Informations générales
Événement : 89e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 600 - Colloques multisectoriels
Description :Lors de l’élection fédérale de 2021, plusieurs politiciens et commentateurs de la scène politique fédérale et québécoise ont dénoncé l’attitude jugée méprisante de Shashi Kurl, modératrice du débat en langue anglaise. Mme Kurl, dont il y a tout lieu de penser qu’elle était autorisée en ce sens par les organisateurs de l’événement (le consortium des médias de langue anglaise), avait suggéré lors de la toute première question posée au chef bloquiste Yves-François Blanchet, non seulement qu’il existe du « racisme systémique » au Québec, mais que certaines initiatives législatives, dont le projet de loi no 21 sur la laïcité du Québec et le projet de loi no 96 sur la langue française, en représentent d’évidentes manifestations. Il s’agissait là d’une sorte de copié-collé d’un événement en tout point similaire s’étant produit lors d’un même débat en langue anglaise à l’élection précédente de 2019, alors que l’animatrice Althia Raj avait reproché au chef néodémocrate Jagmeet Singh de ne pas avoir eu le « courage » d’affronter le projet de loi no 21 qu’elle présentait comme étant manifestement discriminatoire. Si d’aucuns commentateurs et politiciens n’ont pas hésité à décrire ces questions comme du Québec bashing, d’autres ont rappelé qu’il est parfaitement légitime de critiquer des politiques publiques québécoises, de les décrire comme étant discriminatoires, sans avoir à subir un procès quant à la pureté de ses intentions.
Si les historiographies acadienne et québécoise ont été appelées à souligner les manifestations récurrentes de francophobie en contexte canadien, le concept de Québec bashing, ou celui moins usité d’« Acadie bashing », a été relativement peu mobilisé par les travaux universitaires. C’est à combler cette lacune que sera consacré ce colloque.
Date :Programme
Impérialisme et racisme colonial dans le rapport Canada-Québec
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Communication orale
La discrimination systémique des francophones au Canada, de la conquête à aujourd’huiJean-François Plante-Tan (HEC Montréal)
La discrimination systémique des francophones au Canada, de la conquête à aujourd’hui
Cette présentation découle d’un projet de recherche menée dans le cadre de Map the system, une compétition académique internationale organisée par l’Université d’Oxford. Ce projet de recherche adopte une méthodologie qualitative pour comprendre comment les francophones du Canada ont été systématiquement discriminés (systémique non pas le sens « répétition », mais plutôt en lien avec les composantes du système comme les politiques, les lois, la culture, l’économie, etc.).
Depuis la conquête, les francophones du Canada ont été les sujets de plusieurs tentatives d’assimilation et d’élimination par le régime britannique puis du Gouvernement du Canada. Depuis quelques années, les francophones sont le sujet d’une nouvelle tentative d’assimilation. Cette présentation offre un aperçu de l’évolution des différentes formes qu’a prises la discrimination systémique ainsi que la réponse des francophones pour résister et s’émanciper. (...)
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Communication orale
Le « Québec bashing » au présent comme au passé. Petite histoire d’un racisme non ditMicheline Labelle (UQAM - Université du Québec à Montréal)
On peut se demander si la notion de « racisme systémique » pourrait s’appliquer à l’acharnement du Québec bashing en provenance du Canada anglais et de certains milieux minoritaires au Québec. Historiquement, ce fut le cas, car le racisme colonial (et systémique) était fondé sur l’idée de la supériorité biologique, morale et intellectuelle de la « race anglaise » sur la « race canadienne française » qu’il a fallu, à la suite de la conquête, discipliner et mâter par les armes, la politique et la religion. On peut soutenir que ce type de racisme ne s'applique plus aux Québécois (sous-entendu ici la majorité historique francophone). Mais on peut aussi se demander si le dénigrement du Québec contemporain n’est pas l’héritier direct du racisme colonial, même si ce dénigrement emprunte une autre logique que des théoricien.es ont qualifiée de néo-racisme, de racisme culturel ou symbolique, notions apparues plus récemment et dont on a investigué la l’adéquation analytique dans divers contextes nationaux. Généralement appliquées à des minorités, ces logiques combinées du racisme ont-elles une pertinence pour analyser le Québec bashing en cours? À l’aide de quelques cas de figures choisis, révélant des moments de tension, on tentera de démontrer l’articulation de ces deux variantes de l’idéologie raciste qui a fondé dans le passé la diffamation de la majorité francophone et qui l’alimente aujourd’hui, avec, en particulier, le retour de la « race » sur la scène publique.
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Communication orale
L’art canadien de l’hostilité intra-impérialeMarc Chevrier (UQAM - Université du Québec à Montréal)
L’éreintage du Québec* qui survient périodiquement dans les médias du Canada anglais — et même de la presse anglaise de Montréal — est un phénomène qui gagne à être pensé à l’aide des théories de la guerre. En général, la guerre est un état d’hostilité déclaré et soutenu entre deux sociétés et n’est pas réductible à l’engagement armé lui-même, bien que celui-ci l’exprime dans sa maximalité. L’hostilité peut se traduire par d’autres moyens, moins violents que la bataille militaire, mais pas moins résolus dans la volonté d’affaiblir, de miner ou de détruire la société adverse dans son caractère moral et sa cohésion même. Or, la dynamique des États empire révèle qu’ils se construisent souvent en cultivant dans leur sein une hostilité récurrente contre un ennemi intérieur, qui justifie en permanence la vigilance du pouvoir central, et le recours à toute une gamme de politiques et de procédés pour endiguer la menace que pose cet ennemi présumé, le plus souvent une minorité réfractaire, et se prévaloir, le cas échéant, de mesures d’exception. (...)
*Nous préférons dans cette communication utiliser le terme éreintage pour rendre la notion anglaise de bashing.
Trudeauisme, identité canadienne et normativité
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Communication orale
Francophobie systémique, anglo-conformité et identité canadienne : De la Charte de la langue française à la Loi sur la laïcité de l’ÉtatDavid Carpentier (Université d'Ottawa), François Rocher (Université d’Ottawa)
L’objectif de cette présentation est d’appréhender de quelle manière les enjeux renvoyant à la « différence québécoise » sont mis en scène dans les principaux médias nationaux canadiens d’expression anglaise et au sein de la classe politique fédérale. Cette analyse emprunte au cadre développé par la sociologue Elke Winter qui souligne l’importance de prendre en considération « le levier socio-ethnique, qui se produit lorsqu'un groupe est considéré comme socialement, culturellement ou moralement plus (ou moins) déviant de la norme dominante que l'autre » (notre traduction - 2015). Ce processus, que l’on pourrait qualifier de francophobie systémique et défini comme une forme particulière de dénigrement collectif, s’inscrit dans la critique radicale de l’interprétation et de la mise en application des normes juridiques privilégiées par une majorité de Québécois francophones. Deux cas retiendront notre attention, distants dans le temps, mais qui illustrent la même dynamique : les débats ayant précédés l’adoption de la Charte de la langue française (1977) et ceux entourant la Loi sur la laïcité de l’État et des contestations judiciaires à laquelle elle a donné lieu (2019).
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Communication orale
Le Québec, théâtre d’une « guerre culturelle » ?Éric Bédard (TÉLUQ - Université du Québec)
Selon Christian Rioux et Étienne-Alexandre Beauregard, le Québec, à l’instar des grandes sociétés occidentales, serait le théâtre d’une « guerre culturelle » entre une gauche progressiste woke et une droite conservatrice nationaliste. J’aimerais montrer que l’attitude condescendante d’une certaine intelligentsia canadienne face aux choix du Québec (laïcité et langue), très présente à l’université et dans les médias généralistes du Canada anglais, rendrait les élites québécoises plus rétives à se laisser conscrire par les camps qui souhaitent mener, visières levées, une véritable « guerre culturelle ». De la motion unanime de l’Assemblée nationale contre l’établissement tribunaux islamiques (2005) au Rapport Cloutier sur la liberté académique (2021), en passant par l’abandon du projet 59 par le gouvernement Couillard (2016), le consensus québécois a toujours été de refuser cette guerre et de viser la concorde et le rassemblement plutôt que la polarisation extrême.
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Communication orale
Trudeau père, la corruption et nousE.-Martin Meunier (Université d’Ottawa)
À partir des écrits de jeunesse de Pierre Elliot Trudeau, l’auteur retracera un fragment de genèse de la perception négative et immodérée du Québec comme lieu et milieu de corruption et de reproduction d’attitudes et de comportements de clan. Plus qu’une théorie politique, les conceptions issues des écrits de Trudeau invitent à se méfier de la vraie nature du Québec. Cette communication montrera à voir combien cette lecture teintera la perception négative que moults Canadiens perpétueront, des années 1960 à nos jours, du Québec en matière de transparence, de démocratie et de justice sociale.
Dîner – aucune communication
Comment décrire le regard que porte un certain Canada sur le Québec : enjeux sémantique et juridique
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Communication orale
« Les arguments soulevés contre la loi 21 devant les tribunaux : un exemple de Québec bashing ? »Guillaume Rousseau (UdeS - Université de Sherbrooke)
Devant la Cour supérieure en 2020, puis devant la Cour d’appel actuellement, la loi 21 est contestée. Alors que certains des arguments soulevés contre cette loi sont plus strictement juridiques et techniques, d’autres sont davantage politiques et contextuels. Parmi ces derniers arguments, on compte le fait que cette loi serait raciste, islamophobe et populiste. Ces arguments sont présentés comme étant appuyés par des expertises en sciences sociales qui démontreraient que les Québécois en général et les francophones en particulier sont plus que d’autres racistes, islamophobes et tentés par le populisme. Afin de déterminer si ces arguments peuvent être associés au Québec Bashing, à la francophobie ou à l’affirmation d’une supériorité morale, une analyse de plaidoiries et d’expertises présentées par des parties contestant cette loi sera effectuée. De même, le jugement de la Cour supérieure rendu dans ce dossier sera aussi analysé pour voir s’il est possible d’y déceler des traces de Québec Bashing, de francophobie ou d’une telle affirmation.
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Communication orale
« Pourquoi je n’utilise pas l’expression Quebec bashing »Sylvie Lacombe (Université Laval)
Dans mes diverses études des éditoriaux du Globe and Mail, à la recherche de la perception anglo-canadienne de telle ou telle réalité politique québécoise, j’aurais facilement pu, tant ils sont nombreux et brutalement exprimés, insister sur les jugements négatifs, les critiques acerbes et les généralisations abusives dont le seul but semble être de dénigrer les acteurs politiques québécois, leurs idéaux et leurs propos. Dans cette communication, je voudrais expliquer pourquoi je ne l’ai pas fait et pourquoi il ne me paraît pas utile de le faire. Cette explicitation m’amènera à gloser sur la nature de la relation entre le Québec et le « reste du Canada ».
Le Québec vu du Canada : un espace en tension
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Communication orale
Octobre 1970 et le combat de la Canadian University Press (CUP) pour une information nuancée sur le QuébecValérie Lapointe Gagnon (University of Alberta)
À la suite de la mise en place de la Loi sur les mesures de guerre en octobre 1970, des journaux étudiants de partout au pays sont saisis par la police parce qu’ils souhaitent publier le document que plusieurs médias traditionnels refusent de faire paraître : le manifeste du Front de libération du Québec (FLQ). Alors que la majorité de la population appuie largement la gestion de crise du gouvernement Trudeau, des voix s’élèvent pour critiquer les dérives antidémocratiques de la Loi. Les journaux étudiants du pays vont saisir cette occasion pour inventer un discours journalistique engagé souhaitant contrer celui des médias traditionnels, auxquels on reproche une présentation peu nuancée du Québec et des mouvements en faveur de son indépendance. Fondée en 1938, la Canadian University Presse (CUP) jouera un rôle prépondérant dans la couverture des événements d’Octobre 1970 et mènera une campagne pour contrer la désinformation sur le Québec dans le Canada anglophone.
Cette présentation s’intéressera donc au discours journalistique de la CUP, à sa représentation du Québec et de la crise d’Octobre et à son désir, à travers ses articles, de contrer la francophobie en créant une solidarité entre la gauche québécoise et la gauche anglo-canadienne.
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Communication orale
Le double standard de la tolérance et de l’ouverture dans le monde anglo-saxonPatrick Moreau (Collège Ahuntsic)
Les pays anglo-saxons, dont le Canada, aiment se présenter comme des modèles de tolérance, de respect des droits individuels et d’ouverture. Mais ce libéralisme qui y est en effet la norme cède parfois le pas à des accès paradoxaux d’intolérance (dont le Québec bashing offre un exemple), voire à des mesures répressives qui entrent frontalement en contradiction avec leur caractère libéral. Pour expliquer un tel paradoxe, il convient de remonter dans l’histoire jusqu’aux origines du libéralisme anglais, jusqu’à cette période de la Réforme, de la Guerre civile et de la Glorious Revolution qui lui tient lieu de matrice. C’est à ce moment-là que prend forme une grande tolérance à l’égard de certaines dissidences (essentiellement religieuses), en même temps qu’un rejet virulent de l’altérité, qui vise quant à lui le catholicisme et l’absolutisme monarchique. C’est ce double standard que l’on voit à l’œuvre, entre autres, dans ce débat sur la laïcité qui oppose l’opinion publique majoritaire au Québec et celle du reste du Canada.
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Communication orale
Québécalisme, le Québec tel que fantasmé par le CanadaFrancois Charbonneau (Université d’Ottawa)
Dans un ouvrage qui a popularisé les études postcoloniales, Edward Saïd a défendu une hypothèse choquante à entendre pour les Occidentaux : l’Orient n’est pas une civilisation radicalement différente de l’Occident dont il s’agirait de révéler, par une étude attentive toute l’étrangeté. Elle est plutôt et largement une construction sociale issue du fantasme d’occidentaux en mal d’exotisme. Sous forme de clin d’œil au regard déstabilisant que proposait Said sur le rapport entre Orient et Occident, cette communication tentera de montrer à quoi ressemble le Québec tel que se le représente le Canada, par l’étude d’un certain nombre de débats de société qui ont eu des échos à l’extérieur du Québec (débat sur les accommodements raisonnables, Charte des valeurs, lois 21 et 96).