Informations générales
Événement : 88e Congrès de l'Acfas
Type : Colloque
Section : Section 100 - Sciences de la santé
Description :Que ce soit à des fins thérapeutiques, récréatives ou spirituelles, le Cannabis sativa (aussi nommé cannabis, marihuana ou marijuana) est cultivé depuis des millénaires dans le monde entier. Toutefois, l’image de cette plante médicinale a été durement touchée dans le début des années 1920 au Canada, alors qu’elle rejoint l’opium parmi les substances psychoactives illégales pour des usages non médicaux. Bien que son utilisation thérapeutique soit comprise dans les textes de loi, on devra attendre au début des années 2000 pour voir émerger un réel système d’accès au cannabis à des fins thérapeutiques. Depuis, des débats politiques et scientifiques de plus en plus médiatisés entourent la légalisation et les questions de sécurité des traitements à base de cannabis.
Depuis le 1er avril 2014, Santé Canada a adopté le Règlement sur la marihuana à des fins médicales (RMFM) pour permettre à tout médecin d’autoriser à un patient l’accès à une quantité précise de cannabis pour soulager ses symptômes. Depuis le 17 octobre 2018, le gouvernement du Canada a légalisé la production, la distribution, la vente et la possession de cannabis à des fins récréatives tout en conservant son utilisation médicale. Les médecins quant à eux font face à une situation complexe : d’un côté, ils doivent prodiguer des soins fondés sur des preuves cliniques qu’ils n’ont pas avec le cannabis et de l’autre, le RMFM permet de rendre le cannabis accessible pour leurs patients comme s’il s’agissait d’un médicament.
Les risques et les bienfaits de l’utilisation du cannabis thérapeutique sont beaucoup discutés dans la littérature scientifique, mais son utilisation en pratique clinique demeure controversée, a priori en raison du manque de données probantes sur son utilité clinique ainsi que du manque de formation des médecins à le prescrire. Le but de ce colloque est de présenter le cannabis sous tous ses angles avec une attention particulière sur son potentiel d’utilisation à des fins thérapeutiques.
Remerciements :Les organisateurs tiennent à remercier la Fondation de ma vie du CIUSSS-SLSJ, l'Institut de pharmacologie de Sherbrooke et le département de physiologie-pharmacologie de la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l'Université de Sherbrooke pour le soutien financier. Un merci spécial aux institutions hôtes du congrès de l'ACFAS 2021 pour avoir rendue possible la tenue de ce colloque.
Date :Format : Uniquement en ligne
Responsables :- Karine Tremblay (UdeS - Université de Sherbrooke)
- Ann-Lorie Gagnon (Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Saguenay-Lac-Saint-Jean)
- Louis Gendron (UdeS - Université de Sherbrooke)
- William Beauchesne (UdeS - Université de Sherbrooke)
Programme
L’odyssée du Cannabis sativa
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Communication orale
Le cannabis, son histoire, ses usages traditionnelsAlain Cuerrier (Jardin botanique de Montréal), Michel Rapinski (Université de Montréal et Université de Guyane française)
Lors de cette présentation, il sera question de la systématique, de l’histoire et des utilisations traditionnelles du cannabis. Connue pour produire des fibres, notamment au Québec, le cannabis possède également des graines comestibles, une huile recherchée et, avant tout, des propriétés hallucinogènes et médicinales qui ne cessent de faire controverse. Ses propriétés sont aussi variables que ses variétés, fruit d’une longue histoire de sélection et de croisement entre trois espèces originaires de l’Asie centrale : Cannabis sativa, C. indica et C. ruderalis. Ses utilisations remontent à plus de 10 000 ans et l’on trouve des traces de sa présence en Chine, Corée, Japon, Inde, Égypte, Afrique et ce, depuis fort longtemps. Également, là où la plante a été introduite et naturalisée (au Bhoutan, la plante est envahissante), elle a rapidement fait partie des compendia médicinaux, apparaissant même dans la pharmacopée états-unienne jusque dans les années 1930. Du simple sédatif, le cannabis a été utilisé comme anticonvulsif, antiparasitaire et bien d’autres. La dimension sédatif/analgésique n’est pas sans appelée d’autres usages par voie indirecte. C’est sans doute le cas pour l’aide à l’accouchement. Les travaux modernes ont tout avantage à s’appuyer sur les utilisations traditionnelles, d’apparence parfois contradictoire, tel le cas du traitement de l’anxiété, afin de cibler les voies d’études pharmacologiques à suivre.
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Communication orale
Les conséquences d’une séparation fictive entre deux catégories d’usagers de cannabis au Canada : l’usager médical et l’usager « récréatif »Line Beauchesne (Université d’Ottawa)
Dans cette présentation, nous nous interrogerons sur un aspect des débats qui ont eu cours lors de la légalisation du cannabis au Canada, soit la distinction entre les consommateurs autorisés de cannabis à des fins médicales et les consommateurs que plusieurs intervenants des débats ont qualifié d’usagers ‘récréatifs’ ou ‘non médicaux’. L’objectif est de comprendre comment la séparation des consommateurs de cannabis en deux catégories distinctes avant ces débats a influencé la manière de concevoir les problèmes à résoudre dans ce processus législatif (loi et réglementations fédérales, provinciales, territoriales et municipales) et les solutions proposées. Nous aborderons d’abord l’origine de cette division factice entre deux catégories de consommateurs, l’une dont les usages sont légitimes, l’autre dont les usages demeurent suspects, car l’accès au cannabis à des fins thérapeutiques s’est fait dans une période où les autres usages demeuraient prohibés. Par la suite, nous verrons comment cette distinction a d’une part rendu aveugle les intervenants de ces débats aux effets de l’industrie du cannabis sur le marché qui allait se développer et, d’autre part, comment elle a fait en sorte que l’objectif et les stratégies des politiques sur le tabac furent privilégiés à l’égard de ces consommateurs.
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Communication orale
Le cannabis, une plante avec des réserves importantes en molécules potentiellement thérapeutiques.Kamal Bouarab (UdeS - Université de Sherbrooke)
Les phytocannabinoïdes sont des molécules bioactives qui possèdent des propriétés très recherchées comme analgésiques, anti-inflammatoires, antioxydants, antidépresseurs, anxiolytiques, etc. Le cannabis est une plante médicinale qui contient une centaine de ces cannabinoïdes. Les trichomes glandulaires du cannabis sont des usines biologiques à cannabinoïdes et d’autres molécules comme les terpènes. Cependant, à part quelques molécules majoritaires, la voie de biosynthèse de la plupart de ces cannabinoïdes reste encore mal connue. La génération de nouvelles variétés de cannabis contenant des profils désirés en cannabinoïdes, dépendamment de l’effet thérapeutique recherché, passe par la détermination des acteurs importants dans leur voie de biosynthèse. Nous discuterons des stratégies utilisées dans notre laboratoire pour étudier cette voie de biosynthèse chez la plante de cannabis.
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Communication orale
Phytochimie du cannabis : tour d’un vaste horizonHubert Marceau (Laboratoire Phytochemia), Alexis St-Gelais (Laboratoire PhytoChemia)
L’espèce Cannabis sativa présente la particularité d’avoir, au cours du temps, fait l’objet d’une sélection horticole fortement influencée par son contenu en métabolites secondaires. Certains de ceux-ci sont largement connus y compris du grand public, classant l’espèce au rang de vedette iconique de la phytochimie. Cependant, outre le tétrahydrocannabinol (THC) et le cannabidiol (CBD), les connaissances sur l’arsenal moléculaire de l’espèce vont bien plus loin. Entre plus d’une centaine de cannabinoïdes, des douzaines et des douzaines de molécules volatiles (désignées collectivement bien qu’en partie improprement comme « terpènes ») et des composés moins connus comme les cannflavins et des substances azotées, le chanvre et le cannabis sont devenus de vastes champs d’exploration pour les phytochimistes. Attendu le passé clandestin du cannabis, beaucoup du vocabulaire associé à son extraction ou le raffinement de ces métabolites diffère toutefois des termes habituellement employés en phytochimie, et il importe de connaître certaines équivalences. Cette présentation vise donc à explorer sommairement la grande diversité métabolique de Cannabis sativa, afin de mettre en lumière la complexité et la variabilité phytochimique de cette plante fortement domestiquée, et de fournir quelques pistes lexicales à garder en tête pour bien comprendre le domaine.
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Communication orale
Pharmacodynamie et pharmacocinétique des constituants du cannabisMartin Audet (UdeS - Université de Sherbrooke)
La consommation de cannabis entraîne des effets secondaires toxiques qui limitent son usage clinique de première ligne. Le développement sécuritaire de l’usage thérapeutique du cannabis dépend de la compréhension du mécanisme d’action moléculaire de chacun de ses constituants et de leur distribution physiologique. Le cannabis contient plus de 100 lipides bioactifs tel que les phytocannabinoïdes et terpènes ciblant des récepteurs couplés aux protéines G et canaux ioniques impliqués dans plusieurs phénomènes physiologiques et pathophysiologiques tels que la neurotransmission, la pression oculaire, la douleur, le cancer, et la maladie de Parkinson. Les phytocannabinoïdes et terpènes sont métabolisés chez l’humain indiquant un grand potentiel d’interactions avec les médicaments. De plus, la pharmacocinétique de ces cannabinoïdes diffère selon les modes d’absorption et les métabolites ne sont que très peu caractérisées. Dans ce séminaire, nous présenterons les différentes cibles physiologiques et mécanismes moléculaires menant aux effets physiologiques des cannabinoïdes, ainsi qu’un survol des modes d’absorption et de la pharmacocinétique associée aux phytocannabinoïdes les plus connus comme le delta-9-tetrahydrocannabinol et le cannabidiol.
L’utilisation du cannabis à des fins médicales : où en sommes-nous?
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Communication orale
Indications thérapeutiques du cannabis en dehors de la douleur : mise à jourPierre Beaulieu (UdeM - Université de Montréal)
Le système cannabinoïde est un ensemble pharmacologique mieux connu aujourd’hui qui pourrait offrir par sa modulation des avenues thérapeutiques intéressantes dans le futur. Au niveau canadien, l’utilisation du cannabis médical a fait l’objet d’une première réglementation mise en place en juillet 2001 suivie de plusieurs autres, la dernière datant de 2016 et concerne le Règlement sur l’accès au cannabis à des fins médicales. Au niveau provincial, différents produits du cannabis sont proposés par les producteurs canadiens autorisés par Santé Canada, et leur nombre a récemment dépassé 500. Le cannabis médical « pharmaceutique » est disponible au Canada et peut être prescrit à des patients notamment le nabiximols et la nabilone. Néanmoins, le cannabis n’est pas encore considéré comme un médicament et ses indications thérapeutiques sont rares ; le cannabis n’est pas en première ligne de traitement. De plus, les effets indésirables sont fréquents et le patient doit être suivi régulièrement et les posologies adaptées en fonction de la tolérance. Des études cliniques sont encore nécessaires afin de préciser les indications thérapeutiques du cannabis dans de nombreux domaines cliniques autres que la douleur, cet aspect étant présenté dans une autre conférence, en particulier dans le domaine de la neurologie.
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Communication orale
Indications et limitations du cannabis médicalAline Boulanger (UdeM - Université de Montréal)
Au Canada, le cannabis est accessible pour les raisons médicales depuis 2001. Le grand intérêt envers le cannabis pour le traitement de la douleur chronique a été alimenté entre autres par la crise des opioïdes et le désir médical de leurs trouver une alternative, de même que par la recherche constante pour proposer de nouvelles approches de traitements. Malgré l’augmentation rapide de la consommation, les évidences concernant les conditions médicales qui peuvent bénéficier du cannabis demeurent minces. De plus, il y a malheureusement peu ou pas d’études solides qui nous guident pour les stratégies de dosage ou dans le choix des formulations disponibles. Enfin, le cannabis peut causer des effets secondaires, des interactions médicamenteuses et expose le patient à un risque de mauvaise utilisation et de dépendance. Devant le manque de preuves solides et l’absence de lignes directrices appropriées, on peut comprendre que le médecin est souvent réticent à le prescrire. Dans le cadre de cette présentation, nous allons revoir dans un premier temps les formulations pharmaceutiques approuvées de même que les produits du cannabis disponibles sur le marché, et par la suite nous verrons les conditions médicales engendrant de la douleur pour lesquelles le cannabis peut être une option de traitement valable et dans quels cas il est préférable de s’abstenir.
Dîner libre
Les effets négatifs de l’utilisation du cannabis
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Communication orale
Le cannabis légal : opportunité de mieux comprendre les risques? Le rôle de la pharmacovigilanceMark Ware (Canopy Growth Corporation)
L'existence d'un régime légal de cannabis médical (et plus récemment non-médical) au Canada a permis à des centaines de milliers de Canadiens d'accéder aux produits du cannabis réglementés depuis plusieurs années. L'une des principales préoccupations des patients, des professionnels de la santé et des décideurs est la sécurité du cannabis lorsqu'il est utilisé à des fins médicales. La pharmacovigilance est l'étude des effets indésirables des produits de santé et est une exigence pour les producteurs de cannabis autorisés. Cette présentation mettra en évidence certaines caractéristiques et défis uniques de la pharmacovigilance du cannabis, ainsi que les leçons apprises, et examinera comment ce domaine d'étude peut contribuer à une meilleure compréhension des risques de la consommation de cannabis médical.
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Communication orale
Effets délétères du cannabis sur le cerveauLouis Richer (UQAC - Université du Québec à Chicoutimi)
Le cannabis est une substance sédative-hypnotique-euphorisante dont la consommation peut avoir des effets délétères sur le
cerveau. Il peut affecter son développement et son fonctionnement avec des conséquences sur la santé mentale et cognitive.
Plusieurs facteurs de risques de développer des troubles de santé mentale sont à considérer dont l’âge de la première expérience, le sexe du consommateur, l’épaisseur corticale, les troubles de santé mentale préexistants. Les fonctions cognitives comme l’attention, la mémoire, la planification, la résolution de problème et le jugement sont aussi affectées. L’utilisation à long terme mène au syndrome amotivationnel. Les doses psychotoxiques induisent la paranoïa, des hallucinations, la confusion, la désorientation et la dépersonnalisation. La combinaison de substances consommées est à proscrire. Le mélange de dépresseurs et de stimulants qui agissent simultanément sur des neurotransmetteurs différents peut avoir des conséquences surprenantes. Sa consommation régulière ou importante durant la grossesse peut mener à des retards de développement, des troubles de comportement et à un potentiel de déficience intellectuelle chez l’enfant. Les enfants et les adolescents nés de ces mères ont davantage de risque de présenter de l’hyperactivité, de l’impulsivité et de l’inattention engendrant des problèmes scolaires et une réduction des capacités d’abstraction et de raisonnement. -
Communication orale
Effets pulmonaires des produits de cannabis fumés et vapotésMathieu Morissette (Université Laval)
Les produits du cannabis sont principalement consommés par l'inhalation de produits de combustion, soit la fumée. Ce mode de consommation expose l’utilisateur aux effets néfastes de l’inhalation de de fumée d’origine organique comme le fait la cigarette de tabac par exemple. Depuis plus récemment, certains dérivés du cannabis peuvent également être vapotés; habitude dont les effets secondaires sont mal connus. L’objectif principal de cette présentation sera de mettre en avant plan les effets que les modes de consommation des produits du cannabis peuvent avoir sur la santé, avec un emphase sur la santé pulmonaire.
Perspectives d’avenir
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Communication orale
Cannabis, santé mentale et toxicomanie: opportunités et défis dans la conduite d'essais cliniquesDidier Jutras-Aswad (CRCHUM)
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Communication orale
Le cannabis à l'ère de la médecine de précisionKarine Tremblay (UdeS - Université de Sherbrooke)
La récente légalisation du cannabis ouvre maintenant la voie à l’utilisation à plus grande échelle de cette plante médicinale pour des fins médicales. Toutefois, les mécanismes régulant la réponse au cannabis ne sont pas tous élucidés et une très grande variabilité interindividuelle est observée, rendant imprévisible la réponse de chaque individu initiant un traitement au cannabis. Ce caractère imprédictible des effets bénéfiques ou indésirables du cannabis utilisé à des fins médicales complique son utilisation et son optimisation thérapeutique. Parmi les facteurs influençant cette réponse variable, on retrouve les variants pharmacogénétiques (PGx). La PGx est un champ de recherche émergent aux nombreuses applications possibles, dont la prédiction de l’efficacité ou de la survenue des effets indésirables en vue d’optimiser les traitements pharmacologiques. Son but ultime est de personnaliser les traitements en fonction du profil génétique de chacun (concept de médecine de précision). Certains variants PGx associés à la réponse aux cannabis utilisés à des fins médicales sont documentés et deviendront éventuellement des marqueurs potentiels pour le développement de tests PGx utilisables pour personnaliser le traitement. Ainsi, la PGx représente une perspective de recherche novatrice et prometteuse pour comprendre cette variabilité de la réponse au cannabis ainsi que pour développer de nouveaux outils cliniques qui aideront à optimiser la prescription du cannabis.