Les enfants ayant des problèmes de comportement (PC) dès le primaire sont près de 20 fois plus à risque de présenter des problèmes de santé mentale en cooccurrence que les enfants de la population générale (Barker et al., 2010; Bird et al., 2006). Ce risque serait encore plus élevé pour les filles, du moins pour la cooccurrence avec les problèmes intériorisés (Polier et al., 2012; Stringaris et al., 2013). Par rapport aux enfants qui ont uniquement des PC, ceux qui ont des problèmes en cooccurrence risquent de développer des difficultés plus sévères (Kessler et al., 2005; Pardini et al. 2012) et de vivre des conséquences encore plus négatives (Essex et al., 2009; Stone et al., 2016). Il est donc important de s’attarder aux mécanismes explicatifs du développement de la cooccurrence des PC et des autres problèmes de santé mentale pour définir des cibles d’action, intervenir tôt et prévenir l’émergence des autres problèmes de santé mentale.
Les études récentes suggèrent que la cooccurrence s’expliquerait par une vulnérabilité générale à la psychopathologie (Lahey et al., 2012; Caspi et Moffitt, 2018). Cela impliquerait que la cooccurrence des PC et des autres problèmes de santé mentale ne s’expliquerait pas par un lien direct entre les problèmes, mais par des facteurs partagés qui prédisposeraient l’enfant à plus d’un type de problèmes. Ce modèle est soutenu empiriquement par des échantillons d’enfants, d’adolescents et d’adultes (p. ex., Alfzali et al., 2018; Lahey et al., 2012; Hankin et al., 2017), mais son utilité pour identifier les facteurs qui expliquent les différences de sexe et de genre reste à démontrer. Les études prospectives menées plus largement sur cette question ont le plus souvent porté sur des garçons ou n’ont pas examiné les différences de sexe ou de genre en raison du nombre insuffisant de filles ayant un niveau élevé de PC dès l’enfance dans l’échantillon (p. ex., Lahey et al., 2005; 2018; Le Corff et Toupin, 2014). Bien que près de trois fois plus de garçons que de filles aient ce type de PC (Erskine et al., 2013; Kovess-Masfety et al., 2016; Petresco et al., 2014), la situation peut être encore plus préoccupante pour les filles : elles sont exposées à des niveaux de risque plus élevés que les garçons (Déry et al., 2013; Fossum et al., 2007) et leurs PC peuvent être plus persistants pendant l’enfance (Brennan et Shaw, 2013; Déry et al., 2017).
Comprendre les vulnérabilités et les facteurs qui influencent différemment le risque de présenter des problèmes de santé mentale en cooccurrence, de manière séquentielle ou concomitante chez les garçons et les filles ayant des PC à l’enfance, de même que leurs séquences développementales et leur impact sur l’adaptation ultérieure, est important pour intervenir en amont et cerner les moments où intensifier les interventions.