Informations générales
Événement : 90e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 400 - Sciences sociales
Description :La capacité, voire la légitimité, de notre monde à durer est mise à l’épreuve, autant par son insoutenabilité écologique que par l’ampleur de ses injustices sociales. L’importance de ces défis génère des tensions et une polarisation politiques croissantes qui interrogent le rôle des savoirs dans nos choix pour notre avenir commun. Pour construire d’autres horizons politiques pour ce XXIe siècle déjà mal engagé, quels savoirs est-il nécessaire de reconnaître, de construire, de mobiliser, et comment ?
Cette question invite d’abord à considérer les concepts mobilisés pour penser des avenirs souhaitables que l’on parle aujourd’hui de transition, de décroissance, de postdéveloppement, de buen vivir, de sobriété, de communs, de justice sociale, environnementale et épistémique, etc. Quels usages analytiques, mais aussi quelles mises en pratique militantes et organisationnelles ? Quelles oppositions et quelles articulations entre ces différents termes, mais aussi avec des contre-discours de plus en plus sonores (des utopies technocentristes à la multiplication des régimes antidémocratiques) ? Comment cela se concrétise-t-il sur et avec le territoire, notamment avec ses multiples acteurs à la recherche d’un plus grand pouvoir d’agir local ? Quels rôles pour les politiques sociales et quels nouveaux arrangements entre mouvements sociaux et citoyens, économie sociale et solidaire, philanthropie et État ? Dans quelle mesure ces débats résonnent-ils dans les milieux de travail, tant sur le plan des pratiques de gestion que des mobilisations collectives et de l’évolution de la qualité de l’emploi ? Comment cela s’opère-t-il dans la mise en organisation de la justice sociale, environnementale et épistémique ? Sous quelles formes organisationnelles et de quelles manières de s’organiser ?
Notre question exige aussi d’interroger les modes de construction des savoirs. Quel renouvellement des épistémologies face aux crises sociétales ? Quelle refondation des universités et des institutions productrices de savoir pour ouvrir de nouveaux horizons ? Quel rôle pour la société civile, notamment les personnes les plus marginalisées, dans la coconstruction des connaissances et la coproduction des actions collectives et des politiques publiques ? Quels savoirs oubliés, marginalisés ou invisibilisés à reconnaître ? Quel arbitrage entre défense de la science pour orienter décisions politiques et dérives épistocratiques (le règne des experts), aux dépens de la démocratie ?
Notre colloque sera l’occasion de travailler sur l’articulation entre l’émergence de nouveaux savoirs (ou la reconnaissance de savoirs déjà disponibles, mais invisibilisés) et la transformation sociale. Il s’agira d’interroger la contribution des savoirs à des transformations sociales, mais aussi de voir dans quelle mesure l’avènement d’un nouveau monde (sous ses paramètres sociaux, environnementaux, économiques, etc.) produit de nouveaux imaginaires, de nouvelles exigences épistémologiques ou de nouveaux outils cognitifs.
Dates :Format : Sur place et en ligne
Responsables :- Sylvain A. Lefèvre (UQAM - Université du Québec à Montréal)
- Yves-Marie Abraham (HEC Montréal)
- Nolywé Delannon (Université Laval)
- Emilien Gruet (Territoires innovants en économie sociale et solidaire)
- Yanick Noiseux (UdeM - Université de Montréal)
- Grégoire Autin (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Programme
Conférence d’ouverture
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Communication orale
Construire les savoirs écologiques avec tous et toutes, au croisement de la justice environnementale et épistémiqueElisabetta Bucolo (Cnam Paris)
Face à l’urgence environnementale, il s’agit d’introduire une réflexion qui englobe et légitime le rôle des fractions de population les plus vulnérables dans la transition écologique. La question environnementale vient cristalliser les contradictions ainsi que l’origine de certaines inégalités dans la modernité. Pour mieux saisir ces enjeux, il s’agit d’explorer le paradigme théorique de la justice environnementale au prisme des injustices épistémiques, notamment en termes de production du savoir écologique par les personnes ayant l’expérience de la pauvreté. Déconsidérées du discours écologique dominant, elles s'emparent des enjeux environnementaux et donnent à voir la diversité des appropriations sociales de la question écologique. Il s’agira donc d’envisager la manière dont ces savoirs écologiques prennent place dans le débat public. Certains se déploient sans bruit, dans le rythme de l’agir quotidien et des convivialités de voisinage. D’autres, se configurent comme des manières d’agir et de penser la relation à l’économie et à la nature, déviantes par rapport à la modernité dominante. Des processus de co-construction des savoirs contribuent à donner visibilité aux connaissances, capacités d’action et d’engagements des plus vulnérables. Produisent-ils des connaissances pour des nouveaux imaginaires de la transition écologique ? Sont-ils audibles ? Leur intentionnalité environnementale et politique est-elle reconnue ?
Au-delà des résultats empiriques : les contributions multiples des études de cas
À partir de trois ouvrages collectifs publiés par des membres du CRISES, la table ronde porte sur les contributions de l’approche des études de cas (ÉC) à l’avancement des connaissances. Dans le premier ouvrage, des ÉC ont conduit à proposer un renouvellement des cadres d’analyse du travail et de l’emploi dans le contexte de la sous-traitance. Dans le deuxième, il fut plutôt question de mobiliser un cadre analytique commun -la théorie de la justice sociale (Fraser, 2011)-, pour revisiter des ÉC et réfléchir à leur potentiel pour l’analyse des innovations sociales. Dans le troisième ouvrage, les résultats d’ÉC, coconstruites avec des acteurs, mettent en lumière la dimension politique des inégalités sociales en santé et lèvent le voile sur le rôle des intervenantes du milieu communautaire pendant la pandémie. Ainsi, non seulement l’ÉC permet d’éclairer des réalités sociales peu documentées, elle contribue à quatre types d’élargissement : prise en compte de la trajectoire de l’acteur, sensibilité aux facteurs temporels et spatiaux, articulation entre processus locaux et forces macrosociales et enrichissement de la théorie (Burawoy 2009). Aussi, une ÉC menée dans une démarche partenariale permet de soutenir la réflexion et l’action des acteurs. Dans le contexte particulier de la nouvelle programmation du CRISES, l’ÉC contribue à la réflexion sur la définition des innovations sociales et sur leur contribution possible à la lutte contre les inégalités.
Faire (et) voir autrement la recherche ? L’enrôlement de la BD, des vidéos et des photos
Outre la production d’articles de revue évalués par les pairs, il est relativement fréquent d’utiliser des formats variés pour diffuser les connaissances produites dans le cadre de projet de recherche : textes vulgarisés pour le grand public, interventions calibrées pour des praticiens, podcasts et capsules vidéos et, de plus en plus, utilisation de documents illustrés, sous forme de textes agrémentés de photos et d’illustrations, ou encore de visualisation de données. S’il est souvent difficile de savoir ce que ce type de production « pèse » dans un cv académique, la manière dont il est valorisé et évalué ou non, il demeure que ce sont des supports de diffusion des connaissances beaucoup plus accessibles au grand public que des articles ou ouvrages académiques. Ils offrent aussi une riche gamme d’expressions pour le chercheur, par l’appui sur le son et l’image.
Par contre, il est beaucoup plus rare d’intégrer des formats visuels dans le processus même de la production des connaissances. Ces formats ont pourtant l’avantage de faire appel à des registres sensibles et à un langage différent de l’écrit, qui peuvent bâtir des ponts, notamment dans la co-construction des connaissances avec des publics plus éloignés du monde académique. Cette table ronde vise justement à questionner l’usage de l’image, que ce soit sous forme de bd-documentaires, de photos et de vidéos, non seulement dans la diffusion mais aussi, en amont, dans le processus même de la construction des connaissances.
Dîner
Des innovations sociales en contexte : échelle locale et changement sociétal
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Communication orale
Les ressources sociales d’employabilité dans la réponse carcérale à la violence des jeunes en Côte d’IvoireWalter Kra (Université Alassane OUATTARA)
Notre étude est une contribution à la réflexion sur les savoirs de la gouvernance des réponses à la violence des jeunes en lien avec l’employabilité : quels sont ces savoirs et comment peuvent-ils nourrir les politiques publiques de réinsertion des jeunes en détention dans les contextes africains ? Dans une démarche qualitative, nous questionnons la prédisposition des jeunes détenus à rompre avec la violence au sortir de la prison, en mettant en relief la socialité des programmes d’employabilité en milieu carcéral comme levier de cette transformation. Les résultats montrent que ces programmes leur inculquent des valeurs (goût du travail et de l’effort), des normes sociales de productivité (assiduité, discipline) et des vertus (tempérance, pardon) qui constituent un capital socioculturel de réinsertion économique et de renoncement à la violence. Ces savoirs permettent de dépasser les approches classiques de réinsertion des jeunes violents par la formation ou par la peine carcérale rigide pour proposer une approche innovante et citoyenne qui allie punition, instruction et justice sociale.
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Communication orale
Innovation institutionnelle et gouvernance locale : une analyse de la mise en place d'un Bureau Régional de la DiasporaHonoré Ouantchi (université felix houphouet boigny)
La mise en place des Bureaux Régionaux d’Accueil et d’Information de la Diaspora, est une innovation institutionnelle dans les régions ivoiriennes. Elle est née de la volonté des élus locaux de diversifier leurs approches en matière de développement local, en s’appuyant sur un « levier » essentiel qu’est la diaspora de plus en plus importante dans les pays du nord. En 2020, la Côte d’Ivoire compte près de 1,15 million de ses ressortissants dans le monde dont, 240 000 dans l’OCDE contre moins de 70 000 en 2000. Ces chiffres témoignent l’importance de la diaspora et sa prise en compte dans la dynamique de développement territorial. Cette communication dresse la problématique de l’innovation institutionnelle relative à la territorialisation de la thématique « migration et développement ». Pour ce faire, une revue documentaire, appuyée par une collecte qualitative de donnée empirique à l’aide d’un guide d’entretien auprès des acteurs et parties prenantes de trois régions pilotes, a été faite.
Il ressort que le bureau régional constitue une fabrique d’innovation institutionnelle. Il élabore de nouvelles formes de relations professionnelles et de liens entre l’offre et la demande des services publics en matière de migration et de développement local. Les transformations introduites par le bureau au niveau des dispositifs de gouvernance territoriale favoriseront une gestion intégrée et participative de l’action publique.
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Communication orale
Reconnaitre et interpréter la co-construction des pratiques transgressives dans un contexte de changementRim Bouhafa Chtioui (Consultante indépendante), Zohra Bousnina (Université de Tunis)
Des revendications pour la "dignité, le travail et la justice sociale" accompagnent la transition démocratique en Tunisie depuis 2011. Dans ce contexte exacerbé par des crises politiques, les réalités socio-économiques avec leurs paradoxes ont été dévoilées sans filtre.
D’abord observateurs puis acteurs de plusieurs processus du contexte transitionnel, nous avons identifié des pratiques innovantes de prise en charge des populations vulnérables. Les acteurs de terrain et les populations elles-mêmes contribuant aux transformations vécues et à leur appropriation.
Dans ce cadre, comment approcher la complexité des processus de co-construction de ces pratiques en dépassant les interprétations et conceptualisation réductrices ?
A partir d’approches du terrain diversifiées (récits de vie, documentaires spécifiques, observation…), une étude de cas longitudinale des communautés de collectrices de palourdes et petit pêcheurs de sidi Makhlouf et de Jemna, oasis de Nefzaoua a été privilégiée.
Dans les territoires étudiés, des dynamiques micro-macro institutionnelles et hybrides, des pratiques transgressives et des arrangements se construisent autour des différentes formes de vulnérabilités, de leadership, des solidarités traditionnelles, des engagements communautaires et des politiques.
La visibilité de ces pratiques pourrait être renforcée par une recherche transdisciplinaire et des approches méthodologiques diversifiées (observation, recherche-action, socio-historique...).
L’épreuve de la fabrique du collectif
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Communication orale
Autour d’un café numérique, renforcer la solidarité entre associations : dynamique et effets d’un dispositif de gestion au sein d’une méta-organisationAmélie Renard (Nantes Université)
Face à des enjeux socioéconomiques complexes, la méta-organisation (MO), organisation d’organisations (Ahrne et Brunsson, 2008), semble l’espace idéal pour favoriser des réponses globales. Ainsi, l’Union Régionale Interfédérale des Organismes Privés Sanitaires et Sociaux des Pays de la Loire (URIOPSS) fédère depuis 1948 les structures non lucratives du secteur sanitaire, social et médico-social afin de défendre les droits des personnes vulnérables.
En 2021, cette MO a initié un dispositif expérimental, des temps conviviaux d’échanges en ligne entre ses adhérents, salariés et administrateurs. Dans un contexte perturbé par la crise (sanitaire, sociale), ces URIOPSS’café visent à mieux cerner les convergences d’intérêt et d’action entre associations afin d’alimenter leur lutte pour une société plus juste.
La communication étudiera ce dispositif numérique et ses premiers effets sur la MO et son projet d’action collective. Pour cela, elle prend appui sur une recherche-accompagnement menée à l’URIOPSS depuis 2020 et mobilise la Théorie de l’Entreprise Fondée sur le Projet et la Théorie de la Régulation Sociale avec une approche par le dispositif de gestion (Bréchet, 2019; Bréchet et al., 2014; Chiapello et Gilbert, 2013; Fontan et al., 2013; Reynaud, 1997). L’analyse dynamique de ce dispositif éclaire des tensions (temporelles, politiques) amenant la MO à renouveler ses processus de régulation. Nous identifions alors de nouvelles voies pour renforcer la solidarité en son sein.
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Communication orale
Une philosophie politique mise à l’épreuve : rapports connaissances-expériences et mondes sociaux d’une épicerie autogéréeLouis Rivet-Préfontaine (Ecole Normale Supérieure)
À Montréal, l'épicerie sans but lucratif Le Détour s’inscrit dans la mouvance contemporaine du développement d’initiatives alternatives au système capitaliste agroalimentaire. « La bouffe, c'est politique! », est-il indiqué sur son site web. Cela renvoie ici aux savoirs politiques fondant une ambition d'appropriation collective de l'alimentation : l'autogestion de l'organisme par « la communauté » du quartier populaire dans lequel elle s’est installée, Pointe-Saint-Charles.
Or, la confrontation des savoirs fondateurs aux réalités expérimentées depuis l’instigation du projet engendre des difficultés soulevant une question fondamentale pour toute initiative collective à visée transformatrice : avec qui et pour qui se constitue l’épicerie?
Par une approche de sociologie de la connaissance, la présente communication proposera des éléments de réponse par l’étude de l’agencement des relations sociales concrètes construisant cette épicerie. Par-là, l’approche propose un décentrement du regard, qui n’avait pas été réalisé jusqu’alors, du Détour vers les espaces dans lesquels l'épicerie s'inscrit, notamment la population du quartier et les autres organismes qui s’y trouvent.
La communication s’appuiera sur les résultats d’une enquête ethnographique combinant entre autres une trentaine d'entretiens approfondis et plusieurs centaines d'heures d'observation participante au Détour et dans divers organismes alimentaires et espaces du quartier.
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Communication orale
Représentation et action collectives des personnes retraitées au Québec : proposition de problématisationThomas Collombat (UQO - Université du Québec en Outaouais), Frédéric Hanin (Université Laval)
Le statut social et politique des personnes retraitées au Québec n’est pas clairement défini. L’absence d’un âge légal de départ à la retraite, la possibilité de cumul de revenus de pension et du travail ainsi que la relative faiblesse des régimes publics de retraite conduisent à une forte hétérogénéité des situations individuelles. Le rapport des personnes retraitées au mouvement syndical pose également question. Si certaines structures de représentation et de militance existent au sein de plusieurs organisations, leur rôle et leur ampleur varient grandement. Le fait que l’adhésion syndicale soit réservée au salariat actif mais que ces mêmes syndicats négocient dans le même temps les régimes de retraite est une source potentielle de tensions et contradictions qu’il convient d’explorer.
Nous proposons de poser les jalons d’une problématisation de l’action collective des personnes retraitées au Québec. Nous nous baserons sur le cadre théorique des logiques de l’action collective. Cela permettra de soulever des questions en lien avec différents aspects de la justice sociale, notamment en termes de justice redistributive. Notre communication visera dans un 1er temps à identifier certaines caractéristiques socio-démographiques des personnes retraitées au Québec, puis à proposer un premier portrait des structures d’action collective syndicales et para-syndicales dont elles disposent. Nous conclurons en avançant des pistes de problématisation d’une enquête plus large sur le sujet.
Articulation des savoirs et transformation des territoires
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Communication orale
Quand le caribou forestier s’invite dans les débats sur l’emploi et l’environnementPaul-André Lapointe (Université Laval)
La protection du caribou forestier au cœur des forêts boréales du Saguenay-Lac-Jean soulève des enjeux majeurs dans une industrie en crise profonde, à la fois économique et environnementale, et oppose fortement deux groupes d’acteurs, tandis que la population locale semble incapable de prendre position. D’une part, les Premières Nations et les groupes écologiques accordent la primauté à la crise environnementale et interprètent la crise économique comme étant celle d’un modèle de production et de croissance qui est destructeur de la forêt, des habitats naturels du caribou forestier et des territoires ancestraux des Premières Nations. D’autre part, les entreprises, les syndicats et les élus locaux mettent l’accent sur la crise économique, dont ils attribuent les causes aux difficultés d’accès aux ressources ligneuses et au coût trop élevé de la fibre. Si ces contraintes ne sont pas réduites, ils soutiennent que des emplois vont disparaître et que la survie des communautés locale sera grandement fragilisée. Ils dénoncent l’action des écologistes comme étant un facteur d’exacerbation de la crise. Ils remettent en cause les données sur le déclin du caribou forestier, ils contestent l’impact de l’aménagement forestier sur la perte de biodiversité et ils insistent sur l’ampleur des pertes d’emploi occasionnées par d’éventuelles mesures de protection. Ce débat divise également le milieu scientifique et certains chercheurs se rangent du côté des entreprises contre les écologistes.
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Communication orale
Les enjeux de la reconnaissance de la multifonctionnalité de l’agriculture pour l’agentivité des espaces ruraux québécois en transitionSabrina Tremblay (UQAC - Université du Québec à Chicoutimi)
Depuis 1950, le développement de l’agriculture s’est fait au détriment du développement des collectivités rurales (Francoeur, 2018) en participant à la marginalisation des espaces ruraux en plus d’engager ses habitants, en particulier les agriculteurs, dans des rapports de luttes de statut et de places (De Gaujelac, 1994). Depuis les années 1990, est apparue la notion multifonctionnalité de l’agriculture (MF) (Wilson, 2009), c’est-à-dire l’ensemble des externalités de l’agriculture autres que la production agroalimentaire (OCDE, 2001). Dans les campagnes on parle désormais d’usage des territoires, de pratiques et réflexions et d’effets et perception envers les espaces ruraux (van der Ploeg & Roep, 2003). La MF est intéressante à analyser du point de vue de la capacité d’agentivité des milieux ruraux, car il positionne les acteurs ruraux dans des rapports de pouvoirs différents avec l’État québécois, mais aussi entre eux (citoyen, mangeurs, agriculteurs, néo-paysan, etc.). Notre communication s’attardera à décortiquer les principaux enjeux liés à la reconnaissance de la MF dans un contexte où il existe à la base plusieurs ruralités et que celles-ci sont engagées dans des transitions variables avec des capacités d’actions tout aussi différentes. À terme, nous espérons démontrer que si la notion de multifonctionnalité est intéressante pour les espaces ruraux, elle n’est en soi nullement un gage de développement endogène, équitable et soutenable.
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Communication orale
La transition écologique est-elle anthropocentrée ? La place de la biodiversité dans le discoursRené Audet (UQAM), Ali Romdhani (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Accolée aux qualificatifs « écologique », « énergétique », ou encore « juste », la notion de transition apparait aujourd’hui comme un objet central du discours environnemental. En Europe et en Amérique du Nord, le discours de la transition s’est substitué à celui de développement durable, devenu galvaudé. Or le concept de transition a sa propre histoire et ne s’utilise pas de la même manière selon les contextes. À partir des sustainability transition studies, cette présentation entend distinguer ses usages et les acteurs qui l’utilisent afin d’éclairer les débats publics.
Nous présenterons les résultats de notre recherche qui ont mené à créer un outil : la « boussole de la transition ». Celle-ci permet de schématiquement situer un discours de transition sur quatre axes : le processus de changement, la finalité proposée, l’échelle socioterritoriale et la valeur accordée aux êtres vivants. Cette grille d’analyse est le fruit d’une recherche-partenariale avec le Campus de la transition écologique où nous avons mené une analyse de discours sur quatre documents-cadres de la transition au Québec et interrogé 26 acteurs métropolitains lors d’ateliers participatifs. Nos résultats mènent à la conclusion que la nature (ou la biodiversité) n’est que très faiblement considérée dans le discours de la transition. Nous montrerons la part d’anthropocentrisme de ce discours et nous soulignerons des pistes pour élargir la réflexion sur la place des non-humains.
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Communication orale
La crise du logement dans la MRC des Maskoutains : le défi de coconstruire un savoir communPaul Morin (UdeS - Université de Sherbrooke)
À la demande de la MRC des Maskoutains, nous avons réalisé en 2021 une étude qualitative sur la crise du logement qui sévit dans ce territoire. Les répondants, (élus, gestionnaires, intervenants, N=21) font effectivement le constat d’une telle crise mais force est de constater que les réponses actuelles à la crise sont fragmentées; la compétition, la débrouillardise et l’improvisation dominent sans que se pointe à l’horizon des solutions durables et concertées malgré les ressources actuellement disponibles. De plus cette MRC, comme bien de ses semblables et malgré sa responsabilité en termes d’aménagement du territoire, n’a pas développé une expertise en regard du logement. Nous démontrerons que l’une des principales clés dans l’élaboration d’un savoir commun dans le domaine du logement et de l’habitat sur ce territoire repose sur une collaboration fructueuse entre la MRC, les municipalités dont principalement le pôle régional (Saint-Hyacinthe), les organismes communautaires et le secteur privé. L’action publique peut tendre alors vers une forme de territorialisation prenant en compte l’ensemble des dimensions inhérentes à l’aménagement du territoire.
Justice épistémique : nouveaux imaginaires, nouvelles pratiques
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Communication orale
Justice épistémique et tiers-lieux de recherche : une réflexion sur les rapports sociaux chercheur.ses et acteur.ricesJustine Ballon (HEC Montréal), Geneviève Fontaine (SCIS-TETRIS), Chantale Mailhot (HEC Montréal)
Face aux crises sociétales, il y a un enjeu autour des modes de construction des savoirs et leur finalités (ALLISS, 2017). Les modes de production des connaissances scientifiques reposent souvent sur une séparation entre recherche « détachée » et recherche militante, etc. (Frère & Laville, 2022). A l’extérieur des institutions académiques, des collectifs pluriels s’établissent pour expérimenter des pratiques de recherche (Gillet et Tremblay, 2017 ; Bonny, 2017) associant la production de connaissances à l'action (Fontaine, 2021 ; Hall & alii., 2020), dans des logiques de coopération (La Manufacture coopérative, 2014 ; Ellyx, 2020), d'émancipation (Christen-Gueissaz, 2006 ; Bazin, 2018), de transfert (Chochoy, 2015) et de justice épistémique (Juan, 2021 ; Dupéré et alii, 2020). Cette communication porte sur ces « tiers-lieux de recherche » (Fontaine, 2021). Ces expérimentations visent à produire des savoirs pluriels pour une transformation écologique, sociétale et juste (Lefèvre, 2020). Elles pourraient constituer des espaces favorables à une reconfiguration des rapports sociaux institués entre la recherche et l'action (Bazin, 2018 ; Dupéré et alii, 2020, Juan, 2021). La nature des rapports qui se construisent entre chercheurs et acteurs dans ces tiers-lieux de recherche sera interrogée. Dans quelle mesure se distinguent-ils des rapports sociaux institutionnalisés? En quoi ces nouveaux rapports favorisent-ils l'émergence de savoirs mieux adaptés aux crises?
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Communication orale
Comment pouvons-nous cocréer la ville permaculturelle de demain via la transmission des savoirs expérientiels du point de vue de femmes?Christelle Fournier (Fertiles - accompagnement en permaculture), Chiara Gasperoni (HEC Montréal)
La permaculture est une philosophie appliquée promouvant l’idée de prendre soin des humains et de l’environnement équitablement en s’inspirant de leurs contraintes respectives, tel un engrais pour créer de nouveaux récits et actions ancrés dans le réel. Bien que le volet des techniques permacoles se soit déployé depuis l'ouvrage fondateur Permaculture One (Mollison et Holmgren, 1978), le volet social urbain proposant une réflexion sur le maillage des initiatives à l’échelle métropolitaine semblent avoir été délaissés. Malgré de récentes contributions, des enjeux de genre (surreprésentation masculine) et urbain (l’accès à la nourriture locale, l’accès aux connaissances pour réapprendre les savoir-faire alimentaires, etc) restent peu abordés dans les ouvrages récents. Notre Ville Permaculturelle aborde ces problématiques dans une démarche écoféministe où onze expertes-praticiennes issues d’une large diversité y développent leurs réflexions et savoirs pour cocréer une ville plus équitable et résiliente. Ce livre a été conçu via la méthodologie OBREDIM (proposition d’étapes pour la mise en place de projets incluant la rétroaction). Il aborde autant la question de la cohabitation non-humaine et humaine que celle du partage des ressources, des rôles, des espaces, de la gouvernance, des récits collectifs afin d’acter notre écocitoyenneté. Cette conférence explore comment la permaculture peut être appliquée à l’échelle urbaine en s’appuyant sur les différentes perspectives du livre.
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Communication orale
Le rôle de la pratique artistique dans la transformation des imaginaires. Écueils et opportunitésAlexis Curodeau-Codère (UQAM - Université du Québec à Montréal)
L’objectif de la recherche est de comprendre le potentiel de la pratique artistique dans une transition socioécologique (TSE) en contexte urbain et dans l’évolution des valeurs et imaginaires environnementaux et, à cette fin, identifier quels types d’interventions artistiques sont ils porteurs du plus grand potentiel transformatif.
Le coeur de ce projet consiste en l’analyse critique des plus récentes publications relatives à la pratique artistique dite écoactiviste, à l'aune de celles concernant les valeurs environnementales, la justice environnementale et épistémique, et la TSE. Grâce à une revue de la littérature scientifique, une analyse de cas de précédents artistiques au Québec et en occident et grâce à une série d’entrevues réalisées auprès d’acteurs du secteur culturel montréalais, l’investigation se penche sur la pratique artistique à deux échelles : individuelle et municipale. Il est pour l’instant possible de postuler que ce projet nous permettra d’identifier des catégories et axes d’interventions à prioriser par les acteurs du secteur culturel qui cherchent à participer à une transition socioécologique en travaillant à mettre en lumière de nouveaux imaginaires.
Ce travail de recherche permettra, d’une part, de produire un rapport synthèse destiné au Campus de la transition écologique, de soumettre des recommandations destinées au Campus et ses partenaires, mais aussi de proposer des avenues de recherches pertinentes. -
Communication orale
Quelles vertus épistémiques pour transformer la société ? Vers une épistémologie critique des vertusJonathan Durand Folco (USP - Université Saint-Paul)
Face à un monde frappé par de nombreuses crises, la question des savoirs à construire pour surmonter ces défis est essentielle. Pour éclairer cette problématique, l’épistémologie des vertus s’intéresse moins à la justification des croyances qu’aux qualités intellectuelles que les agents et communautés doivent cultiver pour favoriser l’atteinte de la vérité : ouverture d’esprit, rigueur, écoute, réflexivité, etc. Or, la majorité des travaux en épistémologie des vertus sont centrés sur l’individu, sans tenir compte des relations de pouvoir, la construction sociale des savoirs, et les capacités épistémiques des groupes. Par ailleurs, plusieurs facteurs (capitalisme algorithmique, crise démocratique, inégalités sociales) favorisent des vices majeurs pour l’acquisition et le partage des savoirs : polarisation, dogmatisme, perte d’attention, désinformation, etc. Pour combler ces lacunes, pour proposons de développer une épistémologie critique des vertus, combinant les perspectives de l’épistémologie sociale, la justice épistémique, l’épistémologie collective des vertus, et les théories critiques. Le but est d’esquisser un programme de recherche axé sur l’analyse critique des mécanismes sociaux responsables des vices épistémiques, l’identification des conditions psychosociales favorisant l’épanouissement intellectuel des individus et des communautés, et des processus d’intelligence collective facilitant la transformation de la société.
Bilan et perspectives sur des collaborations recherche-terrain : au-delà des modèles, comment créer des relations fertiles ?
L’histoire du CRISES est étroitement liée aux recherches réalisées en collaboration avec la société civile : groupes communautaires, syndicats, entreprises d’économie sociale (coopératives et OBNL), etc. Le CRISES a été un partenaire central dans la mise en place de l’ARUC-ÉS et du RQRP-ÉS. Cette implication se poursuit encore aujourd’hui au sein de l'Incubateur universitaire Parole d’excluEs (IUPE) et des Ateliers des Savoirs partagés (ASP).
Du point de vue de l’IUPE et des ASP, tous les types de savoirs se valent, qu’ils soient académiques, d’expériences ou de vécus. C’est par le croisement des différents vécus entre personnes d’horizons variés que peuvent s’opérer les transformations sociétales dont nous avons besoin en ces temps incertains.
Ce mode de fonctionnement bouscule la hiérarchie habituelle entre les savoirs (préséance des savoirs académiques sur le vécu citoyen par exemple), imposée par la plus grande valorisation des savoirs académiques. Mais dans les faits, comment se créent les relations entre chercheur.es et les personnes sur le terrain ? Comment s’opère la production et le partage de savoirs ? Est-il réellement épargné des relations de pouvoir ? Comment cohabitent les différentes générations et les types d’acteur.rices ? Finalement, est-ce qu’il ressort vraiment de ces relations, des nouveaux savoirs utiles pour le 21e siècle?
Ce sont les différentes questions que nous proposons d’explorer dans le cadre de cet atelier.
De nouveaux rapports marchands et productifs ?
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Communication orale
Quand les mis de côté prennent la parole. Deux occupations syndicales mémorablesJacques L. Boucher (UQO - Université du Québec en Outaouais), Thomas Colombat (UQO)
Dans les sociétés occidentales industrialisées, les syndicats d’ouvriers ont réussi à obtenir leur reconnaissance à travers des luttes de longue haleine étant suivis en cela par les salariés des services dans la foulée du développement de ces derniers. Cette reconnaissance est codifiée dans les législations (Code) du travail, mais leur portée est limitée à la dimension économique (salaires, avantages sociaux, sécurité d’emploi) du rapport au travail. Or, si nous portons une attention plus fine aux aspirations des salariés de la production des biens et des services, nous découvrons, sur le moyen et long termes, que les salariés, avec leurs syndicats, cherchent à s’approprier une maîtrise tangible des lieux de travail et des conditions de vie, bien que les résultats ne se manifestent pas toujours de façon immédiate ou directe. Pour décoder ces aspirations ouvrières et des salariés en général, nous allons partir de deux actions syndicales souvent considérées comme emblématiques, l’occupations syndicale de la ville de Sept-Îles en mai 1972 (Littoral, no 17, à paraître) et celle de l’usine de la Regent Knitting Mills de Saint-Jérôme avec l’émergence de Tricofil (colloque tenu le 25 novembre 2022). Un examen conjoint avec des acteurs rapidement oubliés de ces actions nous permet de voir que ce qui pourrait être perçu comme des échecs au premier abord progresse à travers des actions et innovations de forme diversifiée.
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Communication orale
Pour une alternative au « DAOisme » : une synthèse théorique et pratique de l’organisation institutionnelle et démocratique grâce au fédéralisme et aux monnaies localesLouis-Maxime Joly (UQO - Université du Québec en Outaouais)
Actuellement, nous voyons se développer une remise en question des «règles du jeu» au niveau monétaire. Notamment, il est question de l’émergence de ce DAOisme (c.-à-d. la croyance dans les Decentralized Autonomous Organizations) avec les cryptoactifs (p.ex. Ethereum). Toutefois, cette utopie se frappe à des contradictions liées à la gouvernance de l’infrastructure, sans parler du manque d’ancrage territorial, démocratique ou économique. Face à cela, il est important de s’engager dans le débat et proposer une contre-proposition qui répond à ces malaises et ces aspirations. De manière analogue, il y a une forte réactivation de théories et de pratiques associées à la grande famille du socialisme. Ces théories ouvrent un retour de l’universalisme des insurgés de Tomba à travers le développement d’institutions démocratiques et écologiques, tel qu’exposé par Bookchin ou bien Dardot et Laval. En ce sens, à la Lietaer, il est important d’offrir des alternatives monétaires capables d’accueillir ce pluralisme, sans tomber dans le piège du localisme. Ainsi, la voie des monnaies locales est importante, tout en prenant compte les limites de ces projets en termes de production et d’accès aux ressources, à la lumière des théories post-keynésiennes et institutionnalistes. De ce fait, le développement de souverainetés locales doit prendre en compte la compensation et le fédéralisme, ainsi que la coopération intercommunautaire financière et commerciale, en continuité avec Keynes et Kalecki.
Décolonisation des savoirs
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Communication orale
Comment sortir de la dichotomie “tradition et modernité” pour mieux s’inspirer des paradigmes endogènes « durables » de la paysannerie haïtienne ?Charly Camilien Victor (Université de Haute Alsace (UHA))
Le niveau d’endurance et de résilience du système social instauré par la paysannerie haïtienne après l’indépendance du pays en 1804 témoigne d’une forme de résistance épistémique. Cette dernière découle du refus systématique de ces « indésirables paysans » (Casimir,2018) majoritairement « bossales » d’embrasser le projet de société des « créoles », les nouveaux privilégiés. En dépit de la contemporanéité des deux catégories sociales en question et l’endogénéité des paradigmes portés par la paysannerie du fait de leur ancrage dans les particularités locales de la société naissante, les créoles, groupes minoritaires mais bénéficiaires de la fracture coloniale allaient tout faire pour étouffer ce projet épistémique local « durable ». « Durable » au sens de l’ancrage socio-historique et de l’endurance de ces formes de connaissances locales qui résistent encore sous le poids du processus de « créolisation » de la société haïtienne. Une telle situation me porte à interroger l’hétéronomie des cadres normatifs imposés par la circulation internationale des savoirs appropriés par les sachants créolisés, ce qui empêche la connexion entre les savoirs au sens d’une « solidarity-based epistemology » (Connell, 2015). M’inspirant des entretiens réalisés dans le cadre de ma recherche doctorale, je compte questionner la dichotomie entre savoirs endogènes opprimés dits « traditionnels » et savoirs imposés de l’extérieur dits « modernes » qui fait perdurer l’injustice épistémique en Haïti.
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Communication orale
Décoloniser la RSE: retour d’expérience de coordination d’un numéro spécial d’une revue francophoneLinda Aissi Ben Fekih (CY Cergy Paris Université), Hind Benouakrin (FSJES/ Campus Ait Mellou, Université Ibn Zohr), Celine Berrier-Lucas (ISG Paris Business School), Lovasoa Ramboarisata (École des Sciences de la Gestion (ESG) - UQAM), Dimbi Ramonjy (Excelia Group La Rochelle), Sonia Tello-Rozas (UQAM)
L’épistémologie décoloniale se prête à la fois à l’examen critique des savoirs produits et à celui de la démarche de recherche. Cette double potentialité positionne les perspectives décoloniales comme candidates opportunes pour accompagner l’inflexion des transformations nécessaires face aux défis sociétaux contemporains. Dans notre discipline des études des organisations, ces perspectives ont été mobilisées ces 30 dernières années dans différents champs. Dans quelles mesures cette double potentialité a été mise à contribution?
Pour y répondre, nous nous basons sur notre démarche de coordination du numéro spécial « Décoloniser la RSE » de la Revue de l’Organisation Responsable (2022). Cet exercice nous a permis de constater que l’analyse de discours est surutilisée, au détriment d’autres démarches comme la recherche action participative ou la technologie sociale. Ainsi, des 2 potentialités mentionnées, celle touchant le modus operandi (versus la critique des savoirs produits) est le parent pauvre. Nous avons aussi constaté que les contributions francophones ne sont pas significatives et évacuent les réalités intersectionnelles.
Ces constats nous rappellent que même si conduire et publier de la recherche en français sont souvent considérés comme une forme d’activisme face à l’hégémonie de la langue anglaise, la recherche francophone peut aussi être un terrain d’exclusion si nous, communauté de chercheur.es, ne demeurons pas vigilant.es. Nous formulons quelques recommandations.
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Communication orale
Comment changer de paradigme sociétal en stimulant la co-construction d’actions collectives instituantes ?Muriel Jean (Université des Antilles)
Basé sur la deuxième partie de mon travail de thèse actuellement en cours ayant défini la praxis générique d’actions collectives (instituantes) dans le cadre d’une recherche doctorale, en sciences économique, cherchant une modalité s’appuyant sur l’ESS caribéenne française pour stimuler le passage à un écodéveloppement de ces territoires, notre contribution à vocation à partager les étapes de cet outil que nous entendons promouvoir pour permettre la transition d’un développement économique et plus largement sociétal fruit d’une histoire coloniale vers un développement responsable, à savoir d’abord orienté sur le bien-être de ces territoires (tant des humain.e.s qui y vivent que de l’environnement).
L’article reprendra le résultat de notre analyse qui nous conduit à proposer une praxis générique, à partir des points de récurrences des bilans d’acteurs pratiquant ces dynamiques associés aux analyses académiques, ne garantissant certes pas la réussite, mais qui sans la vigilance des étapes mentionnées conduit plus sûrement à l’échec de l’expérimentation. C’est un travail fait sur des expérimentations et travaux fait.e.s en France hexagonales dont les points de récurrence se retrouvent dans quelques lectures d’expérimentations de ce type ailleurs dans le monde.
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Communication orale
Repenser le concept de savoir citoyen à partir des expériences de participation citoyenne des personnes immigrantes au QuébecMathilde Manon (UQAM - Université du Québec à Montréal)
La perspective décoloniale sur les mouvements sociaux et le développement souligne l’apport des savoirs dits locaux dans la production de modèle alternatif au modèle de développement eurocentrique (Santos, 2016; Escobar, 2016). Au Nord, les études sur l’innovation sociale et les approches bottom-up reconnaissent également le rôle des savoirs des “premiers concernés” dans la poursuite d’une plus grande justice sociale, par l’amélioration concrète de la qualité de vie par et pour les personnes vivant en situation de pauvreté et d’exclusion sociale (Santos, 2016; Godrie et Santos, dos 2017; Fontan et al., 2017). Face à la diversification grandissante de la société québécoise liée à l’immigration de population venue des Suds le milieu communautaire et militant québécois est dans l’obligation de s’adapter. Comment sont pris en compte les savoirs des personnes immigrantes au sein des expérimentations sociales portées par le milieu communautaire et qu’apportent-ils aux transformations sociales visées par la société civile québécoise ?
Je présenterai les résultats préliminaires d’une étude ethnographique (thèse de doctorat) auprès d’un organisme nord-montréalais adoptant une approche de croisement des savoirs dans une perspective de développement territorial. J’aborderai les enjeux de justice épistémique liée à la participation citoyenne des personnes immigrantes et la nécessité de repenser le concept de savoir citoyen à la lumière de ces résultats.
Dîner
Construire autrement les connaissances : quels dispositifs ?
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Communication orale
INNOV’Montagne. Un dispositif de production de connaissances des territoires orienté vers la création d’entreprises durablesCécile Perret (Université Savoie Mont Blanc)▶ Vidéo
INNOV’Montagne est un dispositif pédagogique présenté sous la forme d’un jeu de cartes. Il a été conçu par deux enseignantes chercheuses de l’Université Savoie Mont Blanc en 2020. Dispositif d’apprentissage innovant, il permet, étape par étape, de concevoir collectivement et de façon collaborative, des projets socialement innovants allant dans le sens d’un développement durable et d’une transition écologique et solidaire des territoires. Dans cet article, nous analysons en quoi Innov’Montagne propose un parcours d’apprentissage en Quintuple Hélice (Etzkowitz et Leydesdorff, 2000 ; Carayannis et al., 2012, Carayanis et Campbell, 2017, Berthoud et Boutiller, 2021) qui permet d’approfondir la connaissance des territoires tout en imaginant les projets de territoire de demain ; des territoires durables. Une enquête — qui inclut des questions correspondant aux principales catégories proposées par le référentiel de compétences pour l’entrepreneur de Loué et Baronet (2015) — conduite auprès de 35 étudiants de première année du BUT GACO de l’IUT de Chambéry (Université Savoie Mont Blanc) utilisateurs d’Innov’Montagne illustre le propos. Elle nous permet de montrer qu’Innov’Montagne privilégie le mode 3 de la Quintuple Hélice — c’est-à-dire un savoir co-construit par les participants, la société de l’information et les organisations territoriales — qui permet une meilleure connaissance des territoires et de la démarche entrepreneuriale pour aller dans le sens de la durabilité.
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Communication orale
Produire des savoirs par et pour l’action communautaire autonome : la mise en place de l’Observatoire de l’ACAOphélie Couspeyre (Table nationale des Corporations de développement communautaire), Hind Obad-Fathallah (Réseau Québécois de l'Action Communautaire Autonome (RQ-ACA))
Alors que la crise de la COVID-19 a mis en lumière le rôle crucial des organismes d’action communautaire autonome (ACA), leurs actions et leurs savoirs peinent encore à être reconnus. Qu’il s’agisse de justice sociale, de droits des femmes, etc., l’ACA est un mouvement social et politique qui a historiquement été à l’avant-garde dans la construction d’un contre-discours fort. Cependant, plusieurs facteurs tels que le manque de ressources ou la dévalorisation des savoirs expérientiels limitent la diffusion de ce discours alternatif. C’est pour visibiliser et valoriser l’expertise, les réalités et l’apport de ces organismes au sein de la société québécoise que l’Observatoire de l’ACA est né en 2020. À l’initiative de 2 regroupements, la TNCDC et le RQ-ACA, ce projet place la recherche au service du milieu communautaire et, ultimement, de la transformation sociale. Alors que très peu de recherches sont produites par et pour les groupes communautaires, il est apparu essentiel pour le milieu de se doter de données et d’analyses solides, en misant sur la co-construction des connaissances. Cette ambition n’est pas exempte de défis. Comment créer de nouvelles connaissances mais aussi valoriser les savoirs existants sur le terrain? Comment valoriser l’action du milieu communautaire et appuyer des revendications politiques tout en gardant sa rigueur scientifique? Comment construire d’autres horizons politiques grâce à un Observatoire de recherche par et pour le milieu communautaire?
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Communication orale
L’articulation des savoirs dans la pratique : analyse processuelle de deux expériences de recherche-action participativeSonia Tello Rozas (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Comment se co-construit un processus de recherche? Comment se réalisent le transfert et l’appropriation des résultats issus des recherches qui articulent divers types de savoirs ? Comment se met en place, dans la pratique, la co-construction de savoirs ? Pour donner quelques pistes de réponse, je me positionne dans le courant critique et décolonial de la recherche-action participative (RAP) développé en Amérique latine depuis les années 1970 (voir les écrits de Fals Borda) pour proposer l’analyse processuelle (Langley, 1999) de deux trajectoires de recherche partenariale accompagnées par le Service aux collectivités (SAC) de l’UQAM. Dans les deux cas, il est question de recherches nées de besoins concrets du terrain, qui se sont développées dans un processus de co-construction s’étalant sur plusieurs années (de la construction conjointe d’une problématique jusqu’au travail d’appropriation des résultats par les milieux non académiques et académiques).
Sur la base de mon expérience de recherche partenariale, je propose également d’analyser le modèle de recherche-action du SAC à la lumière des fondements de la RAP. Ce modèle institutionnalisé au sein d’une université promeut la construction de connaissances dans une perspective de respect et non-hiérarchisation de savoirs pluriels. Il constitue en soi une innovation sociale et sert à illustrer la mise en pratique de la justice épistémique.
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Communication orale
Perspectives et dialogue : une démarche de coconstruction d’une définition de l’innovation sociale citoyenneMarie Beigas (UQAM), Catherine Boily (UQAM), François Gélinas (UQAM), Marc D Lachapelle (UQAM - Université du Québec à Montréal), Jade St-Georges (Université Laval)
Au Québec, comme à l’international, des regroupements de citoyens et de citoyennes s’organisent afin de construire des communautés plus dynamiques, solidaires et écologiques (Tremblay et al., 2019). Ces initiatives entrent en résonance avec le champ de l’innovation sociale (IS) (Klein et al., 2019) sans qu’elles y soient forcément associées de manière explicite. Une question se pose alors : comment définir et concevoir le concept d’IS en intégrant ces perspectives non-initiées ?
C’est dans ce contexte et à la suite de ce questionnement qu’a été mis sur pied le projet Perspectives et dialogue en innovation sociale qui s’est intéressé à l’IS dans une perspective citoyenne. Un projet qui combine des ateliers de coconstruction au sein de quatre initiatives citoyennes au Québec et la réalisation d’une baladodiffusion. Cette communication sera l’occasion d’expliciter la démarche originale de Perspectives et Dialogue, combinant vulgarisation et coconstruction. Nous aborderons la question de comment concevoir un concept tel que l’innovation sociale de manière à inclure les différentes perspectives citoyennes? Nous présenterons aussi comment les citoyen.ne.s se sont engagé.e.s dans la démarche, et les retours que certain.e.s en ont tirés. Cette expérience ouvre des pistes de réflexion sur les formes de collaboration possibles, la complémentarité des savoirs et expériences académiques et citoyennes, et la force du dialogue et des croisements de perspectives.
Construire autrement les savoirs : quelles retombées sociales ?
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Communication orale
Comment mobiliser les savoirs d’expériences des personnes en situation de défavorisation socioéconomique afin de lutter plus efficacement contre les injustices épistémiques ?Peter Belland (Chaire RISS), Hélène Gaudreau (Chaire RISS), Janie Houle (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Des barrières systémiques importantes nuisent à la participation des personnes en situation de défavorisation socioéconomique dans les recherches qui les concernent pourtant au premier plan. Afin de lutter efficacement contre les injustices épistémiques qui en résultent, il est nécessaire de mettre en place des dispositifs et des pratiques plus inclusives. Dans le cadre de cette présentation, nous discuterons d’abord des difficultés rencontrées par les personnes en situation de défavorisation socioéconomique qui souhaitent participer activement à la production des connaissances scientifiques. Nous examinerons ensuite de manière réflexive les pratiques utilisées par la Chaire de recherche sur la réduction des inégalités sociales de santé (Chaire RISS) pour favoriser une participation optimale de ces personnes et les défis posés par leur opérationnalisation. Nous décrirons les différents rôles qui peuvent être assumés par les personnes en situation de défavorisation socioéconomique dans les activités de la Chaire, tels que pair.e chercheur.e, membre du comité de gouvernance, livre vivant, co-présentateur, représentant. Nous discuterons des forces et des limites de notre approche, ainsi que de ses retombées, tant au plan humain, scientifique que professionnel. Enfin, des pistes d’amélioration des pratiques d’inclusion en recherche seront proposées.
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Communication orale
Production de savoirs et de pratiques au bénéfice de la société : quel accompagnement adapté aux démarches de recherche et développement sociale ?Jade Omer (France (université de Poitiers))
De nombreux projets qualifiés aujourd’hui d’innovation sociale (IS) se développent face aux crises pour répondre à différents besoins sociétaux non satisfaits. Leur urgence et leur complexité à être développé rend compte du besoin réel d'accompagnement des porteurs de ces projets, moins en termes de financements que d’outils ou démarches scientifiques permettant une véritable accélération de leur développement, à l'instar de la recherche et développement (R&D) pour l'innovation technologique.
Dans la continuité des concepts d’IS (Richez-Battesti et al., 2012) et d’entrepreneuriat social (Battilana & Lee, 2014), apparait celui de « R&D sociale ». Ce concept nouveau est mobilisé par quelques acteurs (porteurs de projets et accompagnateurs) conjuguant logiques d’innovation sociale et recherche. Face au manque de définition, une proposition de conceptualisation a été réalisée (voir Omer et al, 2023) au travers d’une grille théorique que nous proposons d'éprouver à partir de données qualitatives collectées (entretiens, réunions, documents) grâce à un travail de suivi, sur une période de 6 mois, de 3 démarches de R&D sociale (recouvrant différentes thématiques et impliquant une diversité d’acteurs).
Cela nous permettra d'identifier les pratiques des acteurs en lien avec l'état d'avancement des projets, de proposer un accompagnement ciblé à chaque étape du développement et d'en déduire des pistes de réflexion pour un renouvellement des pratiques de R&D pour l'innovation sociale.
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Communication orale
La transformation des modes de production des connaissances et ses conséquences sur les processus de recherche : quelques pistesJean-Marc Fontan (UQAM), Isabel Heck (CRISES/UQAM et Projet impact collectif), Juan-Luis Klein (UQAM), Vincent Van Schendel (TIESS)
Si les changements antérieurs de civilisation ont demandé de penser le monde autrement, l’ampleur des transformations actuelles de nos sociétés demande une métamorphose des rapports à la connaissance. L’approche cartésienne fut révolutionnaire en son temps. Elle comprenait des limites qui appellent un dépassement de la vision du monde qui la portait. La première partie de la communication présentera des expériences, au Québec ou ailleurs, qui suggèrent d’autres approches et pratiques. La deuxième partie résumera la base du socle épistémologique permettant un mode de production des connaissances apte à soutenir les changements à venir. Ce socle est déjà présent dans les travaux des auteurs pragmatistes (Peirce, Dewey, Commons…), ou, par exemple, dans les analyses de BS Santos et JK Gibson-Graham, reconnaissant la diversité des modes de production des connaissances et la distribution de celles-ci dans la société. Cette vision, précise Latour, a des implications sur le mode d’organisation de la recherche académique. L’institution universitaire doit s’inscrire dans des processus délibératifs avec les publics concernés, autour de la définition de problèmes et leur montée en solutions et ainsi s’inscrire dans un projet à la fois social et écologique. On identifiera dès lors en troisième partie les grandes transformations à apporter afin de produire des connaissances en syntonie avec les aspirations susceptibles d’orienter la construction d’une société plus juste et démocratique.
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Communication orale
L’enquête comme invention de possibilités de faire-science avec l’AnthropocèneEmmanuel Bonnet (ESC Clermont BS), Chantale Mailhot (HEC Montréal)
L’Anthropocène s’impose dans les sciences de gestion comme un problème global à résoudre et une injonction à agir collectivement pour éviter les effondrements en cours et à venir. Ce récit relève d’une « pensée globale », qui occulte les situations troublées. Les cadres de la recherche tendent à privilégier un schème instrumental et managérial pour « s’attaquer » aux problèmes (Ferraro et al., 2015) plutôt que de les aborder depuis les « prises de l’expérience « (Chateauraynaud et Debaz, 2017). Nous suggérons que les conventions (Boltanski et Thevenot, 1991) qui sous-tendent la science moderne expliquent cette manière de penser alors que l’enquête pragmatiste (Dewey, 1938) permettrait de renouveler nos pratiques de recherches en ouvrant de nouvelles perspectives épistémiques et politiques. L’enquête suppose de mettre en politique des sciences et de renoncer à leur finalité « pastorale » éclairant une trajectoire à suivre. Elle suppose de repeupler l’enquête pour en faire un commun des publics invisibilisés. Il s’agit de confronter les pratiques de recherche aux situations troublées, aux dissonances épistémiques, pour faire émerger d’autres pratiques et d’autres alliances : inventer des possibilités de faire-science avec et depuis l’Anthropocène.
Conférence de clôture
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Communication orale
La croisée des savoirs et des pratiques socioéconomiques en contexte autochtone de développement : Une perspective de réconciliation économiqueKarine Awashish (Université Laval)
Depuis la colonisation, les modèles dominants d’organisation sociale et économique ont façonné les modes de fonctionnement au sein des collectivités autochtones, ce qui a apporté son lot de complexité et de défis. L’entrepreneuriat collectif offre un modèle d’organisation susceptible d’être adapté au développement des communautés autochtones, car elles présentent de fortes affinités avec les modes traditionnels d’expression culturelle et de pratiques d’autodétermination socioéconomiques. La perspective de ré « concilier » l’économie et la volonté d’affirmation identitaire en mobilisant le savoir traditionnel et connaissance contemporaine est une partie prenante essentielle à la vision de développement de plusieurs collectivités autochtones. Précisément, cette conférence vise à apporter une perspective autochtone de l’économie et du bien-être collectif mais, surtout, elle participera aux transferts des connaissances sur des applications possibles de lutte aux inégalités ainsi que sur les avenues diverses de transformation socioéconomique en partageant les visions, les approches de résilience, d’adaptation et d’innovation sociale en contexte autochtone.
5 à 7 de réseautage intercolloques : pratiques pour la transition sociale et écologique, l’innovation ouverte et l’action à l’échelle des communautés
Bâtiment : Polytechnique Montréal, pavillon Lassonde Local : Atrium Lorne-M.-Trottier
Cette activité de réseautage aura lieu à l'Atrium du Pavillon Lassonde de l’École Polytechnique de Montréal (local: L-2708).