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Informations générales

Événement : 89e Congrès de l'Acfas

Type : Colloque

Section : Section 300 - Lettres, arts et sciences humaines

Description :

L’essor spectaculaire de mouvements de l’actualité (#Meetoo et #Blacklivesmatter, #nativelivesmatter) donne l’élan à la réflexion que nous entendons mener dans le cadre de cette journée de recherche en littérature de l’extrême contemporain. Les événements associés à ces mouvements (dénonciations, reconfigurations des dispositifs de pouvoir) irriguent inévitablement l’écriture dans la mesure où la littérature a pour ambition de maintenir en un seul lieu la tension entre fiction et réel. Qu’arrive à montrer la littérature contemporaine de la vie humaine, que fait-elle voir de particulier? Que racontent les auteurs.trices contemporain.es au sujet de la vie humaine? Comment s’y prennent-ils.elles? Notre question reprend des préoccupations communes à la littérature actuelle (depuis 2010) et à la philosophie. De quoi est faite une vie singulière, dans quels dispositifs du temps s’inscrit-elle? De quels espaces a-t-elle le loisir? Quelles sont les interrogations qui la traversent, quelles politiques nourrissent ses conditions matérielles et intellectuelles? Pour répondre à ces interrogations appartenant à l’ensemble des sciences humaines, la littérature se positionne comme un terreau privilégié d’enquête. Car si la littérature déploie un « contenu » ou une « portée morale », elle le fait surtout sans être déterminée par une connaissance particulière, des arguments à défendre ou des jugements édificatoires à transmettre, ce qui constitue son privilège utile. Ce colloque vise à formuler certains enjeux éthiques liés à la vie humaine dans la littérature actuelle, considérant les bouleversements esthétiques et politiques dont nous sommes les témoins depuis 2010.

Remerciements :

Nous tenons à remercier le Conseil de recherche en sciences humaines (CRSH) pour son soutien dans le développement de ce projet de recherche.

Date :
Responsables :
  • Sarah Rocheville (UdeS - Université de Sherbrooke)
  • Roxanne Breton (UdeS - Université de Sherbrooke)

Programme

Communications orales

Vie humaine et écritures contemporaines 1

Présidence : Anne Caumartin (Collège militaire royal de Saint-Jean)
  • Communication orale
    De l’attention aux formes : la stylistique de l’existence chez Marielle Macé
    Roxanne Breton (UdeS - Université de Sherbrooke)

    Dans la rencontre contemporaine (fusionnelle ?) de la littérature et de l’éthique, la vie ne cesserait de se (trans)former en se stylisant. Elle devient, sous la dénomination désormais consacrée de « formes de vie », un mouvement continu d’individuation au sein duquel se ressaisit –se reconfigure ET se réhabilite– un « monde abîmé » par sa « culture de la déliaison » (Macé, 2011).

    L’esthétisation de l’être, dont l’expérience littéraire est le lieu privilégié et la parfaite métonymie, se double ainsi d’une éthique de l’attention aux formes, qui en recueillent –ramassent ET accueillent– les infinies nuances.

    Telle pourrait se résumer la thèse de Marielle Macé, dont l’œuvre s’écrit avec notre siècle (première publication en 2004), et qui expose par son approche phénoménologique et pragmatiste de la littérature, un ancrage profond et pluriel dans la pensée contemporaine. La « stylistique de l’existence » de Macé prolonge ainsi des racines dans l’anthropologie de Bruno Latour qui donne son élargissement maximal au concept de « style », dans l’éthique du perfectionnisme de Stanley Cavell qui fait de la littérature une pratique immanente du soi et, finalement, dans la postcritique qui invite à suppléer les insuffisances d’une critique hégémonique et « paranoïaque » (Sedgwick, 2007) en lui préférant une « position amoureuse du monde ».

    Il s’agira d’interroger l’idée d’une littérature qui fait de la vie une négociation libre de formes et qui, de même, appelle à leur reconnaissance.

  • Communication orale
    "Britt ne percevait plus que les désirs, c'est-à-dire les ordres".
    Sarah Rocheville (UdeS - Université de Sherbrooke)

    « Elle n’avait pas pleuré, ni en apprenant la nouvelle ni à l’enterrement, ni jamais, comme si ça coulait à l’intérieur d’elle-même, silencieusement, la dérobant progressivement au monde dont elle ne percevait plus que les désirs, c’est-à-dire les ordres. » En suivant le circuit de Britt, personnage d’Hélène Lenoir dans Son nom d’avant (Minuit, p. 66, 2001), j’aimerais comprendre le mouvement qui agite parfois une vie humaine, la faisant passer de la soustraction à l’élargissement, dans la mesure où cette action se soumet progressivement à ce que le monde même « ordonne ». Cette ascendance particulière du dehors - ou de la vie même - sur le vécu travaille l’écriture contemporaine, tenant compte que son ambition n’est pas tant de redonner une cohérence au monde, ni de l’interpréter, mais de le montrer tel qu’il est - ou n’est plus. Or, comment faire voir la vie, c’est-dire-une activité organique, inconsciente d’elle-même, sachant que le vécu singulier disparaît ? Britt, le personnage d’Hélène Lenoir, m’accompagnera dans la lecture de deux romans récents au moment de ma communication : celui d’Emmanuel Carrère, Yoga (2020) et celui de Deborah Levy, The Cost of Living (2018).

  • Communication orale
    Vivre, vieillir, écrire : femmes et papier
    Karine Bellerive (UQAM - Université du Québec à Montréal)

    Vivre, c’est inévitablement vieillir. À notre époque, les conceptions strictement biologiques et chronologiques du vieillissement, propres au discours biomédical hégémonique, ainsi que les stéréotypes qui lui sont associés (déclin, dépendance) et l’assignation normative au bien vieillir (réinvention de soi, dévouement), dominent. Alors que ces perspectives homogénéisantes contraignent l’éventail des possibles, l’écriture littéraire (conçue comme ensemble de pratiques qui débordent le texte) est sans doute un lieu où les enjeux de vieillissement sont pensés autrement. C’est dans cette optique que s’inscrit ma réflexion, procédant d’une recherche par laquelle j’explore un enchevêtrement de vieillissements : ceux de femmes aînées dont les parcours de vie sont liés à la production du papier - et que j’invite à écrire leurs vieillissements; ceux de la région de la Mauricie et de l’industrie papetière qui l’a façonnée; ceux d’un matériau/médium (le papier), de techniques et de pratiques (de fabrication et d’écriture, entre autres). À travers des expérimentations d’écriture, dont je souligne le caractère performatif, et une analyse discursive critique de quelques œuvres littéraires, je m’intéresse à ce que la littérature fait, permet de faire et de penser, tout en reconnaissant qu’elle est informée par des rapports de pouvoir. J’observe les vieillissements qui sont écrits, lesquels impliquent des personnes et, également, d’autres matérialités et immatérialités vieillissantes.

  • Communication orale
    Vivre sans commune mesure : Réflexion sur la littérature et les proportions
    Daniel Laforest (University of Alberta)

    La question la plus brève et apparemment la plus banale que l’on puisse se poser les un.es les autres est : comment vis-tu? Entendons par là la curiosité qui veut savoir des quelles manières les autres, à commencer par nos proches, appréhendent et organisent les éléments fondamentaux de leur vie : la durée, la joie, les désirs, l’angoisse, l’ennui, la souffrance, la perte. Mais il s’agit d’une question impossible. S’adresser à l’autre avec la question comment vis-tu? entraînera forcément une réponse en morceaux, en fragments incompatibles. La durée, la joie, le désir, dans la trame d’une vie, sont chaque fois des aventures incommensurables. Pourquoi? Parce que chaque émotion et expérience fait partie d’un régime temporel distinct, et qu’en cela elle est avant tout une affaire de proportions. Que signifient donc les proportions dans une vie humaine? Elles sont ce qui nous distingue peut-être le plus radicalement les uns des autres. Mais elles sont aussi ce qui peut entraver la mise en ordre de notre propre existence à nos yeux. En effet comment mettre bout à bout des expériences sans commune mesure dans la durée unique de ce qu’on appelle « notre vie »? Ce qui précède est un problème ontologique et social; cela dit la littérature narrative le met en scène et le confronte à sa manière depuis longtemps. Et c’est à travers la littérature contemporaine, en tant qu’elle est la littérature d’une époque elle-même disproportionnée, qu’on suggérera d’y répondre.


Dîner

Dîner


Communications orales

Vie humaine et écritures contemporaines 2

Présidence : Sarah Rocheville (UdeS - Université de Sherbrooke)
  • Communication orale
    S’aimer trop pour parler : enjeux du silence dans "Loin d’eux" de Laurent Mauvignier
    Chanel Pearson (UdeS - Université de Sherbrooke)

    Dans Loin d’eux, de Laurent Mauvignier, les personnages semblent s’aimer trop pour se parler. Marthe écrit à son fils : « à trop s’aimer comme nous on s’aime, on va plus loin que les autres vers les points de rupture » (Mauvignier, 1999 : p. 109). Marthe a la conviction que l’amour familial est inconditionnel, et qu’il entraîne paradoxalement un manque d’attention des uns envers les autres. Selon elle, il faut savoir percevoir dans cette négligence une preuve d’amour. La lettre se poursuit ainsi : « tous les trois on ne sait pas dire les choses comme exactement on les pense, comme en chacun de nous elles se forment […] toutes différentes et pourtant on sait qu’elles sont pareilles » (Ibid.). Bref, Marthe suggère ici que si son mari, son fils et elle-même ont du mal à communiquer, c’est à cause de l’amour qui les unit, mais aussi de leurs expériences qui, bien qu’elles se rejoignent, demeurent cependant incommunicables.

    Dans Expérience et pauvreté (1933), Walter Benjamin étudie la façon dont les soldats qui reviennent du front, riches en expérience, se trouvent toutefois appauvris en expériences communicables. Loin d’eux met en scène cette idée, en la détournant un peu : l’amour y est une expérience au même titre que la mort. Mauvignier concrétise autant qu’il questionne ce que Benjamin étudiait en 1933. Je propose de mener une réflexion qui, en s’appuyant sur la notion d’expérience de Benjamin, répondra à la question : est-ce qu’à s’aimer trop, on ne peut plus se parler ?

  • Communication orale
    « Sous la vieille dame que je suis devenue ». Examen de Francine Noël par elle-même
    Anne Caumartin (Collège militaire royal de Saint-Jean)

    Après deux récits portés par « la voix du sang » –La femme de ma vie (2006) et Le jardin de ton enfance (2012) consacrés respectivement à sa mère et à son petit-fils– Francine Noël présente avec L’usage de mes jours (2020) sa construction du monde. Elle fait la chronique de sa vie à partir de la figure du père, présence fantomatique ou absence criante. Qu’offre cette présence en creux à une vie singulière ? Comment en modèle-t-elle le récit ? Les travaux qui s’intéressent aux récits de vie par la filiation, le care ou la responsabilité politisent la narration en braquant la mémoire vers l’avenir, en soulignant des discours d’impasse. Expériences de deuil infini, lignées problématiques, difficiles appropriations de structures sociales et relationnelles par des sujets marginalisés, qui sont autant de situations qui carburent au désir de s’en sortir, de comprendre l’autre dans l’espoir d’un futur déproblématisé.

    La communication explorera l’usage –l’utilité– d’un regard porté sur une vie qui aperçoit sa fin. Au-delà de la nostalgie, de la peine ou du ressentiment exprimés par l’écrivain.e, refaire le parcours d’une vie permet-il d’exposer le souci de l’autre ? En suivant la construction narrative de L’usage de mes jours de Francine Noël, il sera possible de voir comment se développe une esthétique de la sollicitude, et ultimement, comment cette notion essentielle à la pensée du care est liée à une préoccupation du temps qui n’est pas nécessairement une perspective d’avenir.