Informations générales
Événement : 88e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 400 - Sciences sociales
Description :Au contexte d’une saine gestion des deniers publics, d’une répartition équitable des ressources et de l’optimisation de la qualité des services, s’ajoute, à notre avis, l’enjeu de reconnaître pleinement les pratiques d’intervention de proximité (IP) pour leurs apports dans l’intervention sociale auprès des communautés en situation de vulnérabilité, de marginalisation, de désaffiliation ou de faible développement économique.
Parmi les grands principes de l’IP, on retrouve des stratégies d’intervention qui s’adaptent au milieu (milieu urbain, milieu rural, etc.) et aux populations présentes sur le territoire. L’IP peut s’inscrire dans une démarche institutionnelle, mais également en dehors de celle-ci. Quel que soit le milieu qui l’offre, cela nécessite une culture d’intervention et une culture organisationnelle qui mettent la communauté au centre de l’intervention. Elle exige donc de repenser les modes d’intervention, la gestion et la reddition de compte qui s’y rattachent (Morin et al., 2015).
Dans une perspective propre au domaine de la santé, « la reddition de compte peut être définie comme le mécanisme permettant au gouvernement de statuer sur l’atteinte de cibles et d’engagements établis par les établissements et les professionnels de la santé pour, ultimement, tenir pour responsable ceux qui échouent à les rencontrer » (Carrier et al., 2016, p. 769). On peut supposer que cette définition s’applique à tout organisme qui travaille en IP et qui reçoit un financement externe pour ses activités.
La reddition de compte pose donc un enjeu de reconnaissance des pratiques, de leur légitimité et de leurs effets. La méthode privilégiée actuellement réfère à une logique quantitative, excluant la logique qualitative, laquelle renvoie notamment à l’expérience et au sens de l’intervention pour les personnes et les communautés concernées. Pourtant, « ce qui compte ne peut pas toujours être compté, et ce qui peut être compté ne compte pas forcément » (Einstein).
Considérant la problématique soulevée, comment rendre compte des effets non quantifiables — le sens — résultant d’une intervention complexe, multidimensionnelle, quotidienne, qui s’inscrit dans la durée, impliquant de nombreux partenaires communautaires et institutionnels, et ce, tout en ne dénaturant pas l’intervention? Selon notre perspective, l’IP s’inscrit pleinement dans un contexte de développement des communautés et, par conséquent, d’intersectorialité avec les autres acteurs sociaux présents sur le territoire.
En bref, la reddition de compte revêt une importance capitale et grandissante pour tout type d’organisation. À cela, s’ajoutent des enjeux de performance et d’efficience auxquels les intervenants et les gestionnaires doivent répondre. Il nous apparaît donc crucial de développer une perspective de gestion réceptive à une reddition de compte innovante, c’est-à-dire une reddition qui institue les effets tangibles et intangibles sur les personnes et les communautés au centre de ses préoccupations.
Remerciements :Nous remercions l’Institut universitaire de première ligne en santé et services sociaux (IUPLSSS), le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH), l'Université de Sherbrooke, le CIUSSS - CN, le CIUSSS de l’Estrie - CHUS, le CIUSSS - NÎM et le MSSS pour leur contribution au colloque Sens et mesure.
La collaboration de ces partenaires rend possible la tenue de ce colloque.
Date :Format : Uniquement en ligne
Responsables :- Chantal Doré (UdeS - Université de Sherbrooke)
- Nancy Lévesque (UdeS - Université de Sherbrooke)
- Lara Maillet (ENAP - École nationale d'administration publique)
- Shelley-Rose Hyppolite (Université Laval)
Programme
Mot de bienvenue
Quelles stratégies de reddition de compte pour obtenir une reconnaissance organisationnelle et institutionnelle des pratiques IP? Ce qu’en disent les experts terrains
-
Communication orale
Rôle et responsabilités du spécialiste en activités cliniques dans la promotion des équipes d’intervention de proximitéDaniel Rivard (CIUSSS du Nord-de-l'île-de-Montréal)
Malgré toute la reconnaissance par le milieu communautaire et par ses pairs de la nécessité d’une équipe d’intervenants de proximité dans un quartier de Montréal-Nord, la particularité de l’intervention de proximité (IP) dans son fonctionnement et sa reddition de compte font en sorte que le maintien d’une telle équipe est toujours fragile.
Les transformations dans le réseau et particulièrement la mise en place des CIUSSS ont alourdi grandement la tâche des gestionnaires. Comment maintenir en place une telle équipe sans la nécessité d’une gestion qui soutienne les intervenants dans un contexte où les responsabilités des gestionnaires font en sorte qu’ils ont peine à être en présentiel auprès de leur équipe? Comment assurer le lien avec tous les partenaires du milieu autour desquels gravitent au quotidien les intervenants de l’Équipe quartier (ÉQ) et où la présence du gestionnaire est un élément clef pouvant influencer le travail et la reconnaissance de l’ÉQ tant dans le milieu qu’auprès de l’organisation?
Dans un tel contexte, la fonction du spécialiste en activités cliniques devient un élément essentiel pour la défense du maintien d’une telle équipe. Elle assure également la mise en place de balises afin de ne pas diluer le travail réalisé en IP, de poser des limites à leur présence et de conserver le contrôle de l’IP souhaitée afin d’éviter une diminution marquée du temps de présence sur le terrain; raison de leur performance et de leur succès depuis plus de 20 ans.
-
Communication orale
La gestion d’intervention de proximité dans le réseau de la santé et des services sociauxJulie Pearson (CiUSSSE-CHUS)
L’intervention de proximité est déployée de différentes façons un peu partout dans la province. Il faut se rendre à l’évidence, elle a une couleur particulière quand elle s’inscrit dans les services du réseau de la santé et des services sociaux.
Comment peut-on à travers les différentes obligations de reddition de compte, faire vivre cette intervention?
L’engagement des acteurs sur le terrain mais également des gestionnaires se trouvent de toute évidence la base de la recette. Mais n’est-ce pas trop fragile comme formule?
Il est clair que selon le degré d’engagement des parties prenantes, les services seront plus ou moins reconnus par l’organisation. Le gestionnaire se doit d’accepter de remplir son rôle différemment. Il doit être à l’affût des données qualitatives, dans un monde où nos indicateurs sont plus souvent en chiffres.
Il est quand même important de connaître les formules gagnantes et de s’en inspirer pour bien gérer une intervention de proximité. Quels sont les bons coups à prévoir pour développer un tel service mais surtout pour le maintenir vivant dans une organisation?
Et si on se permettait de rêver? Et si le MSSS créait un nouveau programme-service?
Quelles stratégies de reddition de compte pour obtenir une reconnaissance organisationnelle et institutionnelle des pratiques IP? Ce qu’en disent les chercheur(e)s
-
Communication orale
Une vision globale, intégrée et participative de la performance des réseaux de soins de proximitéAndré-Pierre Contandriopoulos (UdeM - Université de Montréal)
Les gestionnaires de la santé et des services sociaux reçoivent de plus en plus de demandes (gouvernement, population, etc.) pour accroître la performance de leurs organisations. Plusieurs systèmes sont proposés aux gestionnaires pour gérer les organisations de façon optimale en fonction d’indicateurs de performance. La plupart de ces systèmes reposent sur une vision mécanique des organisations qui ne reflète pas la complexité des systèmes de santé et tout particulièrement celle des réseaux de soins de proximité (RSP). Pour prendre en compte cette complexité, nous partirons de l’idée que la performance d’un RSP est un construit multidimensionnel qui devrait permettre d’apprécier comment le réseau s’adapte à son environnement pour remplir sa mission, comment il offre des services de qualité de façon efficiente, comment il maintient ou développe des valeurs communes, comment il obtient des résultats de santé et comment il maintient une tension dynamique entre ces quatre dimensions de la performance. Le modèle global et intégré que nous proposerons devra être construit avec les parties prenantes du réseau en fonction de leurs croyances, de leurs connaissances, de leurs responsabilités, de leurs intérêts et de leurs projets de façon à ce qu’elles puissent débattre des résultats obtenus et élaborer un jugement compris et partagé sur les qualités essentielles et spécifiques du réseau de façon à le placer sur une trajectoire d’amélioration continue de sa performance.
-
Communication orale
Reddition de compte en organisation communautaire et capacité d’action sur les inégalités sociales – Une démarche de réflexivité collective en CIUSSSJean-Baptiste Leclercq (Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) du Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal)
Au Québec, l’organisation communautaire dans le réseau de la santé et des services sociaux (RSSS) a évolué depuis les années 1970. Cette pratique d’intervention collective est particulièrement marquée par des processus de formalisation et de normalisation, notamment sous l’influence de la santé publique et de la Nouvelle gestion publique (NGP). Celle-ci consiste en une application de logiques de gestion issues des entreprises privées au champ des administrations publiques. Dans le RSSS, cela se traduit par des processus de reddition de compte répondant à des indicateurs de performance et des exigences d’optimisation dans l’organisation des services et des processus cliniques. Les gestionnaires et les praticiens sont soumis à la production de statistiques pour comptabiliser les interventions selon un cadre normatif, ce qui soulève des enjeux pour le déploiement de certaines pratiques d’intervention, dont l’organisation communautaire. Notre recherche s’est intéressée au cadre normatif – qui est à la fois un système d’information et un instrument de reddition de compte (I-CLSC) – et à la manière dont il est utilisé dans une équipe d’organisateurs communautaires, à savoir quelles en sont les contraintes et marges de manœuvre possibles. Alors que ces professionnels s’interrogent sur les finalités d’un tel instrument et la perte de sens générée, nous avons entrepris une démarche de réflexivité collective afin de questionner l’impact de leurs pratiques sur les inégalités sociales.
-
Communication orale
Recherche de sens en contresensMélanie Bourque (Université du Québec en Outaouais), Josée Grenier (UQO - Université du Québec en Outaouais)
La reddition de compte constitue une large part du travail effectué par les TS du réseau de la santé et des services sociaux. Les dernières réformes ont visé, entre autres, à augmenter la productivité des professionnelles de terrain. Parallèlement, la gestion des professionnel.le.s s’est modifiée en regard des visées à atteindre – efficience et efficacité pour une productivité. Ces changements ont eu des impacts considérables sur la santé mentale des intervenant.e.s. entraînant chez plusieurs une perte de sens créé par un schisme grandissant entre les valeurs de la profession et celle de l’État (NGP). Dans le contexte, malgré les tensions existantes et un haut taux d’absentéisme, qu’est-ce qui donne sens au travail pour les professionnel.e.s ? La communication, à partir de témoignages d’intervenant.e.s sociaux.ales, vise à illustrer les différentes normativités en tensions depuis les dernières réformes, les impacts sur la santé physique et mentale et la recherche de sens pavant parfois la voie à des actions mobilisatrices ou menant à un désenchantement. Les témoignages proviennent de recherches empiriques réalisées avant et pendant la pandémie.
-
Communication orale
La reddition de compte en intervention de proximité : proposition de dimensions d’analyseJean Alex Joseph (ENAP - École nationale d'administration publique)
L’intervention de proximité (IP) vise à aller vers les populations défavorisées en vue de construire un pont entre elles et les services pouvant répondre à leurs besoins. Au Québec, l’intervention de proximité demeure méconnue pour plusieurs acteurs, notamment des cadres du secteur de la santé et des services sociaux (SSS) et reste prise au piège de modalités de reddition de compte inadaptées.
Avec le déploiement de la gestion par résultat (GPR), la « mesure », donc les données quantitatives, reste le moyen de reddition de compte (RC) le plus répandu au sein de l’administration publique. Les équipes en IP ont soulevé à maintes reprises l’inadéquation de ce type de données pour rendre compte de la richesse de leurs interventions, des effets de leurs pratiques sur les personnes touchées et pour établir le « sens » de leurs actions. Comment mieux saisir ce « sens » à travers des outils de reddition de compte plus adaptés ? Comment à la fois rejoindre les intérêts des gestionnaires, contribuer à la reconnaissance des pratiques d’IP et l’amélioration des interventions en faveur des groupes cibles ?
À la première phase de la recherche, menée auprès de gestionnaires, d’intervenants, d’usagers et de représentants d’organismes du milieu, nous avons relevé des pôles de tension et deux catégories de démarches à considérer dans le développement des outils de RC. A travers notre intervention, nous mettrons en évidence ces éléments.