Informations générales
Événement : 89e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 400 - Sciences sociales
Description :Le profilage de différentes populations, qu’il soit racial, social, politique ou intersectionnel, conduit à leur judiciarisation et prend une ampleur considérable (Wellman, 2013). Cette expansion témoignerait de l’accroissement du pouvoir judiciaire et de ses acteurs (Commaille et Dumoulin, 2009). Au Québec, l’adoption récente de la loi 32 visant principalement à favoriser l’efficacité de la justice pénale et à établir les modalités d’intervention de la Cour du Québec dans un pourvoi en appel (Ministère de la Justice, 2020) risque d’accentuer davantage ce phénomène puisqu’elle favorise les initiatives comme des programmes sociaux en contexte judiciaire. À cela s’ajoutent des approches comme la justice thérapeutique (Dumais Michaud, 2019), la justice orientée vers la résolution des problèmes (Miller et Johnson, 2009) ou encore la justice réparatrice (Ministère de la Justice, 2018; Wemmers, 2003) s’insérant dans différentes formes de tribunaux ou de programmes spécialisés (Quirouette, Hannah-Moffat et Maurutto, 2016; Raffestin, 2020). Ces initiatives témoignent de la transformation quant au rôle du système judiciaire : il s’impose de plus en plus comme un acteur clé dans les réponses aux problèmes sociaux, voire dans la mise en place des politiques sociales.
Date :- Audrey-Anne Dumais Michaud (Université Laval)
- Isabelle Raffestin (UdeM - Université de Montréal)
- Céline Bellot (UdeM - Université de Montréal)
Programme
Mot de bienvenue
Le profilage : ce dont nous parlons
Le profilage que certains publics expérimentent : comment il se construit, comment il s’exprime
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Communication orale
La violence symbolique du profilage face au juge : l’exemple de la stérilisation forcée des femmesCamille Betencourt (Université Laval)
La présentation aborde la violence symbolique du droit qui résulte de l’appréhension difficile ou incertaine du profilage en matière de droit international des droits de la personne. L’exemple concerne notamment les décisions qui ont été rendues par la Cour européenne des droits de l’homme dans plusieurs affaires de stérilisations forcées des femmes Rroms (profilage social et racial). Il s’agit d’aborder la difficulté qu’ont les juges à prendre en compte le profilage à l’origine des stérilisations forcées et, de fait, l’inadéquation des décisions rendues dans les cas de discrimination systémique. Je propose une approche ascendante, qui part de ce que les requérantes révèlent dans leur discours (les éléments d’attitudes culturelles, d’ancrage historique, de pratiques invisibilisées et de profilage qui les désavantagent) et de la violence symbolique qu’impose le juge en évitant d’aborder la question du profilage. Il pourrait être intéressant que je fasse finalement le pont entre ces jugements et ce que l’on pourrait améliorer pour le traitement des cas actuels de stérilisation forcée des femmes autochtones au Canada.
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Communication orale
La prise en charge des familles « négligentes » à la Chambre de la jeunesse : de la pauvreté au profilage socialMarylin Coupienne
Des études ont démontré que les juges de la Chambre de la jeunesse et les intervenantes sociales de la DPJ entretiennent des représentations sociales négatives à l’égard des parents défavorisés, notamment suivis pour le motif de négligence. La négligence est d’ailleurs libellée généreusement dans la Loi sur la protection de la jeunesse, accordant une grande discrétion aux acteurs sociojudiciaires qui statueront subjectivement sur la compromission de la sécurité ou du développement d’un enfant. Une fois les familles intégrées au système de la protection de la jeunesse, leurs problématiques et leurs besoins font l’objet d’une inscription institutionnelle où survient une redéfinition clinique et juridique de leur vie. Je présenterai les résultats issus d’une analyse quantitative de 100 dossiers judiciaires collectés à la Chambre de la jeunesse de Montréal sur la négligence. À partir des documents contenus dans ces dossiers judiciaires, j’ai soutiré une centaine d’attributs sur la situation familiale. Ces documents sont révélateurs du contexte sous-jacent à la négligence et des difficultés familiales et parentales. Ils sont aussi symptomatiques d’un profilage social de la part des acteurs puisque leurs discours et leurs pratiques se reflètent dans leurs écrits et manifestent leurs représentations sociales de la négligence.
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Communication orale
Avantages et défis d’être étudiante-chercheure-praticienne à partir d’une recherche portant sur le rôle des intervenants sociaux en contexte judiciaireIsabelle Raffestin (UdeM - Université de Montréal)
Les personnes en situation de vulnérabilité sont victimes de profilages social (CDPDJQ, 2009) et/ou racial et sont judiciarisées (Bellot et Sylvestre, 2016). Plusieurs demandent à être accompagnées dans un système judiciaire qu’elles connaissent peu ou pas ou en raison d’un manque de confiance envers les acteurs judicaires. Elles se tournent donc vers les intervenants sociaux qui sont amenés de plus en plus à accompagner ces personnes à la Cour municipale ou au Palais de Justice. Mais qu’est-ce que faire de l’intervention sociale dans la sphère judiciaire ? Comment l’intervenant envisage-t-il son rôle ?
Cette présentation se base sur une recherche doctorale qui est à l’étape de la cueillette de données et qui aborde les rôles des intervenants sociaux en contexte judiciaire. L’étudiante-chercheure ayant été elle-même par le passé intervenante-accompagnatrice dans ce même milieu, pose un regard sur l’entrée dans un tel terrain de recherche. Après avoir présenté le but et la méthodologie de la recherche, l’essentiel de la présentation portera sur les avantages et enjeux qui peuvent se présenter lorsque l’étudiante-chercheure est issue du milieu de pratique qu’elle observe.
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Communication orale
Le profilage racial dans les interpellations routières et leurs conséquences sur les personnes noires et racisées au QuébecThierry Casséus (UdeM - Université de Montréal), Malorie Kanaan (Université d'Ottawa)
L’étude qualitative menée auprès de personnes noires et racisées qui ont fait l’objet d’interpellations et d’interceptions routières dans plusieurs villes du Québec a débuté en août 2021 et est toujours en cours. L'étude vise 1) à documenter la nature des interpellations routières de routine effectuées par des agents de la paix en vertu de l’article 636 du Code de la sécurité routière, 2) à documenter l’impact disproportionné de ces interpellations effectuées sur les personnes noires et racisées des quartiers ciblés et 3) à documenter les conséquences sur le plan individuel et communautaire de ce profilage racial et en particulier des interpellations routières fréquentes et répétées sur les populations noires et racisées des quartiers ciblés. Les résultats préliminaires révèlent l’existence d’une utilisation abusive du pouvoir discrétionnaire des policiers et l’utilisation de prétextes et de ruses qui sont des indicateurs clairs de profilage racial. Le profilage porte atteinte à la confiance des personnes en la police et le système de justice, érode leur estime de soi et affecte leur sentiment d’appartenance à la société québécoise. L’existence répandue de stratégies d’adaptation et de résistance par les personnes profilées, qui sont complètement étrangères à la majorité des conducteurs sur les routes du Québec, démontre l’ampleur de la problématique et la profondeur des traumatismes vécus par les personnes et les communautés profilées.
Pause lunch
Les formes de régulation et de pénalisation des problèmes sociaux et des configurations nouvelles qui sont en émergence
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Communication orale
Discrimination, profilage de la folie et tribunaux de santé mentaleGeneviève Nault (Université Laval)
Il existe dans notre société un système profondément ancré de discrimination à l’égard des personnes perçues comme ayant un trouble de santé mentale. Des stéréotypes pernicieux à leur égard imprègnent l’imaginaire collectif, détruisent leur crédibilité et contribuent à la violence symbolique que représentent la disqualification et la stigmatisation dont elles sont victimes. Cette discrimination sous-tend une forme particulière de profilage, le profilage de la folie, et justifie la prise en charge pénale de personnes fragilisées. Cette criminalisation engendre d’importantes conséquences autant au niveau de la santé que de la réintégration dans la communauté et contribue à perpétuer la stigmatisation, la discrimination et l’exclusion. Aujourd’hui, les personnes perçues comme ayant un trouble de santé mentale sont surreprésentées dans le système pénal qui n’est pas outillé pour répondre à leurs besoins. Reconnaissant les conséquences néfastes de la prise en charge pénale, on assiste, depuis la fin du XXe siècle, à la création de tribunaux spécialisés en santé mentale. Bien que plusieurs louent leur efficacité quant à la réduction de la récidive et l’augmentation de l’adhésion au traitement, d’autres remettent en question leur bien-fondé en insistant sur leur caractère paternaliste et leur potentiel coercitif. Cette présentation se penche sur le contexte d’émergence de ces tribunaux spécialisés, leurs spécificités, les débats qui les entourent et les enjeux qu’ils soulèvent.
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Communication orale
La personnalisation de l’expérience judiciaire : le cas des tribunaux de santé mentaleAudrey-Anne Dumais Michaud (Université Laval)
Les personnes ayant des problèmes de santé mentale sont surreprésentées dans le système judiciaire. Différents programmes d’alternative à l’incarcération ont été construits afin de réduire ce phénomène. Ancrés dans la justice thérapeutique, les tribunaux de santé mentale sont un type de ces programmes visant la diminution ou l’abandon des chefs d’accusation chez les personnes présentant un problème de santé mentale accusé d’avoir commis un délit. À l’intérieur de ces programmes, les personnes interpellées devront suivre et s’investir dans un protocole visant à favoriser un arrimage avec les équipes de soins. Cette présentation s’intéresse aux nouvelles pratiques découlant de ces tribunaux en mettant au cœur la notion de proximité. Dans un premier temps, nous démontrons de quelle manière les analyses des audiences visent ainsi à documenter « que signifie vouloir faire différemment et autrement dans ces tribunaux ». Nous mettrons en lumière les effets de ce travail de proximité dans la vie des personnes accusées en mettant au travail la notion de menottes invisibles. Nous terminerons la présentation en discutant des tensions liées à la personnalisation de la justice dans le travail de proximité.
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Communication orale
Quand plusieurs crises convergent : Gestion punitive de l’itinérance et les défis/stratégies des intervenants de première ligneKarl Beaulieu (Université de Montréal), Marianne Quirouette (Université de Montréal), Nicolas Spallanzani-Sarrasin (UdeM - Université de Montréal)
Les personnes en situation d’itinérance (PSI) qui tentent de (sur)vivre dans les espaces publics sont confrontées à des pratiques de profilage, dont une judiciarisation et un contrôle accrus, qui s’étendent dans les espaces de support et de soins. Bien que les intervenant.e.s de première ligne, dans les refuges et dans la rue ont aussi des contacts fréquents avec la sécurité et la police, nous avons encore peu de recherches sur les impacts de la pandémie pour les intervenant.e.s et leurs usager.ère.s. Notre présentation rend compte d’une étude de cas menée à Montréal, fondée sur 43 entrevues semi-structurées portant sur les constats d’infractions liés aux mesures sanitaires, les campements et les agents de sécurité dans les refuges. En s’inspirant de la criminologie des (multiples) crises, ainsi que des études sur la gestion de l’itinérance, nous analysons les défis et les stratégies que les travailleur.euse.s de premières lignes utilisent dans leur quotidien. Notre étude aide à clarifier les conséquences de la gouvernance des espaces publics et de services durant la pandémie pour les intervenant.e.s et leurs usager.ère.s. Elle contribue à une meilleure compréhension de la gestion publique des crises sociales, de la violence légale, du contrôle punitif et de l'exclusion des populations marginalisées, tout en portant une attention particulière à la résilience communautaire des intervenant.e.s de première ligne.