Informations générales
Événement : 89e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 400 - Sciences sociales
Description :Ce colloque propose, à partir des travaux conduits dans le cadre d’une recherche partenariale comparative (TRYSPACES), de revenir sur le rôle des jeunes dans les transformations culturelles, sociales, économiques et politiques des espaces publics de quatre villes (Hanoï, Montréal, Mexico, Paris). Visibles dans les espaces publics par effets de pratiques spécifiques qui interpellent, déforment, dérangent et repoussent les limites imposées par les normes et la régulation sociales, les jeunes avec lesquelles nous travaillons depuis 2017 transgressent l’ordre établi des villes contemporaines, soit par choix (les pratiques transgressives peuvent être attrayantes), soit par nécessité (par exemple pour « prendre place » malgré les contraintes sociales, légales ou urbanistiques). Leur présence publique, surtout quand elle est de longue durée, statique, nocturne, génère une stigmatisation et une réprobation à géométrie variable, en fonction de leurs identités multiples. Loin de constituer un groupe monolithique, leur expérience de l’espace public est en effet définie par le contexte socioculturel et politique, mais aussi par le fait d’être une fille, un-e jeune racisé-e, autochtone, de vivre avec un handicap ou d’habiter un quartier excentré. Par l’entremise de plusieurs études de cas menées par des chercheur-euses, des étudiant-es et des jeunes basé-es à Montréal et dans les autres villes du projet, ce colloque réfléchira à la façon dont les jeunes utilisent les espaces publics et aux déterminants de la perception de ces usages comme transgressifs. Quelles sont les conséquences de ces pratiques dites transgressives sur la régulation des espaces publics et la gouvernance urbaine? Comment les jeunes procèdent-ils et elles pour s’approprier certains espaces? En quoi ceci contribue-t-il à la constitution de leur identité, leur permet-il d’exprimer leur vision du monde et de se faire une place dans un monde de plus en plus urbain et interconnecté?
Date :- Valérie Amiraux (UdeM - Université de Montréal)
- Sarah-Maude Cossette (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Programme
Ludique et identités
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Communication orale
Le tabou de l’adolescente : la dévalorisation sexiste des pratiques de sociabilité dans l’espace publicNathalie Boucher (Respire), Sarah-Maude Cossette (Université du Québec à Montréal)
Quelle place la ville réserve-t-elle aux adolescentes? Que font-elles, entre l’école et la maison? Depuis 2018, par différentes méthodes qualitatives (caractérisation des espaces publics, observations, entretiens semi-dirigés in situ, visite de parc, ateliers de cartes mentales et de projections architecturales), nous recueillons auprès d’adolescentes du quartier montréalais de Pointe-aux-Trembles des données sur leurs pratiques des espaces publics. Nos données révèlent surtout la difficulté qu’ont les adolescentes à nommer, qualifier ou mettre de l’avant ces pratiques. Nous évoquons le concept de tabou pour expliquer leur invisibilité (en recherche comme dans la ville) et leur internalisation de la discrimination de genre. Nous nous intéressons particulièrement à une pratique constante dans les observations, cartes et projections: jaser, discuter, parler. Le fait que parler ne soit pas une activité nommée par les participantes, qui mettent surtout de l’avant les activités actives parallèles (se promener, se balancer, rencontrer des ami.e.s), semble souligner l’internalisation de la dévalorisation sexiste associée aux échanges verbaux. Cause et conséquence, l’aménagement urbain ne prévoit pas d’espaces ou d’équipements pour jaser en toute légitimité, à l’abri du harcèlement et des intempéries. Nous appelons à davantage de recherche participative axée sur les filles comme usagères de la ville (pas seulement sur leur sécurité) et à davantage d’aménagements urbains inclusifs.
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Communication orale
Un regard critique sur la place du jeu libre dans les espaces végétalisés de Montréal pour les enfants de 6 à 9 ansIpek Epikmen (UdeM - Université de Montréal)
Les bénéfices de jouer pour les enfants sont innombrables; or, on observe un déclin du jeu extérieur dans le contexte urbain, relié à la sédentarisation et à une épidémie d'obésité des jeunes qui suscite de plus en plus d’intérêt dans les milieux académique et municipal. Jusqu’à récemment, les efforts des villes se limitaient à la provision d’espaces ségrégés destinés à l’usage des enfants. Maintenant que certaines villes sont prêtes à repenser la place du jeu à une plus grande échelle, il devient important de mieux comprendre le jeu et les environnements qui le rendent possible. Cette communication prend appui sur une ethnographie critique réalisée en tant que facilitatrice de jeu au sein d’un camp de jour promouvant le jeu libre dans trois espaces publics de Montréal. Elle explore les différents facteurs spatiaux et sociaux influençant le jeu des enfants dans une perspective d’affordance. Elle discute de l’influence des caractéristiques de l’espace sur le jeu des enfants, de l’importance de l’influence de la perception du risque chez les adultes supervisant le jeu, des conflits avec les autres usagers et de l’influence de la gestion et maintenance des espaces publics. Cette recherche tente d’offrir un regard holistique et critique sur l’adéquation des espaces publics au jeu, dans le contexte montréalais. Elle met en évidence le caractère transgressif du jeu libre et sa confrontation aux approches régulatrices courantes dans l’aménagement et la gestion des espaces urbains.
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Communication orale
Fêtes libres et construction(s) identitaire(s) : intérêts et risques de la perspective ethnobiographiqueAlexis Grussi (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Si les fêtes libres ont été analysées à l’aune de leurs caractères complexes (Kosmicki, 2008; 2010), c’est aussi le regard quant à la manière dont leurs participant.e.s y développent leurs identités et entretiennent un rapport subjectif à celles-ci (Hoareau, 2017) qui permet de pouvoir saisir la participation à ces manifestations festives telle une réelle expérience (Dubet, 1994) constitutive de la narration identitaire et initiatique. Toutefois, les représentations médiatiques dominantes situent la plupart des participant.e.s comme des jeunes « en errance » et autres qualificatifs niant l’agentivité de ces acteur.trice.s. S’approprier l’espace public voire contester la propriété privé ou s’inscrire dans une logique de transgression est un enjeu central pour les personnes prenant part aux fêtes libres. La mobilisation d’une méthodologie ethnobiographique de la déviance permet de révéler que la transgression n’est pas toujours voulue. De là, il semble important de pouvoir développer une perspective critique quant à la place octroyée à la jeunesse et à ses polyphonies – tant narratives que musicales. Une importance particulière sera laissée aux propositions et souhaits des 14 acteur.trices.s rencontré.e.s concernant la possibilité de pouvoir concevoir des espaces permettant de pallier les contraintes sociales, légales et urbanistiques quant au manque d’espace octroyé à la fête et à ses rites nécessaires, pour pouvoir s’épanouir intimement et publiquement.
Interstices et cultures alternatives
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Communication orale
Stigmatisation et pratiques culturelles des jeunes à Marseille : une étude ethnographique du projet européen TRANSGANGJuan Mansilla (Pompeu Fabra University)
Cette étude porte sur les trajectoires des jeunes à Marseille (France) dans le cadre du projet européen TRANSGANG. La précarité de l’emploi des jeunes de LaFab (Marseille) est un imaginaire qui accompagne non seulement l’apparition et la banalisation actuelle du trafic illicite de drogues, mais elle est aussi portée (stratégie du revers de la stigmatisation) à travers de pratiques créatives telles que la production de la musique « gansta rap » et « ghetto superstar ». Les « malfaiteurs du quartier » et les codes du crime sont ainsi introduits dans leurs productions musicales, dans un exercice de théâtralité et de performance artistique (de résistance) du stigmate. Dans leurs chansons, on retrouve des allusions à une ambiance gangster dans la ville : « Marseille n’est pas un endroit facile ! », « Marseille c’est chaud ! », ainsi que des défis ou avertissements dirigés envers les autres rappeurs. Cette logique de conflit n’indique pas nécessairement un comportement violent entre les quartiers ou les crews ennemis: il faut l’appréhender comme un héritage esthétique du style musical gangsta nord-américain et comme un effet de la folklorisation des groupes de rue de jeunes défavorisés en France. Les trajectoires de vie des jeunes marseillais se traduisent ainsi par des formes de résistance et de résilience, oscillant entre pratiques autogérées (musique, sports, réseaux illicites) et espaces encadrés par des adultes (école, emplois temporaires, formation professionnelle).
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Communication orale
Le hip-hop haïtien : une nouvelle forme d’appropriation de l’espace public à travers l’énonciation et la dénonciation politiqueSandy Larose (Université Laval)
Le terme hip-hop désigne non seulement une culture, mais aussi un style de vie résultant des effets de la modernité, un style vestimentaire et un langage de la rue (Calogirou, 2005; Fernando, 1994, 2008). L’apparition du hip-hop comme mouvement musical a coïncidé avec la transition démocratique et, depuis, ce mouvement fait partie d’une vague de contestation juvénile. Au milieu de ces crises (sociale, politique et économique) qui caractérisent l’après Duvalier, les jeunes, à travers le hip-hop, ont profité de la liberté d’expression pour dénoncer des problèmes fondamentaux et s’interroger sur les raisons de la pauvreté d’Haïti. La démocratie ou la transition démocratique n’a pas pu, selon toute espérance, satisfaire les attentes du peuple haïtien. Visiblement, la situation économique, sociale et politique a empiré. En dépit de tout, le hip-hop politique constitue pour les jeunes une manière de contester l’ordre social, politique ou économique. En Haïti, la contestation occupe une place privilégiée dans les arts et la musique. Elle est véhiculée dans des discours qui expriment des indignations, des rancœurs et des colères d’une frange de la jeunesse haïtienne qui choisit de pratiquer le hip-hop. Cette communication répond aux questions suivantes : quelle est la place du hip-hop dans les espaces publics en Haïti ? Quel usage la jeunesse urbaine fait-elle du hip-hop en Haïti ? En quoi le hip-hop constitue-t-il une nouvelle forme d’appropriation de l’espace public ?
Territorialités et pratiques juvéniles
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Communication orale
Jeunes et division raciale de l’espace à Montréal : des méthodes participatives pour saisir des territorialités invisibiliséesMarie-Eve Drouin-Gagné (INRS - Institut national de la recherche scientifique), Stéphane Guimont Marceau (INRS - Institut national de la recherche scientifique), Kelly Vu (INRS)
Cette présentation propose de réfléchir aux façons d’analyser les espaces sociaux de jeunes provenant de groupes invisibilisés comme les Autochtones et les personnes racisé.e.s, retranchés dans des espaces marginaux par la division raciale de l’espace et des identités. Ces différenciations racisées et genrées soutiennent l’édifice colonial et les processus d’accumulation capitalistes à l’origine de multiples inégalités socioéconomiques. Les jeunes de ces groupes vivent une hypervisibilité liée à des stéréotypes, sans que leurs propres représentations, expériences et analyses ne soient reconnues dans l’espace public. Nous présenterons les méthodes participatives utilisées dans divers projets de recherche - la cartographie, le photovoice et les parcours commentés - afin de souligner comment ces jeunes pratiquent et vivent l’espace, et avec qui. Ces méthodes permettent de voir comment ils.elles contournent l’exclusion et se créent des territorialités inclusives. Les méthodes participatives permettent elles-mêmes de transgresser cette division spatiale qui marginalise les espaces des Autres. Notre équipe a travaillé avec des jeunes autochtones et avec des jeunes de Parc-Extension. À travers leurs récits et leurs analyses, nous cherchons à 1) co-créer de nouvelles connaissances concernant ces espaces urbains et à 2) visibiliser leurs significations culturelles, sociales et politiques, pour finalement dévoiler une image plus complète des territorialités des jeunes de Montréal.
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Communication orale
Marches du Hirak : des jeunes dans l’espace publicHouria Abdennebi-Oularbi (Tizi ouzou, Algérie.)
En 2018, le soulèvement du Hirak en Algérie contre la candidature d’un président diminué fait converger vers la capitale une foule de jeunes, de pères et de mères de familles, et même de personnes âgées. Après la prière du vendredi, au sortir de la mosquée, les jeunes de la commune d’Hussein dey battent le pavé en scandant « le pays est nôtre et nous en sommes propriétaires et nous ferons ce que nous désirons » (leblad bladna wa hna muallih, ndiru rayna). Ces manifestations deviennent des lieux de socialisation : des familles offrent des plats de couscous ou des casse-croûte à ceux qui viennent de toutes les régions d’Algérie et qui ont bravé de nuit les barrages de police dressés à l’entrée d’Alger. Elles engendrent aussi des craintes : des pères veillent au pas des portes par peur de voir leur véhicule endommagé. Mais ces jeunes défilent sans violence, « paisiblement » (silmiya). Sur la base de témoignages de jeunes de milieux populaires, cette communication explore leurs parcours de contestation dans l’espace public et sur les réseaux sociaux.
Expériences de l’intime et transgression
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Communication orale
Expériences de l’intime chez les jeunes consommateur-trice-s de champignons hallucinogènesMelissa Moriceau (UdeM - Université de Montréal)
Cette proposition de communication repose sur l’exploration des « espaces intérieurs » juvéniles à partir d’une pratique qui dérange et qui est souvent mal comprise : la consommation de champignons hallucinogènes. Popularisées dans les années 1960 sous la bannière de la contre-culture, les drogues psychédéliques attirent aujourd’hui l’attention de la science pour ses effets thérapeutiques (Riley et Blackman, 2009 ; Carhart-Harris et al., 2017). À travers cette « renaissance psychédélique » (Sessa, 2013 ; Langlitz, 2013), les recherches se concentrent principalement dans le champ de la psychologie, de la neurologie et de la pharmacologie: la sociologie reste très silencieuse sur les usages de ces substances par les jeunes. Cette communication cherche donc à explorer comment la consommation de champignons hallucinogènes influence les identités des jeunes et leur vision du monde. Elle s’appuie sur une enquête réalisée à l'été 2021 durant lequel j’ai rencontré 15 jeunes consommateur-trice-s régulier-ère-s. Certain-e-s ont consenti à des entrevues semi-dirigées « classiques », d’autres à des observations pendant la consommation suivies d'entrevues à la fin du « voyage ». Les résultats révèlent que les psychédéliques constituent pour les jeunes des véhicules vers des « espaces intérieurs »: ils facilitent la confrontation avec leur intimité et leur identité. Dans un monde parfois considéré comme absurde, la consommation de psychédéliques incarne une quête de sens et de soi.
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Communication orale
Jeunesses et conduite automobile transgressive en FranceMaxime Duviau (Université de Pau et des Pays de l'Adour)
Sur la route, l’accident guette l’automobiliste à chaque instant. En France, il touche principalement les jeunes. Dans ce contexte et dans l’objectif de réduire le risque routier, les instances de sécurité publique imposent le respect d'un ensemble de règles. Cependant, malgré l’omniprésence de nombreuses campagnes de sensibilisation, nombre de jeunes adoptent un comportement transgressif au volant. Cette communication vise à proposer des éléments de compréhension de ces types de conduites dites « à risque » et s’appuie sur les résultats d'une soixantaine d’entretiens semi-directifs réalisés dans le cadre d’une recherche doctorale. Il ressort de cette recherche que la transgression est une modalité de présentation de soi. À l’image du travail de David Le Breton (2002), il s’agit de se valoriser aux yeux des pairs ou de questionner son mérite de vivre. À l’inverse, elle est parfois justifiée par un désir de réduire les risques. Selon les jeunes interviewé·e·s, l’application d’un Code de la Route unique ne suffit pas à résoudre l’infinité des situations problématiques, toutes singulières, auxquelles les jeunes font face à chacune de leurs sorties. Pour finir, ce travail questionne la subjectivité du rapport à la limite, elle-même systématiquement justifiée par la perception du risque en voiture. Plus largement, cette communication vise à contribuer à la réflexion sur ce rite d’interaction qu’est la rencontre en voiture chez les jeunes qui découvrent le monde de la route.
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Communication orale
S'approprier son corps en occupant l'espace public : pratique de masculinité alternative à Montréal-NordChakib Khelifi (université Paris-EST - Gustave Eiffel)
Cette communication s’inspire des recherches francophones sur les jeunes et « la culture de rue ». Elle porte sur l’analyse des pratiques d’appropriation de l’espace public par des hommes incarnant une « masculinité de protestation » (Connell 2014). Cette approche permet de prendre en compte les critiques formulées par les études de genre concernant l’absence du corps dans les travaux dédiés à l’occupation populaire des espaces publics. Les résultats présentés s’appuient sur une enquête ethnographique mêlant séquences d’observation participante, entretiens semi-directifs et parcours commentés qui restituent le travail de suivi d’un groupe de dix jeunes hommes racisés résidant à Montréal-Nord, entre 2018 et 2020. Depuis 2001, le quartier connait d’importantes transformations urbaines. À cela s’ajoute les représentations médiatiques dépeignant le secteur du nord-est comme un lieu gangrené par les gangs de rue. Enfin, le déploiement dans l’espace public d’un important quadrillage policier ciblant expressément les jeunes racisés contribue aujourd’hui à souligner l’importance du corps comme enjeu de l’aménagement urbain. Dans le cadre de cette communication il s’agira de 1) comprendre comment la maîtrise du corps masculin s’est incorporé au réaménagement de l’espace local et de 2) constater comment l’élaboration d’un corps collectif permet aux jeunes hommes de négocier leur place au sein du quartier; le tout dans une perspective relationnelle et intersectionnelle