105 - Le cannabis médical contre la douleur chronique : derrière l’écran de fumée

La douleur chronique (DC), incluant la douleur musculosquelettique, est fréquente et conduit à une réduction de la qualité de vie et de la fonction physique. Les options pharmacologiques contre la DC visent à gérer la douleur avec, entre autres, des gabapentinoïdes ou des opioïdes, qui sont souvent associés à des effets indésirables majeurs. Le cannabis à des fins médicales (“cannabis médical”, CM) a historiquement servi au traitement de la douleur. Actuellement plusieurs patients souffrant de DC et leurs médecins explorent cette option thérapeutique.

Dans notre revue de portée sur les perceptions, et caractéristiques des patients qui ont consommé du CM pour soulager la DC, ainsi que sur leur profils de consommation et les effets perçus; la majorité des participants aux études sélectionnées ont rapporté une réduction de la DC, des effets indésirables mineurs et une amélioration de leur bien-être psychologique. Quoique plusieurs études incluses soient encore exploratoires, du point de vue des utilisateurs, le CM semble produire plus d’avantages que d’inconvénients.

Également, seront présentés les résultats préliminaires d’une étude qualitative et d’une enquête, sur les perceptions et les attitudes des patients atteints de DC et des médecins traitant ces patients, et ayant eu recours ou non au CM, par rapport à son usage ou sa prescription. Finalement, un patient partenaire nous partagera son expérience et ses remarques quant à l’usage de cannabis médical pour soulager la DC.  

La consommation d'opioïdes prescrits ou non prescrits au Canada a atteint des proportions épidémiques et ce que l'on appelle maintenant «la crise des opioïdes» est devenu un problème national de santé publique. La prévalence de la consommation d'opioïdes sur ordonnance est estimée à une personne sur six (2015) faisant du Canada le deuxième plus grand consommateur d'opioïdes sur ordonnance au monde. Cette forte utilisation d'opioïdes a augmenté les risques d’intoxication et de décès liés aux opioïdes. Par conséquent, une réduction de la consommation d'opioïdes est une priorité. Une solution prometteuse à la surconsommation des opioïdes est l'utilisation de médicaments permettant de réduire les doses d'opioïdes sans réduire leur efficacité analgésique. Le cannabis et les cannabinoïdes, de par leur capacité à interagir de façon synergique avec les opioïdes au niveau biologique, réduisant ainsi les doses efficaces d’opioïdes, apparaissent comme une possible solution à la crise des opioïdes. La présentation fera un état des lieux des évidences qui supportent l’efficacité du cannabis pour l’indication susmentionnée. Plus particulièrement, les évidences issues des études précliniques qui supportent l’existence d’une synergie entre cannabinoïdes et opioïdes, des études cliniques, et de la perspective de patients en quête de cannabis pour des soins seront discutées.

Les cliniciens sont très mal outillés pour prescrire du cannabis; ils ne disposent que de peu de résultats issus d’essais cliniques randomisés. On trouve l’essentiel des connaissances actuelles dans le rapport des National Academies of Sciences, Engineering and Medecine (2017). Or, les auteurs de cette revue montrent que bon nombre des indications actuelles pour usage thérapeutique du cannabis sont appuyées par de faibles preuves. Devant la demande des patients, les cliniciens se basent le plus souvent sur leur expérience clinique, sur des résultats anecdotiques, sur l’influence de leurs pairs et, le cas échéant, leur association avec des experts rattachés aux dispensaires dont la formation n’est pas toujours assurée. Une méta-analyse récente conclut à la possibilité que les méfaits associés à l’usage du cannabis médicinal dépassent les bénéfices que peuvent en tirer les patients (Pratt et coll. 2019). Cet état de choses place les cliniciens devant des dilemmes éthiques quand vient le temps d’aider leurs patients à prendre une décision éclairée. Ainsi, cette présentation, traitera de la question du cannabis médical par le prisme de la santé publique et identifiera quelques barrières qui ont restreintes la recherche. Elle abordera le phénomène historique de diabolisation de la substance, les barrières qui en ont limité l’étude, la complexité de la substance et de ses effets sur la santé. Enfin, elle examinera le rôle que peut jouer la santé publique dans son encadrement.

Les fondements et objectifs de l'existence du Registre cannabis Québec sont de recueillir et conserver les données sur les indications, bienfaits et effets indésirables des produits consommés; stimuler la recherche et l’acquisition de connaissances sur le cannabis médical; et, encourager et soutenir la réalisation d’un programme de pharmacovigilance. La collecte de données, qui s'est opérée de mai 2015 à mai 2019 étaient prospective et comportait les éléments suivants : formulaire standardisé de rapport de cas; visite de suivi aux 3 mois pour 24 mois. Les principaux diagnostics pour lesquels les produits de cannabis médical ont été recommandés et consommés sont : douleur chronique, trouble de l’humeur, oncologie, désordre neurologique. Une amélioration de toutes les issues principales a été notée à 3 mois (p’s < 0.01). Les résultats observés sont également favorables à 3 et 6 mois quant aux valeurs d’intensité de la douleur, d’interférence et de qualité de vie. Des 2991 participants, 110 (3.68 %) ont rapporté des EI : 26 cas graves, 8 d’entre eux certainement ou probablement reliés à la consommation de cannabis médical, et 204 cas jugés non sérieux. En somme, ce projet à permis d’observer l’efficacité et la sécurité d’usage des produits licenciés. L’emploi encadré et sous la supervision d’une équipe médicale a permis de remarquer un bienfait sur la douleur, le bien-être et la qualité de vie pour une variété de conditions médicales.