Informations générales
Événement : 88e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 400 - Sciences sociales
Description :Au-delà de la disparition annoncée de manière récurrente des classes sociales, que faire aujourd’hui de ce concept fondamental en sciences sociales, aujourd’hui très peu utilisé ici comme ailleurs (Hugrée, Penissat et Spire, 2017)? Bien que le concept ne soit pas complètement disparu, nous avons l’impression que son usage sert davantage à délimiter un champ d’analyse (les classes populaires, par exemple), regroupant bien quelques indicateurs communs (revenu, scolarité, etc.), qu’à expliquer la vie en société. D’où la difficulté toujours présente d’articuler pour ainsi dire la raison statistique du sociologue à celle des enquêté.e.s. Est-ce en raison d’une conscience de classe absente que les classes sociales n’existeraient pas? Ou s’agirait-il d’une difficulté bien réelle des sociologues à analyser le classement effectué par les individus en société? Si la définition même de ce que seraient les classes sociales demeure problématique, les individus continuent pourtant à classer ou à catégoriser leur expérience sociale. Est-il par conséquent possible que ce soit la définition théorique usuelle des classes sociales, souvent réduite à des « conditions socio-économiques », qui ne permette plus de rendre compte de l’existence de classes sociales? Le colloque sera l’occasion de réfléchir à cette difficulté actuelle de penser les classes sociales, et ce, de différentes manières : 1) genèse de l’usage du concept de classes sociales en sciences sociales; 2) tentatives actuelles de réactualisation ou de redéfinition; 3) réflexions sur son usage dans les enquêtes sociologiques et anthropologiques en méthodologie tant quantitative que qualitative; et 4) façon de penser l’articulation de la diversité des rapports sociaux (de classes, de genre et d’ethnie ou de race, de nation, etc.). Est-ce que le concept de classes sociales peut encore contribuer à expliquer les mobilisations citoyennes actuelles à travers le monde?
Dates :Format : Uniquement en ligne
Responsables :- Frédéric Parent (UQAM - Université du Québec à Montréal)
- Paul Sabourin (UdeM - Université de Montréal)
Programme
Classes sociales et quartiers montréalais
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Communication orale
Les classes sociales au prisme de la gentrification, l’exemple d’Hochelaga-MaisonneuveClaire Alvarez (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Dans la littérature sociologique, le processus de gentrification renvoie à l’arrivée d’une population dans un quartier dont le « capital économique, culturel et social est plus élevé que la population locale » (Tissot, 2012). Au regard de cette définition, l’espace d’un quartier en voie de gentrification semble un terrain propice pour penser les classes sociales et leurs relations. Au sein d’un même espace géographique différentes classes sociales cohabitent, sans nécessairement entrer en relation entre elles. Autrement dit, chaque groupe social (re)crée des espaces sociaux qui sont différenciés à travers les relations (amicales, conjugales, familiales, loisirs, etc.) qu’il noue à l’intérieur de l’espace du quartier. Cette différenciation des espaces sociaux peut se voir à travers l’usage des mots qui renvoient à des traces des différentes relations sociales. Ces différentes relations sociales sont au cœur d’une articulation entre un espace-temps-symbolique différenciée selon la place occupée dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve. À partir d’une enquête ethnographique, il s’agira de mettre en lumière la classification différenciée faite par les habitant.e.s du quartier et comment il.elle.s classent et se représentent l’autre.
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Communication orale
Les classes sociales et les rapports de consommation : une analyse de l’accès au logement à Parc-ExtensionEmanuel Guay (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Cette communication vise à tracer les contours d’une analyse des classes sociales axée sur les rapports de consommation plutôt que sur les rapports de production, en se concentrant sur le cas du marché résidentiel. À partir de mon projet doctoral, qui consiste en une ethnographie collaborative avec deux organisations dédiées à l’accès au logement pour les ménages à faible revenu dans Parc-Extension, je proposerai une étude de deux dimensions des rapports de classe, soit l’exploitation et la transformation. Ces dimensions seront prises en compte à partir des rapports entre les locataires et les propriétaires dans les quartiers défavorisés (Desmond & Wilmers 2019), puis à partir des usages de l’équité sur les immeubles à des fins sociales (Lund 2013). Ma communication souhaite contribuer à une relecture des classes sociales, tout en croisant ce concept avec différentes réalités observées à Parc-Extension, incluant la crainte d’une éviction et les difficultés liées à un réseau social limité, une connaissance souvent minimale des lois relatives au logement, une maîtrise parfois limitée du français et de l’anglais, une situation d’emploi instable ou un statut d’immigration précaire.
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Communication orale
Réflexions préliminaires sur la connaissance plurielle composite de l’économie dans un quartier populaire montréalaisLouis Rivet-Préfontaine (UdeM - Université de Montréal)
À partir d’une amorce d’enquête ethnographique de l’économie alimentaire du quartier Pointe Saint-Charles à Montréal, historiquement reconnu comme quartier populaire, je souhaite alimenter les réflexions quant à la définition du terme de « classe populaire », spécifiquement dans sa dimension d’ancrage dans une localité donnée. Pour ce faire, je tenterai d’appréhender cet ancrage à l’aune d’un cadre théorique de sociologie de la connaissance de l’économie. Je dessinerai dans un premier temps une esquisse de l’économie alimentaire dont j’ai pu prendre connaissance jusqu’à maintenant. Il sera alors possible d’envisager l’existence d’une diversité de connaissances de l’économie qu’on peut y retrouver. Cette diversité est constitutive des relations socioéconomiques développées dans le secteur alimentaire du quartier et de ses environs mais découle aussi du fait de la réunion d’individus aux trajectoires de vie – et donc aux connaissances et expériences socioéconomiques – éclatées. Cet exposé sera en ce sens également l’occasion d’entrevoir la nature plurielle de l’économie alimentaire du quartier à travers les espaces-temps sociaux qui la composent. L’ancrage de groupes sociaux dans une localité peut-il apporter une contribution à la notion de classe sociale populaire si un tel ancrage est, dans un cas contemporain comme celui de la Pointe, l’expression de connaissances et de relations socioéconomiques renvoyant à des localisations sociales débordant largement cette localité?
Dîner
Classes sociales et enquêtes
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Communication orale
L’évolution du concept de classes sociales et de son articulation dans la recherche sur la mobilité sociale : renouvellement ou dépassement des approches traditionnellesXavier St-Denis (INRS - Institut national de la recherche scientifique)
Les avancées en recherche quantitative et qualitative sur la mobilité sociale ont donné lieu à un foisonnement empirique et théorique sur le rôle des dynamiques de classes dans la reproduction sociale, en particulier par des études sur les inégalités en éducation et leur rôle de médiation dans la transmission intergénérationnelle du statut socioéconomique. Plus récemment, les sociologues de la mobilité sociale se sont particulièrement attardés aux transitions vers l’emploi et aux caractéristiques des parcours professionnels de jeunes issus de différentes classes sociales. Plutôt que de se concentrer sur le rôle de l’identité de classe comme moteur de l’action politique des mouvements sociaux, ces travaux utilisent plutôt le concept de classes sociales pour expliquer les inégalités socioéconomiques suivant des perspectives wébériennes ou bourdieusiennes. Cette présentation consistera en un bref survol de cette littérature et discutera des mécanismes qui sont généralement mis en lumière par l’utilisation du concept de classe sociale dans les études s’inscrivant dans cette tradition : les différentes formes de capital (économique, culturel et social), les dynamiques de fermeture sociale, et les inégalités relationnelles. Sur cette base sera présentée une discussion de pistes de recherches prometteuses dans l’étude de la mobilité sociale et sur les perspectives intégrant des dimensions de genre, d’immigration, et d’identité racisée à l’analyse d’inégalités de classes.
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Communication orale
Les classes sociales en justice. Ce que nous apprend l’ethnographie judiciaire sur la lutte des classesEmmanuelle Bernheim (Université d’Ottawa)
L’activité judiciaire est marquée par un profond changement depuis le milieu des années 1980 : baisse des recours civils, multiplication des instances spécialisées sur des enjeux sociaux, hausse de la judiciarisation des dossiers en matière sociale devant les instances civiles et administratives (protection de le jeunesse, internement et soins psychiatriques, aide sociale, etc).
L’observation d’audiences dans diverses instances sociales met en scène des juristes (juges et avocat.es) détenteurs d’un savoir et maîtres du débat judiciaire, et des profanes, citoyens « ordinaires », tentant de faire valoir leurs droits. Si l’incompréhension entre juristes et profanes saute aux yeux, l’étude des interactions et des échanges met plutôt en lumière la rencontre de deux mondes sociaux, étrangers l’un pour l’autre. Ainsi, ce n’est pas tant le décorum judiciaire et le langage juridique qui posent problème que l’incapacité des juristes de saisir la réalité sociale, culturelle et économique des personnes qui se présentent à la cour.
À une époque où la question de l’accès à la justice est sur toutes les lèvres, l’observation des audiences judiciaires démontrent à la fois la prégnance des classes sociales dont on prétend qu’elles ne sont que la mise en œuvre de libertés individuelles, le rôle des institutions judiciaires dans la production et la reproduction des structures sociales inégalitaires et les stratégies employées par les élites pour conserver leurs privilèges.
Classes sociales : enjeux interprétatifs (Partie 1)
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Communication orale
De la théorie des classes à l’analyse des classes: penser les ressources coercitives du capitalisme au 21e siècleGuillaume Durou (University of Alberta)
Le retour des inégalités sans précédent invite plus que jamais les chercheurs à repenser les découpages sociaux. Sans surprise, aucun modèle d’analyse des classes n’a fait jusqu’à ce jour l’unanimité. Toutefois, certaines méthodologies sont plus en vogue que d’autres. Fortement opposé aux typologies conventionnelles wébériennes et marxiennes, le courant de la micro-stratification rassemble des partisans d’un modèle de classe empirique aux prétentions réalistes. De son côté, l’analyse culturaliste des classes (Savage, 2015), fortement inspirée par le schéma synoptique de Bourdieu souhaite repenser les classes au 21e siècle au-delà de la pure profession. Si ces nomenclatures de classes sont sophistiquées, elles ne sont pas sans inconvénient. À l’exception de leur analyse de classe, on ne leur trouve guère une véritable théorie des classes. Cette communication souhaite présenter les forces et les faiblesses de la micro-stratification et du modèle culturaliste en revenant d’abord sur les débats récents qui ont traversé la sociologie au sujet de la disparition des classes sociales. Ensuite, en s’inspirant des chantiers d’Erik Olin Wright (2008 ; 2015), de Rogers Brubaker (2015) et de Charles Tilly (1998), il s’agira de proposer une théorie et un schéma de classes qui réintègrent des dimensions centrales du capitalisme avancé. Cet effort théorique est combiné à un vaste sondage sur les classes au Canada actuellement en préparation avec des collègues de l’Université de l’Alberta.
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Communication orale
L’enjeu politique de l’effacement de la théorie du conflit social marxiste d’après Domenico Losurdo. Vers la complexification du concept de classes socialesOmer Moussaly (Université Laval)
Peu d’auteurs discutent de l’enjeu politique soulevé par la disparition des analyses sociologiques utilisant le concept de classes sociales. Un penseur qui le fait est Domenico Losurdo dans son livre intitulé La lutte des classes. Nous proposons de discuter des mérites et limites de l’approche de Losurdo. La théorie des « luttes des classes » est au centre de sa revalorisation du paradigme marxiste. Notre présentation traitera des points 1) Genèse de l’usage du concept de classes sociales en sciences sociales et 2) Les tentatives de réactualisation ou de redéfinition.
Nous présenterons d’abord sa généalogie du concept marxiste de classes sociales. Losurdo note que Marx complexifie le concept de classes sociales en dépassant une vision économiciste ou binaire. La réalité « des luttes des classes » prend de multiples formes. Losurdo confronte la théorie du conflit social développée par Marx aux explications alternatives de l’époque qui influencent encore les sciences sociales. 1) le paradigme « ethnologico-racial », prenant la forme aujourd’hui d’un prétendu « choc des civilisations ». 2) le paradigme « psycho-pathologique » qu’on retrouve chez Tocqueville, Taine et Le Bon. Les mouvements des classes exploitées ne seraient pas, selon ces paradigmes, qui reprennent de la vigueur, le résultat des « luttes des classes », mais s’expliqueraient par l’irrationalité inhérente aux masses laborieuses, peuples colonisés, ou groupes subalternes (prolétariat, colonisé-es, femmes, etc.).
Dîner
Classes sociales : enjeux interprétatifs (Partie 2)
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Communication orale
Imagination sociologique et classes sociales : La sociologie de la domination à l’ère de l’individuPaul Brochu (Université de Saint-Boniface)
C.W. Mills définissait l’imagination sociologique comme étant cette capacité à faire un lien entre les événements socio-historiques d’une société et la trajectoire personnelle d’un individu. À l’ère de l’individualisme contemporain et de l’hypermodernité, jamais cette proposition n’aura été si pertinente. Car, derrière elle se cache une exigence méthodologique peu banale : mettre en évidence les « qualités » des conditions sociales d’existence à partir de l’expérience individuelle. Si pendant longtemps la notion de « classe sociale » aura permis d’expliquer la dynamique des inégalités sociales et particulièrement celle de l’exploitation dans les sociétés industrialisées, qu’en est-il aujourd’hui ? Nous proposons, à la suite de François Dubet (2003), de développer « la notion de classe sociale (…) en lui réservant un usage précis, mais limité, celui de rapports de domination » (p.79). Après la fragmentation des groupes sociaux, après la fin des institutions intermédiaires (Laurin-Frenette 1999), le politique continue son entreprise au cœur même des relations sociales vécues par le sujet individuel. Ce « lieu » est dorénavant l’observatoire sociologique à privilégier.
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Communication orale
Une réhabilitation du concept de « classes sociales » nécessaireChristelle Achard (Université de CaenNormandie)
La raréfaction du concept de classes sociales semble pouvoir trouver son explication dans l'évolution de la structure sociale de nos sociétés contemporaines. Elle se fait le reflet des changements à l’œuvre dans la construction des identités individuelles, qui sont de plus en plus mouvantes, dans un contexte de globalisation. Il en résulte une fragmentation de l'espace social, qui n'est pas pour autant synonyme de disparition des mécanismes de domination et de reproduction.
La tombée en désuétude de ce concept semble également être la traduction de la disparition, ou tout au moins, de la fragilisation, d'une « conscience de classe». Un phénomène lié à la mutation des clivages, et au processus de légitimation des inégalités sociales (passage du modèle d'une société intégratrice à une celui d'une société qui se veut inclusive).
Il apparaît primordial de réhabiliter le concept de classes sociales, afin de mettre à jour les mécanismes de domination qui tendent à être invisibilisés. Il convient d'analyser les raisons de son affaiblissement. Mettre à jour les inégalités sociales et les rapports de pouvoir qui en découlent (et y contribuent), c'est concourir à leur conscientisation - condition sine qua none à la (re)construction possible d'une « conscience collective ». Si certains cherchent à délégitimer cet état de fait, c'est sans doute parce que ces individus, « dominants », ont tout intérêt à cacher les mécanismes de domination qu'ils tiennent à faire perdurer.
Classes sociales et morphologie
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Communication orale
Classes en soi et classes pour soi. Sur les relations entre la conscience de classes des sociologues et celle des enquêté.esFrédéric Parent (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Dans cette présentation, je proposerai des avenues quant aux possibilités de réactualisation des études sur les classes sociales. Je réfléchirai en première partie aux différentes manières de les définir sociologiquement à partir d’enquêtes ethnographiques récentes qui s’intéressent aux classes dites « populaires », en particulier en France, où ces populations constituent pour ainsi dire un champ de spécialisation assez dynamique. Je reviendrai en deuxième partie sur les analyses classistes qui ont été faites au Québec pour soumettre alors l’idée que c’est probablement moins la conscience de classe qui a disparu qu’une certaine définition théorique restrictive des classes sociales dans laquelle les rapports sociaux de production se réduisent aux rapports sociaux de production capitaliste. J’interrogerai finalement les modalités d’usage des classes sociales à la lumière de deux enquêtes ethnographiques que j’ai réalisées.
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Communication orale
Classes sociales et morphologie sociale : quels rapports sociaux sont déterminants ?Paul Sabourin (UdeM - Université de Montréal)
Dans quelle mesure la sociologie de l’espace et des temps sociaux et les études empiriques afférentes permettent d’envisager autrement la notion de classes sociales en sociologie ? Dans un premier temps, il s’agit de montrer les conceptions implicites de l’espace et du temps que laissent supposer différentes versions du concept de classes sociales (K. Marx, M. Halbwachs, K. Kosik, G. Luckas, P. Bourdieu . Dans un deuxième temps, à partir d’exemples empiriques, il s’agira de montrer comment de nouvelles configurations spatiales et temporelles du social constatées empiriquement suscitent le renouvellement d’une théorie des rapports sociaux de classes.