1 - Nouveaux enjeux pour la recherche collégiale

Actuellement, une majorité de protéines humaines d’intérêt médical sont produites à l’aide de souches de bactéries et de levures recombinantes. Ce mode de production remplaçant les techniques traditionnelles a accéléré le développement de médicaments de même que la recherche entourant l’élucidation de certains processus pathologiques. L’un des principaux problèmes relevés lors de l’expression de ces protéines recombinantes est une réduction de leur solubilité : elles ne se retrouvent pas dans les mêmes conditions que dans leur environnement naturel, ce qui cause un mauvais repliement ou une dégradation. Afin de résoudre ce problème, il est possible de coupler une protéine très soluble à la protéine qu’on désire produire. Cette fusion améliore non seulement la solubilité de la protéine désirée, mais aussi son expression et son repliement sous sa forme native, tout en conservant son activité. Au cours des dernières années, nous avons élaboré ce type de système dans la levure et produit des protéines humaines, ce qui aurait été impossible autrement. Le système s’est aussi avéré efficace pour maintenir les protéines sous leur forme soluble. L’étude de cette relation entre protéines peu solubles et protéines solubles permettra l’application du système dans divers projets fondamentaux (ex. : production de protéines pour la compréhension de maladies) et appliqués (ex. : mise à l’échelle de la production de protéines à intérêt industriel).

Comment les étudiant.e.s inscrits à un programme d’études bilingue au collégial perçoivent-ils le fait de suivre la moitié de leurs cours en anglais et l’autre moitié en français? Au Québec, seuls quelques établissements privés offrent une formation bilingue au collégial. Nous avons cherché à comprendre la perception de 17 étudiant.e.s francophones inscrits au Collégial international Sainte-Anne en recueillant leurs impressions sur le fait de suivre plusieurs cours dans leur langue seconde. Nous avons mené deux séries d’entretiens semi-dirigés, la première en septembre-octobre 2021, et la seconde entre février et avril 2022, pour suivre l’évolution de la perception dans le temps. Les résultats préliminaires suggèrent que les élèves ont  une perception très favorable de ce type de parcours pédagogique. L’ensemble des étudiant.e.s interrogés présente la formation collégiale bilingue comme un tremplin rassurant menant vers des études universitaires internationales, une ouverture sur le monde, un marché du travail exigeant ou un accomplissement personnel. Ils mentionnent qu’une formation bilingue est plus motivante, qu’elle leur permet de ne pas perdre leur français tout en améliorant leur anglais, et qu’elle leur donne la possibilité de faire leurs évaluations dans la langue de leur choix. Les participant.e.s ont tous noté une amélioration de leur anglais (surtout la compréhension orale).

La multitude d’informations visuelles autour de nous est en constante transformation. Pouvons-nous anticiper des fluctuations similaires dans notre réception de tous ces stimuli? Cette étude explore notre perception de la valence, soit le degré de négativité ou de positivité émotionnelle qu’évoquent des images standardisées. Trente étudiant.e.s (15 femmes et 15 hommes, 18-20 ans, vision normale ou corrigée à la normale) portant l’appareil électroencéphalogramme Muse ont été exposés à la séquence visuelle suivante : un écran blanc, une image adaptative (IA), un autre écran blanc et une image test (IT). Ils ont ensuite associé une valeur de valence entre -100 et 100 à l’IT. Cette série de visionnement et d’évaluation a été répétée avec des combinaisons d’IA et d’IT de valences variées (positive, négative et neutre), valeurs identifiées expérimentalement par des recherches antérieures. Nous posons l’hypothèse qu’une IA positive induirait une perception plus positive de l’IT et qu’une IA négative produirait une IT plus négative, mais de façon plus marquée. Cet effet surpasserait celui de l’IA positive en raison d’une propension psychologique pour le négatif étudiée chez les humains. L’évaluation de la valence des images par les participant.e.s ainsi que les rythmes cérébraux de ces derniers pourraient avoir des implications intéressantes à propos de l’incidence des stimuli émotifs sur notre jugement et sur le biais de négativité dans le contexte actuel de consommation de médias.

Notre projet de recherche vise à rendre la programmation accessible dès le primaire. En effet, selon une enquête NETendance réalisée en 2020, 61 % des jeunes âgés de 6 à 17 ans utilisent internet pour l’école et 40 % d’entre eux passent plus de 10 h par semaine sur le web. L’informatique est omniprésente dans nos vies. Dans ce contexte, la connaissance du code régissant le numérique – la programmation – représente un atout important pour comprendre notre société et y évoluer. ALIVEcode a pour but, entre autres, d’initier et d’accompagner les jeunes dans l’acquisition de cet atout.

Nous proposons une approche ludique et concrète, encourageant l’élève à expérimenter et à partager ses apprentissages avec ses pairs. Cette approche repose sur le langage de programmation en français AliveScript, développé au LRIMa. Lorsque l’élève apprend la programmation, il  peut contrôler une voiture miniature conçue, elle aussi, au LRIMa. L’élève a aussi accès à un éditeur de niveau dans lequel il peut créer ses propres parcours virtuels pour la voiture et les partager.

Cette approche fut testée dans une école primaire auprès d’élèves de 4^e année. Avant l’activité, 47 % des élèves n’avaient jamais entendu parler de programmation. Après celle-ci, 88 % voulaient en apprendre plus et 82% ont noté la création de niveaux comme leur activité préférée. Cette expérience valide le potentiel d’ALIVEcode dans l’enseignement de cette compétence qui pourrait bientôt devenir indispensable.

Au sein des collèges d'enseignement public, le personnel enseignant est embauché selon son cursus universitaire disciplinaire. Les enseignant.e.s sont encouragés à suivre une formation en pédagogie, mais n’y sont pas contraints. Notre étude par questionnaire électronique, réalisée auprès de 233 enseignant.e.s provenant de 9 cégeps, a porté sur les types de formation formelle (Lauzon, 2002) auxquels ils ont recours. L’étude a permis de répondre à deux questions : 1) Quelle est la relation entre les besoins de formation (pédagogique/ disciplinaire) et les années d’expérience en enseignement?; 2) Quelle est la relation entre les besoins de formation (pédagogique/disciplinaire) et le secteur d’embauche des enseignant.e.s (formation générale/préuniversitaire ou technique)? Les résultats suggèrent que les enseignant.e.s novices (cinq ans et moins d’expérience) ont davantage recours à des formations pédagogiques, alors que les enseignant.e.s en fin de carrière préfèrent les formations disciplinaires. L’étude montre également que les enseignant.e.s de la formation générale et préuniversitaire s’intéressent aux formations individuelles en pédagogie en plus grand nombre que ceux de la formation technique. Ces résultats nous éclairent sur les besoins des enseignant.e.s du collégial et pourront aider les gestionnaires de leurs établissements à choisir l’offre de formation à leur proposer.

Dans le contexte sociétal actuel, le vieillissement de la population soulève différents enjeux sur le plan tant de la formation que de l’optimisation des soins et services. La compréhension du rôle de chaque intervenant.e entraînera une collaboration interprofessionnelle (CIP) optimale. Dans le curriculum de formation, peu de périodes communes sont prévues pour établir les bases d’une CIP. Le défi est d’autant plus grand lorsque les programmes relèvent de deux ordres d’enseignement différents. Le développement de simulations interprofessionnelles entre les programmes favorise l’exposition à la CIP. Une étude de cas unique avec des sources de données mixtes a été réalisée afin d’évaluer les besoins initiaux et de mesurer l’impact d’une simulation. Ce cas s’inscrit dans des ateliers d’intégration à la CIP. Des entrevues de groupe auprès d’enseignant.e.s et d’apprenant.e.s ont été menées tout au long du projet pour décrire le processus et les effets perçus des ateliers sur le développement des compétences. Des notes de terrain ont amélioré la compréhension. Un questionnaire auto-rapporté a été rempli avant et après chaque atelier afin de mesurer les compétences perçues en CIP. L’intégration d’activités de CIP soutient la formation et améliore sa qualité, en plus de contribuer au développement des compétences en CIP. Une grille critériée (apprenant.e.s/enseignant.e.s) sur la CIP a été développée à la suite de l’analyse et est actuellement en évaluation. 

La consommation de sucre libre chez les jeunes de 15 à 17 ans du Québec excède les valeurs recommandées, ce qui entraîne un risque accru de contracter certaines maladies. Les boissons sucrées étant la principale source de cette surconsommation, diminuer celle-ci au profit de l’eau non embouteillée représente une solution durable et prometteuse. Des interventions existent pour effectuer ce virage, mais le choix et l’implantation des actions restent un défi. L’innovation collaborative, qui permet d’identifier les besoins et de mobiliser le milieu, s’attaque à cet enjeu. Notre recherche s’est déroulée en trois étapes : 1) un portrait de la consommation de boissons au cégep Garneau à partir de données administratives; 2) un groupe de discussion de huit étudiantes et étudiants portant sur les enjeux d’une consommation de boissons durable; 3) un atelier de cocréation composé de quatre membres du groupe de discussion et de huit personnes détenant des leviers d’action dans le milieu. Ensemble, ces 12 personnes ont identifié des solutions en partant des principaux constats du groupe de discussion et priorisé celles-ci selon leur degré de désirabilité et de faisabilité. Ces solutions adaptées aux besoins du milieu et que les acteur-trice-s du changement impliqués dans le processus de recherche se sont appropriées, ont mobilisé le groupe en vue de leur implantation, amorcée en janvier 2022 par le cégep Garneau.

Plusieurs virus à l’origine d’épidémies se caractérisent par leur niveau de biosécurité, leur manipulation exigeant des installations sécurisées. Or, l’accès à de telles installations est limité, ce qui ralentit le développement de connaissances et la mise au point de vaccins et de tests diagnostiques. Le recours à des virus synthétiques composés de protéines virales, mais exempts de matériel génétique, facilite l’accessibilité, puisqu’ils sont plus sécuritaires. Ces pseudovirions pourraient notamment servir de solutions de remplacement pour le SRAS-CoV-2, à l’origine de la pandémie de COVID-19. La levure Pichia pastoris représente un hôte de production idéal pour ces structures complexes. Pour le démontrer, les gènes codant trois protéines de structure du SRAS-CoV-2 en plus du gène d’une protéine fluorescente ont été introduits simultanément dans cette levure. Différents paramètres ont été adaptés pour optimiser la production des protéines virales (pH, température, souche recombinante), laquelle a été confirmée par l’observation de la fluorescence et par immunobuvardage de type Western. Des essais en cours permettront de développer une méthode de purification des pseudovirions par chromatographie sur colonne. Une simple levure pourrait donc représenter un outil inestimable de la lutte contre des virus tels que le SRAS-CoV-2.

Ayant grandi au Québec, nous avons parlé français et anglais toute notre vie. Nous voulons en savoir plus sur les avantages de devenir bilingue à un jeune âge. Nous avons comparé le contrôle inhibitoire de personnes bilingues à début hâtif et celui de bilingues à développement tardif par l'intermédiaire de l’outil Flanker Task, qui mesure le contrôle inhibitoire et le temps de réponse. Le contrôle inhibitoire est la capacité d'une personne à inhiber sa réaction dominante à un stimulus et à produire une réponse non dominante. Au total, 45 élèves ont été séparés en deux catégories : les bilingues à début hâtif, qui avaient appris une deuxième langue avant l'âge de 10 ans, et les bilingues tardifs. Au cours de la tâche, cinq flèches étaient présentées en même temps sur l'écran de l'ordinateur, et la personne devait appuyer sur la flèche qui correspondait à la flèche du milieu, par exemple, pour l’essai qui donne <<><< la réponse correcte sera >. Certains stimuli étaient incongruents, avec une flèche orientée dans une direction contraire aux flèches voisines, d'autres étaient congruents. Les bilingues hâtifs ont eu un temps de réaction plus rapide. En analysant les résultats, une corrélation positive entre le contrôle inhibitoire et l'atteinte précoce du bilinguisme est établie. Cela suggère que non seulement les bilingues hâtifs ont un contrôle inhibitoire accru, mais qu’ils pourraient aussi mieux contrôler d’autres capacités cognitives.

Plusieurs recherches menées aux États-Unis depuis la fin des années 1980 ont conclu à une perception négative du groupe des étudiant.e.s-athlètes de la part des autres étudiant.e.s et du personnel des établissements d’enseignement supérieur en général. Pour parvenir à ces conclusions, les chercheur.se.s ont utilisé l’outil Situational Attitude Scale (SAS), développé dans les années 1970 pour mesurer les perceptions d’un groupe à l’égard d’autres groupes de personnes. Afin de voir si leur constat pouvait aussi s’appliquer à certains établissements du réseau de l’enseignement collégial privé québécois, nous avons soumis à 354 étudiant.e.s de sept collèges privés un questionnaire inspiré du SAS, à l’hiver 2021. L’objectif était de connaître leur perception des étudiant.e.s-athlètes inscrits dans une équipe du Réseau du sport étudiant du Québec. Sur les 10 situations évoquées dans le questionnaire, des différences significatives ont été notées pour trois d’entre elles entre la façon dont les étudiant.e.s percevaient le groupe des étudiant.e.s-athlètes par rapport aux autres étudiant.e.s. Deux de ces situations ont révélé une vision moins positive des étudiant.e.s-athlètes lorsque ceux-ci se voyaient offrir des mesures de tutorat ou lorsqu’ils bénéficaient d’une bourse d’études. Ces résultats concernant les privilèges octroyés aux étudiant.e.s-athlètes mériteraient une attention particulière dans les collèges, dans un souci d’équité pour toute la communauté étudiante.

Dans le cadre du projet de recherche-création en intelligence artificielle (IA) intitulé Du Micro à l’Astro, réalisé en partenariat avec le Centre de recherche en imagerie numérique, Mylène Fortin, enseignante et autrice, explore les possibilités pédagogiques et artistiques de l’IA dans le domaine de la création littéraire. Le logiciel préentraîné GPT-2, conçu par la compagnie OpenAI, a généré une création tout à fait imparfaite, voire saugrenue. Heureusement, que l’IA parvienne ou non à produire un texte cohérent dans une langue correcte est loin d’être le seul aspect intéressant ici. En effet, analyser un texte écrit par une IA est susceptible de mettre en lumière l’aspect foncièrement créatif de la lecture. Apprécier une œuvre, en effet, ne saurait se résumer à la recherche de l’intention de l’auteur en lien avec un contexte sociohistorique. Le rôle du lecteur est central, ce postulat devient évident lorsqu’on lit les Surréalistes, dont le style rappelle ce que l’IA peut offrir. Mais que se passe-t-il donc dans la tête de nos étudiantes et étudiants lorsqu‘ils lisent des textes poétiques, voire hermétiques, et dont le sens est à construire? Un esprit passif butera forcément. Ce n’est qu’avec l’intervention de stratégies prenant en compte le sens figuré (ou les tropes) que les interprétations se multiplieront. Et si guider les étudiantes et étudiants pas à pas dans ce type de lecture créative pouvait contribuer au développement du plaisir de lire?