poilievre s'écarte de l'idéologie de droite en encadrant ces injustices principalement sur le plan économique (et non ethnoculturel). Nous constatons également que Poilievre est plus susceptible de déployer un style ou un sentiment négatif dans les tweets abordant des menaces économiques et culturelles, plutôt que politiques, contre le « peuple ». Ensemble, ces résultats démontrent les pièges de l'utilisation du type d’« élite » comme proxy pour l'idéation et le style populiste, et montrent la valeur de la désagrégation - afin de clarifier les relations entre - les différentes dimensions du populisme.

Le 23 avril 2018 à Toronto, Alek Minassian a marqué l’histoire du Canada en commettant l’attentat à la voiture-bélier le plus meurtrier que le pays a connu, et ce, dans le nom d’une rébellion des célibataires involontaires (Incels). Cet attentat fut pour plusieurs Canadien.e.s la première fois qu’iels ont été introduit.e.s aux Incels, un mouvement qui fait partie de la manosphère numérique et regroupant majoritairement des hommes qui blâment leurs célibats sur le féminisme moderne. Selon eux, l’indépendance des femmes a fait que celles-ci ne veulent plus de relations (autant sexuelles que romantiques) avec des hommes laids, handicapés, etc. Le mouvement est complètement en ligne et les discussions prennent part sur diverses plateformes, mais en raison de leurs tendances extrémistes et de leur violence les incels sont de plus en plus bannis ou restreints sur ces plateformes (ex : Reddit). De plus, plusieurs chercheur.e.s commence à s’apercevoir que l’adhésion à ce mouvement faciliterait l’adhésion vers d’autres mouvements de la droite extrémiste. Avec la hausse de consommation de contenus extrémistes causée par la pandémie, il est alors nécessaire de regarder ce lien de plus près.

Après la seconde victoire consécutive de la Coalition avenir Québec, il n’y a plus aucun doute que le système partisan québécois est engagé dans une transformation importante. Pour certains politologues, le clivage « Oui-Non » qui avait structuré les luttes partisanes au Québec est contesté par deux nouveaux clivages : le clivage gauche-droite et le clivage sur l’identité (Bélanger et al., 2022; Bélanger et Godbout, 2022). Bien que nous adhérions à ce constat, ces analyses contribuent à réduire les clivages à des questions de préférences électorales et négligent l’analyse des transformations structurelles qui sous-tendent leur évolution. Notre communication contribue à peaufiner ces analyses en identifiant les mécanismes causaux qui permettent d’expliquer le déclin du clivage Oui-Non. Dans ce contexte, nous proposons une explication alternative à la thèse des échecs référendaires dans l’explication de l’effritement du clivage Oui-Non, et nous insistons sur la déprolétarisation du Canada-français et la consolidation du pouvoir étatique par les francophones comme vecteurs de transformation du clivage dominant et du nationalisme québécois.