Au contexte d’une saine gestion des deniers publics, d’une répartition équitable des ressources et de l’optimisation de la qualité des services, s’ajoute, à notre avis, l’enjeu de reconnaître pleinement les pratiques d’intervention de proximité (IP) pour leurs apports dans l’intervention sociale auprès des communautés en situation de vulnérabilité, de marginalisation, de désaffiliation ou de faible développement économique.
Parmi les grands principes de l’IP, on retrouve des stratégies d’intervention qui s’adaptent au milieu (milieu urbain, milieu rural, etc.) et aux populations présentes sur le territoire. L’IP peut s’inscrire dans une démarche institutionnelle, mais également en dehors de celle-ci. Quel que soit le milieu qui l’offre, cela nécessite une culture d’intervention et une culture organisationnelle qui mettent la communauté au centre de l’intervention. Elle exige donc de repenser les modes d’intervention, la gestion et la reddition de compte qui s’y rattachent (Morin et al., 2015).
Dans une perspective propre au domaine de la santé, « la reddition de compte peut être définie comme le mécanisme permettant au gouvernement de statuer sur l’atteinte de cibles et d’engagements établis par les établissements et les professionnels de la santé pour, ultimement, tenir pour responsable ceux qui échouent à les rencontrer » (Carrier et al., 2016, p. 769). On peut supposer que cette définition s’applique à tout organisme qui travaille en IP et qui reçoit un financement externe pour ses activités.
La reddition de compte pose donc un enjeu de reconnaissance des pratiques, de leur légitimité et de leurs effets. La méthode privilégiée actuellement réfère à une logique quantitative, excluant la logique qualitative, laquelle renvoie notamment à l’expérience et au sens de l’intervention pour les personnes et les communautés concernées. Pourtant, « ce qui compte ne peut pas toujours être compté, et ce qui peut être compté ne compte pas forcément » (Einstein).
Considérant la problématique soulevée, comment rendre compte des effets non quantifiables — le sens — résultant d’une intervention complexe, multidimensionnelle, quotidienne, qui s’inscrit dans la durée, impliquant de nombreux partenaires communautaires et institutionnels, et ce, tout en ne dénaturant pas l’intervention? Selon notre perspective, l’IP s’inscrit pleinement dans un contexte de développement des communautés et, par conséquent, d’intersectorialité avec les autres acteurs sociaux présents sur le territoire.
En bref, la reddition de compte revêt une importance capitale et grandissante pour tout type d’organisation. À cela, s’ajoutent des enjeux de performance et d’efficience auxquels les intervenants et les gestionnaires doivent répondre. Il nous apparaît donc crucial de développer une perspective de gestion réceptive à une reddition de compte innovante, c’est-à-dire une reddition qui institue les effets tangibles et intangibles sur les personnes et les communautés au centre de ses préoccupations.
Remerciements
Nous remercions l’Institut universitaire de première ligne en santé et services sociaux (IUPLSSS), le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH), l'Université de Sherbrooke, le CIUSSS - CN, le CIUSSS de l’Estrie - CHUS, le CIUSSS - NÎM et le MSSS pour leur contribution au colloque Sens et mesure.
La collaboration de ces partenaires rend possible la tenue de ce colloque.