Les littératures donnent à lire des processus de transport, d’échanges mais aussi d’offrandes et de dons très particuliers. Ce qui se présente comme une communication différée à destination aléatoire (Viala) pose des questions fondamentales : la lecture participe-t-elle toujours d’une circularité qui complète l’écriture et lui est nécessaire? Que penser des destinataires absents, des cibles manquées ou des parades intéressées? Le régime littéraire forcerait alors à composer avec un double don : celui de la littérature elle-même – essentiel, surplombant et général – et celui de quelques-uns de ses textes, nommément donnés et destinés, qui affichent leurs donataires par des mentions plus ou moins discrètes.
Or, parmi toutes les littératures nationales qui composent la Weltliteratur (Goethe), il en est peu qui présentent des échanges plus complexes que ceux qui opposent les productions de l’Ancien et du Nouveau Monde. Ce sont ces échanges particuliers entre l’Amérique et l’Europe qui nous intéresseront ici : offres et offrandes, dons et réclamations, envois et dédicaces, par-delà un océan qui unit au moins autant qu’il différencie. Ces adresses sont certes mues par des intérêts extralittéraires, mais ils nous disent peut-être également, en sous-main, ce qui fait le propre même de la littérature : un geste qui implique des surdités et des malentendus, des contingences et des libertés, des pouvoirs et des soumissions suffisamment riches et complexes pour donner à penser.
Ce colloque vise une réflexion plus large sur l’américanité de la littérature française moderne où les rapports entre l’Amérique et l’Europe sont circonscrits moins dans l’histoire littéraire longitudinale et coloniale que le fait d’affinités et de relais entre les écrivains et les oeuvres. Les thématiques abordées, autour de l’adresse et des différentes formes de dons, permettent une vue dégagée des enjeux territoriaux et misent davantage sur les relations (Glissant) et le mouvement.