Informations générales
Événement : 89e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 300 - Lettres, arts et sciences humaines
Description :La question de l’existence des Métis de l’Est du Canada soulève plusieurs débats à la fois dans les médias, les universités et sur les réseaux sociaux. Pourtant, les preuves ethno-historiques récemment mises à jour sur ce sujet sont encore largement méconnues. Les débats se polarisent plutôt autour d’enjeux identitaires et idéologiques, tout spécialement depuis l’émergence d’un néo-nationalisme métis véhiculé par le Métis National Council. Les partisans de cette idéologie politique postulent que les Métis de l’Est n’existent pas. On accuse ceux-ci d’opportunisme, de race shifting, d’ignorance, voire de n’avoir jamais vécu de réalités culturelles ou historiques suffisamment significatives pour appuyer leurs revendications identitaires, juridiques ou politiques comme étant véritablement un peuple métis ou autochtone.
Souhaitant jeter un éclairage plus informé sur le sujet, les professeurs S. Malette, S. Pulla et M. Bouchard ont codirigé et publié un recueil de contributions en 2021 à lequel ont participé treize auteur.e.s sous le titre de Eastern Métis. Chronicling and Reclaiming a Denied Past (Lexington, 2021). L’ouvrage propose une lecture critique des positions négationnistes à l’endroit des Métis de l’Est du Canada en offrant notamment des preuves archivistiques et documentaires inédites au sujet de ces populations métisses toujours en quête de reconnaissance. Publiées en pleine pandémie de COVID-19, les différentes contributions contenues dans cet ouvrage demeurent cependant peu connues du grand public, tout spécialement francophone. Pour les mêmes raisons, elles ont été peu discutées au sein de la communauté scientifique. L’objectif de ce colloque est de réunir les auteur.e.s de ce livre et les chercheur.e.s émergent.e.s qui s’intéressent à la contribution des Métis de l’Est afin de dresser la liste des défis qu’ils et elles rencontrent actuellement dans ce champ de recherche.
Remerciements :Les organisateurs de ce colloque remercient chaleureusement le Chef héréditaire Stephen Augustine de la nation Mi'kmaq pour ses prières et son mot d'ouverture.
Les organisateurs remercient également le Conseil de recherches en sciences humaines.
Date :Programme
Mot de bienvenue
Mot de bienvenue et presentation des participants.
Session avant midi
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Communication orale
Prières et encouragements par le Chef Héréditaire Mi'kmaq Stephen AugustineStephen Augustine (Cape Breton University)
Prières et encouragements d'ouverture par le Chef Héréditaire Mi'kmaq Stephen Augustine (en langue mi'kmaq, français, et anglais).
15 minutes.
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Communication orale
La judiciarisation de l’identité métisse, un processus aux conséquences risquéesDenis Gagnon (Université de Saint-Boniface)
Cette présentation examinera des preuves juridiques et politiques qui remettent en question l'affirmation selon laquelle les Métis de la rivière Rouge sont les seuls Métis au Canada. Je soutiens que l'identité métisse n'est pas une réalité naturelle émanant de l'existence d'une « nation métisse » à la rivière Rouge en 1870. La définition de l'identité métisse défendue par le Metis National Council est le résultat d'une fusion intentionnelle, à un niveau ontologique, des concepts de nation, de peuple, d'ethnie et de communauté. Ce faisant, le terme distinct « nation métisse » et le terme générique « Métis » deviennent des synonymes au niveau identitaire, avec comme résultat que l’existence de Métis et de communautés métisses à l'extérieur du Homeland métis est alors considérée comme un vol d’identité. Je ne suggère pas que tous les 587 545 « Métis » auto-identifiés lors du Recensement de 2016 sont potentiellement titulaires de droits ancestraux au sens de l’arrêt Powley. Mon objectif est de comprendre et d’illustrer les contingences historiques, la détermination, l'agencéité de pouvoir, et l’agencéité de projet sous-jacentes à la construction complexe de l'identité métisse au Canada. L’étude des réponses politiques et judiciaires au cours de l’histoire montre que le processus de judiciarisation de cette identité accorde une reconnaissance de façon sélective, limitant les droits accordés à des communautés autochtones en vertu de la Constitution.
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Communication orale
Une ethnogenèse métisse dans les Pays d’en Haut: Penetanguishene et la baie GéorgienneMichel Bouchard (University of Northern British Columbia)
L'une des premières communautés métisses historiques émergea dans les Grands Lacs, pendant la première moitié du XVIIIe siècle. Avec la guerre d'Indépendance américaine et le tracé des frontières, un groupe de familles métisses a été relocalisé des États-Unis après la guerre de 1812. À partir de 1828, certaines de ces familles ont été relocalisées de l'île Drummond, un territoire qui a été transféré aux États-Unis (et qui est maintenant situé au Michigan), puis dans la baie Georgienne, au centre de ce qui est maintenant Penetanguishene. Cette présentation examinera l'histoire de l'émergence et du maintien d'une identité métisse dans cette région. J'y proposerai que les Métis de la baie Georgienne forment une communauté métisse légitime, elle-même issue d'une communauté historique ayant des liens avec la communauté métisse de Sault Ste. Marie, les communautés de la région du Grand Détroit aux États-Unis, ainsi que des endroits plus éloignés. Nous examinerons en outre les pétitions et les efforts des Métis de cette région pour faire reconnaître leurs droits et leurs préoccupations par les gouvernements coloniaux successifs. Les preuves ethnohistoriques seront finalement comparées à celles d'autres régions du Canada pour démontrer comment cette communauté locale est liée à une ethnogenèse métisse plus large, rhizomatique et continentale.
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Communication orale
Les Métis de Mattawa: prisonniers des frontières coloniales?Siomonn Pulla (Royal Roads University)
Cette présentation se penchera sur le cas d’un pêcheur métis qui est membre de la communauté métisse historique de Mattawa, une petite ville de l'Ontario située dans la vallée de la rivière des Outaouais, à la « frontière » de l'ouest du Québec. Ayant traversé la rivière des Outaouais pour exercer ses droits ancestraux, ce pêcheur est maintenant devant les tribunaux québécois. Même si, en 2017, la Nation métisse de l'Ontario (MNO) et la province de l'Ontario ont reconnu cette communauté de Mattawa comme une communauté métisse historique, garante de droits constitutionnels, il faut en effet savoir que la province de Québec ne reconnait pas de droit aux Métis sur son territoire. Cette affaire juridique invite une série de questions intéressantes concernant l'histoire et l'existence d'une communauté métisse qui s’élargirait possiblement à la grande région de l'Outaouais. Cette présentation explorera l’histoire des Métis de Mattawa qui ont récolté, travaillé et vécu sur un territoire désormais divisé par des régimes politiques et juridiques provinciaux, rendant difficile et périlleuse la poursuite de leurs pratiques ancestrales.
Session après-midi
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Communication orale
Géographie de l’ombre : éclairages sur la communauté historique métisse dans le Domaine du roiÉtienne Rivard (Université de Saint-Boniface)
Le chapitre que je signe dans l’ouvrage collectif Eastern Métis concerne l’existence d’une communauté historique métisse dans le Domaine du roi, région qui correspond grosso modo aux régions actuelles du Saguenay–Lac-Saint-Jean et de la Côte-Nord. Il est le fruit d’une expertise développée entre 2015 et 2019 et qui a constitué un élément de la demande d’appel à la Cour suprême du Canada dans la cause Corneau (la première concernant les droits autochtones métis au Québec). L’objectif de l’étude était de démontrer l’expression d’une volonté communautaire par l’analyse du comportement spatial et résidentiel de ménages d’ascendance mixte (autochtone et allochtone). Pour ce faire, j’ai procédé au jumelage des données généalogiques (données de l’état civil) déposées au procès et les données nominatives du recensement canadien de 1851. L’étude démontre que les ménages d’ascendance mixte affichent un degré élevé de ségrégation spatiale et que celle-ci n’est pas due au hasard. Ce résultat laisse sous-entendre le caractère collectif et volontaire du comportement résidentiel et spatial de ces ménages, ainsi que l’existence d’un sentiment communautaire (identitaire) distinct. Notre démarche méthodologique et analytique repose donc sur la preuve indirecte, laquelle peut s’avérer précieuse pour examiner de possibles faits identitaires mal documentés par ailleurs.
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Communication orale
Les langues des Métis au CanadaRobert Papen (UQAM - Université du Québec à Montréal)
On a beaucoup écrit sur les langues parlées par les diverses communautés métisses du Canada et, malheureusement, une grande partie de ces écrits sont tout simplement erronés, fondés sur des opinions scientifiquement non fondées, mais souvent politiques, qui ont semé la confusion tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des communautés métisses elles-mêmes. Cette présentation traitera des langues et des variétés linguistiques qui ont été ou sont encore utilisées par les divers groupes de Métis ; par exemple, les nombreuses variétés locales de français parlées par les Métis (le français métis des Prairies, le français métis du Grand lac des Esclaves, le français vernaculaire franco-ontarien, le français des rats musqués de l'Ontario et du Michigan, le français magoua du Québec, le français brayon du Nouveau-Brunswick, l'akadjonne de la Nouvelle-Écosse, etc. ), la variété métisse de l'anglais anciennement parlée au Manitoba (Bungee) et la fascinante langue hybride franco-crie connue sous le nom de Michif. Pour chaque cas, je décrirai brièvement les caractéristiques linguistiques de la variété. Ensuite, je discuterai des nombreux mythes qui existent au sujet des langues métisses, comme l'existence imaginaire de diverses langues métisses hybrides impliquant des langues européennes et indigènes. Enfin, je montrerai comment un certain nombre d'organisations métisses ont utilisé les questions relatives à la langue métisse pour faire avancer leur programme politique et social.
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Communication orale
Discerner la présence des Métis acadiensSeán O'connell (Native Canadian Centre of Toronto)
Vus de l'extérieur, les Acadiens et les Métis acadiens sont souvent confondus. La plupart du temps, ils occupent les mêmes espaces géographiques, parlent la ou les mêmes langues et ont des cultures qui se chevauchent. Pourtant, il est possible que des identités distinctives soient maintenues même à proximité géographique. Cette présentation examinera comment les Métis acadiens vivaient assez souvent en marge géographique et sociale, marginaux à la fois de la société acadienne « pure » et de la société anglo-canadienne en général. Ils occupaient non seulement la périphérie sociale, mais étaient également situés en marge des communautés physiques, maintenant une existence distincte alors même qu'ils bordaient leurs voisins acadiens dans les Maritimes.
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Communication orale
Le négationnisme des Métis de l'Est dans les universités canadiennes: le cas de Maxime CormierJo-Anne Lawless (Université Carleton)
Cette présentation se penche sur le cas d'un jeune musicien métis acadien, Maxime Cormier, et de ses liens avec une communauté métisse diasporique qui n'a pas encore été officiellement reconnue par le gouvernement provincial de la Nouvelle-Écosse. Nominé par la ECMA en 2018 comme un jeune musicien de la relève autochtone, Maxime Cormier s'est vu retirer sa nomination lorsque son identité autochtone fut remise en question sur les réseaux sociaux, notamment par des Académiciens et activistes qui rejettent en bloc l'existence des Métis des provinces de l'est du Canada. Lorsque nous considérons la reconnaissance des peuples métis dans l'Est du Canada, deux questions se posent dès lors aux chercheurs. La première est de savoir ce que signifie "autochtone" dans le domaine du droit, la seconde, plus large, nous invite à mieux comprendre la portée du concept d’autochtonéité—y compris dans un contexte de violence latérale et de résurgence identitaire Suivant un examen comparatif des critères les plus utilisés pour définir l'autochtonéité, l'objectif de cette présentation est de démontrer que Maxime Cormier se qualifie bel et bien comme une personne autochtone en lien avec une culture qui s’enracine dans une histoire concrète : celle des Métis acadiens.
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Communication orale
Le soldat Patrick Riel: un aperçu des Métis dans l'ouest du QuébecSebastien Malette (Carleton University), Guillaume Marcotte (Historien indépendant)
Cette présentation explore l'identité du soldat Patrick Riel, héros de la Grande Guerre ou Première Guerre mondiale. Dans plusieurs sources d'archives, le soldat Riel est présenté comme un parent du leader métis Louis Riel. Nous discuterons de l'importance de la parenté symbolique dans la formation historique de l'identité métisse dans l'ouest du Québec, ainsi que de son importance dans les récits ethno-nationaux combinant de manière originale des éléments culturels autochtones et européens. Le cas de Patrick Riel problématise également la thèse selon laquelle une identité métisse naissante a été simplement assimilée, les Métis en l'espace de quelques générations en venant à s'identifier uniquement comme Canadiens français ou Algonquins dans la région de l'Outaouais, de sorte qu'une communauté métisse distinctive, même si elle existait, s'est rapidement éteinte à la fin de l'ère du commerce des fourrures. Le cas du soldat Riel apporte une crédibilité archivistique à l'histoire orale de la région selon laquelle il existait une identité collective métisse qui a vu le jour au 19e siècle et qui a persisté jusqu'à la Première Guerre mondiale et jusqu'à aujourd'hui. Nous établirons en outre certaines comparaisons avec nos derniers travaux sur Marie-Louise Riel, et les Métis historiques du lac Témiscamingue.