Informations générales
Événement : 88e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 300 - Lettres, arts et sciences humaines
Description :La langue sert tantôt de terrain de jeu, tantôt de champ de bataille aux différents mouvements qui animent une société. Pensons à la concurrence récente entre autrice et auteure (dont l’usage était jusqu’alors plus fréquent au Québec), qui a provoqué un débat sur les procédés linguistiques de féminisation et sur les enjeux de visibilisation des femmes dans la langue. Dans une autre perspective, l’emploi de bonjour-hi dans les commerces montréalais et la concurrence de take-out et pour emporter récemment évoquée sur Twitter par l’Office québécois de la langue française ont entraîné des débats qui ne portaient pas sur les mots eux-mêmes, mais sur le statut du français par rapport à l’anglais dans la société québécoise. Par ailleurs, des débats n’ayant pas pour origine un objet linguistique peuvent aussi faire une large part à langue. Prenons l’exemple des discussions sur le racisme systémique, qui ont rapidement fait état d’une incompréhension de l’expression de la part de certaines personnes et où le sens de racisme (par rapport à discrimination) et de systémique (par rapport à systématique) a été abondamment discuté. De même, l’emploi d’inconduites sexuelles dans la foulée du mouvement #MeToo a suscité de nombreuses réactions de la part de personnes jugeant que l’expression contribuait à la banalisation des gestes posés.
Ces exemples illustrent le pouvoir des mots (Boutet, 2016) et les enjeux qu’ils sont susceptibles de soulever. De tels débats sont fréquents dans l’espace public et ils trouvent écho chez différents acteurs sociaux, qu’il s’agisse de personnalités politiques, de groupes militants, de chercheuses et de chercheurs, de journalistes ou du grand public. Que les discours produits soient associés aux discours d’autorité (Monte et Oger, 2015) ou aux discours dits profanes ou populaires (Achard-Bayle et Paveau, 2008), ils participent au débat social. Ce sont ces discours sur les mots moteurs de polémique qui seront au cœur de ce colloque. L’objectif est de réunir des spécialistes de la langue qui, s’inscrivant dans différentes approches (discursives, sociolinguistiques, historiques, lexicographiques, sémantiques, etc.), se pencheront sur ces discours de manière à apporter un éclairage linguistique aux échanges suscités.
Références
Achard-Bayle, Guy et Marie-Anne Paveau (réd.) (2008), Linguistique populaire ? numéro thématique de Pratiques. Linguistique, littérature, didactique, nos 139-140.
Boutet, Josiane (2016), Le pouvoir des mots, Paris, La Dispute.
Monte, Michèle et Claire Oger (réd.) (2015), Discours d’autorité : des discours sans éclat(s) ?, numéro thématique de Mots. Les langages du politique, no 107.
Nous remercions le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, la Chaire de recherche UQTR sur le discours et la construction du lien social, ainsi que le Centre de recherche interuniversitaire sur le français en usage au Québec.
Dates :Format : Uniquement en ligne
Responsables :- Geneviève Bernard Barbeau (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)
- Nadine Vincent (UdeS - Université de Sherbrooke)
Programme
Jour 1
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Communication orale
Les tabous sociaux, des freins au dévoilement d’une agression sexuelle chez l’enfant lors de l’entrevue d’enquête?Noémie Allard-Gaudreau (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)
L’agression sexuelle figure certainement parmi les sujets les plus difficiles à aborder (Cyr 2019). Si on a longtemps cru que la gêne liée à de tels discours incombait seulement aux adultes, qui au fil du temps auraient intégré les tabous sur la sexualité et les violences sexuelles, c’est parce que les recherches consacrées aux enfants sont relativement peu nombreuses et qu’elles portent rarement sur des discours authentiques (Fogarty 2010). La présente étude s’intéresse à la manière dont l’enfant victime d’agression sexuelle raconte son expérience à la police lors de l’entrevue d’enquête, et plus précisément à la façon dont il utilise le langage pour occulter les gestes sexuels commis, éléments qui devraient pourtant constituer le cœur du récit (Haworth 2013). Cette communication est ainsi consacrée à ce que les linguistes appellent l’ellipse (Bîlbîie 2017), définie comme l’absence de quelque chose dans un texte. Deux types ont été observés, l’ellipse grammaticale (Zellama 2017) et l’ellipse narrative (Genette 1972). Les résultats montrent que les enfants, dès l’âge de six ans, éprouvent des difficultés à parler d’une agression sexuelle, phénomène qui nous amène à penser que plusieurs tabous sociaux ont déjà été intégrés à cet âge.
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Communication orale
« Appelons un chat un chat » : débat autour de l’expression « inconduites sexuelles » dans l’espace médiatiqueVéronique Durocher (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)
La vague de dénonciations portée par le mouvement #MeToo a été propulsée par des enquêtes journalistiques tant aux États-Unis qu’au Québec. Bien que l’expression inconduite(s) sexuelle(s) soit présente dans la presse écrite canadienne dès 1989, son nombre d’occurrences a connu une expansion considérable en octobre 2017. Cette utilisation accrue n’est pas passée inaperçue et l’expression a fait l’objet d’un débat lexico-sémantique sur lequel nous proposons de nous pencher dans cette communication.
Dans un des cas médiatisés, celui de l’animateur et producteur Éric Salvail, cette expression a été retenue pour nommer les gestes reprochés. Puisque le mouvement #MeToo a engendré de nombreux débats sur la frontière entre ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas (notamment la frontière entre la drague et le harcèlement sexuel), le choix de cette expression a été débattu par des internautes sur la page Facebook du quotidien La Presse. Certains internautes y voient une banalisation des gestes posés; d’autres, une prudence journalistique pour éviter de caractériser des gestes non jugés avec des termes juridiques. Si les réactions suscitées dans la population par certains choix lexicaux des journalistes ont déjà été étudiées (Calabrese 2015, 2018), qu’en est-il lorsque les journalistes doivent s’exprimer sur des gestes qui, d’une part, pourraient faire l’objet de poursuites et qui, d’autre part, sont souvent banalisés? -
Communication orale
« Les feminazi c’est les pires » : autopsie langagière et enjeux sociaux d’une injure antiféministeAlbin Wagener (Université Rennes 2)
Terme désormais classique dans la culture du trolling qui affecte particulièrement les réseaux sociaux et certains sites communautaires, le mot feminazi est devenu une invective régulièrement pratiquée par les opposants au féminisme. Hérité de l’animateur radio conservateur Rush Limbaugh, l’expression est apparue dans les années 90, avant de se faire une place au soleil au sein des communautés conservatrices qui jugent le féminisme comme une menace face à une certaine vision de l’ordre social et culturel.
Mon propos sera de décrypter le terme feminazi, notamment en lien avec les usages numériques (réseaux sociaux, memes) et des controverses qui ont notoirement lieu dans des espaces comme Twitter (Cole 2015; Rodriguez-Sanchez et al. 2020). Nous pourrons y voir la manière dont ce terme polémique et problématique se retrouve intégré à une certaine version de la culture populaire en ligne (Veale et Butnariu 2010; Singh 2018), tout en s’inscrivant dans une longue et versatile tradition antiféministe (Descarries 2005; Depuis-Déri 2012).
L’approche que je proposerai se veut à la fois discursive et argumentative, mais également métaphorique (Plemenitas 2017; Horan 2019), afin de saisir à la fois les particularités des dispositifs socionumériques (Wagener 2017, 2019), ainsi que la circulation des critiques face aux mouvements féministes qui souhaitent proposer des modèles politiques et sociaux en rupture avec les inégalités existantes (Moi 2006; Wagener 2020). -
Communication orale
Le masculin polémiqueSophie Piron (UQAM - Université du Québec à Montréal)
Cette proposition intervient dans le débat sur le genre et l’écriture inclusive en français. Une nouvelle orientation des recherches sur le genre linguistique en français a été imprimée par les travaux de Viennot – spécialiste de l’histoire des femmes et de l’histoire de la littérature –, d’abord avec ses recherches sur la place des femmes dans la société française, mais surtout en 2014, lorsque ses travaux connurent un écho inégalé dans le grand public grâce à la publication de son ouvrage Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin ! Cet ouvrage propose une analyse qui mord sur deux champs disciplinaires en linguistique : l’histoire du français (en tant que système linguistique) et l’histoire de la grammaire (en tant qu’histoire des idées linguistiques exposées dans les grammaires au fil des siècles). La démonstration de Viennot aboutit à l’affirmation selon laquelle des hommes lettrés ont sciemment masculinisé le français entre le 17e et le 19e siècle. Cette communication analysera l’argumentaire de Viennot avec les outils de la linguistique historique, de l’histoire de la grammaire et de l’histoire de la lexicographie. Elle se penchera plus particulièrement sur les exemples cités dans l’ouvrage pour les envisager sous un angle strictement linguistique.
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Communication orale
Pandémie, polémique et variation : le ou la Covid?Marie Steffens (Universiteit Utrecht / Université de Liège)
Les circonstances actuelles sont particulièrement propices à la création lexicale : tous les aspects de la vie sociale sont bouleversés, de nouvelles réalités apparaissent tous les jours et avec elles de nouveaux besoins communicatifs et donc lexicaux. L’ampleur sans précédent de la crise sanitaire, dans un monde hyperconnecté, favorise la circulation de ces néologismes et les contacts interlangues. Au milieu de ce fourmillement de nouveaux termes, la polémique semble se concentrer principalement sur le genre de Covid, qui déchaine les passions des académiciens, terminologues, linguistes et autres locuteurs francophones. Cette communication vise à rendre compte de la complexité de ce débat dans lequel de nombreux paramètres interviennent : le rapport des francophones à l’emprunt en général, aux anglicismes en particulier, le bras de fer entre usage et norme, la légitimité et la diffusion des discours de référence, la variation interne au français et les différences entre les préférences morpho-syntaxiques des deux côtés de l’Atlantique. À partir d’un corpus d’articles de presse européens et québécois, nous identifierons les arguments avancés pour l’attribution des deux genres et nous montrerons comment les différentes variables linguistiques, idéologiques et sociales s’articulent dans le discours.
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Communication orale
Le slogan « Right fiers » : de polémique linguistique à formule discursiveNatalie Melanson Breau (Université de Moncton), Isabelle Violette (Université de Moncton)
Le choix du slogan Right fiers pour représenter les Jeux de la francophonie canadienne à Moncton-Dieppe durant l’été 2017 a créé une véritable polémique (Amossy 2014). La forte polarisation de l’opinion publique autour de l’hybridité linguistique du slogan rappelle combien, en contexte minoritaire, un simple mot tiré de la « mauvaise langue » ouvre la voie à un « terrain idéologique miné » (Leclerc 2016). Si le débat linguistique peut faire l’objet d’une analyse en lui-même, cette communication porte toutefois plus précisément sur la période post-jeux durant laquelle on constate la persistance de l’expression Right fiers dans l’espace médiatique, et ce, sans que cette dernière fasse référence aux Jeux comme tels. L’objectif de cette communication est de donner sens à ces diverses occurrences du Right fiers en prenant appui sur la notion de « formule discursive » développée par Krieg-Planque (2009). Pour ce faire, nous mobilisons un corpus d’analyse hétérogène tiré des médias traditionnels (22 articles de journaux) et des médias sociaux (76 tweets), constitué à partir des mots-clés right et fiers entre août 2017 et 2019. Nous chercherons ainsi à montrer comment un slogan se transforme en formule, en nous interrogeant sur les conditions discursives et idéologiques qui rendent possibles ce passage.
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Communication orale
L'anglicisme vu par les RedditorsRoxane Grégoire (UdeS - Université de Sherbrooke)
S’il est un phénomène linguistique qui, au Québec, revêt une dimension hautement polémique, c’est bien l’emprunt à l’anglais, ou l’anglicisme. Dans cette communication, nous nous y intéresserons sous l’angle de la linguistique populaire (ou linguistique profane) en nous penchant sur le cas de la plateforme Reddit, le forum de discussion en ligne le plus visité au monde (Medvedev, Lambiotte et Delvenne 2017). C’est un fil de discussion intitulé « Quelle est votre opinion sur l’utilisation des anglicismes au Québec? », créé le 31 octobre 2019 par un usager de la plateforme, qui nous servira de corpus d’analyse. L’étude des discours métalinguistiques sur les réseaux sociaux comme Facebook, Twitter et Youtube, bien qu’elle intéresse de plus en plus de linguistes et sociolinguistes, en est encore à ses débuts. Or, une présence majoritaire d’idéologies puristes, voire de « prescriptivisme ardu », a déjà été démontrée par plusieurs chercheurs (Damar 2010; Osthus 2015). Est-ce aussi le cas sur Reddit, une plateforme reconnue comme un endroit propice à l’ouverture, à la discussion et à l'apprentissage? (Anderson 2015) Quelles idéologies les usagers (qu’on appelle les redditors) véhiculent-ils concernant l’emploi des anglicismes?
Jour 2
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Communication orale
« À chaque mot suffit sa peine » ou mot polémique, mot dialogique? L'exemple du terme « racisé »Laurence Rosier (Université libre de Bruxelles)
Que fait-on lorsqu'on nomme une réalité? Existe-t-il un mot juste? Le sens est-il fluctuant? Un mot peut-il signifier son contraire? Les mots permettent-ils l’action? Quelles sont les conséquences de la création ou de la disparition d’un mot? Discuter de la pertinence d’un terme dans un contexte donné, s’interroger sur l’évolution du sens des mots, chercher des vocables plus précis, c’est le travail scientifique des linguistes, mais aussi le travail linguistique ordinaire de tout·e locuteur·trice. Pourquoi le sens des mots oppose-t-il souvent plutôt que de rassembler, comme le montrent les polémiques récurrentes autour de l’usage de certains mots? On dit pourtant en analyse du discours que le mot est dialogique; or dans ce terme, on entend le mot dialogue. Alors pourquoi l’emploi de certains mots crispe-t-il au point d’aboutir à des malentendus, des dialogues de sourds ou des ruptures radicales de communication?
Le terme racisé fait suite à ces emplois dialogiques marqués du sceau de la mémoire sociale et historique, tout comme les termes dominé, subalterne, etc. S’il est récemment entré dans le dictionnaire, comme un adoubement de son usage, il est aussi le lieu d’échanges vifs et violents : on est là dans des emplois qui sont politiques au sens large, banalisés et réinterprétés au sein de tensions et de conflits. Notre présentation s’appuiera sur un corpus issu de la toile comportant des emplois remarquables du terme racisé dans des contextes polémiques. -
Communication orale
« Minorités visibles » ou invisibles? : une formule aux enjeux polémiquesChiara Molinari (Université de Milan)
L’expression minorité visible fait son apparition au Canada, autour des années 80, dans le cadre du marché du travail lorsque le Gouvernement du Canada s’interroge sur les personnes ayant le plus de difficultés dans la recherche d’un emploi. Les personnes appartenant à une « minorité visible » sont mentionnées, à côté des femmes et des personnes handicapées. Ce n’est qu’en 1996 que la loi entre en vigueur et que l’expression fait l’objet d’une définition. En effet, d’après la loi canadienne sur l’équité en matière d’emploi, l’expression minorité visible désigne les « personnes, autres que les Autochtones, qui ne sont pas de race blanche ou qui n’ont pas la peau blanche ». L’expression a connu depuis une large diffusion, ce qui nous amène à interroger son statut de formule (Krieg-Planque 2009).
Cependant, malgré sa fréquence, le sens de la formule minorité visible n’a pas encore été accepté à l’unanimité et fait l’objet de débat dont les contours sont souvent polémiques (Amossy 2014) : certains la considèrent comme un euphémisme visant à cacher des attitudes racistes; d’autres s’interrogent sur le rôle stigmatisant de la visibilité, au sens goffmanien du terme. Un corpus constitué d’articles tirés de la presse québécoise et de technodiscours (tweets et commentaires Facebook) nous permettra d’explorer la façon dont des perspectives différentes, que ce soit sur les plans culturels ou identitaires, contribuent à l’évolution sémantique de cette expression. -
Communication orale
La polémique sémantique autour de la formule « racisme systémique »Geneviève Bernard Barbeau (Université du Québec à Trois-Rivières), Isabelle Lévesque (UQTR - Université du Québec à Trois-Rivières)
L’expression racisme systémique constitue une formule discursive, c’est-à-dire « un ensemble de formulations qui, du fait de leurs emplois à un moment donné et dans un espace public donné, cristallisent des enjeux politiques et sociaux que ces expressions contribuent dans le même temps à construire » (Krieg-Planque 2009). Des différents traits définitoires qui la caractérisent, nous nous intéresserons plus spécifiquement à la dimension polémique de la formule racisme systémique, qui s’est donnée à voir au Québec dans les médias traditionnels et sociaux à partir du printemps 2020, alors que la fréquence d’utilisation de l’expression a augmenté de façon importante et qu’elle est devenue l’objet de compréhensions plurielles au sein de la classe politique, des journalistes et de la population.
À partir d’un corpus constitué d’articles publiés entre 1991 et 2020 dans trois quotidiens québécois, soit Le Devoir, Le Journal de Montréal et La Presse, notre objectif sera d’analyser la polémique sémantique qui a eu lieu autour de la formule. Cette polémique s’est manifestée notamment par la confusion entre les termes systémique et systématique et par la contestation du référent, ce qui a donné lieu à de multiples tentatives de définitions de toutes parts, marquées entre autres par des réfutations et des exemplifications. -
Communication orale
La réconciliation au Canada : généalogie et glissementAnn-Sophie Boily (UQAC - Université du Québec à Chicoutimi)
La notion de réconciliation a été souvent reprise dans la sphère publique et politique canadienne pour traiter des relations entre autochtones et allochtones, mais elle ne fait pas l’unanimité. Depuis 2008, elle est instrumentalisée dans « un espace de marchandage et de délibération politique » (Lefranc 2015) dans un contexte colonial et néolibéral hégémonique (Heller et McElhinny 2017; Wyile 2018).
Mobilisant une approche critique (Heller et McElhinny 2017) à visée décoloniale (Smith 1999) en sociolinguistique, je présenterai une revue de la littérature qui a permis d’identifier deux rhétoriques conflictuelles de la réconciliation au Canada. Si la première participe à la (re)production de rapports coloniaux, l’autre vise leur démantèlement. Dans tous les cas, « l’assignation du sens révèle des enjeux sociaux » (Boutet 2016 : 64) sur l’état et l’avenir des relations autochtones-allochtones. J’utiliserai pour illustrer ce portrait des extraits d’un corpus de propos de parlementaires à l’adoption de la Loi sur les langues autochtones en 2019, tiré de mon mémoire en cours. Les extraits montrent que le type de réconciliation appuyé au Parlement bénéficie davantage des intérêts allochtones et contribue au maintien d’un statu quo incompatible avec les revendications autochtones auxquelles il prétend répondre. -
Communication orale
De « Indien » à « Autochtone » : évolution de la désignation des membres des Premières Nations et des Inuits par les groupes dominants au Québec du 19e s. à aujourd’huiMireille Elchacar (TÉLUQ - Université du Québec)
Lorsque des mouvements sociaux mettent de l’avant des populations marginalisées et leurs revendications, cela peut s’accompagner d’un changement de dénominations, voire de dénominations nouvelles. Depuis les années 2000, on a par exemple vu naitre les néologismes antimondialiste et altermondialiste, ou ceux de la diversité des orientations sexuelles et des identités de genre (LGBT et ses variantes, queer, trans, etc.). Le choix de l’appellation relève d’une tentative d’acquisition de capital symbolique et de reprise de pouvoir (Bourdieu 2001). L’objectif est que les groupes aient un certain contrôle sur la manière dont ils seront désignés – voire présentés – dans les médias et ultimement auprès de la population générale (Boutet 2016).
Nous nous intéressons aux dénominations des peuples autochtones au Québec par les allochtones au fil du temps. Si l’appellation Indien semble aujourd’hui offensante car inexacte, elle est toujours présente dans les textes de loi. Elle a progressivement cédé la place à Amérindien, encore en usage jusqu’à très récemment, alors qu’Autochtone tend aujourd'hui à s’imposer. Nous souhaitons dresser un panorama des appellations utilisées dans trois corpus à travers le temps : 1) un échantillon de manuels d’histoire du Canada et du Québec; 2) des textes de lois; 3) des glossaires et dictionnaires publiés au Canada francophone. Il s’agira d’une première incursion vers une analyse sociolexicologique (Laurian 2003) de ces appellations. -
Communication orale
Traitement lexicographique d’emplois polémiques : le cas du mot « woke »Nadine Vincent (UdeS - Université de Sherbrooke)
Pour garder les dictionnaires à jour, les lexicographes sont à l’affût de l’apparition de nouvelles acceptions et doivent évaluer la pertinence de leur attestation. La description adoptée tient généralement peu compte de la diversité des points de vue, ce qui fait dire à certains que le dictionnaire serait le « reflet de l’idéologie dominante » (Girardin 1979) et fait craindre à d’autres que le dictionnaire, en raison des critiques dont il est la cible, doive bientôt se soumettre « à la bienséance et à l’orthodoxie langagières » (Boulanger 1998).
Nous nous intéresserons ici au mot woke, d’entrée récente en français, absent des dictionnaires professionnels (Usito, GDT, Petit Robert, Petit Larousse), mais déjà attesté dans certaines sources collaboratives (Wiktionnaire, Wikipédia). À partir d’un corpus journalistique québécois et français, nous proposerons différents traitements (marquage, définition, exemples), en fonction de l’évolution rapide des connotations et dénotations attachées à ce mot, selon qu’on l’utilise pour se désigner soi-même ou pour nommer quelqu’un d’autre. L’approche théorique adoptée s’inscrit dans la tradition de la lexicographie descriptive, appuyée sur des corpus textuels, avec un apport important de linguistique variationniste. Nous innoverons en proposant une description plus diversifiée de la langue, en ajoutant à la voix dominante celle des voix minorées qui n’accèdent généralement pas aux dictionnaires. -
Communication orale
« Populisme » dans les commentaires sur Youtube : entre dimension conflictuelle et enjeux argumentatifsStefano Vicari (Università di Genova)
Dans cette étude, nous nous pencherons sur l’analyse d’environ 300 commentaires d’internautes à la suite d’une vingtaine de vidéos publiées sur Youtube et traitant du mot et/ou de la notion de populisme entre 2018 et 2020. Ces vidéos sont des émissions d’approfondissement publiées soit par des médias (radiophoniques ou télévisuels) soit par des institutions et sollicitent une réflexion sur le sens et les emplois de populisme par rapport à différents évènements de l’actualité sociopolitique en France. À la suite d’un aperçu théorique sur les travaux de sociologues et politologues (Godin 2012; Müller 2016; Inglese 2018) et de spécialistes analystes du discours (Charaudeau 2011; Mayaffre 2013) sur le populisme, qui montrera un certain flou de la notion, nous caractériserons la dimension polémique (Amossy 2014) de ce mot à partir de l’analyse des énoncés définitoires, des commentaires critiques de son emploi et enfin, des dynamiques argumentatives qui se dessinent le long des échanges. Notre approche théorique et méthodologique s’inscrit dans les études portant sur les débats lexico-sémantiques dans les discours médiatiques (Calabrese 2015, 2018) et sur la nomination en discours (Longhi 2015). Loin de répondre à un simple souci linguistique, dans ces contextes, la réflexivité métalinguistique et métadiscursive semble en effet permettre aux locuteurs de véhiculer des enjeux extralinguistiques variés ainsi que leur propre vision de la réalité sociale.