Aller au contenu principal
Il y a présentement des items dans votre panier d'achat.

Informations générales

Événement : 90e Congrès de l'Acfas

Type : Colloque

Section : Section 400 - Sciences sociales

Description :

De l’usage de psychostimulants à celui de microdoses de LSD, le recours à des médicaments et autres substances en vue d’améliorer l’attention, la mémoire, la concentration, l’éveil, la créativité et, plus globalement, les performances cognitives, semble constituer un phénomène de plus en plus prégnant dans les milieux de travail aujourd’hui. Cette utilisation extramédicale paraît s’imposer de plus en plus comme une solution légitime pour faire face aux paramètres de la compétition professionnelle et répondre aux exigences de productivité, d’excellence et de dépassement propres aux sociétés néolibérales. Principalement étudiée sous l’angle de la bioéthique (tricherie, dopage, etc.) et de la santé publique, l’analyse sociologique de cette transformation normative et des modalités de ce recours reste encore à parfaire. À partir de cas concrets, ce colloque vise à explorer les formes de savoirs, les représentations, valeurs et normes de performance qui sont propres à la pratique quotidienne ou ordinaire de divers métiers (par exemple, les bétabloquants chez les musiciens, les psychostimulants et nootropics dans les milieux de la finance, etc.). Entre médicaments et normes, c’est davantage sous l’angle de la banalisation et dans la « perspective de l’ordinaire » (Ogien, 2012) plutôt que du caractère sensationnaliste ou alarmiste du phénomène que nous proposons de scruter ces pratiques pour en cerner les significations sociales. Comment « devient-on » concrètement performant, au quotidien ? Comment s’engage-t-on dans la « carrière » (au sens interactionniste du terme) d’usager de smart drugs ? Quelles transformations identitaires s’opèrent dans la quête de performance et quel rôle y occupe le recours aux smart drugs ? Par l’entremise des contributions empiriques et théoriques, ce colloque permettra d’explorer en profondeur les multiples dimensions que recouvrent les notions de performance et d’identité, trop souvent tenues pour acquises dans l’analyse du phénomène.

Remerciements :

Nous remercions le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH) ainsi que le Fonds de recherche du Québec -Société et Culture (FRQSC) pour leur soutien au développement de la recherche et à la diffusion des résultats dans le cadre de ce colloque.

Date :

Format : Sur place et en ligne

Responsables :

Programme

Communications orales

Mot de bienvenue et conférence d’ouverture

Salle : B-3270 — Bâtiment : Université de Montréal - Jean-Brillant
  • Communication orale
    Conférence d’ouverture: Entre stigmates, performance, risque, plaisir et inclusion : pour une redéfinition des concepts d’usage, d’usage fonctionnel et de dépendance
    Jean-Sébastien Fallu (UdeM - Université de Montréal)

    Conférence d'ouverture


Communications orales

Session 1 – Entre innovation et conformité : les usages complexes des smart drugs dans les milieux de travail

Salle : B-3270 — Bâtiment : Université de Montréal - Jean-Brillant
  • Communication orale
    « Devenir performant » dans les milieux de travail : un éclairage sociologique sur les notions de performance et d’identité
    Johanne Collin (UdeM - Université de Montréal), Nicolas Le Dévédec (HEC Montréal)

    Si les études abordant le phénomène des smart drugs se sont multipliées depuis quinze ans, c’est néanmoins essentiellement pour appréhender celui-ci sous l’angle de la tricherie et de la déviance face aux normes médicales et institutionnelles, ou encore, sous l’angle des toxicomanies. Sans nier l’intérêt de ces approches, il apparaît toutefois essentiel d’explorer plus finement, à partir de cas concrets, les formes de savoirs, les représentations, valeurs et normes qui sont propres à la pratique quotidienne ou ordinaire de divers métiers et qui semblent commander l’usage de substances et de médicaments différenciés en fonction des habiletés requises. Au-delà de la quête de performance et des exigences de productivité fréquemment invoquées pour expliquer le phénomène, comment "devient-on" en effet concrètement performant dans les milieux de travail et la vie quotidienne aujourd’hui et quel rôle y occupe le recours aux smart drugs ? Comment s'engage-t-on dans la "carrière" (au sens interactionniste du terme) d'usager de smart drugs et quelles transformations identitaires cet usage fait-il plus précisément intervenir ? Ce sont à ces questions que nous nous proposons d’apporter un éclairage sociologique dans cette conférence, dans l’objectif de déconstruire les concepts de performance et d’identité, trop peu interrogés dans les études consacrées jusqu’ici à l’usage des smart drugs.

  • Communication orale
    L’extrême comme norme de performance : l'usage de nootropiques et de médicaments stimulants dans le domaine de la finance
    Johanne Collin (Université de Montréal), Anouck Freliger (Uniersité de Montréal), Étienne Labarge-Huot (UdeM - Université de Montréal), Nicolas Le Dévédec (HEC Montreal)

    Cette communication porte sur le phénomène des smart drugs et la consommation d’autres substances pour optimiser les performances dans le milieu de la finance, une industrie réputée pour ses conditions extrêmes. S’inscrivant dans le cadre de notre projet de recherche (CRSH) sur le recours aux smart drugs dans différents métiers, cette communication présentera dans un premier temps les traits saillants du travail dans le domaine de la finance : les conditions de travail difficiles, le milieu de formation sélectif, les trajectoires et les carrières, les aspirations à la réussite et les injonctions à la performance. Autant de dimensions qui permettent d’éclairer le recours à diverses substances dans ce milieu. Dans un deuxième temps, nous nous pencherons sur les modalités de ce recours à travers une analyse de l’un des plus importants forums publics anglophones fréquenté par les employés de l’industrie de la finance. À partir de trois catégories de substances principalement utilisées (le Modafinil et ses analogues ; les médicaments stimulants prescrits pour le TDAH ; les nootropiques et les psychédéliques en microdose), nous aborderons les problèmes particuliers que cette consommation vise à régler ou à soulager, ainsi que les débats qu’elle suscite dans le milieu.

  • Communication orale
    Gérer le stress de performance par l’usage de smart drugs : compétition et quête de perfection chez les musiciens professionnels
    Johanne Collin (Université de Montréal), Nicolas Le Dévédec (HEC Montréal), Benjamin Mathiot (UdeM - Université de Montréal)

    Évoluant dans un marché hyper concurrentiel et faisant face à de nombreuses exigences professionnelles, les musiciens d’orchestre sont confrontés à de multiples enjeux de performance. Médecins, psychologues, physiothérapeutes et intervenants de tous horizons se relayent pour leur fournir les moyens de leurs ambitions : intégrer un grand orchestre où prestige et sécurité de l’emploi les attendent. Bien que les statistiques quant à l’ampleur du phénomène demeurent parcellaires, la consommation de médicaments et de substances pour maximiser leur potentiel et mieux gérer le stress de performance accompagne souvent les musiciens. C’est par l’exploration (n)ethnographique de forums de discussions en ligne et d’entrevues avec des musiciens classiques professionnels et autres acteurs du secteur, que nous proposerons d’explorer ces enjeux. Partant de la description des différentes trajectoires que peuvent prendre la carrière d’un musicien, cette communication présentera une partie des résultats issus de notre projet CRSH portant sur les smart drugs. Nous aborderons en particulier trois dimensions : les discours relatifs à la performance elle-même ; la définition du « bon » musicien relativement à ce que la compétition représente pour lui et, enfin, la manière avec laquelle ce paysage met en tabou la discussion encadrant la consommation de médicaments à usage extra-médical.


Dîner

Dîner

Salle : B-3270 — Bâtiment : Université de Montréal - Jean-Brillant

Communications orales

Session 2 – Entre médicaments et drogues: les transformations des usages et des normes autour des psychédéliques, nootropiques et opioïdes

Salle : B-3270 — Bâtiment : Université de Montréal - Jean-Brillant
  • Communication orale
    Imaginaires politiques sous acide : une analyse des prétentions politiques et morales qui entourent les substances psychédéliques
    Morgan Vallée (UdeM - Université de Montréal)

    Les psychédéliques peuvent-ils contribuer à vaincre le fascisme ? C’est ce que l’on pourrait croire alors que de plus en plus d’études semblent montrer une corrélation entre prise de substances psychédéliques et progressisme politique. Pourtant, malgré une certaine rhétorique de l’amélioration morale dans la sphère psychédélique, le lien n’est pas si clair. Cette présentation propose de revenir sur l’histoire du LSD et de ses usages : au-delà de la culture hippie et de l’ouverture des portes de la perception, le LSD a aussi été une substance d’intérêt au sein de projets de recherche secrets pendant la Guerre Froide, ou au cours de thérapies de conversion à l’hétérosexualité. Plus récemment, on a pu entendre des suprémacistes blancs se définir comme « psychedelic nazis ». À travers le cas du LSD, cette présentation vise à interroger les prétentions politiques et morales qui entourent les substances psychédéliques. Il s’agira aussi de proposer des pistes de réflexion afin de conceptualiser le LSD, au-delà d’une seule substance chimique, comme un objet social fluide qui cristallise des imaginaires politiques parfois diamétralement opposés. En revenant sur le concept de set and setting et en tentant de l’élargir, nous verrons ainsi dans quelle mesure la sociologie peut venir contribuer à la discussion.

  • Communication orale
    Le marché français des compléments alimentaires nootropiques : discours et mise en marché de la promesse d’optimisation des capacités cognitives
    Félix Denis (FRANCE)

    Pour réfléchir à la question de l’optimisation des capacités cognitives, il ne faut pas considérer uniquement les pratiques, mais aussi les objets en circulation, comme ici les compléments alimentaires, et les discours qui entourent cette question. Depuis que Giurgea (1972) a forgé la catégorie des nootropiques, un marché pharmacologique des compléments alimentaires s'est développé autour de cette promesse d’optimisation par la promotion d’anciennes ou de nouvelles substances. Cette communication se concentrera sur le marché français des compléments alimentaires vendus comme nootropiques. Je montrerai d’abord comment y est mobilisée et y circule la promesse d’optimisation cognitive, en revenant sur l’assemblage argumentatif développé par ses promoteurs. Puis j’exposerai la mise en marché de cette promesse en utilisant le cas concret de deux compléments français. Le matériau utilisé provient d'une thèse de sociologie en cours qui porte sur la circulation de la promesse d’optimisation de ses capacités cognitives par différentes substances. Je me suis entretenu avec les promoteurs français des nootropiques qui sont aussi consommateurs, la DGCCRF, le service de nutrivigilance de l'ANSES. J’ai aussi analysé deux des vidéos les plus vues sur YouTube, réalisées par des promoteurs états-uniens de nootropiques ; ainsi que deux sites Web qui vendent des compléments alimentaires, au sens de la réglementation française en vigueur, sur lesquels figurent la mention nootropique.

  • Communication orale
    Sur les traces numériques de l’« Etazen » : recompositions de l’espace normatif des drogues dans des forums web de réduction des risques
    Thomas Bujon (Université Jean Monnet St-Étienne), Philémon Dècle (Aix-Marseille Université - ED62)

    Cette communication se propose de mettre en lumière des recompositions de l’espace normatif des drogues qu’Internet vient perturber. C’est d’abord un continuum qu’il s’agira de mettre en perspective : des smart shops aux sites de vente de Research-Chemicals, de l’émergence à l’éclatement des places de marché sur le DarkNet, un marché mondial aux ramifications multiples s’est progressivement structuré autour d’une offre de produits stupéfiants prohibés et de substances composites non illégales, et d’une méthodologie d’achats répertoriée et relayée par les acheteureuses sur les réseaux sociaux. Dans ce contexte, un espace d’action et de mobilisation s’est ouvert pour les personnes utilisatrices de drogues et du numérique. Dans ces espaces multivariés, elles font la conquête de territoires – celui de la chimie et celui des marchés - qui jusqu’alors ne leur appartenaient pas pour les revendiquer et les modifier collectivement. En suivant sur le web à la trace l’émergence d’un opioïde de synthèse, l’« Etazen », nous nous interrogerons sur ce que cette nouvelle substance psychoactive fait faire et dire à ces acteurs. Nous montrerons comment une forme de pharmaceuticalisation de l’expérience et des usages des drogues vient cadrer et changer leur perception, nous dévoilant un paysage de « subjectivités psychotropiques » et d’identités se démarquant de la figure de l’Outsider de H. Becker.


Communications orales

Session 3 – Entre normes et injonctions à la productivité : façonner le sujet performant par l’usage de substances

Salle : B-3270 — Bâtiment : Université de Montréal - Jean-Brillant
  • Communication orale
    Des greffes et des amputations : le devenir du sujet soumis aux pressions de performance du milieu de travail
    Alexandre L'archevêque (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Dans les sociétés néolibérales contemporaines, l’usage d’agents psychopharmacologiques s’étend bien au-delà du cadre médical de la psychiatrie. Il est même courant que des médicaments psychiatriques soient prescrits au sein de la population générale, et ce, sans qu’un diagnostic en bonne et due forme n’ait été posé. Si les motifs particuliers de ces prescriptions varient, un facteur commun tend à les regrouper, c’est-à-dire se conformer aux pressions de performance du milieu de travail. Par ailleurs, bien que les attentes à l’endroit des médicaments soient souvent formulées selon une logique d’ajout de ce qui manque (p. ex., hausser les capacités d’attention) et/ou de retrait de ce qui excède (p. ex., réduire l’anxiété), leurs effets ne sont pas aussi précis et spécifiques que peut le laisser entendre l’étymologie de certains termes : un antidépresseur (littéralement « contre la dépression ») n’agit qu’indirectement sur l’humeur. Dès lors, quels sont les impacts réels de cette fausse promesse pour le sujet? À partir d’observations issues de la psychologie clinique, de l’intervention psychosociale, de même que d’une revue critique de publications scientifiques, divers enjeux éthiques reliés à un tel usage des médicaments psychiatriques dans la population générale seront discutés. Notre propos s’articulera autour de deux axes : 1) le façonnage du sujet en fonction des attentes sociales; 2) les effets encore méconnus des médicaments psychiatriques sur les états mentaux.

  • Communication orale
    Les bêtabloquants comme objets révélateurs et producteurs de normes de performance : discours, pratiques et idéaux chez les étudiant.e.s en musique
    Cassandre Ville (Université Laval)

    La présente communication explore le rôle joué par les bêtabloquants dans la définition du rapport à la performance des interprètes de musique classique et met à jour les pratiques et les normes qui entourent la consommation de ces substances dans la gestion du stress des étudiant·e·s en interprétation. L’analyse repose sur une enquête ethnographique réalisée dans une faculté de musique québécoise en 2016. Considérée comme un recours en dehors du cadre médical, la consommation de bêtabloquants fait débat au sein du milieu de la musique classique : ces substances sont à la fois perçues comme faisant l’objet d’un tabou et d’un rejet affirmé par les musicien·ne·s, et comme un remède attirant et potentiellement bénéfique pour les interprètes. Ces médicaments, consommés ou non, participent à l’élaboration de normes de performance et soulèvent des enjeux identitaires chez les musicien·ne·s. Dès lors, la question du stress est indissociable de celle de la performance, et le stress peut être abordé comme un lieu de tension entre les difficultés inhérentes à la profession et les attentes idéalistes des musicien·ne·s. Les bêtabloquants constituent un marqueur identitaire à double tranchant qui permet la performance tout autant qu’il la menace, qui permet de persévérer dans le milieu tout en remettant en question la légitimité d’une personne à y évoluer, considéré comme la preuve de son incapacité à « réussir » par « elle-même », c’est-à-dire sans assistance chimique.

  • Communication orale
    La grammaire du dopage cognitif au travail : un cadrage flou
    Emmanuel Langlois (Université de Bordeaux. Centre Emile Durkheim)

    Le recours au smart drugs dans le travail intellectuel et les disciplines de l’esprit n’est pas chose nouvelle mais il tend à se diffuser à toutes sortes de travailleurs et aux multiples efforts psychiques imposés par la quête de performance que le travail contemporain porte en lui : productivité, gestion de l’incertitude, adaptation à des environnements contraints, résolution de problèmes, capacité d’engagement et motivation. Le tournant de l’intensification du travail portée par les nouveaux modèles productifs déployés à partir des années 90 en particulier dans les activités de service, et plus globalement la compétition généralisée entre individus et l’impératif moral du dépassement de soi comme piliers des sociétés néolibérales, ont fait du recours au smart drugs un révélateur des évolutions du travail et des sociétés. Cependant, les frontières de ce champ de pratiques restent troubles et les normes y sont peu stabilisées entre stigmatisation et tolérance sociale, entre appel à la distinction et au conformisme, entre pratique licite et illicite, entre individualisation des épreuves au travail et mode de régulation collectif, entre naturalisation du recours et sanitarisation des risques, entre potentialisation de soi et expression du mal-être au travail, entre rétablissement des chances et accentuation des inégalités… Si la quête de performance est une motivation traditionnelle dans l’usage de drogues, la grammaire du dopage cognitif au travail reste à écrire.