Le processus d’exclusion sociale aboutit souvent à la prise en charge, par différents dispositifs de régulation étatique, d’individus considérés comme étant vulnérables ou marginaux. C’est également l’État qui, par ce même processus, se réserve le droit de déterminer qui devrait être aidé. À cette fin, en contexte de vulnérabilité et de marginalité, les agent-e-s thérapeutiques ou judiciaires en pouvoir sont appelé-e-s à mettre en application des lois d’exception, le droit étant ici utilisé comme instrument de régulation des rapports et des problèmes sociaux. Toutefois, d’importants écarts entre la loi et son application ont été montrés du doigt. Ces écarts suscitent la remise en en question de la construction et de la légitimation d’interventions contrôlantes agissant sur des comportements considérés indésirables.
Les concepts de vulnérabilité, de protection, de risque et de dangerosité possèdent une signification qui se décline à la fois sur le plan clinique et sur le plan juridique. Ces concepts sont non seulement au cœur de l’application des lois ciblant la vulnérabilité et la marginalité, mais ils gouvernent aussi la construction des interventions d’agent-e-s cliniques, juridiques et politiques qui agissent auprès des personnes vivant dans la marge. Le recours à ces notions polysémiques par différents agent-e-s conduit à l’adoption de pratiques variées, voire contradictoires. Ainsi différents modes de signification participent à l’hétérogénéité du dispositif clinicojuridique et à la création d’un langage hybride dont les effets sur les droits des personnes sont contestés.
Ce colloque constitue l’occasion de prendre un temps d’arrêt pour échanger des points de vue sur ces espaces de prises en charge de la marge, et aussi sur des espaces de considération d’autres significations et interprétations de la loi et son application. Une telle démarche réflexive est nécessaire afin de discuter de la cohabitation des valeurs libérales de la loi (référant à la constitution du sujet individuel) et de différentes situations de vulnérabilité. De telles discussions favoriseront une réflexion quant aux interactions entre le social et le judiciaire ainsi que l’identification d’espaces de dialogue, de coconstruction et d’innovation des pratiques. En proposant de rendre compte des multiples angles d’analyse liés à la gouvernance de la marge, ce colloque cherchera à répondre à l’impératif suivant : qu’est-ce que les espaces marginaux, où sont confinées les personnes dites « vulnérables », peuvent nous apprendre sur les limites de la loi et sur le dispositif contemporain de prise en charge de la vulnérabilité?
Remerciements
Ce colloque, organisé par le Laboratoire pour la recherche critique en droit (LRCD) (http://www.lrcd-clrl.org/), vise à favoriser la création d’espaces de dialogue et de recherche orientés vers les approches critiques du droit. Les organisateur-ice-s tiennent à remercier l'ensemble des contributeur-ice-s aux activités du LRCD qui, par leur implication, contribuent à son dynamisme.