Les travaux se situant dans le champ de la justice organisationnelle proposent d’analyser les perceptions de justice du travailleur à l’égard du traitement qu’il reçoit dans son organisation selon quatre dimensions : distributive, procédurale, interpersonnelle et informationnelle (Colquitt, 2001). Une méta-analyse des effets de l’injustice organisationnelle sur la santé des salariés a permis de montrer que les perceptions de l’injustice sont associées à une mauvaise santé tant mentale que physique : l’injustice perçue entraîne des réactions de stress psychologiques qui, à leur tour, sont associées à des problèmes de santé physique (Robbins et al., 2012).
Ces travaux de psychologie industrielle gagnent à être enrichis par d’autres approches. L’injustice organisationnelle doit d’abord être articulée sur le plan de l’analyse tant des impacts des comportements de discrimination, d’intimidation ou de harcèlement que des environnements à risque. L’analyse compréhensive des sentiments d’injustice conduit d’autre part à explorer les multiples principes qui sont mobilisés par les travailleurs pour dénoncer les injustices et la manière avec laquelle les « intermédiaires du droit », y compris les syndicats, sont amenés à constituer des ressources pertinentes pour la mise en visibilité de ces injustices et pour leur conversion en demandes de réparations et en revendications collectives. L’étude des représentations et des éthos de travail conduit enfin à comprendre les conditions sociales d’émergence des comportements, des stéréotypes et des préjugés nuisibles à la santé en milieu de travail et à tenir compte de la censure par les employeurs ou les travailleurs mêmes de la conscience des injustices vécues ou des problèmes de santé qui en découlent.
Par ailleurs, la crise du coronavirus a conduit à sortir le questionnement sur le lien entre justice et santé du cadre restreint de l’organisation productive. Elle a d’abord suscité ou fait réémerger de nombreux questionnements transversaux de justice sociale tels que l’iniquité des rémunérations et l’inégalité face à l’insécurité financière, au télétravail ou à l’exposition à des risques sanitaires. L’épidémie du coronavirus a aussi mis en lumière le rôle crucial de l’État, le seul à même de gérer la sortie de crise, mais dont les services publics et les personnels ont été mis à mal par les réformes néolibérales des dernières années.
Ce colloque vise à réunir des chercheurs qui étudient l’impact des injustices perçues en milieu de travail sur la santé des travailleurs. Il a pour objectif d’enrichir la compréhension du lien entre injustice perçue et santé en temps normal comme en temps de crise. Ce colloque sera aussi l’occasion de célébrer le lancement d’un deuxième ouvrage de la collection « Inégalités et justice sociale » des Presses de l’Université Laval, intitulé Perceptions de justice et santé au travail : l’organisation à l’épreuve.
Remerciements
Remerciements envers le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) et la Région Auvergne-Rhône- Alpes qui soutiennent la réalisation de cet événement.