Informations générales
Événement : 90e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 400 - Sciences sociales
Description :Les personnes qui vivent des troubles de santé mentale sont souvent confrontées au système de justice, que ce soit par la voie civile ou pénale. Les enjeux entourant l’univers complexe de la justice santé mentale sont pluriels : les contacts multiples avec les forces policières (Charette et al., 2011; Crocker et al., 2009), l’augmentation de personnes recevant un verdict de non-responsabilité criminelle pour causes de troubles mentaux (Jansman-Hart et al., 2011) et le suivi communautaire associé, les expériences de stigmatisations (Livingston, 2013), l’accessibilité à la justice (Bernheim, Chalifour et Laniel, 2016) ou encore dans le traitement oscillant entre des méthodes tantôt coercitives (Larue et al., 2013), tantôt ancrées dans la réinsertion sociale (CAMH, 2013).
Munetz et Griffin (2006) ont développé un modèle des interceptions dans lequel ils dressent la liste des moments clés où des stratégies d’intervention peuvent être mises en place pour détourner la personne du système de justice traditionnelle. De fait, au courant des dernières années, on observe différentes innovations dans la planification, l’organisation et le déploiement de pratiques : par exemple, des équipes hybrides où des intervenants sociaux sont jumelés avec des équipes policières ou encore par l’implantation de programmes d’accompagnement justice santé mentale, aussi connu comme des tribunaux de santé mentale.
Date :Format : Sur place et en ligne
Responsables :Programme
Mot de bienvenue
Politiques, organisation des soins et services en santé mentale justice
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Communication orale
Les soins psychiatriques et le consentement des adolescent·e·s : ouvrir une boîte de pandoreMarianne Tétreault (Université d’Ottawa)
Ma présentation portera sur la régulation sociojuridique des adolescents ayant des enjeux
de santé mentale et leur possibilité d’exprimer un refus de soin. Au Québec, l’adolescent·e
a le droit de consentir à ses soins, et conséquemment de les refuser, selon différentes
modalités. En cas de refus, l’autorisation du tribunal doit être obtenue pour prodiguer les
soins refusés. Les rares études en contexte pédopsychiatrique laissent entrevoir des
conditions troubles sur le respect du refus de soins des adolescents et les mécanismes en
œuvre.
Dans le cadre de ma présentation, je détaillerai mes résultats préliminaires de recherche
qui relèvent des problématiques au niveau des discours tenus par les psychiatres,
intervenants et juges (stigmas, infantilisation, etc.) dans le cadre des autorisations de soins,
une surreprésentation des adolescentes dans les décisions judiciaires de soin ainsi que
l’utilisation du système judiciaire comme forme de contrôle social des adolescentes. Ces
constats sont issus du début de ma recherche mobilisant une approche méthodologique
qualitative procédant par une analyse de discours ainsi qu’une étude de cas. J’expliciterai
ensuite comment ces résultats laissent penser que le système de santé et de services sociaux
est utilisé à des fins de moralisation et de contrôle d’enjeux sociaux des adolescents, plus
particulièrement des adolescentes. Je terminerai ma présentation sur les enjeux que cela
soulève au niveau des droits et l’accès à la justice pour ce groupe. -
Communication orale
L'évaluation du risque de violence partagée et la planification du traitement en psychiatrie légale : Une revue systématique et une méta-analyseAnne Crocker (Université de Montréal), Eric Latimer (Université Mcgill), Mimosa Luigi (Université McGill)
Les soins centrés sur le patient et la prise de décision partagée sont devenus des principes directeurs pour les soins de santé mentale. L'intégration de ces principes dans les services de psychiatrie légale a été compliquée par un modèle de soins plus axé sur la sécurité, compte tenu de considérations importantes pour la sécurité publique et les restrictions légales. Malgré ses avantages cliniques, l'hospitalisation en psychiatrie légale peut être associée à une longue institutionnalisation, une perte de pouvoir décisionnel et des interventions coercitives qui peuvent causer des dommages psychologiques ou compromettre les alliances thérapeutiques. La présente étude systématique vise à décrire les différentes formes de
gestion des risques partagés dans la pratique médico-légale. Le projet vise à quantifier par le biais d'une méta-analyse : (1) le niveau d'accord entre les évaluations du clinicien et du patient sur l'évaluation du risque, (2) la validité prédictive des évaluations du patient, et (3) l'impact de la gestion partagée du risque sur les taux de violence et d'intervention
restrictive. Nous espérons que les résultats pourront éclairer à la fois la faisabilité et l'utilité clinique de l'utilisation de la gestion partagée des risques tout en atténuant le risque de violence dans les soins médico-légaux.
Régulation sociale, politique et juridique
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Communication orale
Détresse bio-psycho-spirit-sociale chez les Autochtones : entre porte-tournante institutionnelle, (dé)judiciarisation et équipes mixtes d’interventionKarine Croteau (Université d’Ottawa), Mireille De La Sablonnière-Griffin, (Institut national de la recherche scientifique,)
Les récentes commissions d’enquête (CERP, 2019 ; CVRC, 2015 ; ENFFADA, 2019) pointent
les failles du système sociojudiciaire et l’urgence de réfléchir à des méthodes plus appropriées,
plus utiles et plus sécuritaires (Tujague et Ryan, 2021) en contexte d’intervention en santé
mentale auprès des Autochtones (Gaulin, 2021 ; Kirmayer ; Tait et Simpson, 2009). Au Québec,
en mars 2022, l’amorce du déploiement d’équipes hybrides spécialisées regroupant des
intervenants policiers et communautaires (EMIPIC) s’est actualisée. L’objectif vise en outre à
améliorer les relations de confiance entre les policiers et les personnes autochtones (Gendron,
Admo, Plourde et al. 2020).
Cette communication présente les résultats d’un bilan critique de connaissances (phase I d’une
étude en cours) réalisé à partir de données scientifiques et médiatiques qui apportent un éclairage
sur la santé bio-psycho-spirit-sociale des personnes autochtones vivant au Québec et la création
d’équipes mixtes d’intervention (Koziarski, O’Connor et Frederick, 2021).
Les faits saillants impliquants la recherche et la pratique sont présentés en trois catégories: (1)
réflexions entourant la sécurité culturelle dans les services et la conception autochtone de l’état
de bien-être et de guérison ; (2) perspectives concernant la formation renouvelée des policiers et
intervenants sociaux ; et (3) débats relatifs à la restructuration, au financement et à la prévention
dans les équipes mixtes desservant les Autochtones. -
Communication orale
« Monsieur est motivé et veut s’améliorer » : régulation sociale et juridique dans un tribunal de santé mentaleSandrine Carle-Landry (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Le tribunal de santé mentale (TSM) de la Cour municipale de Montréal permet à des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale (PSM) de recevoir une sentence plus clémente que l’incarcération. Or, il aurait un potentiel coercitif, notamment à cause d’objectifs doubles de contrôle et de soin. Dans le cadre de notre mémoire de maîtrise, nous avons étudié les dynamiques interactionnelles dans le TSM de la Cour municipale de Montréal et ce qu’elles révèlent de la régulation contemporaine des personnes judiciarisées aux prises avec des PSM. L’analyse s’appuie sur l’observation de 21 audiences du TSM, de novembre 2021 à septembre 2022. Elle nous amène à soutenir que le TSM repose sur un processus d’assujettissement empreint de demandes contradictoires et d’ambigüités, où les employés cherchent à construire des individus autonomes, qui prennent des initiatives et sont aptes à se gérer, c’est-à-dire à gérer eux-mêmes leurs risques de dangerosité pour la sécurité publique. Ce faisant, le TSM exacerbe les frontières entre droit, négation du droit et infra-droit : i) poussée des droits des personnes aux prises avec des PSM, ii) usage de stratégies de contrôle paternalistes pour les pousser à accepter des traitements et nier leurs droits de refus, iii) négociation de privilèges avec les justiciables servant d’abord à assurer leur conformité sociale et légale.
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Communication orale
Étudier les expériences et les savoirs expérientiels en justice-santé mentale : spécificités méthodologiques et résultats d’une ethnographie judiciaire à la Commission d’examenFlorence Amélie Brosseau (Université d’Ottawa)
Si une constante tendance à valoriser les savoirs expérientiels et à questionner les
épistémologies dominantes s’observe dans nombre de domaines d’étude, telle la
psychiatrie (Godrie, 2014; Jouet, 2009; Donskoy, 2017), le champ
juridique s’y montre particulièrement résistant (Bahary-Dionne et Bernheim, 2021). En
tant que tribunal spécialisé en santé mentale chargé de rendre et de réviser des décisions à
l’égard des personnes déclarées non responsables criminellement pour cause de troubles
mentaux (NRCTM), la Commission d’examen (CE) se révèle être un laboratoire idéal
pour l’étude des expériences et des savoirs expérientiels –encore non ou sous-
documentés– dans le domaine de la justice.
S’appuyant ainsi sur des données empiriques collectées dans le cadre d’une ethnographie
judiciaire, la communication discutera de l’expression et de la construction des
expériences et des savoirs expérientiels des personnes NRCTM dans le cadre d’une
instance à la CE québécoise. Après qu’il aura été partagé certaines spécificités de la
méthodologie privilégiée pour étudier le phénomène en question, il sera présenté les
résultats ayant émergé de cette étude ethnographique. Se déployant en deux temps, ces
résultats mettront d’abord en lumière l’existence d’un continuum expérientiel en contexte
judiciaire, puis, exposeront les divers procédés utilisés par les acteurs médico-légaux
pour intervenir sur et réguler les expériences et les savoirs expérientiels des personnes
judiciarisées et psychiatrisées.