Informations générales
Événement : 90e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 400 - Sciences sociales
Description :Le droit suppose la participation d’intermédiaires pour entrer en action. Certes, il existe des professionnels dotés d’une connaissance spécialisée et d’une reconnaissance officielle : les notaires rédigent des actes authentiques, les légistes composent des lois, les avocats et les avocates donnent des avis juridiques, les magistrats et les magistrates rendent des jugements, etc. Or, le droit vivant exige également la présence de non-juristes à l’interface des normes juridiques et de leurs destinataires. Par exemple, l’efficacité des normes criminelles appert douteuse sans l’intervention des policiers. En fait, chaque domaine juridique engendre ses intermédiaires profanes : conseiller financier, curateur privé, etc. Et l’intelligence artificielle laisse entrevoir l’avènement d’intermédiaires « automates » qui proposent des solutions automatisées en matière de droit et de justice…
Si l’intermédiation juridique est un phénomène omniprésent dans les sociétés contemporaines, érigé en objet par des universitaires américains et français depuis déjà une quinzaine d’années, il faut reconnaître que ce phénomène et cet objet demeurent sous-investis et insuffisamment analysés par la recherche au Québec. De fait, la contribution des universitaires du Québec à son explicitation conceptuelle et à sa description empirique reste à venir. Heureusement, la société québécoise offre un terrain propice à la construction de ce phénomène en objet scientifique.
La tenue d’un colloque scientifique peut contribuer à l’avancement d’un domaine de recherche encore peu exploré au Québec. Quelques interrogations en balisent l’horizon : Qu’est-ce que l’intermédiation juridique ? Comment conceptualiser ce phénomène ? Quels sont les types d’intermédiation qui ont cours en matière de droit et de justice ? Quels sont les savoirs et les pratiques associés à ces types ? Comment les intermédiaires professionnels, profanes et automates participent-ils à l’élaboration, à l’interprétation et à l’application des normes juridiques ?
Date :Format : Sur place et en ligne
Responsables :- Maya Cachecho (UdeM - Université de Montréal)
- Yan Sénéchal (UdeM - Université de Montréal)
- Pierre Noreau (UdeM - Université de Montréal)
Programme
Conférence inaugurale
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Communication orale
Intermédiaires du droit et dispositifs sociojuridiques : éléments sur un programme de rechercheJérôme Pélisse (Sciences Po Paris)
Cette communication présentera les origines, les concepts et les questions qui structurent un programme de recherche élaboré progressivement depuis une quinzaine d’années autour des processus d’intermédiation juridique. Reposant sur une discussion menée avec des chercheuses états-uniennes emblématiques du mouvement Law and Society, et plus particulièrement des legal consciousness studies (notamment Susan Silbey) et des études sur les interactions entre droit et organisation (en particulier Lauren Edelman, Mark Suchman ou Shauhin Talesh), ce programme se centre d’une part sur un rôle – celui d’intermédiaire du droit – et d’autre part sur des dispositifs matériels et cognitifs qui tous deux participent aux interactions réciproques et constitutives entre droit et société. Elargissant au-delà des seuls professionnels du droit le rôle de très nombreux acteurs endossant une fonction d’intermédiation juridique (des managers et des syndicalistes aux responsables sécurité en entreprises ; des militants de diverses causes aux médecins en passant par la plupart des street level bureaucrats), et reconsidérant nombre de dispositifs à l’aune de ce processus (du ticket de caisse au contrat de travail, en passant par des logiciels ou divers types de formulaires), ce programme propose un nouveau regard sur de multiples objets de recherche sociojuridique possibles, que la communication abordera conceptuellement et à partir d’exemples empiriques.
Première séance
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Communication orale
L’intermédiation juridique profane dans les pratiques des conseillers financiersMaya Cachecho (UdeM - Université de Montréal)
Une recherche empirique comportant notamment une série d’entretiens collectifs a permis de constater que les conseillers en produits de placement et en assurance agissent comme des intervenants centraux entre les consommateurs et le droit financier. De fait, ils sont appelés à interpréter et à appliquer les lois et les règlements en matière financière. La protection offerte par le cadre juridique des produits et services financiers, ainsi que l’efficacité des normes qui le composent, sont alors impensables sans leur participation. S’ils manquent à leur obligation de conformité, les conséquences peuvent être dramatiques sur le patrimoine des consommateurs. Force est alors de reconnaître que ces conseillers, qui ne sont pas des juristes, constituent tout de même de véritables « intermédiaires du droit ». Mais qu’est-ce que l’intermédiation juridique ? En quoi les conseillers financiers peuvent-ils être considérés comme des intermédiaires du droit auprès des consommateurs de produit et services financiers ? Et, plus concrètement, comment les intermédiaires financiers participent-ils, dans leurs pratiques, à l’interprétation et à l’application des lois et des règlements en matière de droit financier ?
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Communication orale
Évaluer les formes d’intermédiation juridique et éthique qu’offrent les plateformes numériques d’investissement en fintech : proposition de recommandations des meilleurs pratiquesSandrine Prom Tep (École des Sciences de la Gestion (ESG) - UQAM)
L’enjeu majeur actuel généralisé des plateformes numériques d’investissement s’avère être la protection des données. De ce constat, le rôle des meilleures pratiques au sein des entreprises en matière de finance basée sur la technologie, et afin de favoriser au mieux cette protection de la vie privée devient un objectif de taille pour permettre d’instancier les principes dans des pratiques opérationnelles. La recherche fait ressortir que les fintechs ne disposent pas de cadre de gouvernance concret dans les faits, afin de les aider à assurer la protection de leur clientèle. Cette réalité nous a encouragé à examiner à quel point la mise en application des dispositions de la Loi 25 modernisant les dispositions législatives en matière de protection des renseignements personnels, peut aider à combler cette lacune. Ainsi, les meilleures pratiques de services numériques répondant aux obligations réglementaires, peuvent aider les entreprises en fintech, alors qu’elles ne vont plus seulement devoir favoriser, sinon désormais garantir cette protection de la vie privée des consommateurs. Dans ce contexte unique et imminent, nous proposons un recensement des meilleures pratiques d’interfaces engageantes en fintech d’invsetissement, et reposant sur les théories de la persuasion technologique et des « nudges ». Elles seront présentées à titre de recommandations positives, et en de très rares occasions négatives, lorsqu’absolument à éviter!
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Communication orale
Intermédiaires juridiques non-humains : effets et enjeux de l’utilisation des technologies en droitVahideh Gholami (Université Laval), Alexandra Parada (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Il est désormais courant de voir les technologies numériques mobilisées dans le milieu de la justice, souvent dans un objectif d’amélioration du système. Elles permettent notamment une optimisation de processus considérés généralement comme longs, coûteux et parfois laborieux. Les agents conversationnels autonomes sur des plateformes juridiques, qui ont pour objectif de guider les justiciables vers des ressources adéquates ; ou encore, du côté des professionnel.le.s, les générateurs automatisés de documents juridiques en sont des exemples.
Ces outils, qui reposent de plus en plus sur des techniques d’IA (permettant un développement constant de ces derniers), se positionnent entre les justiciables, les professionnel.le.s du droit et le système de justice même. C’est à ce titre que nous les considérons comme des intermédiaires juridiques non-humains.
Au regard de l’introduction rapide et conséquente de ces intermédiaires, il apparaît pertinent de se questionner sur les effets normatifs de ces derniers. Comment agissent-ils sur le droit, en tant que pratique professionnelle, mais aussi en tant que système ? Quels enjeux y sont associés ?
En plus de présenter notre conception d’intermédiaire juridique non-humain, et d’en donner des exemples concrets, notre communication vise à offrir des pistes de réponse aux questions soulevées, éclairant au passage des enjeux importants, à l’instar de la fiabilité de ces outils ou de la gestion des données sensibles.
Dîner
Deuxième séance
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Communication orale
L’intermédiation et la mise en œuvre effective du droit du travailDalia Gesualdi-Fecteau (UdeM - Université de Montréal)
La mise en œuvre de la fonction de protection du droit du travail découle généralement d’une dénonciation par les personnes salariées de violations de leurs droits. Or, en raison du rapport subordonné de la personne salariée à l’employeur, certaines normes sont parfois mises en œuvre sans l’intervention des destinataires. Le droit du travail a ainsi mis en place des mécanismes palliant l’illusion de l’autonomie de la volonté. Au Québec, certaines lois confèrent à des organismes administratifs le pouvoir de procéder à des inspections, qui peuvent engager des recours contre l’employeur, se substituant ainsi aux personnes salariées. D’autres lois prévoient des mécanismes de plainte préservant l’anonymat des personnes plaignantes. En milieu syndiqué, le syndicat peut se substituer aux personnes salariées et déposer un grief. La capacité pour des acteurs-substituts d’accomplir leur fonction d’intermédiation constitue une condition à la réalisation de la fonction de protection du droit du travail. Or, celui-ci est un ensemble normatif morcelé, composé d’une constellation de lois aux champs d’application distincts, aux objets spécifiques et aux modes d’application particuliers, ainsi que d’une pluralité d’institutions chargées des fonctions administratives et adjudicatives de surveillance et de traitement des plaintes ou d’inspection du travail. Ce morcellement du droit du travail entraine des contraintes – mais aussi des opportunités – pour les intermédiaires du droit du travail.
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Communication orale
Les commissaires de libération conditionnelle : ‘juge’ des faits ou ‘gestionnaire’ des risques ?Chloe Leclerc (UdeM - Université de Montréal), Marianne Quirouette (Université de Montréal), Marion Vacheret (Université de Montréal), Joao Velloso (Université d’Ottawa)
Au Canada, la loi prévoit que les personnes incarcérées pour plus de 6 mois peuvent bénéficier d’une libération anticipée dont l’objectif est de faciliter leur retour en société. L’octroi ou le refus de ces sorties sont encadrés par des critères énoncés dans des lois, mais ces critères sont interprétés par des commissaires de libérations conditionnelles qui sont indépendants des tribunaux et des prisons et qui n’ont pas forcément une formation juridique. La présentation s’intéresse aux séances de la commission québécoise des libérations conditionnelles et s’appuie sur une recherche partenariale impliquant des entrevues avec des commissaires, des observations de séances et une analyse de dossiers. Elle s’intéresse à comment les séances d’évaluation des demandes peuvent s’apparenter (ou non) à des procès criminels et à comment les commissaires (souvent non-juristes) peuvent être considérés comme des intermédiaires juridiques.
Troisième séance
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Communication orale
Normes déontologiques et éthique féministe du care dans les pratiques des avocat·e·sÉvelyne Jean-Bouchard (UdeS - Université de Sherbrooke)
L’étude qui sera présentée porte sur la relation des praticiens du droit à la déontologie professionnelle. À partir des résultats de 25 entretiens semi-dirigés menés auprès de praticiens qui représentent des accidentés de la route (6), en droit criminel (9) et en droit de la famille (10), nous avons établi les différents sites de socialisation où les professionnels font l’apprentissage des normes déontologiques établies en vue de réguler leur pratique. Dans ce cadre, on distingue quatre profils de pratique : la pratique respectueuse, le plaidoyer contradictoire, l’activisme moral et la pratique relationnelle.
En outre, les résultats de notre recherche montrent que ces profils sont typiques pour chaque domaine de spécialisation. Par exemple, la pratique relationnelle, qui découle de l’éthique féministe du care, a été observée plus fréquemment chez les praticiens en droit de la famille. La pratique relationnelle implique l’intégration de la morale personnelle de l’avocat dans sa pratique juridique. Cette approche est considérée comme holistique, car elle intègre les dimensions morale, émotionnelle et relationnelle d’un problème et de sa solution juridique.
Ces considérations les ont amenés à développer plusieurs pratiques innovantes en matière de justice collaborative et de médiation. Ces initiatives permettent de définir des obligations déontologiques de niveau intermédiaire beaucoup mieux adaptées aux enjeux éthiques auxquels les praticiens doivent concrètement faire face.
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Communication orale
La réserve du juge : expression intermédiée de la JusticePierre Noreau (UdeM - Université de Montréal)
Propos conclusifs
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Communication orale
Les intermédiaires du droit au prisme du concept de culture juridiqueYan Sénéchal (UdeM - Université de Montréal)