Informations générales
Événement : 88e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 400 - Sciences sociales
Description :Depuis les années 1980, le secteur extractif connaît un boom sans précédent à l’échelle mondiale. Les exploitations minières, agro-industrielles, d’hydrocarbures, et d’hydroélectricité ne cessent de se multiplier, malgré les résistances qu’elles provoquent. Le modèle extractiviste a renouvelé les formes de dépendance et de primarisation des économies, particulièrement en Amérique latine, en Afrique et en Asie-Pacifique, et traverse le spectre politique, faisant consensus dans les États tant néolibéraux que postnéolibéraux (Acosta, 2011; Gudynas, 2011; Svampa, 2013). Sous le mirage des retombées économiques, les États mettent en place des cadres législatifs, juridiques et des allègements fiscaux dont la balance surpasse pourtant les redevances perçues (Deneault, 2012, 2014).
Aujourd’hui, une partie de la recherche sur l’extractivisme continue d’évaluer les rapports de celui-ci à la croissance, à la dépendance économique et aux régimes patrimoniaux et rentiers. D’autres s’intéressent à la forte répression contre les opposant·e·s à l’extractivisme. L’exploitation des ressources étant justifiée au nom de l’« intérêt national », l’urgence et l’exceptionnalité sont invoquées pour défendre la prérogative étatique de disposer des ressources, criminalisant les luttes pour la défense du territoire. Surtout, nous nous interrogeons sur ces politiques dans le contexte où l’extractivisme au 21e siècle semble repousser toutes les frontières. La raréfaction des ressources pousse à l’exploitation de gisements non conventionnels dans des zones géographiques jusque-là hors de portée de l’expansion capitaliste. Même la transition énergétique, préconisée pour lutter contre le bouleversement du climat, entraîne une intensification de l’extraction minière par la valorisation de nouveaux métaux. Ce colloque vient s’intéresser à l’articulation des conflits sociaux créés par l’extractivisme contemporain et les réponses sociales, universitaires et militantes avancées face à ces problématiques.
Dates :Format : Uniquement en ligne
Responsables :- Leila Celis (UQAM - Université du Québec à Montréal)
- Emmélia Blais-Dowdy (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Programme
Nouvelles analyses de l’économie canadienne des ressources
-
Communication orale
Analyse des retombées socio-économiques locales de l’exploitation du minerai de fer au Québec et réflexions sur la pertinence de l’extractivisme comme mode de développementSamuel Bédard (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Au Québec, la hausse du prix des métaux, survenue entre 2003 et 2014, a favorisé l’émergence d’un paradigme extractif. Des sociétés minières ont, à l’instar des années 1950, profité de la conjoncture internationale pour intensifier l’exploitation des ressources du territoire. Rarement dans son histoire toutefois, l’industrie n’a vu son expansion être aussi contestée. Le naufrage d’un point de vue politique du controversé Plan Nord illustre l’étendue de la crise de légitimité affligeant actuellement ce secteur d’activité. Malgré un élargissement des conflits socioenvironnementaux, des élites continuent néanmoins de plaider pour le maintien de ce modèle économique, en dépeignant les collectivités locales comme d’inexorables bénéficiaires de l’extraction. Si cette représentation de la mine comme levier de développement revêt dans l’histoire du Québec une certaine résonance, sa capacité à rendre compte des réalités contemporaines de l’industrie se doit en revanche d’être réexaminée. La présente communication se veut par conséquent une synthèse d’un mémoire de maîtrise réalisé en 2019 qui analyse de manière critique les perspectives de retombées associées à l’exploitation minière. Les stratégies en matière de gestion des ressources humaines et financières privilégiées dans la chaîne de production du minerai de fer seront exposées sous la forme d’une étude de cas emblématique.
-
Communication orale
L'innocence blanche, le cas du développement hydroélectrique au QuébecJustine Grandmont (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Hydro-Québec est, au moins depuis la Révolution tranquille, un vecteur très important de la construction d’une identité nationale québécoise (Desbiens, 2015 ; Savard, 2013). Les grands chantiers hydroélectriques furent déterminants dans la promotion d’un Québec moderne, industrialisé, émancipé de la domination anglophone et maître de « son territoire ». L’histoire des grands barrages hydroélectriques est pourtant parsemée de nombreux conflits territoriaux avec les communautés autochtones (Desbiens, 2015 ; Nungak, 2019). Les travaux de Caroline Desbiens (2015) ont montré que la première phase de développement hydroélectrique de la Baie James était ancrée dans un imaginaire colonial. S’appuyant sur la doctrine de la découverte, le Nord-du-Québec était présenté comme un espace à occuper et à exploiter, et ce au détriment des communautés autochtones qui y vivent.
Récemment, la notion de partenariat avec les communautés autochtones a émergé dans le vocabulaire d’Hydro-Québec et de l’État québécois, particulièrement à travers le développement durable (Desbiens, 2015 ; Savard, 2013). Ces partenariats ne semblent pourtant pas remettre en question le caractère colonial de la relation, puisque la reconnaissance des peuples autochtones demeure subordonnée à la souveraineté territoriale de l’État québécois (Coulthard, 2018). Cette communication s’intéresse aux discours médiatiques reproduisant l’idéologie coloniale en tenant pour acquise la souveraineté territoriale de l’État québécois.
-
Communication orale
Le Canada et ses compagnies minières en Amérique Latine : un colonialisme d’extractionAlexandre Beaudoin Duquette (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Cet exposé est le fruit d’une lecture de divers rapports décrivant le comportement du Canada et de ses compagnies minières en Amérique latine à la lumière des histoires coloniales canadiennes et latino-américaines. Ceci amène l’auteur à formuler l’hypothèse selon laquelle l’expansion des minières canadiennes en Amérique latine obéit à des principes colonialistes reformulés. C’est ainsi que la Doctrine de la découverte et celle de la terra nullius, qui légitimaient l’usurpation des terres occupées par les peuples autochtones au Canada, continuent à opérer dans l’histoire, par exemple, sous le couvert du discours du développement. L’objectif demeure le même : déposséder les communautés autochtones, afro-descendantes et paysannes, cette fois, en Amérique latine. Le renouvellement de ces doctrines coloniales par le discours du développement permet également au Canada et à son secteur extractif de justifier ses interventions dans les processus législatifs d’États souverains. L’auteur propose la catégorie de « colonialisme d’extraction » pour décrire ce colonialisme canadien renouvelé. Celui-ci se caractérise par l’emploi de stratégies propres au colonialisme de peuplement pour implanter une relation capitaliste avec la terre en profitant des structures sociales laissées par le colonialisme d’exploitation qui a marqué l’histoire de l’Amérique latine. Ce processus est facilité par le colonialisme interne qui prévaut dans la plupart des pays de la région.
Conflits territoriaux et processus de résistance aux projets extractifs
-
Communication orale
L’engagement transnational des migrant·e·s dans des luttes contre l’extractivismeZaïnab El Guerrab (INRS - Institut national de la recherche scientifique)
Pour justifier l’engouement vers la « re-primarisation » des économies (Burchardt et Dietz 2014) via des stratégies extractives, certains acteurs développent un discours qui fait référence au sacrifice. Le terme de « territoire sacrifié » (sacrificed zones) en écologie politique renvoie à une « relationship between destructive violence and disposability, or “sacrificability”, that helps foreground issues such as environmental racism (Bullard 1990), economic justice (Hedges and Sacco 2012), indigenous sovereignty (Endres 2012) and structural or ‘‘slow violence’’ (Nixon 2013) » (Reinert 2018 : 598). La définition, encore jeune, de ce concept de « territoire sacrifié » permet de pointer plusieurs tensions et inégalités que l’extractivisme provoque ou exacerbe et qui peuvent mener à des conflits territoriaux et/ou transnationaux. Dans cette communication, je propose de discuter de : 1) l’utilité du concept de « territoire sacrifié » dans la compréhension des luttes contre l’extractivisme ; et 2) de l’engagement individuel des migrant·e·s dans la mobilisation transnationale contre l’extractivisme. Ici je présenterai les résultats d’une recherche qualitative (récits de vie) que j’ai menée en novembre 2019 avec trois migrant·e·s installé·e·s à Montréal : deux organisateurs et une participante à une action collective contre l’installation d’une minière canadienne en Turquie.
-
Communication orale
Paroles de femmes en résistance face à l’extractivisme dans les AmériquesMarie-Eve Marleau (Comité pour les droits humains en Amérique latine)
Au cours de la dernière décennie, les projets extractifs se sont multipliés de façon exponentielle en Amérique latine, créant des dommages irréversibles à l’environnement et aux communautés. Ils ont des impacts spécifiques sur les femmes, en raison des inégalités structurelles déjà existantes, se traduisant notamment par une hausse des inégalités socio-économiques et des violences envers les femmes ainsi que par des impacts spécifiques sur la santé, sur leur mode de vie, leur charge de travail, etc. Ce sont elles qui se retrouvent souvent aux premiers plans des luttes pour protéger les populations et les territoires sur lesquels elles vivent et elles sont fréquemment criminalisées par l’État et d’autres acteurs privés. Dans cette présentation, il sera question de ces processus de résistance des femmes, notamment autochtones, paysannes, défenseures de la vie et du territoire, qui luttent contre les activités d’entreprises extractives qui détruisent la nature et les cultures ancestrales. Malgré la violence exercée contre les femmes par l’industrie extractive dans les territoires, elles continuent d’être les protagonistes de la résistance en jouant un rôle fondamental dans l’organisation et la mobilisation des communautés pour la défense des droits collectifs.
-
Communication orale
La contre-cartographie comme mode de résistance aux industries extractives. Le cas de la Guyane françaiseMatthieu Noucher (CNRS - Centre national de la recherche scientifique)
Traditionnellement exclus du processus de production cartographique, des acteurs sociaux – habitants de village, peuples autochtones, mouvements écologistes, pour ne citer que ceux-là – se sont, ces dernières années, appropriés les outils de la cartographie pour faire pression sur les politiques publiques ou pour résister à des projets d’aménagement. La cartographie est ainsi devenue progressivement un instrument de contestation sociale. La sociologue Nancy Peluso a qualifié ce type de pratique de « contre-cartographie ». Dans les Amériques, de nombreux collectifs mobilisent désormais la contre-cartographie pour faire face aux industries extractives. En s’appuyant sur des exemples en provenance de la Guyane française, nous montrerons la montée en puissance de contre-cartes pour contester les activités aurifères légales ou illégales. Différentes pratiques de contre-cartographies seront présentées pour illustrer trois registres de résistance : dénoncer, braconner, renverser.
La Guyane est, en effet, confrontée à des controverses intenses autour du devenir des activités minières. Des revendications cartographiques oscillant entre priorités environnementalistes, indigénistes ou industrielles s’affrontent ainsi régulièrement. Nous en proposerons un rapide panorama et une analyse critique. La promesse implicite d’un empowerment par la carte semble alors inachevée, tant les peuples autochtones apparaissent, une fois de plus, comme totalement marginalisés par ces combats de cartes…
-
Communication orale
Le rêve de Bolsonaro et le cauchemar des autochtones : débats autour de l’exploitation minière dans les territoires autochtones au BrésilTédney Moreira Da Silva (Faculdade de Direito), Ana Catarina Zema (Université Laval)
Au Brésil, les avancées en termes de droits autochtones et de politiques inclusives conquises ces trois dernières décennies sont menacées depuis que Bolsonaro est arrivé au pouvoir. Les initiatives du gouvernement démontrent un manque total de respect des droits des autochtones inscrits dans la Constitution Fédérale de 1988 et des droits environnementaux. Parmi un éventail diversifié d'attaques contre les peuples autochtones et l’environnement, en février dernier, Bolsonaro a envoyé un projet de loi (PL 191/2020) au Congrès national pour réglementer l'exploitation minière, du pétrole et du gaz et la production d'électricité (hydroélectrique) sur les terres indigènes. À cette occasion, il s’est prononcé en disant que ce projet signifiait la réalisation d’un ancien « rêve ». Le mouvement autochtone au Brésil s’est mobilisé pour lutter contre ce projet de loi qui, pour eux, représente un vrai « cauchemar ». Je propose dans cette communication une analyse des récentes mesures proposées par le gouvernement Bolsonaro pour libérer l’exploitation minière dans les territoires autochtones. L'objectif est d’examiner, à la lumière de l’écologie politique latino-américaine, les enjeux politiques, sociaux et économiques soulevés par ce projet de loi et la résistance autochtone face aux dangers que représente l’exploitation minière dans leurs territoires.
Dîner
L’extractivisme dans le capitalisme vert et la transition énergétique
-
Communication orale
Les projets miniers de la transition énergétique : quelle responsabilité sociale et environnementale ?Emmélia Blais-Dowdy (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Les projets de mines de métaux émergents de la transition énergétique sont présentés par les promoteurs comme participant d’un développement durable et responsable, bien qu’il s’agisse de l’exploitation de ressources non renouvelables. Puisque l’extraction de ces métaux est en grande partie liée au marché des technologies renouvelables, certain·e·s perçoivent la transition énergétique comme l’occasion d’exiger une amélioration des pratiques sociales et environnementales des entreprises minières. D’autres au contraire soulignent que les impacts socioenvironnementaux de ces nouvelles mines sont minimisés en raison de l’urgence à décarboniser les économies. Dans tous les cas, les entreprises minières occupent une position stratégique dans le projet de transition énergétique. Au moyen d’une écologie politique poststructuraliste, nous chercherons à démontrer le « champ de contrôle et d’intervention sociale » (Escobar, 1996) qui se déploie dans le renouvellement du discours de développement durable et responsable de l’industrie minière à l’heure de la transition énergétique. À partir de l’analyse d’entretiens réalisés dans le contexte du développement d’un projet de mine de terres rares à Kipawa au Témiscamingue, nous argumentons qu’il se produit un glissement du discours où la responsabilité sociale est désormais transférée vers les communautés, qui sont sommées de consentir à la cohabitation avec le projet minier sous motif de lutte aux changements climatiques.
-
Communication orale
L’exceptionnalisme canadien et l’écoblanchiment de l’impérialisme : l’État, la transition énergétique et la légitimation discursive (contestée) de l’extractivisme minierAidan Gilchrist-Blackwood (Université McGill)
Cette communication porte sur le discours que tient l’État canadien sur le secteur minier. À partir d’une analyse des communiqués de presse issus de Ressources naturelles Canada et d’Affaires internationales Canada entre 2000 et 2019, j’observe l'engagement de l’État dans un processus de légitimation discursive où il associe de plus en plus étroitement le secteur extractif au concept de développement durable. Cette association discursive fonctionne notamment à travers les stratégies de communication qui soulignent l’importance des minéraux bruts pour le développement des technologies liées aux énergies renouvelables. Étant donné le niveau de violence socioécologique attribuable aux comportements du secteur minier canadien à l’intérieur et à l’extérieur des frontières de l’État, je constate que ces déclarations sur la « durabilité » du secteur constituent des discours d'écoblanchiment qui dissimulent le colonialisme et l’impérialisme canadien. Ces discours sont soutenus par les structures d’un sentiment d’exceptionnalisme qui rationalise la dépossession violente du modèle extractiviste et qui veut positionner l’État canadien comme un pouvoir mondial bienveillant.
-
Communication orale
Perspectives critiques au sein d’un conflit socio-écologique en contexte de transition énergétique : le cas du projet AuthierGabrielle Roy-Grégoire (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Cette communication vise à mettre en lumière la résistance présente dans la mobilisation sociale qui émerge au Québec face à la multiplication des projets extractifs, en particulier ceux s’insérant dans la transition énergétique globale. En prenant pour cas d’étude le projet Authier en Abitibi-Témiscamingue, notre objectif est d’explorer l’attitude et le discours critique grandissant à l’égard du lithium. À l’échelle mondiale, la transition énergétique est associée à un capitalisme vert. Au Québec, elle s’articule entre autres par un plan d’électrification, ciblant certains métaux essentiels à ce nouveau marché tels que le lithium. Depuis une décennie, un boom extractif marque le secteur minier et s’accompagne d’une montée de conflits socio-écologiques sur le territoire et de l’aggravation des inégalités sociales par la crise écologique. Ces conflits soulèvent des enjeux de justice environnementale et mènent à une réflexion sur la place des projets extractifs dans le cadre d’actions provinciales spécifiques à la crise climatique. Dans le contexte de l’Abitibi-Témiscamingue, jamais un projet minier n’a été bloqué par les habitant·e·s de la région, ce qui fait de la résistance sociale contre le projet Authier une lutte sans précédent. Cette présentation aura donc pour objectif d’étudier une situation de conflit socio-écologique lié à un nouveau type d’extractivisme en contexte de croissance verte.
États et entreprises extractives : entre accumulation et répression
-
Communication orale
L'agroindustrie du cannabis canadien en Colombie. Enjeux et conflits devant la légalisation de ce secteur extractifLeila Celis (UQAM - Université du Québec à Montréal)
La production de cannabis en Colombie n’est pas nouvelle. Néanmoins, ce n’est qu’à partir de 2015 que sa culture et la commercialisation de ses dérivés ont été légalisées et réglementées. Par ailleurs, les prix internationaux du cannabis sont à la hausse depuis sa légalisation à des fins récréatives au Canada et ils promettent de garder cette tendance avec les perspectives de légalisation à l’intérieur des États-Unis et dans d’autres pays européens.
C’est dans ce contexte que le capital canadien fait son entrée dans l’agroindustrie du cannabis en Colombie. Alors que traditionnellement les compagnies canadiennes extractivistes ont été associés à l’exploitation minière et des hydrocarbures, depuis 2015, elles sont parmi les plus importants investisseurs dans l’agroindustrie du cannabis.
Les bas prix de production, les conditions géographiques favorables à la culture et la « disponibilité d’eau » sont parmi les principaux atouts qui attirent les investissements.
Dans cette communication, nous analyserons les conflits socioterritoriaux et économiques que provoque déjà le capital canadien dans le secteur : accaparement de terres et d’eau, monopole de licences et création de zones franches sont des problématiques qui s’ajoutent à celles déjà connues de monocultures agroindustrielles dont la menace à la production agraire et la dépendance économique. Nous voulons aussi interroger le rôle de l’industrie canadienne du cannabis dans les perspectives de la « fin du conflit » en Colombie.
-
Communication orale
Plans nationaux d’action et la responsabilité des entreprises minières transnationales dans les violations des droits humains en Amérique LatineJânia Maria Lopes Saldanha (Universidade do Vale do Rio dos Sinos)
Les études montrent que les sociétés transnationales minières augmentent le produit intérieur brut de nombreux États. Cependant, elles ont imposé aux individus et aux communautés des coûts sociaux, environnementaux et humains qui doivent être pris au sérieux, car ils contredisent un ensemble normatif international de protections des droits humains. L'Amérique latine est la cible de l'exploitation minière où elle n'est pas un nouveau phénomène. Mais, depuis des années 1970, sous l’influence du néolibéralisme, l’organisation des entreprises minières a commencé à prendre une forme multinationale, ce qui a eu un impact considérable empêchant de limiter leurs actions et de leur imposer des responsabilités. Les sociétés minières sont les principaux auteurs de violations des droits. Ainsi, la création de cadres juridiques internationaux qui réduisent les abus et protègent les victimes est un besoin. Les « Principes John Ruggie » sont des balises pour chercher un équilibre entre les intérêts économiques et le respect des droits humains. Les Plans d'action nationaux pour les entreprises et les droits humains peuvent être considérés comme une alternative positive pour que les États et les entreprises s'acquittent de leur obligation de respecter les droits humains. Cette communication présentera d’abord une analyse de l’activité minière en Amérique latine. Deuxièmement, nous analyserons les PAN et la nécessité d’un «lieu» pour encadrer les entreprises d’extraction de minéraux.
-
Communication orale
Les tribunaux d'arbitrage : une justice privée à sens uniqueFrédéric Paquin (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Les réformes économiques néolibérales initiées dans les années 80 ont contribué à une augmentation fulgurante des investissements directs à l’étranger (IDE). Ces derniers sont indissociables de la croissance quasi exponentielle de traités d’investissements bilatéraux, passant de quelques centaines au début des années 90 à près de 2000 au début du XXIe siècle. Ces traités sont généralement assortis d’un mécanisme de règlement de différends entre investisseurs et États (ISDS) permettant aux investisseurs qui considèrent que leurs droits protégés par les traités ont été violés d’avoir recours à un tribunal d’arbitrage international d’investissement. L’ISDS permet ainsi aux entreprises multinationales d’outrepasser les tribunaux nationaux afin de poursuivre directement un État devant un tribunal privé d’arbitrage international lorsqu’elles estiment que leur droit au profit est attaqué.
Dans cette communication, nous nous intéresserons à la mobilisation croissante de ces tribunaux d’arbitrage par les entreprises extractives. En analysant la poursuite intentée en 2016 par la compagnie minière Canadienne Eco Oro contre la Colombie au nom de l’Accord de libre-échange Canada-Colombie, nous verrons comment ce système de justice privé est utilisé afin de contourner des règlementations sociales et environnementales, souvent acquises à l’issue de longues luttes sociales au sein des États hôtes.
-
Communication orale
Généalogie de la « réconciliation extractiviste »Jean-Philippe Desmarais (UQAM - Université du Québec à Montréal)
L’objet de cette présentation est l’articulation entre l’émergence de l’idéologie de la réconciliation dans les colonies antillaises au 16e siècle – repérable depuis l’œuvre de Bartolomé de Las Casas (1484-1566) – et la problématisation de la rentabilité de l’extractivisme minier qui était le mode d’accumulation colonial le plus intensément investi dès la « prise de terre » par Colomb au nom de l’Espagne en 1492.
La perspective développée, qui se situe dans une perspective analytique de la (dé)colonialité transaméricaine, est une ontologie historique de la biopolitique coloniale, concept qui médiatise la contradiction entre extractivisme et réconciliation. La méthodologie employée pour exécuter cette étude (qui forme un chapitre de mon mémoire : Généalogie de la réconciliation dans les Amériques) est une sociologie herméneutique, dont le travail d’interprétation passe par l’analyse d’un traité sur l’art de gouverner que Las Casas a écrit en 1516, le Memorial de remedios para las indias.
L’interprétation de ce texte sera en trois parties : 1) génocide colonial et invention du biopolitique moderne coloniale : utopie de coexistence paysanne et de métissage raciste-genré ; 2) dévoilement de la « face cachée » de la biopolitique/nécropolitique coloniale : la dystopie disciplinaire de l’extractivisme minier ; 3) redéfinition de la division racialisante du travail : le cas de la réduction à l’esclavagisme des Africains.
Imaginaires de lutte et autodétermination face à l'extractivisme
-
Communication orale
Résonance du zapatisme au Québec : luttes face à l’extractivisme et formes de vies alternativesJeansol Goulet Poulin (Université Laval)
Les idées zapatistes résonnent au Québec à la suite de l’insurrection du 1er janvier 1994 : l’indignation chiapanèque face à l’ordre néolibéral, via des réseaux transnationaux, entre alors en coprésence avec les imaginaires politiques qui circulent en situation québécoise au sein de plusieurs milieux militants. Ce moment s’inscrit dans l’histoire des liens de solidarité entre plusieurs sujets en luttes, individuels et collectifs, situés au Mexique et au Québec. Cette communication vise à rendre compte de la place de la résonance des idées zapatistes avec les imaginaires politiques circulant dans les milieux militants au Québec.
Ces imaginaires sont ceux de dignité, d’autonomie, d’horizontalité et d’internationalisme. Ils nourrissent et sont nourris des luttes contre la mondialisation néolibérale qui est patriarcale, colonialiste et capitaliste. Ces luttes sont menées par plusieurs sujets collectifs et individuels qui militent dans des milieux, entrelacés, de défense des droits humains en Amérique latine, anarchistes et académiques. C’est à partir de l’analyse des praxis de ces sujets qu’un portrait du déploiement dans le temps de l’impact de cette résonance sera dressé. Cela, dans le cadre de leurs initiatives de solidarités avec les communautés en résistances dans l’état du Chiapas, au Mexique.
-
Communication orale
Cosmopolitique territoriale de la Nation Wampis : visions d’autonomie dans l’Amazonie péruvienneAndres Larrea (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Cette communication présente les résultats d’une recherche réalisée en collaboration avec le Gobierno Territorial Autónomo de la Nación Wampis (GTANW), premier gouvernement indigène constitué dans l’Amazonie péruvienne. Elle propose une description des politiques territoriales de ce nouvel acteur politique. La méthodologie s’appuie sur 14 entretiens menés avec des dirigeants politiques et des militants du GTANW en 2017, des groupes de discussion et l'observation participante d’une multitude d'activités relatives à la vie démocratique et à la gestion territoriale.
Dans un contexte d'explosion de conflits sociaux causés par l'expansion de la frontière extractive, le GTANW met en pratique une vision de l'autodétermination politique et territoriale qui revendique la cosmopraxis wampis, les savoirs ancestraux et l'organisation traditionnelle du territoire. En s’appuyant sur des principes de démocratie participative, le consensus et leurs institutions traditionnelles, les dirigeants et militants du GTANW cherchent à établir un modèle de développement compatible avec la cosmovision wampis et la philosophie de vie Tarimat Pujut (bonne vie ou pleine vie). Nous démontrons que, en contexte interculturel, la lutte pour la distribution des ressources ne se déroule pas dans le même système de signes et cosmovision pour tous les acteurs impliqués; les conflits résultants appartiennent à la catégorie des «conflits ontologiques» qui impliquent des définitions différentes de «ce qui existe».
-
Communication orale
Les rencontres internationales de femmes autochtones qui militent face à l’extractivisme : possibles espaces de création normative ?Mélisande Séguin (UQAM - Université du Québec à Montréal)
L’extractivisme est un système économique qui a accompagné le projet impérialiste du droit international lors de l’entreprise coloniale européenne. La plupart des populations impliquées dans les conflits avec des entreprises extractivistes vivent sur des territoires non cédés ou dans des pays ayant subi la colonisation. Conséquemment, de multiples oppressions à l’égard des femmes s’entrecroisent dans l’extractivisme. Ce système cause l’altération de la relation entre les femmes, leur territoire et leurs corps. Catherine Larrère nomme ceci « logique de la domination » : dans l’extractivisme, on domine simultanément le corps des femmes et la nature. Pour le collectif Miradas feministas, l’extractivisme est une violence dirigée contre les espaces de reproduction de la vie, qu’il s’agisse du corps des femmes ou de la nature. Face à cette violence, les femmes - principalement autochtones - se retrouvent souvent au front des luttes contre l’extractivisme et doivent déployer de multiples stratégies de résistance. Celles-ci se mobilisent notamment par le biais de rencontres internationales de concertation. Ces initiatives sont des lieux d’échanges et de planification importants pour ces femmes qui sont souvent exclues des espaces décisionnels juridiques et politiques. Ainsi, nous nous demanderons si ces lieux, en marge des paradigmes de savoirs occidentaux, constitueraient des espaces décisionnels et de création normative fondés sur les expériences de ces femmes.
-
Communication orale
La résistance sociale en contexte de conflit socioécologique, un creuset de développement des dimensions critique et politique de l’éducation relative à l’environnementDaniela Guerra Carranza (UQAM), Andres Larrea (UQAM), Guillaume Moreau (UQAM), Isabel Orellana, Gabriel Poisson (UQAM), Centr'ERE Resistaction (UQAM), Felipe Rodríguez Arancibia (UQAM), Gabrielle Roy-Grégoire (UQAM)
Cette communication veut contribuer à l’innovation écosociale en explorant les processus de co-apprentissage et de formation à l’écocitoyenneté au sein des mouvements sociaux de résistance à l’extractivisme. Il s’agit d’analyser les pratiques émancipatoires enracinées dans l’action de défense territoriale et la façon comme ces pratiques contribuent au développement d’intelligences territoriales qui motivent l’émergence de nouveaux récits, de propositions et d’utopies. Nous voulons enrichir les dimensions critique et politique de l’éducation relative à l’environnement et contribuer aux réflexions contemporaines qui analysent l’articulation des alternatives au modèle hégémonique.
Cette communication présente les résultats d’une recherche ayant lieu dans les contextes culturellement contrastés de Québec (boom minéraux-énergétique) et du Chili (extractivisme exacerbé, berceau du modèle néolibéral). Étant à la recherche de signification, de pertinence et de contextualisation ainsi que de contribution au changement, cette étude s’inscrit dans les paradigmes interprétatif et critique de recherche. Elle adopte les perspectives ethnographique et phénoménologique pour le processus de collecte et de validation des données (entrevues semi-dirigées, discussions de groupe et observation participante). La collecte de données est conçue comme un processus dialogique réflexif avec les acteurs sociaux dans leurs propres contextes.