440 - 20 ans pour les approches CCO : état des lieux en recherche francophone sur la communication constitutive des organisations

Notre communication propose d'interroger les récits des chercheurs de terrain comme herméneutique d'événements de communication constitutifs. Partant du constat que notre démarche interprétative nécessite de trouver des moyens pour cadrer le dialogue entre d’une part les données empiriques et, d’autres part, la théorie, nous proposons une démarche méthodologique fondée sur une approche narrative inspirée du travail sur les mimesis de Paul Ricoeur. Le récit est étudié pour sa capacité à ordonner l’activité d’interprétation mais plus encore, pour sa capacité à outiller le chercheur dans le cadre de la sélection des événements de communication à analyser. La réflexivité présente dans le récit du chercheur permet de justifier les matériaux choisis pour l’analyse. Notre contribution à la CCO est d’ordre méthodologique et dessine les contours d’une approche qui permet selon nous d’intégrer une étape préliminaire nécessaire à l’analyse : la sélection des données en amont de leur catégorisation en « événements de communication ».

La convergence des travaux portant sur les identités organisationnelles et les approches constitutives demeure éparse et fragmentaire. Il semble dès lors que l’identité acquiert le statut d’objet à la fois central et périphérique au sein des approches CCO, c'est-à-dire qu’elle est à la fois un élément central dans la dimension constitutive de l’organisation et un phénomène relativement peu étudié à partir de ces mêmes approches. Cette communication vise par conséquent à recenser de manière critique et comparative les travaux s’inscrivant dans les approches CCO publiés en français et en anglais et qui traitent de la construction identitaire et de phénomènes connexes tels que l’identification, la mise en récit des identités, ou les images.

Cette communication vise à proposer un dialogue entre les approches de la communication constitutive des organisations (CCO) et les études sur les sciences, technologies et sociétés (STS - Science and Technology Studies), en particulier les travaux STS se situant à l’intersection du champ de la communication et abordant des objets tels que les technologies numériques. En effet, bien que les études STS ne citent pas explicitement les auteurs et autrices liées à la CCO, plusieurs références théoriques et préoccupations épistémologiques apparaissent semblables. L’objectif de cette présentation sera de faire ressortir ces similitudes et différences entre les approches CCO et les approches STS. Dans un premier temps, il s’agira de circonscrire brièvement ce que j’entends respectivement par approches STS et approches CCO. Dans un deuxième temps, j’analyserai plus systématiquement un échantillon d’études et de publications en STS de façon à faire ressortir ce qui m’apparaît comme des similitudes et divergences avec les approches CCO. Finalement, je porterai un regard sur mes propres travaux de recherche en cours, et tenterai de voir quels rapprochements il pourrait être intéressant de faire avec les approches CCO. Cette communication doit donc être appréhendée comme une contribution « externe » aux approches CCO, de la part d’un chercheur (moi-même) observant de loin ces travaux depuis un certain temps, mais souhaitant entrer en dialogue avec ceux-ci.

Concrètement, les approches CCO partent du principe récursif que la communication permet aux acteurs de s’organiser tout en montrant que ce même processus organisant oriente et façonne en quelque sorte la communication.La présence dite active des chercheurs eux-mêmes et la manière dont ils contribuent (c.-à-d. constituent) aux données et au processus organisant se trouve bien souvent évacuée pour faire uniquement place aux acteurs organisationnels. En d'autres termes, la plupart des chercheurs CCO considèrent rarement la contribution accompagnant l'expérience de recherche en tant que telle. À contrario, nous considérons cette expérience de recherche comme constitutive de l’objet d’étude - ici, l’organisation humanitaire Médecins sans frontières (MSF) - et comme faisant partie intégrante du processus organisant. De fait, nous estimons qu’une posture auto-ethnographique est en mesure faire émerger une telle opportunité d’inclusion, donnant ainsi l’occasion de rendre les approches CCO plus réflexives, et ce, à la fois d’un point de vue méthodologique et analytique.

Comment les recherches CCO peuvent rendre compte de la contribution des chercheur.e.s aux organisations dans lesquelles ils et elles s’immergent pour en comprendre leur constitution communicationnelle? Nous proposons une conception relationnelle de la pratique réflexive qui se révèle d’autant plus utile qu’elle permet à la dimension constitutive de l’organisation de se manifester au fil de l’engagement du ou de la chercheur.e dans une relation de co-composition avec l’organisation.

La plupart des recherches s’inscrivant dans les approches CCO ont été orientées vers l’élaboration de théories. Pourtant, nous croyons qu’elles ont un grand potentiel pour contribuer à l’intervention en organisation : les CCO peuvent fournir aux praticiens une « philosophie de base » pour mettre en évidence l’importance fondamentale de la communication pour les organisations, souvent comprise selon une vision instrumentale, comme étant un simple « complément » aux opérations organisationnelles. Toutefois, une systématisation et opérationnalisation des prémisses ontologiques et théoriques des approches CCO pour l’intervention en organisation reste à être développée. Par conséquent, le but de cette communication est d’opérationnaliser certains des prémisses et concepts clés des approches CCO et de développer une méthodologie d’intervention pour l’accompagnement d’un changement organisationnel. Cette méthodologie s’inspire des travaux de Czarniawska (2001; Czarniawska & Mazza, 2003) portant sur les pratiques de consultants en organisation, qu’elle considère comme étant liminales. Le travail du consultant constructiviste (ou de l’intervenant CCO, dans notre cas) serait alors créer les conditions pour un rite de passage dans lequel la créativité et l’altérité sont au centre. La méthodologie sera illustrée par un cas de changement de culture organisationnelle concernant la vision du bénévolat au sein de la Société canadienne du cancer.

Cette communication vise à explorer des pistes de réflexion quant à l’apport de l’approche CCO pour son application à l’étude du phénomène organisationnel de l’idéologie de la reconnaissance. La reconnaissance constitue un des leviers privilégiés d’un plus grand pouvoir d’agir pour les individus au travail, pouvant conduire à de possibles transformations sociales dans les organisations. Quelle influence a-t-elle alors, lorsqu’elle se transforme en idéologie, sur le travail de chacun, le collectif et ultimement sur la communication d’intercompréhension dans les organisations ? Étant amenés à voir le pouvoir d’agir comme un processus constitué dans la communication plutôt que par la communication, nous souhaitons explorer les approches CCO pour mieux éclairer ces enjeux de développement de reconnaissance. Nous le ferons à partir de relectures de deux projets de recherche menés en parallèle par les trois chercheurs de cette communication. Nous nous pencherons en même temps sur une série de questions soulevées par l’enjeu d’hybridation théorique et méthodologique de la CCO avec l’analyse sociologique clinique et les travaux critiques ayant inspirés les deux recherches menées, comme ceux sur la théorie de l’agir communicationnel d’Habermas et ceux de Honneth. Notre volonté est ainsi celle d’ouvrir un dialogue contribuant au développement d’une approche constitutive critique de la communication et des organisations.

Depuis une vingtaine d'années, les approches CCO se sont ainsi progressivement imposées, voire institutionnalisées, comme un courant majeur au sein des études académiques visant à mieux comprendre le fonctionnement des organisations. L’objet de cet article est d’inviter les travaux CCO, fort de leurs (très) nombreux succès académiques, à s’engager davantage pour la transformation concrète de leur objet d’étude : les organisations, voire la société. En ce sens, cet article soulève deux « incapacités » actuelles des recherches en communication organisationnelles. En réponse à ces “incapacités”, nous proposons des pistes de recherches futures pour contribuer à dépasser ces “incapacités” dans les années à venir.

Suite aux récents appels à désoccidentaliser le domaine de la communication (e.g., Enghel & Becerra 2018), nous partons du principe que, pour approfondir notre connaissance du rôle constitutif de la communication, il faut changer le lieu d’énonciation à partir duquel cette connaissance est générée. Dans le cadre de notre communication, nous allons exposer, de façon similaire à Torrico (2016), que l’Amérique latine est un lieu singulier d’énonciation de la communication qui peut apporter un autre regard sur son rôle constitutif. En effet, nous pensons que la région offre une position à partir de laquelle une réinterprétation de la conception euro/étatsuniennes de la communication peut être réalisée. Dès lors, nous présenterons plus en détail la pensée communicationnelle critique latino-américaine, et la manière dont elle a été traduite en communication organisationnelle. Nous aborderons ensuite la manière dont cette pensée critique nous permet de réinterroger le rôle constitutif de la communication, en soulignant les apports d’une perspective latino-américaine aux perspectives de CCO. À cette fin, nous problématiserons l’idée de "donner une voix", identifiée par Winkler et Bencherki (2020) comme un dénominateur commun dans les tendances émergentes des approches CCO qui cherchent à inclure les questions de changement social dans la recherche.

Une littérature foisonnante s’est développée autour des critères permettant de définir ce qu’est une organisation ou encore ce que sont des phénomènes organisés (Ahrne et Brunsson, 2011, 2019; Cnossen et Bencherki, 2019; Dobusch et Schoeneborn, 2015; McPhee et Zaug, 2000; Wilhoit et Kisselburgh, 2015). Malgré l’intérêt de cette littérature, celle-ci demeure axée sur une approche finalement peu dynamique du phénomène organisé. Autrement dit, on nous présente des attributs, comme la présence de membres, de règles ou de porte parole, mais on ne nous explique pas comment une forme organisée émerge, se développe et éventuellement s’éteint, ce qui nous apparaît comme étant au fondement même d’une réflexion sur le degré d’organisationnalité d’un groupe ou d’un collectif. En nous inspirant d’auteurs clés comme Weick (1979), Taylor et Van Every (2000) ainsi que Greimas (1983), nous proposons de répondre à cette lacune en explorant ce que nous appelons l’unité organisante de base, soit la forme minimale que doit prendre une séquence d’action pour prétendre à un degré d’organisationnalité. Ce faisant, nous montrons comment il est possible de rendre compte, d’une manière plus dynamique, des attributs identifiés par Ahrne et Brunsson (2011, 2019) ainsi que Dobusch et Schoeneborn (2015). Afin de mettre empiriquement à l’épreuve cette proposition, nous proposons, par ailleurs, d’analyser des épisodes interactionnels a priori non-organisationnels, soit des séances d’hypnose de rue.

Que font concrètement les entrepreneur-es lorsqu'ils et elles s'engagent à concevoir, lancer et gérer de nouvelles entreprises ? Cette présentation propose d'aborder cette question empirique en mobilisant une approche constitutive, c'est-à-dire une approche qui conçoit l'entreprenariat comme étant principalement une réalisation communicative. Ce faisant, elle visera à explorer les pratiques de communication qui constituent l’entreprise Skool Beans, un café et micro-torréfacteur qui a ouvert ses portes dans le village de Vík, en Islande, en août 2020. Je présenterai des données tirées d'entretiens réalisés avec la propriétaire de Skool Beans et d'extraits audio et vidéo de réunions et discussion écrites virtuelles entre elle et certain-es de ses collaborateurs-trices, employé-es et fournisseurs. Ce faisant, je me concentrerai sur les conversations et les négociations en ligne qui définissent ce qu'entreprendre signifie concrètement en 2021, c'est-à-dire les diverses pratiques de communication par lesquelles un projet entrepreneurial prend diverses formes, précisément parce qu'il est toujours en train de devenir. Ainsi, cette présentation offrira un point de vue véritablement communicationnel sur l'entrepreneuriat, pour l’instant peu développé (voir Gill, 2017) en plus d’apporter une contribution précieuse aux approches CCO dans la mesure où peu de chercheur-es s’identifiant à cette mouvance ont jusqu'à présent prêté attention à ce sujet (voir Kuhn & Marshall, 2019).

Selon les approches dites constitutives de la communication organisationnelle (ci-après CCO), la communication joue un rôle fondamental et (trans)formateur dans l’existence et la continuité de l’organisation. Si la plupart des recherches s’inscrivant dans ces approches ont été orientées vers l’élaboration de théories visant à fournir une explication communicationnelle au questionnement ontologique “Qu’est-ce qu’une organisation”, la plupart des études empiriques qui nourrissent cette théorisation reposent sur des contextes d’interaction en face-à-face. Or, le travail à distance, de par l’éloignement physique entre ses membres, qui maintiennent l’organisation grâce à la communication entre eux, est un terrain empirique très favorable aux approches CCO. Avec la crise Covid-19, le travail à distance est devenu un phénomène à l’échelle globale : ces modalités de travail pourraient même devenir la configuration organisationnelle dominante de demain. Nous présenterons les données des entretiens d’un terrain exploratoire mené à l’été 2020, en pleine crise sanitaire, auprès de 13 travailleurs à distance ayant pour port d’attache Montréal. Ces données serviront de base pour discuter des avenues méthodologiques possibles au regard des approches CCO. L’analyse portera en particulier sur les pratiques quotidiennes des personnes interrogées, que ce soit pour aménager leur espace, leur temps, ou bien leur pratique dans l’espace en ligne avec les pairs.