L’effet rebond environnemental, aussi dénommé paradoxe de Jevons, constitue l’un des obstacles les plus redoutables pour la reconstruction écologique de nos sociétés. Par cet effet, une meilleure performance environnementale relative des biens et des services peut conduire à une augmentation plus que proportionnelle de leurs usages. Ainsi, conjointement à la généralisation des démarches d’écoconception des produits et des services, la taille des voitures et des écrans augmente, le rythme de renouvellement des appareils électroniques s’accélère, le confort thermique tend à s’accroître et on parcourt de plus grandes distances en voiture ou en avion. Et il en résulte globalement une plus grande pression sur les ressources et l’environnement.
L’effet rebond peut en effet être associé à un paradoxe au cœur de l’Anthropocène : on n’a jamais réalisé autant d’analyses de cycle de vie (ACV) et déployé de démarches d’écoconception dans les organisations, alors que, cependant, les émissions de GES continuent d’augmenter et les ressources et la biodiversité de s’épuiser. En suivant l’analyse thématisée par le sociologue Michel Callon sur les cadrages-débordements (Callon, 1999), on pourrait dire que le cadrage opéré par le mythe rationnel de l’écoconception dans le paradigme de la croissance verte est sans cesse menacé de débordement par l’effet rebond.
Dès lors, une hypothèse que nous souhaitons aborder de manière interdisciplinaire dans ce colloque est que ce paradoxe ne peut être surmonté dans le paradigme de la croissance verte, mais qu’il appelle une rupture paradigmatique, une logique nouvelle de post-croissance, ou de « prospérité sans croissance », et que la maîtrise des effets rebonds environnementaux constituerait une politique innovante de sobriété et de décroissance.