Informations générales
Événement : 89e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 600 - Colloques multisectoriels
Description :Les investisseurs institutionnels ont pour mandat d’obtenir le meilleur rendement possible pour les actifs qu’ils gèrent au profit des ayants droit avec qui ils sont liés contractuellement. Or, certains investisseurs institutionnels, au Canada et ailleurs dans le monde, ont publiquement annoncé leur décision de sortir de certains secteurs économiques polluants. C’est le cas notamment de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), qui a fait part, le 28 septembre 2021, de sa volonté de se désengager de la production pétrolière d’ici la fin de l’année 2022. Comment ces décisions risquées sont-elles prises et justifiées à ceux et celles envers lesquels les investisseurs institutionnels ont une obligation fiduciaire? Dans ce colloque, nous proposons d’orchestrer des réflexions universitaires et pratiques sur les justifications du « désinvestissement écologique » en faisant dialoguer des chercheurs, des militants pour la décarbonisation de l’économie, des gestionnaires d’actifs et des administrateurs de fonds de pension qui gèrent des milliards de dollars et qui ont le pouvoir financier de contribuer à lutter concrètement contre le réchauffement climatique.
Remerciements :Nous remercions chaleureusement tous les conférenciers invités pour leur participation et l'Institut d'Éthique Appliquée de l'Université Laval (IDÉA) pour son soutien.
Date :Programme
Introduction et accueil des participants
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Communication orale
IntroductionMarion Brivot (Université Laval)
Mot de bienvenue, accueil des participants et introduction de la thématique du colloque
Le point de vue des chercheurs
Dans cette première partie du colloque, quatre chercheurs présenteront leurs travaux en cours en lien avec le sujet du colloque.
- Diane-Laure Arjaliès évoquera les défis de la "finance de la conservation".
- Christian Walter analysera les enjeux du "verdissement" des métriques de risque pour les actuaires.
- Darlene Himick et Marion Brivot aborderont les raisons morales et prudentielles qui sous-tendent les décisions de désinvestissement écologique.
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Communication orale
Finance et éthique de la conservation : soutenir la biodiversité pour sauver notre peauDiane-Laure Arjaliès (UWO - University of Western Ontario)
Cette intervention explorera : 1) la manière dont les institutions financières envisagent le "capital naturel" ; 2) les obstacles à la protection de la nature et 3) les opportunités liées à la transition écologique. Nous nous intéresserons plus particulièrement :
- aux défis liés au financement de la protection de la biodiversité et à l'augmentation des efforts de conservation ;
- à pourquoi il a été difficile jusqu'à présent d'orienter les financements vers la sauvegarde d'écosystèmes ;
- aux initiatives actuelles en termes de finance de la conservation, notamment les obligations à impact de conservation.
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Communication orale
Verdir les investissements : faut-il aussi verdir les métriques de risque ?Christian Walter (FMSH)
Cette intervention montrera que, si la finalité « verte » d’un investissement est bien une condition nécessaire à l’écologisation de l’économie (comme on l'imagine souvent), ce n’est pas une condition suffisante. En effet, les investissements répondent à des logiques techniques fondées sur l’usage de modèles mathématiques de risque qui se déploient en machineries algorithmiques pour que les modélisations du risque deviennent réalité concrète dans la pratique des investisseurs. Si ces modèles mathématiques ne sont pas « verdis » également, mais restent « bruns », alors il apparaîtra un phénomène de scission morale entre une sous-couche « brune » (les moteurs de calculs) et une surcouche « verte » (les orientations des investissements). On a qualifié de « green washing » ce phénomène, que l’on propose de traduire en français par « éthiquette » verte, le jeu de mot désignant à la fois l’effet d’affichage vert qui ne repose pas sur du vert (une étiquette), et la réduction de l’éthique à sa seule dimension de l’action (verdir les investissements) en oubliant sa dimension intellectuelle (verdir les modèles de risque), soit une petite éthique (une éthiquette). On indiquera des pistes de verdissement des modèles de risque, pour faire apparaître comment une sortie complète d’une économie fossilisée (dans les deux sens du mot) serait possible et pourquoi il est indispensable aujourd’hui d’imaginer des modélisations écologiques du risque financier.
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Communication orale
Les décisions de désinvestissement écologique des investisseurs institutionnels - histoire du mouvement, motivations prudentielles et décisions éthiquesMarion Brivot (Université Laval), Darlene Himick (Université d’Ottawa)
Le désinvestissement vert est un mouvement social mondial porté par des activistes qui font campagne pour que les investisseurs (institutionnels, en particulier) cèdent les actifs qu’ils détiennent dans des entreprises liées à la production, la transformation ou la vente de combustibles non-renouvelables et émetteurs de gaz à effet de serre comme le pétrole, le charbon ou le gaz naturel. Dans certains cas, ces activistes font également pression pour que les investisseurs achètent davantage de titres associés à des entreprises qui produisent, commercialisent ou utilisent des énergies propres et renouvelables. Dans cette étude, nos objectifs sont triples. Nous avons pour ambition de mieux comprendre : (1) l’histoire du mouvement social « go fossil free » et les différentes tentatives de (re)problématisation des enjeux du désinvestissement écologique par les principales figures de proue de ce mouvement ; (2) quels types d’investisseurs institutionnels répondent à ce mouvement et de quelles manières ils le font ; (3) la part les arguments éthiques (et leur contenu), par rapport aux arguments prudentiels (gestion des risques) dans les justifications publiques des annonces de décisions de désinvestissement écologique faites par les investisseurs institutionnels qui adhèrent au mouvement.
Le point de vue des investisseurs et des consultants
Les questions suivantes seront abordées (entre autres) par les panélistes :
Quelles sont les raisons qui ont poussé la Caisse de Dépôt et Placement du Québec (CDPQ) à prendre la décision de sortir du pétrole en 2022 ? Quels obstacles a-t-il fallu surmonter pour arriver à fédérer les instances décisionnelles autour de cette stratégie de désinvestissement écologique ? Quelles autres mesures la CDPQ a-t-elle en tête pour contribuer à l’effort global d’infléchissement du réchauffement climatique ? Un comité de retraite doit agir comme fiduciaire : qu’est-ce que cela implique, concrètement, du point de vue de sa responsabilité ? Ce rôle de fiduciaire est-il compatible avec la prise de décisions de (dés)investissement écologiquement responsable de l’actif d’un régime de retraite ? La législation applicable aux régimes de retraite au Québec est-elle un frein ou une aide à la prise de décisions de (dés)investissement vert ? Quelles solutions les cabinets de conseil en investissement comme Mercer recommandent-ils aux investisseurs institutionnels au Canada, lorsqu’ils sont désireux de prendre des décisions d’investissement écologiquement responsable ? Que sait-on aujourd’hui de l’efficacité de ces solutions quant à la contribution à la réduction du réchauffement climatique ?
Le point de vue des activistes
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Communication orale
Le cas de Climate Justice uOttawaMary Stuart (Université d’Ottawa)
Climate Justice uOttawa (Justice Climatique uOttawa) est une organisation étudiante active depuis plusieurs années sur le campus de l'Université d'Ottawa. Elle se donne pour mission de faire pression sur l'administration de cette université afin que davantage de mesures concrètes soient prises pour contribuer à lutter contre les changements climatiques. Récemment, l'université d'Ottawa a annoncé sa décision de céder, dans ses portefeuilles d'investissement à long terme, ses actifs liés à des entreprises associées aux énergies fossiles. Cette présentation se concentrera sur le point de vue des étudiants-activistes de Climate Justice uOttawa sur le processus ayant mené l'administration de l'université d'Ottawa à prendre une décision de désinvestissement vert en mars 2022. Cette dernière intervention du colloque sera également l'occasion de souligner la pertinence d'une éthique activiste pour penser les questions liées à la lutte contre le réchauffement climatique par les investisseurs institutionnels, en particulier les universités canadiennes.