Ce colloque s’inscrit dans le cadre d’un projet de recherche qui a pour objectif d’étudier les trajectoires, les processus et les résultats de l’élaboration des politiques sociales en Afrique de la période coloniale à nos jours. Il est financé par l’Institut des études africaines de l’Université du Ghana et les Open Society Institutes of Africa.
Depuis les indépendances, les États francophones d’Afrique ont adopté des politiques sociales selon les conjonctures politiques et économiques auxquelles ils étaient confrontés. Ils ont ainsi pu, dans certains cas, proposer des structures de protection sociale et instaurer des régimes de prévoyance sociale pour les travailleurs du privé, les fonctionnaires et certains groupes sociaux vulnérables. Cependant, l’absence de rupture radicale dans les pratiques en matière de politiques sociales par les gouvernements postindépendances explique, dans une certaine mesure, la similitude des systèmes de politiques sociales dans les différents pays avec une persistance des inégalités de genres, d’un traitement inégal selon les classes sociales et les catégories socioprofessionnels, des disparités entre les régions et un déséquilibre urbain-rural.
Ainsi, en se concentrant sur la fonction productive des politiques sociales et en négligeant les fonctions de reproduction, de redistribution et de cohésion sociale, le potentiel d’émancipation et de transformation des politiques sociales s’est révélé quasi nul en Afrique francophone. Malgré des avancées notables, les principaux marqueurs des politiques sociales sont leur caractère exclusif, l’absence d’universalité, un défaut d’inclusion, l’absence de considération des inégalités de genre et la faiblesse des financements.
Avec l’avènement de la COVID-19, le recours aux politiques sociales ou leur renforcement se sont imposés de façon naturelle aux gouvernements d’Afrique francophone même pour ceux qui semblaient s’engager dans une rupture avec l’État-providence. Beaucoup de pays, dont les régimes de protection sociale sont défaillants, notamment en raison d’un faible financement et d’un défaut d’arrimage avec les réalités sociales et économiques, se sont engagés dans cette avenue. Cependant, l’absence de prise en charge des besoins spécifiques des groupes vulnérables et les lacunes touchant l’intégration de la sexospécificité dans la planification et l’opérationnalisation des politiques sociales constituent des dysfonctionnements majeurs des régimes de protection sociale.