Informations générales
Événement : 88e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 400 - Sciences sociales
Description :Dans la francophonie, le désistement du crime (parfois appelé « désistance ») est un objet d’étude relativement nouveau. Il connaît cependant un essor important dans les milieux scientifiques anglo-saxons depuis une trentaine d’années. Les études phares sur le désistement ont d’abord cherché à comprendre comment des personnes ayant commis de nombreux délits et n’ayant pas participé à des interventions dites correctionnelles sont parvenues, non seulement à abandonner leur carrière criminelle, mais aussi à se définir comme « ex » contrevenantes (Maruna, Immarigeon et LeBel, 2004). Ces études, pour la plupart réalisées au Royaume-Uni ou aux États-Unis, ont permis d’identifier les facteurs individuels (p. ex., maturation psychosociale, changement identitaire, agentivité, transformations cognitives) et structurels (p. ex., mariage, emploi) qui peuvent déclencher ou faciliter ce processus de changement (voir Bersani et Doherty, 2018; Graham et McNeill, 2017). Sortir de la délinquance requiert des changements comportementaux, cognitifs, identitaires et sociaux. Il s’agit d’un processus long et complexe, caractérisé par l’ambivalence et l’incertitude, en plus d’être parsemé d’obstacles structurels (Healy, 2012). Or, des études ont mis en évidence l’importance du soutien social formel et informel à travers ce processus (F.-Dufour, Villeneuve et Perron, 2018). Il apparaît désormais essentiel de mieux comprendre comment les politiques et les pratiques déployées au sein du système de justice pénale peuvent contribuer à déclencher, à soutenir ou à freiner le processus de désistement (Villeneuve, F.-Dufour et Farrall, 2020). Ces connaissances sont essentielles pour s’assurer que les politiques et les pratiques destinées aux justiciables soient ancrées dans des principes humains, moraux et éthiques respectant les plus hauts standards de pratique.
Ce colloque scientifique permettra de réunir, pour l’une des rares fois, des chercheurs francophones de différents horizons disciplinaires afin d’échanger des connaissances sur le désistement du crime, plus spécifiquement sur les différentes sources de soutien formel (politiques sociopénales, pratiques d’intervention) et informel (famille, pairs, conjoint.e) qui sont favorables au processus de sortie de la délinquance d’adolescents et d’adultes ayant commis divers types de délits, présentant des profils particuliers (problèmes de santé mentale, dépendance, itinérance) et exposés à diverses conséquences (peine communautaire, casier judiciaire, privation de liberté). Ce colloque permettra à des étudiants et à des chercheurs émergents et établis s’intéressant à l’intégration sociale et communautaire des personnes contrevenantes de communiquer leurs connaissances et de proposer des pistes concrètes pour soutenir le développement de politiques, de programmes et de pratiques centrés sur les besoins des personnes contrevenantes afin de les accompagner dans l’élaboration et l’actualisation d’un projet de vie porteur de sens.
Date :Format : Uniquement en ligne
Responsable :Programme
Le désistement assisté (Partie 1)
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Communication orale
Trajectoires d’usage-revente au féminin. Une analyse sociologique des relations entre des policiers et des femmes usagères-revendeuses intégrées socialement à Bordeaux (France).Sarah Perrin (Université de Bordeaux)
Les femmes représentent 7% des interpelés pour Infraction à la Législation sur les Stupéfiants en France, alors qu’elles constituent une part importante des consommateurs de drogues. Cette communication propose d’analyser les relations entre des jeunes femmes consommatrices et vendeuses de drogues intégrées socialement et des policiers, à Bordeaux. Les résultats reposent sur 26 entrevues réalisées avec des femmes usagères et vendeuses de drogues en logement, en emploi ou en études, et sur 10 entrevues avec des policiers. Les femmes rencontrées revendent des drogues pour limiter l’impact économique de leurs usages, et car elles en retirent des bénéfices symboliques et sociaux au sein de leurs groupes de pairs. Aucune des participantes n’a jamais été arrêtée par la police pour une affaire liée aux drogues, et elles mettent en place des performances de genre pour limiter le risque d’être contrôlées. Les policiers rencontrés expliquent l’absence des femmes dans ces affaires par des stéréotypes de genre. Si les participantes arrêtent de vendre des drogues, ce n’est du fait de la répression policière, mais pour trois raisons principales : elles diminuent leurs usages ; elles trouvent une profession plus lucrative ; elles sont témoins d’actes de violences liés au trafic et décident de s’en éloigner. Le faible impact de la police sur les activités de vente des participantes pousse à s’interroger sur l’aspect potentiellement discriminatoire des profilages des contrôles policiers.
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Communication orale
Désistement de la délinquance et services en dépendance à partir du point de vue des personnes judiciariséesNatacha Brunelle (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières), Marie Drolet-Noël (Université du Québec à Trois-Rivières), Nadia L'Espérance (CIUSSS de la Mauricie et du Centre-du-Québec), Sabrina Lapointe (Université Laval), Julie-Soleil Meeson (Université de Montréal)
Consommation de drogues et délinquance sont souvent inter reliées dans les trajectoires des personnes judiciarisées. Plusieurs de ces personnes ont d’ailleurs recours à des services en dépendance à un ou des moments de leurs parcours. En quoi les services en dépendance peuvent-ils contribuer au désistement de la délinquance? En quoi les intervenants en dépendance font-ils un travail de désistement assisté? La littérature apporte quelques réponses à ces questions. Les résultats préliminaires de notre étude portant sur le désistement de la délinquance et la (ré)intégration sociocommunautaire du point de vue des personnes judiciarisées de 16 à 35 ans permettent aussi d’apporter un certain éclairage sur ces questions. Un entretien qualitatif semi-dirigé a été conduit en 2019-2020 avec 146 participants de trois régions québécoises. Ils avaient tous été en contact avec le système judiciaire ou correctionnel au cours des deux années précédentes, suite à un délit qu’ils avaient commis. Une partie des résultats préliminaires obtenus à partir de l’analyse thématique du contenu des 47 premiers entretiens sera présentée. Il sera plus particulièrement question de leurs expériences avec les services en dépendance. Ces résultats peuvent apporter des pistes d’intervention et de mobilisation professionnelle tant pour les intervenants en dépendance que ceux du secteur judiciaire ou correctionnel.
Le désistement assisté (Partie 2)
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Communication orale
Le désistement assisté des personnes âgées judiciarisées : comment mieux pallier les lacunes du système judiciaireValérie Aubut (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières), Mathieu Goyette (Université de Sherbrooke), Chantal Plourde (Université du Québec à Trois-Rivières)
La proportion de détenus âgés dans les établissements carcéraux ne cesse d’augmenter. Les détenus atteignent le statut de « personne âgée » dès l’âge de 50 ans, notamment en raison de conditions de détention difficiles, la consommation de substances psychoactives, etc. Le processus de désistement peut s’avérer complexe pour ceux-ci, en particulier en contexte de COVID-19. Ajoutées aux lacunes identifiées dans la littérature quant à la sortie des détenus âgés, les stratégies mises en place pour freiner la pandémie, comme la libération anticipée ou l’isolement cellulaire, peuvent avoir des conséquences sur leur transition en société. Le désistement assisté sous toutes ses formes occupe donc une place importante dans leur processus de transition. L’objectif de cette présentation est de mieux comprendre le désistement assisté selon la perspective de personnes âgées judiciarisées. Des entrevues semi-dirigées en profondeur sont en cours de réalisation auprès de personnes âgées de 50 ans et plus de retour en société depuis au moins deux mois à la suite d’une peine d’incarcération fédérale. Ces entrevues font l’objet d’une analyse thématique. Afin d’apporter une compréhension en profondeur du désistement assisté, nous proposons de faire état des résultats préliminaires à partir de deux entrevues. Les représentations de David et Colette mettent en lumière les différentes formes du désistement assisté, mais aussi des éléments qui facilitent et entravent ce soutien leur étant destiné.
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Communication orale
Comment le réseau social peut faciliter la (ré)intégration sociocommunautaire des Québécois.es judicriarisés.es âgés.es de 16 à 35 ans ayant vécu une situation d’itinérance ?Natacha Brunelle (Université du Québec à Trois-Rivières), Isabelle F.-Dufour (Université Laval), Philippe Mercier (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)
Plusieurs études ont documenté la relation entre la judiciarisation et l’itinérance. Les deux expériences tendent à s’alimenter entre elles. Lors de la phase de (ré)intégration sociocommunautaire que pourrait vivre une personne judiciarisée, certaines conditions diminuent les risques de récidive et de (re)vivre une situation d’itinérance. Parmi celles-ci, les études existantes ont soulevé l’importance du réseau social (famille, amis et les professionnels) dans le processus pouvant permettre, entre autres, de développer un sentiment d’appartenance à la communauté et faciliter l’accès à l’emploi et à l’hébergement. Au Québec, le rôle du réseau social des personnes ayant vécu une situation d’itinérance comme facteur influençant la (ré)intégration sociocommunautaire a été rarement étudié. Cette étude cherche à pallier cette lacune en explorant le point de vue des personnes judiciarisées ayant vécu une période d’itinérance sur comment leur réseau social a facilité, ou non, leur trajectoire de (ré)intégration et favorisé, ou non, un hébergement fixe. Des entretiens qualitatifs semi-structurés ont été faits auprès des 15 participants judiciarisés ayant vécu une situation d’itinérance sélectionnés pour ce mémoire. Les résultats des analyses thématiques pourront notamment permettre de proposer des stratégies d’intervention ou une offre de service différente s’adressant aux contrevenants.es ayant vécu une période d’itinérance dans leur processus de (ré)intégration sociocommunautaire.
Le désistement assisté (Partie 3)
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Communication orale
Transcendance et désistementBrenda Aucoin (Université Laval), Isabelle F.-Dufour (Université Laval), Marie-Christine Fortin (Université Laval), Julie Marcotte (Université du Québec à Trois-Rivières)
Le projet « Transcendance : un lab VIEvant » porte sur 91 jeunes adultes ayant vécu divers problèmes. Ils ont raconté leurs récits sous forme narrative, à l’aide de l’entrevue de l'histoire de vie (The Life Story Interview) de McAdams (1993, 2012). L’entrevue comprend une introduction, un événement positif significatif et un événement négatif significatif, un point tournant ainsi que la visualisation d'un chapitre sur son futur. Elle est basée sur la théorie de l'identité narrative, selon laquelle les individus donnent un sens à leur trajectoire de vie en racontant leurs expériences comme une histoire (Adler et al., 2015; McAdams et McLean, 2013). La relation entre l'identité narrative et le désistement du crime a déjà fait l'objet d'une étude phare aux États-Unis (Maruna, 2001), qui montre un lien étroit entre le récit de condamnation et la persistance de la délinquance et entre le récit de rédemption et le désistement. Personne n'a tenté, à notre connaissance, de comprendre comment ce récit narratif se transforme au cours du processus de désistement. Le but de la présentation est d’illustrer comment les 30 participants du projet Transcendance qui avaient commis (ou commettaient) des crimes représentent leur trajectoire de vie : événements, parties prenantes, acteurs et institutions qui ont contribué (ou non) à l'abandon (ou au maintien) du comportement criminel ainsi que la façon dont ils se représentent leur avenir.
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Communication orale
L'expérience du passage à la vie adulte de jeunes Québécois judiciarisés âgés de 16 à 25 ansNatacha Brunelle (Université du Québec à Trois-Rivières), Roxanne Couture-Dubé (Université Laval), Isabelle F.-Dufour (Université Laval)
Bien que la transition vers la vie adulte soit une période charnière, où la plupart des jeunes cessent de commettre des délits, la « carrière criminelle » de 30% à 40% des adolescents judiciarisés se poursuit à l’âge adulte (Lussier et al., 2015; Piquero et al., 2012). Ces jeunes présentent souvent des problématiques concomitantes (ex. pauvreté, problèmes de consommation, troubles de santé mentale) et vivent des obstacles d’intégration sociale et communautaire liés notamment à l’instabilité résidentielle, l’abandon prématuré des études, au chômage, à l’absence de soutien social et aux stigmates associés à la judiciarisation (Barry, 2010; Osgood et al., 2010). En plus de contribuer à la complexification de la transition à la vie adulte, ces diverses problématiques psychosociales semblent également inhiber le désistement du crime (Barry, 2010). En s’appuyant sur le cadre théorique des parcours de vie, cette étude vise à mieux comprendre l’expérience de passage à la vie adulte de Québécois judiciarisés âgés de 16 à 25 ans qui tentent de se désister du crime. Les objectifs poursuivis sont de décrire les transitions significatives qui marquent le parcours de vie de jeunes Québécois judiciarisés; d’explorer les facteurs agentiels, relationnels et structurels ainsi que les mécanismes qui favorisent (ou contrecarrent) la « réussite » du PVA et d’analyser comment le passage à la vie adulte et le processus de désistement du crime se chevauchent, se complètent ou se contrecarrent.
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Communication orale
Surveiller pour contrôler ou surveiller pour soutenir? Le désistement de la délinquance d'adolescents suivis dans la communautéIsabelle F.-Dufour (Université Laval), Marie-Pierre Villeneuve (UdeS - Université de Sherbrooke)
L’intervention avec les adolescents dont la délinquance est qualifiée de grave ou persistante (ADGP) présente d’importants défis pour les acteurs du système de justice pénale. Les recherches inscrites dans une perspective de gestion du risque montrent que les modalités de surveillance et d’encadrement des peines prolongent les contacts avec les acteurs du système de justice pénale et, ainsi, peuvent inhiber les efforts de changement. Or, ces recherches relèguent au second plan les changements qui surviennent dans les autres sphères de la vie des adolescents. La perspective du désistement du crime s’intéresse plutôt aux processus de changements individuels et sociaux qui sous-tendent le passage de l’agir délictuel à la conformité, dans une visée de (ré)intégration sociale. Cette recherche qualitative analyse les dossiers de suivi de 26 ADGP soumis à une peine alternative, l’ordonnance différée de placement sous garde et de surveillance (ODP), afin d’identifier les éléments individuels, relationnels et structurels qui sont favorables ou qui font obstacle à la transition vers le désistement du crime. Cette recherche s’intéresse spécifiquement à l’ODP en raison de ses effets mitigés sur la récidive et la réinsertion sociale. L’analyse des dossiers de suivi met en évidence les éléments favorables aux changements comportementaux, cognitifs, identitaires et relationnels qui surviennent durant cette transition.