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Informations générales

Événement : 89e Congrès de l'Acfas

Type : Colloque

Section : Section 400 - Sciences sociales

Description :

Depuis les années 2000, l’« intersectionnalité » a connu un succès inégalé, notamment dans les études féministes (Bilge, 2015). Alors que cette approche semble être devenue une bonne pratique pédagogique (ibid.), de plus en plus de militant‑e‑s et de chercheur‑se‑s décrient sa dépolitisation, et même son instrumentalisation : l’intersectionnalité devient une marque qui « paraît bien » (Tlostanova,2015). Cette approche se voit même de plus en plus intégrée aux politiques tant nationales qu’internationales (Collins et Bilge, 2016), en plus d’être largement mobilisée par les universitaires, les discours publics ou les organisations internationales. Ce concept et cette approche sont devenus si à la mode que l’on remet en question leur charge heuristique et leur portée critique.

Une telle visibilité des approches intersectionnelles pourrait laisser croire qu’elle s’accompagne d’un rééquilibrage des inégalités sociales multiples que cette approche veut déconstruire. Or, de nombreux travaux démontrent au contraire que les rapports de pouvoir perdurent et se renouvellent, sans compter que la pandémie actuelle a été accompagnée d’un durcissement de ces inégalités touchant notamment différemment des groupes moins privilégiés et plus vulnérables (Froidevaux-Metterie, 2020).

L’année dernière, notre panel s’était concentré sur les approches genrées/féministes. Cette année, nous proposons une rencontre autour de l’engouement quant à l’intersectionnalité. Nous l’articulerons autour de plusieurs axes de réflexion, allant des enjeux liés à l’instrumentalisation de ces approches, aux « interstices » qui n’ont pas ou qui ont peu fait l’objet d’une analyse tenant réellement compte d’une hétérogénéité des expériences d’oppression. Quels sont ces interstices et comment leur analyse fait-elle apparaître des réalités sociales jusqu’ici restées dans l’ombre? L’instrumentalisation de ce concept parfois de manière apolitique ne participerait-elle pas à dissimuler les dynamiques inégalitaires plurielles constitutives des rapports de pouvoir? Autant de questions que nous aborderons entre chercheur‑se‑s issu‑e‑s d’horizons divers.

Remerciements :

Nous remercions tous.tes les participant.es qui ont participé à ce colloque, ainsi que toutes les personnes, de près ou de loin, qui ont permis l'organisation de cette journée de conférences.

Date :
Responsables :

Programme

Communications orales

Ouverture du colloque

Discutant·e·s : Madon Awissi (UdeM - Université de Montréal), Amani Braa (UdeM - Université de Montréal), Corynne Laurence-Ruel (UdeM - Université de Montréal)

Communications orales

Intersectionnalité : entre méconnaissance et distorsion

  • Communication orale
    Aux intersections du militantisme féministe togolais
    Maude Jodoin Léveillée (UdeM - Université de Montréal)

    Les résultats de ma thèse portant sur les trajectoires militantes de Togolaises promouvant les droits des femmes ont montré que c’était principalement les femmes cisgenres, hétérosexuelles, sans handicap, de la classe moyenne, éduquées et vivant en ville qui étaient particulièrement représentées et actives dans le milieu associatif « féministe » togolais. Cette communication cherchera d’abord à s’interroger sur la nature des inégalités et des rapports de pouvoir présents au sein du mouvement féministe togolais et à la manière dont ils affectent la capacité des femmes à accéder au milieu associatif et à des postes de responsabilité au sein de ce milieu. En plus de mettre en lumière les femmes invisibilisées et sous-représentées dans le mouvement féministe togolais, cette communication vise également à questionner la pertinence d’étudier les rapports de pouvoir traditionnellement explorés par la théorie de l'intersectionnalité (patriarcat, racisme, hétérosexisme, capacitisme) au sein des mouvements féministes ouest africains.

    Les résultats présentés dans cette communication reposent sur des données qualitatives récoltées au Togo sur une période de deux ans, combinant entretiens semi-dirigés et observation.

    Bref, à partir de l’étude de cas du mouvement féministe togolais, il s’agira de reconnaître les rapports de pouvoir qui s’y immiscent et de réfléchir à la pertinence d’utiliser les catégories « traditionnelles » de l’intersectionnalité en contexte ouest-africain.

  • Communication orale
    Pour un féminisme sénégalais inclusif : réception de l’intersectionnalité chez les féministes sénégalaises
    Ndeye Fatou Kane (Université de Paris)

    Alors qu’au niveau de l’histoire des luttes de libertés, le Sénégal et les Etats-Unis ont eu à des moments à s’associer, notamment pour le cas d’Angela Davis, nous nous sommes demandés pourquoi l’espace de recherche sénégalais reste hermétique à certaines théories telles que l’intersectionnalité. A notre sens, la méconnaissance d’un concept tel que l’intersectionnalité est dû au fait que les chercheuses au Sénégal restent cloisonnées dans leurs domaines de recherche et ne prennent pas en compte les théories voyageuses. Pour une meilleure prise en compte de ces théories, il faudrait que le féminisme sénégalais soit plus inclusif, qu’il ne soit plus l’apanage des femmes sénégalaises de la classe moyenne et bourgeoise, et qu’il prenne en compte les femmes sénégalaises de tous bords. Aujourd’hui, pour redynamiser le féminisme sénégalais, nous pensons qu’une déconstruction critique devrait s’opérer. Un féminisme sénégalais qui concerne toutes les femmes sénégalaises, un féminisme sénégalais plus intersectionnel, c’est là que résiderait l’avenir. Les centres urbains regorgent de femmes alliant pratique et théorie féministes, donc aller du centre à la marge permettrait de créer une nouvelle dynamique féministe. L’inclusion sociale dont on fait état pourrait aussi être mieux mise en oeuvre par une ouverture de l’espace de recherche sénégalais à d’autres théories. Car une théorie comme l’intersectionnalité, toujours en mutation, gagnerait à être mieux vulgarisée au Sénégal.

  • Communication orale
    Politiques d’utilisation/distorsion de l’intersectionnalité dans des espaces gouvernementaux
    Geneviève De Breyne-Gagnon (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    La littérature sur le blanchiment et l’instrumentalisation de l’intersectionnalité révèle un besoin important de réfléchir de façon latérale aux dynamiques sociopolitiques et aux pratiques associées aux distorsions de l’intersectionnalité liant les acteurices gouvernementales, organisations féministes, et chercheureuses (Bilge 2015, May 2015). Cette communication se concentre sur l’exploration préliminaire des politiques d’utilisation et des processus de transformation de l’intersectionnalité dans les espaces gouvernementaux, en faisant un parallèle avec les processus de distorsion et blanchiment de l’intersectionnalité identifiés dans les milieux de la recherche. Les propos seront donc appuyés par une revue de la littérature faisant référence à l’intersectionnalité dans divers espaces gouvernementaux canadiens et européens (Chow 2016, Hankivsky 2012, Mason 2019, Lombardo et Verloo 2009) ainsi que sa distorsion dans des espaces académiques nord-américains et européens (Alexander-Floyd 2012, Bilge 2015, Dhamoon 2011, Nath et al. 2018). La période temporelle de référence est de 2005 jusqu’à aujourd’hui. Trois questions seront abordées : 1) Quelle(s) forme(s) prend l’intersectionnalité dans les espaces gouvernementaux? 2) Quels éléments sont pertinents afin d’identifier et expliquer les processus de distorsions de l’intersectionnalité? 3) Quels sont les liens entre la distorsion de l’intersectionnalité en recherche et dans les espaces gouvernementaux?


Communications orales

Intersectionnalité : entre capacitisme et invisibilisation

  • Communication orale
    Handicap, capacitisme et intersectionnalité : quelques pièges à éviter dans le travail d’articulation des axes d’oppression
    Jean-François Filiatrault (UdeM - Université de Montréal), Marie-Eve Veilleux (Université de Montréal)

    Depuis quelques années, les enjeux touchant les personnes handicapées et le capacitisme suscitent un intérêt croissant chez universitaires et mouvements sociaux, notamment du fait de l’importance croissante à penser en termes d’intersectionnalité. Cette popularité, notamment due au travail de militantes féministes et queers, est cependant minée par le fait que la question du capacitisme est à la fois sous théorisée, sur individualisée et parfois instrumentalisée.

    Dans la perspective de promouvoir l’articulation du capacitisme aux autres rapports sociaux, cette présentation s’attarde sur la manière dont le handicap est souvent conceptualisé au Québec de même que sur une certaine difficulté à concevoir les caractéristiques collectives du handicap dans les mouvements sociaux. Il est conclu que ces éléments contribuent à une forme de réductionnisme lorsque le capacitisme est croisé avec d’autres rapports sociaux. Pour ce faire, la communication se base sur des expériences militantes et un corpus théorique. Cette présentation critique vise à mettre de l’avant certaines difficultés souvent présentes dans les approches militantes et académiques croisant l’axe du handicap avec ceux de genre, de race, d’âge ou de classe tout en mettant de l’avant la pertinence de telles démarches.


Communications orales

Retour sur les communications : questions?

Présidence : Amani Braa (UdeM - Université de Montréal)
Discutant·e·s : Madon Awissi (UdeM - Université de Montréal), Amani Braa (UdeM - Université de Montréal), Corynne Laurence-Ruel (UdeM - Université de Montréal)

Dîner

Dîner


Communications orales

Intersectionnalité : entre réification du religieux et stigmatisation

Présidence : Amani Braa (UdeM - Université de Montréal)
  • Communication orale
    Les enseignantes musulmanes voilées à la croisée de multiples oppressions
    Soraya Boucetta (UdeM - Université de Montréal)

    Les études soulignent comment depuis la promulgation de la loi sur la laïcité de l’État, les femmes voilées qui souhaitent intégrer la fonction publique sont de plus en plus marginalisées (Celis et al., 2020). Toutefois, elles sont souvent examinées à travers un profil « globalisant » - leurs appartenances culturelles et religieuses ne permettant pas d’examiner leurs réalités multiples et singulières. Cette forme d’essentialisation de « la » femme musulmane va non seulement rendre leurs problématiques invisibles, mais surtout soustraire leurs revendications (Guenif-Souilamas, 2000 ; Pirès, 2017 ; Benhadjoudja, 2018).

    A travers cette communication, nous allons examiner comment le concept de l’intersectionnalité est incontournable afin d’attirer l’attention sur le vécu des femmes enseignantes musulmanes voilées en montrant comment celles-ci sont à l’intersection de plusieurs rapports de pouvoir, notamment celui lié à la perception de la religion musulmane, qui semble être au cœur de la discrimination. Nous examinerons comment nous pouvons mobiliser ce concept pour mettre en perspective la dynamique complexe des expériences sociales vécues par les enseignantes musulmanes voilées, tout en nous intéressant à l’historique de l’application de la loi sur la laïcité de l’État. Enfin nous réfléchirons aux interactions sociales qui peuvent résulter, « de choix politique et économique » qui instituent et renforcent différentes formes de dominations (Martineau, 2020 : 151).

  • Communication orale
    Déconstruire la figure de "l'homme musulman" : exploration des liens entre islam(s) et masculinités
    Youssef Benzouine (UdeM - Université de Montréal)

    Plusieurs débats récents au Québec – ceux qui ont entouré la Loi sur la laïcité de l’État (loi 21) ou encore le projet de Charte des valeurs québécoises (Bilge 2010; Larochelle 2020) – ont révélé l’existence de représentations négatives sur et de l’islam et des musulman·e·s. Plus particulièrement, « l’homme musulman » est (re)présenté comme une figure « patriarcale », « conservatrice » et « rétrograde » (Britton 2019; Bilge 2010). Ces représentations « racialisantes » ne rendent pas justice à la diversité des vécus, expériences et, surtout, des pratiques des hommes musulmans immigrants vivant au Québec. Ma communication aura donc pour objectif d’explorer et de réfléchir sur les éléments qui rentrent dans la construction et la performance/tivité (Butler 1999) des masculinités de ces hommes (Fedele 2015; Ouzgane 2006). Plus précisément, je veux aussi voir si un lien existe entre le religieux (l’islam) et les masculinités (Connell 2005; Connell et Messerschmidt 2005). En plus de la démarche de déconstruction évoquée plus haut, la pertinence de cette communication résidera aussi dans d’autres éléments : 1) je veux (dé)montrer qu’il y a une diversité de manières d’être « un homme musulman » - d’où la pertinence d’avoir des lunettes intersectionnelles pour aborder leurs positionnements et vécus; 2) aborder ces masculinités sous l’angle des pratiques, et non des représentations, semble être un angle-mort des travaux réalisés sur l’islam et les musulman·e·s au Québec.

  • Communication orale
    Penser les familles de djihadistes avec des lunettes intersectionnelles
    Amani Braa (UdeM - Université de Montréal)

    Que ce soit par leurs implications et leurs témoignages (comme l’écriture de livre ou la création/l’implication dans des associations) ou par les accusations judiciaires (comme celles de financement du terrorisme) et médiatiques (analyses minutieuses des parcours des mères en particulier), les familles des djihadistes sont au centre de la scène. Les programmes de lutte contre la radicalisation menant à la violence et au terrorisme les incluent de plus en plus, dans des activités et des ateliers qui visent la compréhension et la prévention des phénomènes. Dans les faits, les notions de « famille » et de « parentalité », largement employées, masquent en réalité la surreprésentation des mères : elles sont la véritable cible, considérées comme responsables principales des désordres familiaux. Encore plus en particulier, dans cette couverture médiatique, ce sont les mères musulmanes racisées qui font souvent l’objet de critiques qui ciblent leur religion comme une piste de réponses pour expliquer les décisions et les choix de leurs enfants. Grace, entre autres, au concept d’intersectionnalité nous pouvons penser et cerner les variables de race, classe et genre et leur interaction dans la production et la reproduction des inégalités sociales (Collins, 2000). Cela permet d’observer que le contrôle, la surveillance, les normes familiales ou, plus en générale, l’entreprise de normalisation, vise en réalité les mères appartenant à des groupes racialisés précis (Elliott, 2013).


Communications orales

Retour sur les communications et fermeture du colloque

Présidence : Amani Braa (UdeM - Université de Montréal)
Discutant·e·s : Madon Awissi (UdeM - Université de Montréal), Amani Braa (UdeM - Université de Montréal), Corynne Laurence-Ruel (UdeM - Université de Montréal)